© 2006 Jan Herca (license Creative Commons Attribution-ShareAlike 4.0)
Hérode Antipas était le fils d’Hérode Ier et d’une femme samaritaine nommée Maltace, l’une des nombreuses femmes qu’Hérode Ier avait. Dès son plus jeune âge, il a dû vivre dans un environnement chargé d’hostilité entre son père et ses demi-frères, qui se heurtaient souvent à son père en raison de leur méfiance, parfois fondée. Antipas et son frère Archélaüs semblent tous deux s’être tenus à l’écart de ces conflits domestiques, peut-être parce qu’ils considéraient que leurs demi-frères aînés avaient un plus grand droit à la succession de leur père.
Le père, Hérode Ier, mourut en mars 4 av. J.-C., peu après une éclipse lunaire survenue le 13 mars. Toute la ville, déjà au courant de l’état grave du monarque dû à la maladie, attendait la nouvelle avec anxiété.
Hérode transformait la fin de son règne en une épreuve pour le peuple. Incapable de résoudre ses problèmes domestiques, il finit par exécuter trois de ses fils, Alexandre et Aristobule en 7 av. J.-C., fils de sa seconde épouse, Mariamme, et Antipater en 4 av. J.-C., cinq jours avant sa mort, fils unique de sa première épouse, Doris. Cela a également ouvert la voie aux enfants encore en vie pour qu’ils aient davantage d’options de succession. Hérode avait déjà annoncé dans un second testament son intention de laisser le trône à son fils Antipas, mais à sa déception et à la surprise de son frère Archélaüs, son père avait fait un troisième testament, modifiant son testament quelques jours avant sa mort, et léguant son royaume à Archélaüs.
Il nomma Archélaüs, son fils aîné, roi de tout son royaume. Mais il donna aussi le titre de tétrarque de Galilée et de Pérée à Antipas, et le titre de tétrarque des terres à l’est et au nord-est de la Galilée à Hérode Philippe, demi-frère d’Antipas et d’Archélaüs issu de l’union de son père avec Cléopâtre de Jérusalem, une autre femme.
Comme Hérode était mort peu avant la Pâque de l’an 4 avant J.-C., la foule rassemblée pour la fête, en apprenant la nouvelle, provoqua de nombreuses émeutes et troubles. Ils demandèrent justice pour deux pharisiens qu’Hérode Ier avait fait exécuter à l’instigation de certains de ses conseillers.
Archélaüs envoya un détachement de soldats au temple, mais loin de mettre fin aux manifestations, beaucoup de ses soldats moururent et durent battre en retraite. Devant cette situation, il rassembla toutes ses troupes et, provoquant un terrible massacre, acheva les insurgés.
Archélaüs, cherchant une confirmation rapide dans sa position par l’empereur Auguste, laissa son frère aîné Philippe comme administrateur du royaume, et se rendit à Rome. Antipas fit de même, se rendant à Rome pour revendiquer le trône, compte tenu des faibles compétences de gestion de son frère. À Rome vivaient en outre de nombreux membres de la famille hérodienne qui, en apprenant la nouvelle de la succession d’Hérode, s’opposèrent à la nomination d’Archélaüs et demandèrent à l’empereur d’accepter le royaume sous son autorité directe.
Pendant plusieurs jours, Antipas et Archélaüs conspirèrent ensemble à Rome pour faire pencher la balance en faveur d’Auguste. L’empereur convoqua un conseil dans son palais pour entendre les justifications de chaque partie. Pour défendre Antipas, prit la parole un certain Antipater, probablement un ami proche du tétrarque, et pour défendre Archélaüs, prit la parole Nicolas de Damas, un homme sage et d’une grande érudition qui avait auparavant travaillé pour son père. Chacun tenta de gagner la confiance de l’empereur, à la fois en vantant ses vertus et en soulignant les défauts de son adversaire. Finalement, Auguste se décida pour Archélaüs, bien qu’il ne prit pas sa décision immédiatement et que le conseil fut d’abord dissous sans décision.
Cependant, quelques jours plus tard, il pencha en faveur d’Archélaüs, le considérant plus digne d’occuper le trône.
Alors qu’Auguste prenait sa décision, une véritable rébellion éclatait en Judée. Après la mort d’Hérode, et alors qu’Archélaüs était en route pour Rome, une nouvelle révolte éclata. A cette occasion, le gouverneur de Syrie, Varus, décide de se rendre avec ses troupes à Jérusalem pour rétablir l’ordre. Une fois la mutinerie réprimée, laissant un détachement, il retourna à Antioche.
Tandis qu’Auguste prenait une décision sur son successeur, il envoya Sabinus à Jérusalem comme procurateur temporaire. Mais cet homme opprimait tellement le peuple et se comportait d’une manière si arbitraire que Varus l’avait à peine quitté avec ses troupes qu’une autre rébellion éclata. C’était la fête des Semaines (Pentecôte) en l’an 4 avant J.-C. et il y avait une grande foule de pèlerins à Jérusalem. Le peuple se divisa en plusieurs groupes et attaqua les Romains sur plusieurs fronts : au nord du temple, au sud près de l’hippodrome et à l’ouest de la ville, près du palais royal. La bataille la plus féroce a eu lieu à proximité du temple. Les soldats romains réussirent à repousser les Juifs vers les cours du temple, mais là, ils s’engagèrent dans un combat acharné, grimpant sur les toits des bâtiments voisins et jetant des pierres sur l’infanterie, qui fut obligée de recourir au feu ; Ils mirent le feu à plusieurs bâtiments et conquirent ainsi finalement la colline sur laquelle se trouvait le temple. Le trésor du sanctuaire tomba entre ses mains comme butin et Sabinus lui-même s’empara de 400 talents, une fortune.
Mais les Juifs revinrent à la charge. Ils réussirent à enrôler quelques soldats de la garde hérodienne dans leur cause, relançant leur attaque et réussissant cette fois à mettre Sabinus et son détachement en difficulté, jusqu’à ce qu’ils les encerclent dans le palais royal.
Pendant ce temps, dans les environs de Sepphoris en Galilée, un homme nommé Judas, fils d’Ézéchias, qu’Hérode avait humilié quelque temps auparavant, organisa un groupe autour de lui, s’empara de l’arsenal royal, distribua les armes à ses partisans et transforma la Galilée en un véritable champ de bataille, aspirant même au titre royal.
Pendant que ces troubles se poursuivaient, il faut se rappeler, comme nous le dit LU 123:0.6, que Jésus était encore à Alexandrie, en Égypte. Ces événements en Galilée ont eu lieu vers mai-juin 4 avant J.-C., alors qu’on nous dit que Joseph, Marie et l’enfant sont retournés à Nazareth en octobre de cette année-là. Il est évident que Joseph, par bonne prudence, ne retourna à Nazareth que lorsque tout se fut calmé.
En Pérée, un ancien esclave d’Hérode Ier, nommé Simon, dirigea une bande et se fit également proclamer roi, mais il fut bientôt vaincu par les Romains et exécuté.
Enfin, Josèphe nous parle d’un berger nommé Atronges qui prit également la couronne royale et, avec ses quatre frères, entreprit des raids à travers le pays.
Comme on peut le constater, ces deux derniers mois furent véritablement turbulents, où l’absence d’un roi clair a nourri des illusions de grandeur chez beaucoup, en particulier parmi les gens du commun, désireux de se libérer de la monarchie hérodienne détestée.
Devant la situation, le gouverneur Varus revint en hâte d’Antioche, avec ses deux légions restantes, pour tenter de rétablir l’ordre. Déjà en chemin, il fut rejoint par des troupes nabatéennes envoyées par son ami roi Arétas et par d’autres rois vassaux des royaumes voisins qui n’avaient pas beaucoup d’estime pour les Juifs et voulaient s’attirer les faveurs de Rome.
La ville de Sepphoris, où Judas le rebelle avait établi son quartier général, fut incendiée, complètement détruite, et ses habitants, considérés comme des traîtres, tous vendus comme esclaves. De là Varus continua vers Samarie, à laquelle il pardonna de n’avoir pas pris part à la révolte, et de là il continua vers Jérusalem, où la légion qui était stationnée et commandée par Sabinus était acculée dans le palais royal.
Varo n’a eu à réprimer aucune résistance. Dès que les Juifs virent arriver les deux légions avec toutes leurs machines et leurs troupes, leur moral s’effondra et ils s’enfuirent, effrayés. Varus prit bientôt le contrôle de la situation à Jérusalem. Une fois la ville calmée, Sabinus, dès qu’il en eut l’occasion, dit au revoir à Varus, mettant en sécurité sa fortune volée, et marcha vers Rome.
Varo, ne voulant pas laisser de traces cette fois-ci, procéda à une inspection minutieuse de toute la campagne et des villes où l’on soupçonnait que des insurgés pouvaient encore être abrités. En guise d’avertissement au peuple, il fit crucifier deux mille Juifs, mais il pardonna aux autres, désireux de mettre fin à la situation sans autres représailles. Il retourna ensuite à Antioche.
En dehors de ces terribles événements en Judée, les prétendants au trône continuaient à se disputer à Rome, attendant la décision impériale. À cette époque, une ambassade juive se présenta même devant Auguste, lui demandant de ne pas donner finalement l’autorité à aucun des Hérodiens, mais qu’un Romain prenne en charge la région qui leur permettrait, bien sûr, de continuer à vivre sous ses lois. Pour couronner le tout, le dernier des frères du testament, Philippe, arriva à Rome à cette époque pour faire valoir également ses droits.
Français Il est curieux mais remarquable de constater que ces faits s’accordent très bien avec la parabole des talents que Jésus a racontée quelque temps plus tard, comme si sa parabole était inspirée de ces faits historiques : « Un noble (Archélaüs) s’en alla dans un pays lointain (Rome) pour recevoir un royaume (la Judée) et revint ensuite, mais ses sujets le haïssaient et envoyèrent une ambassade après lui en disant : « Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous » »(Lc 19:12-27 et Mt 25:14-30). Le Livre d’Urantia approfondit ce sujet avec des explications très éclairantes (LU 171:8, « La Parabole des Mines »).
Auguste, après avoir écouté toutes les parties et après beaucoup de réflexion, les rassembla dans le temple d’Apollon et prit finalement sa décision, qui confirmait fondamentalement la volonté du défunt Hérode. Archélaüs régnerait sur la Judée, la Samarie et l’Idumée, mais les villes de Gaza, Gadara et Hippos seraient transférées sous la juridiction de la Syrie, et Archélaüs ne porterait pas le titre de roi mais le titre moindre d’ethnarque. Antipas reçut la Galilée et la Pérée (un territoire divisé en deux par le coin de la Décapole) avec le titre de tétrarque, et Philippe reçut la Batanée, la Trachonitide et l’Auranitide. Comme obligations, Auguste imposa un revenu annuel de 600 talents à Archélaüs, 200 à Antipas et 100 à Philippe. La sœur d’Hérode le Grand, Salomé, qui apparaît également dans le testament, reçoit sa part, à savoir les villes de Yamnia, Azotus et Phaselis, plus 500 000 pièces d’argent et le palais d’Ashkelon.
À son retour, tandis que son frère Archélaüs était parti seul, Antipas essaya astucieusement de ne pas provoquer trop de troubles parmi ses sujets juifs. Il se consacra à la reconstruction de Sepphoris, détruite par le feu des soldats de Varus, et l’entoura de solides murs. Ceci explique pourquoi Le Livre d’Urantia place Joseph et Jésus comme ouvriers à Sepphoris. Joseph est mort précisément dans un accident industriel à Sepphoris alors qu’il travaillait à la construction de la résidence d’Antipas le mardi 25 septembre 8 après J.-C., alors que Jésus avait 14 ans (LU 126:2). La réclamation de l’argent dû à son père au moment de sa mort a amené Jésus à faire l’expérience directe de l’usure d’Hérode (LU 126:5.7) en 9 après J.-C., ce qui l’a poussé à partir alors qu’il travaillait pendant un certain temps à Sepphoris alors que son équipe était chargée de travailler sur un bâtiment public (LU 128:2.6) en 16 après J.-C.
Pour défendre la Pérée, Antipas fortifia Betaranta, une ville où un palais d’Hérode Ier avait été détruit lors de la révolte de 4 av. J.-C., et lui donna le nom de Livias en l’honneur de l’épouse de l’empereur et plus tard de Julias lorsque l’épouse d’Auguste fut admise dans la famille Julia. De plus, pour s’attirer les bonnes grâces des Nabatéens, avec lesquels il partageait sa frontière, il accepta d’épouser la fille du roi Arétas. Il a peut-être été dissuadé par Auguste lui-même de célébrer ce mariage. Mais cette union n’était pas due à l’amour, et cela a causé des problèmes à Antipas plus tard.
Pour afficher pleinement son ambition architecturale, dans le style de son père, Antipas conçut une splendide nouvelle capitale pour son royaume, Tibériade, du nom du nouvel empereur Tibère. Il a choisi un emplacement enviable, sur la rive ouest de la mer de Galilée, à côté des plages d’Amatus (Hammat). Mais le choix du site ne rencontra pas l’approbation des Juifs. Apparemment, plusieurs monuments funéraires ont été découverts lors des travaux de déblayage. C’était un vieux cimetière. C’était une pierre d’achoppement pour les Juifs, car le contact avec les lieux des morts les rendait impurs pour les célébrations rituelles.
Mais Hérode ne voulait pas choisir un autre lieu. Il était tombé amoureux de l’élue, alors il a travaillé dur pour faire venir toutes sortes d’étrangers et d’opportunistes. Finalement, les Juifs les moins pratiquants ont peut-être commencé à céder, car la ville est finalement devenue une ville juive typique. Il a gaspillé tous ses revenus dans la construction de la ville. Il construisit un stade, un palais royal (ce dernier apparemment offensant pour les Juifs en raison de ses images d’animaux, selon Josèphe) et un très grand proseuché ou synagogue juive. Quant aux bâtiments administratifs, ils suivaient les coutumes hellénistiques, avec une boulé de 600 membres, avec un archonte et un conseil de décha protoi, ainsi que des hipparques et un agoranomos. La ville a été fondée vers 17-20 après J.-C. et était en construction pendant le reste de la vie de Jésus.
Durant la préfecture de Pilate (26-36 après J.-C.), Hérode joua astucieusement le jeu de l’amitié et de l’inimitié avec Ponce. C’est probablement au cours de la période 27-29 après J.-C. que Pilate fit entrer ses troupes à Jérusalem avec les insignes de l’armée, provoquant un conflit avec les autorités de Jérusalem qui se termina par la défaite humiliante de Ponce au stade de Césarée. Il est probable qu’Antipas envoya des ambassadeurs pour discuter de cette question avec Ponce. Après cet incident, Ponce fit placer les boucliers impériaux dans le palais d’Hérode à Jérusalem, provoquant des troubles parmi les Juifs. Lorsque le conflit s’est intensifié, Antipas et son demi-frère Philippe ont marqué un point auprès du peuple en menant, avec deux autres demi-frères, une procession vers l’empereur pour protester contre l’action de Pilate (comme le raconte Philon). Lorsque Tibère, indigné contre Pilate, ordonna finalement que les boucliers soient retirés et transportés à Césarée Maritime, l’événement fut considéré comme un triomphe pour les Juifs et les tétrarques. Ce fait peut éventuellement expliquer l’inimitié initiale entre Pilate et Antipas (Luc 23:12). Schürer est d’un avis différent, indiquant que cet événement n’aurait pas pu se produire avant 31 après J.-C., c’est-à-dire lorsque Jésus était déjà mort.
Bien qu’Antipas ne croie pas à la religion juive, il était très superstitieux et il essayait, suivant l’exemple de son père, de ne pas trop irriter ses sujets. En ce sens, il essaya de se comporter extérieurement comme un Juif pieux, se rendant à Jérusalem pendant les fêtes de la Pâque (Luc 23:7), où il séjournait dans l’ancien palais royal de son père, que les Romains n’occupaient pas habituellement. Ces dernières conclusions sont une supposition Le Livre d’Urantia (LU 185:4), car il n’existe aucune donnée historique permettant de confirmer quelle était sa résidence habituelle dans la ville.
Avant de faire une visite à Rome (l’ambassade pour protester auprès de Tibère ? ou une autre ?), on ne sait pas exactement quand, il rendit visite à son demi-frère Hérode, fils de Mariamme, la célèbre épouse d’Hérode, fille d’un grand prêtre, et qui fut le successeur éventuel d’Hérode Ier dans son premier testament. Dans son manoir, il rencontre Hérodiade, fille d’Aristobule, le fils rebelle exécuté par Hérode Ier en 7 av. J.-C., et est captivé par sa beauté. Son demi-frère et Hérodiade devaient être mariés depuis un certain temps, car ils avaient déjà une jeune fille, Salomé (probablement née vers 10 après J.-C.).
Hérodiade était une femme ambitieuse dont les rêves de grandeur avaient été anéantis lorsque Hérode avait modifié son testament au détriment de son mari. C’est pourquoi, lorsqu’elle découvrit qu’Antipas était tombé follement amoureux d’elle, elle n’hésita pas à accepter son projet de mariage à son retour de Rome.
Pendant qu’Antipas était en voyage, sa femme, la Nabatéenne, avait appris toutes ces agissements du tétrarque. À son retour, sous prétexte de rendre visite à Machaerus, elle lui demanda de la laisser aller à la forteresse. Antipas était d’accord. Mais à peine arrivée, elle s’enfuit à Pétra, dans la maison de son père, à qui elle fit connaître les machinations tortueuses de son mari. Dès lors, le roi nabatéen Arétas se fâcha contre Antipas, attendant une occasion de venger l’insulte faite à sa fille.
Deux faits qui marquent son règne et l’histoire qui nous intéresse sont la relation d’Antipas avec Jean-Baptiste et avec Jésus. Jean commence sa prédication en 25 après J.-C. (selon Le Livre d’Urantia, LU 135:6.1). Au cours de l’été 26 après J.-C., en raison des critiques de plus en plus acerbes du Baptiste à l’égard d’Antipas, en particulier de son mariage pécheur avec Hérodiade, il fut arrêté et emprisonné à Machaerus (comme seul Josephus nous le dit, pas les évangélistes). Le jour de l’anniversaire d’Antipas, le 10 janvier 28 après J.-C., Jean est exécuté par le tétrarque. Apparemment, au milieu de la fête et ivre de vin, le souverain est si satisfait d’une danse de sa belle-fille Salomé (fille d’Hérodiade et de son ancien mari Hérode), qu’il lui accorde un souhait, celui qu’elle désire. Hérodiade profite de l’occasion pour manipuler sa fille et demander la décapitation du prophète.
Antipas regretta beaucoup sa concession mais n’eut pas la force de reculer et regretta sa décision pendant le reste des années suivantes, à tel point que lorsque Jésus entra en scène dans toute sa splendeur après la mort de Jean, Antipas, très superstitieux, en vint à croire qu’il pourrait être une réincarnation du Baptiste (Mt 14:1; Mc 6:14; Lc 9:7-9). Antipas tente de rencontrer Jésus (Luc 9:9), mais il semble que son intention était plutôt de l’arrêter (Luc 13:31). Finalement, lorsque Jésus est arrêté à Jérusalem pendant la Pâque, Antipas, qui était également présent comme d’habitude, parvient à le rencontrer. Pilate, par courtoisie, le renvoie pour être jugé, mais Antipas ne veut pas être le bourreau d’un autre prophète de bonne humeur, et après avoir ridiculisé Jésus, le renvoie à Pilate. À partir de ce jour, Antipas et Pilate semblent être devenus amis et avoir oublié l’incident des boucliers et la rivalité pour gagner la faveur de Tibère.
Nous connaissons par Josèphe d’autres événements qui ont eu lieu juste avant la mort de l’empereur Tibère le 16 mars 37 après J.-C. La chronologie de ces événements n’est cependant pas claire, et ce qui est proposé ici est une possibilité basée sur la documentation disponible.
Vers 35 ou 36 après J.-C., le roi parthe Artaban mena des négociations répétées avec les Romains. Le représentant de Rome était Vitellius, gouverneur de Syrie. Antipas semble également avoir été présent à ces négociations. Les choses semblaient aller bien lorsque les menaces de Vitellius et l’abandon des sujets d’Artaban le forcèrent à fuir vers des provinces plus éloignées. Vitellius, profitant de cette situation, se rendit à l’été 36 après J.-C. sur l’Euphrate avec Tiridate, un prétendant au trône parthe favorable aux Romains, et l’installa comme souverain.
Il semble que durant cet été de 36 après J.-C., profitant sûrement du fait qu’Antipas se trouvait sur l’Euphrate pour soutenir les négociations de Vitellius, le roi Arétas attaqua la Pérée, soi-disant à cause d’un conflit territorial sur une zone frontalière appelée Gabalis. La réalité est que le roi nabatéen attendait une occasion de se racheter de l’outrage d’Antipas envers sa fille.
Antipas a dû recevoir la déclaration de guerre sur l’Euphrate, et il n’a pas hésité à envoyer des ordres pour repousser l’attaque, mais il a subi une défaite complète. Le roi Aretas, satisfait, prend possession de la petite zone de conflit et se retire à nouveau. Son honneur a été satisfait. Antipas, en recevant la nouvelle de la défaite, supplie Vitellius de l’aider en envoyant ses troupes contre Aretas, mais la mission de Vitellius est différente et dit à Antipas qu’il devra demander à l’empereur la permission de le retirer de sa mission actuelle. Antipas envoie des messagers à Rome pour rapporter les actions d’Aretas. Tandis que le message parvenait à Rome, à la fin de l’année 36 après J.-C., Artaban retourna dans sa région, força Tiridate à fuir et reprit le pouvoir. Vitellius et Antipas repartent, dressent leur tente sur l’Euphrate et mènent cette fois avec Artaban des négociations fructueuses qui aboutissent à un succès : un pacte de non-agression mutuelle, le roi parthe laissant son fils Darius comme garantie sous forme d’otage pour les Romains.
Antipas, voulant s’attirer les faveurs de l’empereur pour qu’il lui accorde sa vengeance contre Arétas, devance Vitellius et lui communique par un messager le succès du traité avec Artaban. Vitellius, remarquant les plans du tétrarque, se met en colère contre Antipas. Pendant ce temps, le message de l’empereur ne tarda pas à arriver : l’affront d’Aretas devait être vengé. Les ordres de Tibère sont que Vitellius envoie ses troupes contre le roi nabatéen, le capturant mort ou vif. Vitellius se mit au travail à contrecœur, car il était en désaccord avec Antipas. Mais comme il ne pouvait pas désobéir à l’empereur, il partit combattre Arétas. Après avoir ordonné à son armée de marcher sur Pétra, il demanda un long détour autour de la Judée pour éviter d’inciter les Juifs avec des étendards militaires. Certes, Antipas, qui voyageait avec Vitellius et les légions, pressait avec impatience le gouverneur de se dépêcher. Mais Vitellius, dégoûté d’Antipas, pour l’irriter davantage, et se comportant en juif dévot, s’arrête plusieurs jours pour assister personnellement à la Pâque de 37 après J.-C. à Jérusalem, laissant ses troupes de l’autre côté du Jourdain. Pendant qu’ils sont là, la nouvelle de la mort de Tibère arrive de Rome. Vitellius se sentit alors libéré de l’exécution des ordres impériaux et retourna avec son armée à Antioche, pour reprendre ses négociations avec Artaban. La défaite d’Antipas resta donc sans vengeance, à la grande déception et à l’humiliation du tétrarque.
Le premier geste du nouvel empereur humilia encore davantage Antipas. Caligula accorda à Agrippa, frère d’Hérodiade auquel le tétrarque n’avait apparemment pas prêté beaucoup d’attention, le titre royal de Philippe et sa tétrarchie. Agrippa, qui avait été un inconnu toute sa vie, ignoré par son beau-frère Antipas, se retrouva à Rome et eut la chance de se lier d’amitié avec Caligula. Au début, Agrippa ne semblait pas prendre l’idée d’être roi très au sérieux, mais vers 38 après J.-C., il se rendit en Palestine et s’y présenta comme roi.
Hérodiade, incitant Antipas à l’ambition, invita son mari à ne pas perdre sa crédibilité aux yeux du nouvel empereur, et le couple se dirigea vers Rome pour demander le soutien de Caligula et obtenir le titre royal aux dépens de leur parent. Après eux, un affranchi d’Agrippa nommé Fortunatus partit également pour Rome avec une liste d’accusations contre Antipas, l’accusant de collusion avec Séjan (mort en 31 après J.-C.) et Artaban, et donnant la preuve d’un arsenal d’armes qu’Antipas conservait. Les objections convainquirent le nouvel empereur, qui déposa Antipas de sa tétrarchie au début de l’été 39 après J.-C., accordant à Agrippa le titre de roi et tous les honneurs. Selon Josèphe, Antipas fut exilé par Caligula à Lugdunum Convenarum, à la frontière entre la Gaule et l’Hispanie, ville située sur le versant nord des Pyrénées, sur le territoire des Conventi. Et c’est là qu’il mourut, car peu de temps après Caligula le condamna à mort. L’exécution des exilés était courante. C’était la moisson d’un homme qui convoitait un royaume. Une fin qui semble très bien correspondre à la question de Jésus : « À quoi sert à un homme de gouverner le monde entier s’il n’est pas capable de se gouverner lui-même ? »
Emil Schürer, Historia del pueblo judío en tiempos de Jesús (Histoire du peuple juif au temps de Jésus), Ediciones Cristiandad, 1985.
Flavius Josèphe, Obras completas, Antigüedades judías y Guerras de los Judíos (Œuvres complètes, Antiquités juives et guerres des Juifs), Editorial Acervo Cultural, 1961.