© 2000 Jeanmarie Chaise
© 200 Association Francophone des Lecteurs du Livre d'Urantia
Réunion de lecteurs du LU | Le Lien Urantien — Numéro 16 — Hiver 2000 — Table des matières | Propositions et réflexions sur la réunion de 2002 |
Il peut se faire que l’homme ait l’impression d’être esclave des contingences matérielles de son environnement. C’est en grande partie exact tant qu’il n’a pas vraiment saisi toutes les données qui lui permettraient dans un premier temps de s’en abstraire, puis de plus en plus s’en détacher pour franchir bientôt les étapes qui vont de la conscience d’un être matériel à la conscience d’un être spirituel. La personnalité humaine n’est pas le jouet des événements dans le temps et l’espace ou, du moins, elle
n’en est pas uniquement le jouet ; elle a aussi un rôle à y jouer
Pour le vérifier il faut donc tenter d’aller plus au fond des concepts, et notamment des concepts qui nous concernent plus directement dès l’abord, les concepts qui touchent notre état d’être présent au plus près et qui nous obnubilent au point que nous avons toutes les peines du monde à nous en défaire, j’ai nommé le concept d’espace et, peut-être plus encore le concept de temps.
A l’évidence, ce qui semble être l’obstacle le plus infranchissable dans notre recherche de l’absolu, de l’infini, de l’éternel, c’est précisément cet engluement fait de temps et d’espace qui, entre nous et ces inaccessibles concepts, nous colle à la peau, nous imprègne jusqu’aux os et nous empêche de voir, de sentir, d’entendre, bref, de saisir en quoi ils consistent réellement. Qu’est-ce que l’espacetemps? Qu’est-ce que l’espace? Qu’est-ce que le temps ?
La tentation est forte de penser que la notion d’espace est plus accessible que celle de temps, mais, à vrai dire nous avons là affaire avec deux concepts étroitement imbriqués l’un à l’autre. Une parcelle d’espace, si minime soitelle, est saisissable d’une certaine manière, alors que sur un quelconque instant de temps, si minime soit-t-il, nous n’avons aucune prise. C’est pourquoi, sans aucun doute, nous avons coutume le plus souvent de recourir à l’espace pour tenter de nous définir le temps, comme dans l’expression courante de « l’espace de temps » dans lequel nous avons la possibilité d’accomplir de courtes ou de longues actions. C’est pourquoi il faut nous définir le temps. Et d’ailleurs existe-t-il vraiment ou n’est-ce qu’une illusion, un songe qui passe? Envisageons-le d’abord selon notre point de vue habituel d’êtres sujets au temps.
Le temps est ce qui se produit en vertu du mouvement, et ce temps existe pour nous du fait de l’inhérence de notre mental à en saisir les séquences. Deux conditions donc sont ici présentes pour valider sa réalité d’être, le mouvement et la conscience.
Tout d’abord, le temps mesure l’espace avec la complicité du mouvement. L’espace ne mesure pas le temps. Le temps-mouvement agit partout dans l’espace plus ou moins vide de matière. C’est la matière qui est activée par le mouvement, intérieurement comme extérieurement, et non pas l’espace. Le mouvement agit dans la matière par matière (infinitésimale) interposée, et la matière se meut dans l’espace, qui, lui, est essentiellement statique. Le temps, quant à lui, est relatif, justement à cause du mouvement qui peut s’échelonner depuis de vertigineuses vitesses jusqu’à un quasi-immobilisme, dans un espace infime ou dans une vastitude incommensurable. Le tempsmouvement est existentiellement dynamique. L’espace, c’est le lieu de la substance; le temps, c’est l’occasion de la durée. Le temps est pour nous une représentation mentale de séquences
plus ou moins activées par des mouvements réels ou imaginaires. Ce que nous appelons communément temps n’est que le dé-roulement successif d’événements qui parle à notre entendement. Étant présentement faits de matière quasi exclusivement, nous sommes faits pour saisir cette succession temporelle, et partant, pour relier cette notion d’écoulement à la notion d’espace. Depuis toujours le temps a intrigué par son caractère d’insaisissabilité. Ce que nous appelons le temps n’est en fait qu’une inexistence entre passé et futur. En dehors de tout mouvement, la vie, qui est de manière inhérente séquentielle, a plus ou moins conscience du temps. Mais ce temps là dépend donc essentiellement des degrés de conscience. Selon les espèces animales la conscience du temps est très étagée. L’humain a une conscience beaucoup plus développée que l’animal à propos de l’écoulement du temps. L’homme a une conscience du temps très différente d’un individu à l’autre selon une multiplicité de critères; l’homme a même une conscience du temps qui varie beaucoup au cours de sa seule existence. Le temps est donc une affaire de mouvement, mais aussi une affaire de conscience.
Le temps n’est pas un être, même philosophique; le temps est un moyen pour l’être d’être; et l’être, physique, dans notre sphère d’action présente, n’a que faire de l’instant qui n’existe pas, mais a tout à faire avec les séquences temporelles qui lui servent à avoir été, à être et à devenir. On entend dire que tout arrive dans le temps, et que, partant de cette considération, « le temps est. » C’est faux; à moins que l’on n’attribue au temps la notion de durée qui nous est plus familière, auquel cas entre passé et futur la tranche de temps qu’il faudra considérer est conséquente au point qu’elle aura un début et une fin. On aura beau dire et beau faire, toute autre considération du temps ne sera que « métaphysique » stérile. Ce temps là est notre temps coutumier, celui sur lequel notre subjectivité s’exerce continuellement. Mais le temps prétendument intrinsèque, celui qui passe, celui que l’on ne peut saisir entre ce qui prend fin et ce qui débute, le temps que cherchent depuis toujours à définir vainement les philosophes, quel est-il ? Existe-t-il ? Quel est cet instant que l’on nomme temps et qui toujours s’évanouit et renaît en s’appelant passé ou futur, mais jamais véritablement ne s’affirme comme une entité saisissable ? Et d’ailleurs, ce que l’on dit du passé et du futur est-il plus fiable ? Est-on jamais parvenu à saisir un instant, une entité de temps, dans le passé ? Saisira-t-on un jour une telle entité dans le futur pour parvenir à la définir ? Ce serait là, je crois gâcher l’espoir.
C’est ici qu’il faut se demander si le temps est une constante partout dans l’ensemble de la création. Et il apparaîtra que la réalité diffère nécessairement au fur et à mesure que l’on se dirige vers le centre de la Création divine. Je vais avoir recours à une image, ce qui me permettra de décrire de manière plus parlante ce qu’il y a à dire maintenant sur ce que l’on peut appeler la contraction du temps.
Nous avons coutume de considérer le temps, ou plutôt la durée, selon sa linéarité qui est de saisir selon notre nature les instants successivement, et nous appelons cela des séquences. Nous agissons, ce faisant, comme quelqu’un qui se trouverait sur la face externe d’une roue en mouvement, occupant successivement les points contigus de l’espace dans lequel elle se meut.
Envisageons maintenant de substituer à notre habitude d’envisager le temps de manière linéaire, horizontale, une manière de l’aborder verticalement. Quittons la surface externe de la roue, et allons voir à l’intérieur, c’est-à-dire vers le centre ce qui s’y passe, et comment le « temps, » la durée se modifie. Cette même roue pourrait être une roue pleine, faite de cercles concentriques, sur chacun desquels pourraient s’étager des états d’êtres plus ou moins éloignés du centre. Au lieu de considérer le temps de façon linéaire en continuant à nous tenir sur le cercle extérieur de la roue, ce que nous faisons, en somme lorsque nous demeurons dans un même lieu de l’univers extérieur tel que la terre, orientons-nous donc vers l’intérieur en sautant d’un cercle au suivant. On va tout de suite voir où je veux en venir.
Considérons cette roue en mouvement. Il est clair que lorsqu’elle tourne, les différents cercles qui la constituent se déplacent à des vitesses proportionnelles à leur éloignement du centre. Ce qui représentait un quart de tour pour notre premier cercle extérieur représente encore un quart de tour pour un cercle situé à mi-chemin entre le centre et la périphérie, (Il s’agit d’un même temps pour un moindre espace) et il en va proportionnellement de même pour tous les cercles aussi nombreux soient-ils, situés entre la jante et le centre de notre roue. Ce n’est que lorsque l’on va considérer les derniers cercles intérieurs, proches du centre, qu’un autre problème de conception du temps va se poser à nous de manière plus pressante. Ce qui s’inscrivait dans une longue distance sur notre premier cercle s’est amenuisé proportionnellement au fur et à mesure de notre progression vers l’intérieur, et maintenant les quarts de tour sont si menus qu’ils deviennent pratiquement inexistants, jusqu’à leur extinction complète en arrivant au centre de toutes choses. Mais le temps est-il toujours là, le même? Ceci n’est qu’une image, naturellement, mais elle rend compte du phénomène d’a-spatialité où se rejoignent en convergence tous nos concepts spatiaux. Oui, mais le temps; lui, est-il toujours bien là, toujours le même, où s’est-il amenuisé lui aussi à proportion du rapprochement au centre ? Car, le temps écoulé au centre et à la périphérie est apparemment le même pour un même mouvement de la roue. On semble ne pas pouvoir en douter; mais si le temps, allié au mouvement, mesure l’espace, comme il y a tout lieu de le penser, ce temps qui ne semblait pas s’amenuiser, va devoir être bientôt réduit à rien dans la juste proportion du déplacement nul de l’épicentre de la roue cependant toujours en train de tourner.
On peut donc dire que la saisie d’une durée spatiale est instantanée au centre tandis qu’elle est à ce point développée à la périphérie qu’elle sort rapidement de l’horizon de son observateur. Mais l’instantanéité n’est-elle pas justement une suppression du temps ? C’est, je pense ce que veut signifier Lao Tseu dans son petit poème 120 :
Bien que trente rayons convergent au moyeu,
C’est le vide médian qui fait marcher le char.
L’argile est employée à façonner les vases,
Mais c’est du vide interne que dépend leur usage.
Il n’est de chambre où ne soient percées portes et Fenêtres,
Car c’est le vide encore qui permet l’habitat.
L’être a des aptitudes que le Non-être emploie.
Au fur et à mesure que l’homme s’achemine vers le centre à travers les constellations de l’espace, il est de plus en plus apte à saisir les concepts d’espace et de temps et à progresser dans les domaines du mental et du spirituel; sa conscience a de plus en plus de facilité à s’élever sur les niveaux successifs des univers. Il acquiert de l’expérience ; l’accroissement de ses conceptions cosmiques amplifie sa clairvoyance et élargit son champ de conscience. Celle-ci s’intériorise et progressivement transcende palier après palier tous les échelons de l’organisation spatiotemporelle. Cette ascension vers Dieu, vers le centre de toutes choses, n’est pas qu’une image, elle est la réalité du cheminement de toute personnalité vers son créateur, vers sa ressemblance avec le Père Universel. Au centre de toutes choses, le concept d’absolu transcende finalement toute idée de temps et d’espace. La personnalité libérée des contingences séquentielles embrasse tout en même temps le cercle de l’existant. La conscience linéaire s’est muée en conscience globale et circulaire.
Par rapport à quoi peut-on estimer la valeur du temps, où que ce soit dans les univers, sinon par rapport à l’immobilité absolue d’un centre autour duquel peut s’organiser l’ensemble des créations spatio-temporelles ? Cette immobilité spatiale et cette absence de temps sont ce qui doit nécessairement être appelé la transcendance du temps et de l’espace. Et sur notre monde habité, comme sur tous les mondes semblables des espaces extérieurs, seuls les êtres doués d’esprit sont capables de saisir ces relations entre l’espace-temps et son absence, entre l’essentialité et la substantialité, entre l’existentialité et la durée. Seuls les êtres pensants peuvent commencer à s’essayer à transcender dès ici-bas les portions d’espace qui les séparent les uns des autres, ou qui les rapprochent de lieux possiblement très éloignés. La pensée est la première aptitude de l’homme à franchir les espaces ; elle est le fruit de l’esprit qui l’habite et qui est le premier don de Dieu qui lui fut accordé en même temps que le don de vie et de personnalité.
Ce don d’esprit peut-il alors nous permettre dès à présent de tenter de franchir une nouvelle étape dans la cognition des données spatiotemporelles, à savoir, peut-il nous permettre de répondre ici à la question de l’immobilité spatio-temporelle, c’est-à-dire, d’une part, de l’existence du temps sans espace, et d’autre part, de l’existence de l’espace sans temps ? Est-ce que, par exemple, l’immobilité spatiale, synonyme d’a-temporalité est réellement synonyme d’absence de temps ? Notre capacité, minime certes, à transcender l’espace par la pensée ne serait-elle pas une première indication, nous permettant de supposer que la relation espace et temps puisse épouser d’autres conjugaisons de dimensions que celle que nous connaissons ? Notre univers, comme tous les univers créés par des Fils de Dieu, est manifestement structuré sur un mode quaternaire, à l’instar du chiffre-symbole de leurs concepteurs, le chiffre-symbole « 4 ». [^1]
En aval, car nous sommes sensés remonter le courant, c’est-à-dire revenir vers la source qui est Dieu, le Centre de toutes choses, le cœur du vivant, nous trouvons des modes d’être à une, deux, trois dimensions. Nous évoluons nous-mêmes dans un milieu à quatre dimensions, encore que nous n’en ayons pris conscience que depuis peu de temps. Mais, qu’en est-il en amont? Quelles sont les conceptions d’espace et de temps que nous aurons à appréhender au sortir de notre univers actuel, lorsque nous passerons du régime soumis à la souveraineté d’un Fils d’univers local à la souveraineté du Père Universel, la Déité Trine ? Ne vat-on pas devoir franchir encore trois étapes majeures dans notre progression vers l’Ineffable, de la quatrième dimension à la septième, car on nous dit que les cinquième, sixième et septième existent bel et bien ?
Ne va-t-on pas d’abord avoir à concevoir un nouvel espace temps à cinq dimensions, auquel cas ce nouvel espace-temps tiendra plus spécialement du temps, s’il faut en croire la symbolique numérale si chère aux révélations du Livre dans son domaine de l’agencement des lois universelles ?
On notera que si la schématique est respectée; c’est en effet au symbole « 3 », le symbole de la personnalité « Esprit » de la Trinité divine, que correspondra analogiquement l’espacetemps à « 5 » dimensions, le « 4 » étant ici l’axe du septénaire de la réflexion symbolique comme de la réflexion conceptuelle.
Ne va-t-on pas ensuite avoir à concevoir un espace à six dimensions, auquel cas ce nouvel espace-temps tiendra plus spécialement de l’espace, s’il faut en croire toujours ce même chapitre des lois? On notera à nouveau que la schématique fait correspondre le symbole « 2 », le symbole de la Personnalité « Fils » de la Trinité divine, au concept d’espace-temps à six dimensions, analogie toujours dépendante de l’axe « 4 ».
Enfin ne va-t-on pas avoir à appréhender une conception spatiotemporelle à sept dimensions, comme tous les schémas nous l’indiquent partout et toujours? Cette nouvelle et ultime conception ne doit-elle pas être le couronnement, l’aboutissement de toute notre ascension des univers ? Qu’observe-t-on au travers de toutes ces interrogations ?
Nous observons que chaque nouveau concept de temps et d’espace transcende le précédent. La chose est remarquable en ce qui concerne les états d’être de l’aval : le point, le plan, le volume. Il n’y a apparemment aucune raison pour que ce processus de transcendance ne se poursuive pas en amont. En apprenant le « temps » dans l’espace-temps à cinq dimensions, nous apprendrons à transcender l’espacetemps quadridimentionnel, notre espace-temps actuel. En apprenant « l’espace » dans l’espace-temps à six dimensions, nous apprendrons à transcender l’espace-temps quintidimentionnel. En apprenant l’espacetemps dans l’espace- temps à sept dimensions, nous apprendrons à transcender à la fois tous les espacestemps à moindres dimensions, alors que présentement, dans notre espacetemps à quatre dimensions, nous apprenons seulement à transcender l’espace-temps purement physique, l’espace à trois dimensions.
Ceci n’est qu’une démonstration s’appuyant sur une logique à quatre dimensions. Mais c’est le propre de l’esprit qui habite la pensée de l’homme que de se projeter en avant, d’anticiper toujours à partir d’un état d’être sur l’état d’être suivant. L’esprit s’efforce de transcender toujours les évidences de son état d’être; c’est pourquoi il doit s’efforcer de reconnaître la diversité des réalités spatiales. Dans notre espace-temps à quatre dimensions, je viens de le dire, nous n’appréhendons que l’espace à trois dimensions. C’est là une approche purement intellectuelle. A l’avenir, il nous faudra appréhender l’espacetemps selon un mode non plus purement intellectuel, mais aussi selon une technique plus proche du temps, c’est-à-dire plus proche de l’esprit analogie oblige — entre « 3 » et « 5 ». — Ce faisant, nous accéderons à la cinquième dimension. C’est ainsi que nous apprendrons à ne pas nous contenter d’appréhender l’espace comme s’il n’était qu’un ensemble de connexités matérielles. Nous apprendrons par l’étude approfondie du temps à de mieux en mieux connaître l’espace, alors que dans l’étape suivante nous apprendrons par l’étude approfondie de l’espace à de mieux en mieux connaître le temps. Lors de l’étape ultime, nous apprendrons enfin à dominer l’étude des concepts spatio-temporels à sept dimensions, l’étude de l’absolu.
Il ressort de ceci que le temps et l’espace ne sont étroitement et contradictoirement interdépendants que lorsqu’ils sont liés par un minimum de dimensions. Plus l’étude de l’un par l’autre est poussée, plus ils deviennent séparables et le deviennent définitivement au niveau absolu. Au centre de toutes choses, c’est ce que nous venons de voir, le temps peut se passer de l’espace. Au centre de la roue, le temps est saisi au même titre qu’à la périphérie, mais dans l’immobilité aspatiale.
Mais est-ce que l’espace peut se passer du temps? Telle est maintenant la seule question en suspens. Pour ce faire, l’exemple de la roue semble inapproprié. Cependant, quelque chose révèle que la chose est possible, c’est le fait évoqué dès le départ de l’analyse, selon lequel c’est le temps, aidé du mouvement, qui mesure l’espace; et puisque le temps mesure là une absence d’espace, il n’y a alors plus de temps, c’est l’a-temporalité. Il y a donc au centre possibilité d’a-spatialité et d’a- temporalité. Je dis bien « possibilité », mais seul le Créateur peur en décider autrement.
Mais la réponse à la question en suspens n’est toujours pas trouvée. C’est que la création n’est pas une simple roue comme envisagée ici. Les cercles concentriques en nombre indéfini ne sont certainement pas solidaires comme dans une roue pleine, et la diversité des mouvements et la diversité de leurs intensités viennent brouiller la réflexion. Si le tempsmouvement mesure bien partout l’espace, il s’ensuit qu’au centre de la création le mouvement doit écraser le temps pour concentrer l’espace au point d’être réduit jusqu’à l’indéfini, et cet indéfini d’espace nécessaire est nécessairement laissé à l’appréciation de son concepteur, Dieu. Écraser le temps signifie accélérer le mouvement, c’est-à-dire concentrer l’énergie, la vie, la spiritualité. C’est en effet dans la spiritualité que l’espace peut se passer du temps. L’énergie-matière des mondes à la périphérie se transforme peu à peu en énergie spirituelle au centre de toutes choses, en passant par une indéfinité d’états que l’on peut appeler psycho-spirituels. L’énergiemouvement est bien « partout » et « toujours » le vecteur (au figuré), de ce qui est transmis dans l’espace-temps, la pensée dans la substance durable, la spiritualité dans l’essentielle existence. Dans les univers extérieurs tels que le nôtre, le temps et l’espace sont inenvisageables l’un sans l’autre. Au niveau absolu ils sont essentiellement dissociés. C’est ce que l’on peut appeler la transcendance du temps par l’espace et la transcendance de l’espace par le temps.
La matière faite d’espace statique dans lequel grouille la dynamique temporelle du mouvement est l’exemple type de l’inséparabilité de l’un par rapport à l’autre. L’espace de moindre densité matérielle raccourcit le temps. Ainsi, le regard ne parvient pas du tout à traverser un objet dense; c’est-à-dire qu’il met un temps infini à ne pas le traverser, alors que lorsque l’espace est vide de matière, ce même regard est capable de traverser des distances incommensurables; on peut dire qu’il met un temps instantané, presque infiniment raccourci pour atteindre les étoiles les plus lointaines qui lui soient accessibles. Seuls donc, d’un infini à l’autre, se dressent des écrans plus ou moins denses de matière particulaire, particules concentrées des solides, puis moins concentrées des liquides, puis des gaz, puis du vide moléculaire, atomique, électronique. de moins en moins dense
Comme on le voit, l’étude du temps, de l’espace, de l’espace-temps ne fait que commencer. Tout ce qui pourra être dit de plus, le sera à l’avenir, sur ce monde peut-être, mais assurément sur les mondes futurs de nos migrations éternelles. Je voudrais pour finir matérialiser quelque peu cette roue cosmique d’espace-temps et montrer schématiquement cette contraction à la fois de temps et d’espace lorsque le voyageur de l’éternité que nous sommes tous en puissance se rapproche un tant soit peu du centre.
Ici les voyageurs de l’espace ne parcourent pas le même chemin. B se contente de parcourir le cercle extérieur, tandis que A fait une incursion vers le centre. Il est clair que plus la distance parcourue par B est grande, plus la distance parcourue par A dans un même temps sera diminuée à proportion de l’ampleur du mouvement (notion d’espace) et à proportion de la vitesse du mouvement (notion de temps). Si l’on considère leurs parcours respectifs pour revenir à leur point de départ, leur temps est alors très différent. Si nous considérons ces différences en termes d’âge des voyageurs, B sera beaucoup plus âgé que A, et l’estimation de ce décalage ne pourra être appréciée ici qu’en fonction de l’espace parcouru, sans pouvoir appréhender l’impact du temps sur ce même décalage entre leurs âges respectifs lorsqu’ils se retrouveront, par exemple après un périple complet.
La contraction du temps, et donc de l’espace parcouru, (ou vice et versa) est une donnée fondamentale et logique de l’organisation universelle.
Jeanmarie Chaise
Réunion de lecteurs du LU | Le Lien Urantien — Numéro 16 — Hiver 2000 — Table des matières | Propositions et réflexions sur la réunion de 2002 |