© 2013 Karuna Leys
© 2013 Association Francophone des Lecteurs du Livre d'Urantia
Nous sommes en train d’étudier comment l’être humain à été créé et pourquoi il a été créé. Ou comme Isaac Newton se demandait: « Quelle est l’utilité d’un nouveau-né ? ». Jusqu’ici nous avons pu constater que, comme les animaux, nous avons un corps auquel sont ajoutés cinq adjuvats, cinq esprits mentaux qui constituent la conscience, permettant de vivre notre vie sur cette planète. Puis nous avons dit que les êtres humains possèdent deux adjuvats de plus. Nous ne les avons pas encore étudiés. Pourquoi ces deux adjuvats ne sont-ils pas présents dans les animaux et ne fonctionnentils pas dans leur vie ? II doit y avoir une raison. Oui, c’est parce qu’un être vivant et conscient doit d’abord posséder une personnalité avant que ces deux autres adjuvats puissent être ajoutés et fonctionner. Le but de cette première étude de la personnalité est donc de nous permettre de saisir et de sentir la réalité de la personnalité :
Ce sera une étude introductive. Plus tard nous étudierons la personnalité dans son fonctionnement, et nous explorerons sa signification, c.à.d. à quoi sert-elle?
Comme nous l’avons fait dans les leçons précédentes nous respecterons à nouveau la loi qui gouverne le fonctionnement de la pensée humaine. La pensée humaine fonctionne de façon efficace et claire quand elle se base sur des faits, sur des choses que nous pouvons clairement constater et observer. Ainsi nous éviterons tout ce qui est purement théories, dogmes, mythes, fantaisies, opinions, points de vue, perspectives, ou spéculations.
Vers l’âge de 2 à 3 ans les parents constatent et éprouvent qu’en leur enfant il y a une volonté libre, un libre arbitre, qui émerge, qui est clairement lié à la notion du ‘je’. « Je ne veux pas!Je veux ça !« Si maman dit ‘oui’, il dit ‘non’ ! Si maman dit ‘non’, il dit ‘oui’ ! L’enfant devient conscient de sa propre petite personne et veut clairement expérimenter l’effet que cela procure sur les autres personnes. Nous pouvons dire que la personnalité commence à se révéler, à se montrer. Mais qu’estce exactement cette réalité que nous appelons »personnalité"?
Quand nous le demandons aux psychologues nous aurons presque autant de réponses qu’il y a de psychologues. Prenons quelques exemples — un bref aperçu non-approfondi bien sûr. Dans la perspective de la psychologie psychodynamique nous avons Sigmund Freud (1856) qui essaye d’expliquer la personnalité par sa théorie des pulsions inconscientes et non-contrôlées qui trouvent leur origine dans les excitations corporelles et la libido. Il développe les concepts du Es (le Ça), Ich (le Moi) et Uber-Ich (le Surmoi). Et Carl Jung (1875) explique la personnalité par sa théorie de l’inconscient collectif, et classifie les individus en archétypes, des structures mentales innées. Plus tard, Erik Erikson (1902) expliquera que la personnalité se construit à travers des stades de développement d’identité. Dans chaque stade survient une ‘crise’ qui doit se résoudre par l’atteinte d’un équilibre entre des forces qui s’opposent. Dans l’approche du béhaviorisme, ou le comportementalisme, Burrhus Skinner (1904) pour qui le terme ‘personnalité’ n’était pas pratique, parla plutôt de ‘conditionnement opérant’. Albert Bandura (1925) élaborait sa théorie de l’apprentissage social ainsi que le concept d’auto-efficacité. Par contre, pour Gordon Allport (1897) et Raymond Cattell (1905) les ‘traits’ sont les briques de la personnalité. Et les psychologues de l’approche humaniste cherchent l’unité entre le corps et l’esprit. L’homme est un être psycho-physique avec un libre arbitre. Tout est organisé autour d’un noyau central, le moi. Carl Rogers (1902) met l’accent sur la relation entre le psychothérapeute et le client. Le psychothérapeute doit maîtriser l’écoute empathique, l’authenticité, et le non-jugement. Abraham Maslow (1908) met l’accent sur la motivation, la créativité ou l’accomplissement de soi et développe sa « pyramide des besoins humains ». Ce bref aperçu, et très incomplet, montre bien la complexité de ces concepts, de cesthéories et de ces perspectives. Retournons-doncvers les simples faits.
Comme nous pouvons le constater l’aspect de la volonté, ou le libre arbitre, est l’aspect le plus frappant, le plus clairement visible. Quand cette volonté, ce libre arbitre, monte (ou émerge) dans l’être de notre bambin, c’est comme une petite plante qui sort de la terre et devient visible. Cela veut dire que souterrainement il y avait quelque chose qui était déjà présent et qui n’était pas encore visible.
Cela, nous devons l’examiner par paliers et tenir chaque facette sous une loupe — pour ainsi dire — afin de pouvoir bien le discerner.
Que pouvons-nous constater de plus ?
Dans cette même période nous constatons qu’à un certain moment notre enfant ne dit plus son propre nom pour se référer à lui-même — car jusqu’à présent toute chose différente avait un nom différent, et chaque personne avait un nom différent. C’était clair et net. Mais soudainement il commence à dire « je », tout comme sa maman dit « je », et son papa dit « je » et tous les autres disent « je » et pourtant ils sont tous différents. Un seul mot pour des choses différentes ? Ça c’est nouveau! Le mot « je » ne représente pas une chose concrète. Tous les hommes emploient ce mot pour soi-même. Quand l’enfant se voit maintenant dans un miroir, il saisit que c’est lui, luimême : «Ça c’est moi!» II se reconnaît très clairement dans le miroir et il sait que tous les autres se reconnaissent eux-mêmes de la même façon. La conscience de « j’existe, je suis » émerge. Il prend conscience du fait qu’il est quelqu’un, quelqu’un qui est différent des autres. L’espèce de symbiose dans laquelle il vivait avec sa maman est rompue. Initialement il ne remarque que les différences extérieures mais plus tard il remarquera les différences intérieures. Il devient conscient de son être. La consciencede-soi a émergé dans sa conscience. Nous pouvons clairement le constater.
Une étudiante en Angleterre avait choisi comme sujet pour sa thèse « La conscience-de-soi chez les singes ». Elle avait inventé différents tests, et avait cherché un lieu où on voulait l’aider à exécuter ces tests. Elle avait même engagé quelqu’un pour filmer tout son projet de recherche. Soigneusement elle préparait chaque test, prenait beaucoup de temps pour faire et refaire le test afin d’être sûr du résultat. Mais test après test le résultat s’avérait négatif. De plus en plus elle devenait déçue. Á la fin elle avait même les larmes aux yeux. Elle avait été tellement sûre qu’elle allait pouvoir prouver que les singes se reconnaissent dans le miroir. Mais un singe ne se rend pas compte que c’est son visage qu’il voit dans le miroir.
Mais comment se fait-il que nous devenons conscients de nous-mêmes ?
La conscience-de-soi n’est possible que quand la raison est présente, qu’on appelle aussi l’intellect, ou le logos. Cela également, nous devons le comprendre plus profondément. Commençons par la notion de « intellect ».
Intellect vient du latin intellegere, composé par inter (parmi, entre) + legere (lire) : donc lire parmi ou lire entre. Cela nous donne 2 significations:
Abstrait vient du latin abs et trahere. Abs veut dire « hors, ou sorti », et trahere veut dire » tirer ". Qu’est-ce qu’on tire en dehors de quoi ? Quand un être vivant et conscient — nous parlons d’un corps vivant et des premiers cinq adjuvats — reçoit la raison (ou l’intellect), cet être devient capable de détacher l’idée d’une chose de la chose elle-même, ou de sortir l’idée de la chose et de la retenir dans sa conscience telle que ce n’est plus nécessaire que la chose soit concrètement présente pour pouvoir la « voir ». Cet être vivant et conscient a reçu l’aptitude de rendre les choses concrètes en images de pensée auxquelles des mots sont attachés, et d’exprimer la totalité de ces images de pensée à un moment ultérieur.
Chez les jeunes enfants d’environs 3 ans nous pouvons observer le moment où la raison émerge dans leur conscience. Dans la discipline qu’on appelle la psychologie du développement, on a appelé cela la fonction sémiotique qui se développe. La sémiotique étudie le fonctionnement et la signification des signes et des symboles. Un mot est un signe, un symbole qui représente quelque chose. Quand les psychologues du développement disent que la fonction sémiotique est éveillée, ils veulent dire que le jeune enfant est devenu capable de raconter le soir à la maison ce qui s’est passé dans sa classe le matin.
Alors, avec toutes ces idées variées et les mots qui représentent ces idées, de différentes combinaisons peuvent être faites qui sont nouvelles. C’est ce que nous appelons « inventer ». Non seulement toutes ces nouvelles combinaisons d’idées peuvent être exprimées en mots, mais ces êtres doués de raison peuvent également donner une forme matérielle à ce qu’ils ‘voient’ et inventent dans leur pensée, et donc être créatifs. Tous les outils, toutes les technologies ont été inventées de cette manière : en combinant des idées. Mais également le commerce résulte de cette aptitude d’abstraction. Même dans le troc nous voyons comment cette abstraction nous permet d’estimer une valeur égale de différentes choses. Seul l’homme fait du troc et fait des affaires. Aucun chien échangera ou troquera des os avec un autre.
C’est donc parce que nous avons reçu la raison que nous saisissons l’abstraction de « je » et que nous pouvons être conscients de nous-mêmes. Nous pouvons garder l’image de nous-mêmes dans notre conscience. Ainsi, nous pouvons non seulement réfléchir sur des choses extérieures à nous-mêmes, mais comme nous sommes conscients de nous-mêmes, nous pouvons également réfléchir sur nous-mêmes et étudier notre propre être. Ce pouvoir est donné à l’être humain. C’est grâce à ce don de la raison que nous pouvons faire cette étude, que nous pouvons saisir ces choses de notre propre être. Est-ce que un singe saisirait ce qu’est « la conscience-de-soi » ? Est-ce qu’un singe peut étudier son propre être ?
(à suivre)
Karuna Leys