© 2004 Olga López
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L’un des concepts les plus importants de l’UL est sans aucun doute celui de la religion, la vraie religion. Non pas celle que nous associons inévitablement aux églises, aux dogmes et aux rituels, mais celle qui est le fruit de notre expérience personnelle.
La vraie religion est celle qui élève véritablement notre esprit, sans l’enchaîner à des dogmes et des rituels inutiles. La meilleure religion est l’expérience personnelle, la foi de chacun.
Dans le document 5, qui traite de la relation de Dieu avec les individus, je soulignerais ce paragraphe :
La conduite morale précède toujours la religion évolutionnaire, et elle fait même partie de la religion révélée, mais elle n’est jamais la totalité de l’expérience religieuse. Le service social résulte d’une manière morale de penser et religieuse de vivre. La moralité ne conduit pas biologiquement aux niveaux spirituels supérieurs de l’expérience religieuse. L’adoration de la beauté abstraite n’est pas l’adoration de Dieu. L’exaltation de la nature et le respect pour l’unité ne le sont pas davantage. LU 5:5.4
Adopter une ligne de conduite morale tout au long de notre vie, bien que souhaitable et nécessaire, ne suffit pas à notre progrès spirituel. Nous devons aller plus loin et considérer l’existence de Dieu et notre relation avec Lui. Nous devons acquérir une conscience religieuse, non pas isolément du reste de l’expérience humaine, mais plutôt comme partie intégrante de celle-ci :
L’expérience d’être conscient de Dieu reste la même de génération en génération. Mais, à chaque époque plus avancée des connaissances humaines, le concept philosophique et les définitions théologiques de Dieu doivent changer. La connaissance de Dieu ou conscience religieuse est une réalité universelle, mais, si valable (réelle) que soit l’expérience religieuse, il faut qu’elle accepte de se soumettre à une critique intelligente et à une interprétation philosophique raisonnable. Elle ne doit pas chercher à rester un élément isolé de la totalité de l’expérience humaine. LU 5:5.12
Ceci devrait s’appliquer à chacun de nous : l’expérience religieuse ne doit pas tomber dans le dogmatisme ou le fanatisme, mais doit être raisonnée. La foi doit être une foi vivante. De même, nous devons intégrer notre expérience religieuse personnelle aux autres expériences de la vie, afin de ne pas tomber dans le mysticisme ou le fanatisme. Il est essentiel d’avoir l’esprit ouvert, de reconnaître que nos croyances peuvent évoluer en fonction de nos expériences. Et, surtout, de suivre ce « guide intérieur » qui nous parle sans parler, et que l’on appelle en LU « l’Ajusteur de Pensée ».
Le point 5 du Document 100, « La religion dans l’expérience humaine », nous indique la bonne direction à suivre pour vivre la véritable expérience religieuse. Voici, à titre d’exemple, un de ses paragraphes :
« De grands dangers accompagnent la pratique habituelle du rêve éveillé religieux ; le mysticisme peut devenir une technique pour échapper à la réalité, bien qu’il ait parfois été un moyen de communion spirituelle authentique. De courtes périodes où l’on se retire de la scène active de la vie peuvent ne pas présenter de dangers sérieux, mais l’isolement prolongé de la personnalité est fort indésirable. En aucun cas il ne faut cultiver l’état de conscience visionnaire, du genre transe, comme une expérience religieuse. » LU 100:5.8
Les extases mystiques sont non seulement inutiles, mais elles nuisent à notre communication avec notre Ajusteur. Nous devons maintenir une attitude sereine et avoir la foi, mais une foi raisonnée, et non une foi aveugle. Il n’y a pas d’autre enseignant que notre « étincelle divine ». Si nous suivons les enseignements de l’UL, nous constatons que nous vivons une transformation progressive mais inexorable. L’UL nous transforme lentement mais sûrement, de l’intérieur, de sorte que nous ne nous sentirons plus jamais seuls et spirituellement démunis.
À l’UL, on affirme souvent que l’expérience religieuse est personnelle et donc intransférable ; personne ne peut la vivre à notre place, pas plus que nous ne pouvons vivre celle des autres. Il n’existe pas d’autorité religieuse autre que celle dictée par l’intuition et notre compréhension ; il n’existe pas de dogmes, pas d’interprétations officielles ; nous sommes libres de vivre notre expérience religieuse comme bon nous semble. Ceux qui adhèrent avec ferveur à un « isme » restreignent en réalité leur liberté au nom d’une sécurité douteuse, dans l’espoir illusoire de gagner le paradis sur terre en suivant les préceptes du maître ou du gourou en place.
Les religions en tant qu’institutions ont été nécessaires à un moment donné du développement spirituel de l’espèce humaine, mais il est temps de laisser de côté ces « béquilles » et de commencer à avancer par nous-mêmes, à chercher Dieu par l’expérience personnelle, en nous concentrant sur la manière dont nous vivons notre filiation avec Dieu. Je me souviens d’un commentaire à ce sujet d’un ami « urantien » ; il disait que le mot « Dieu » avait trop de connotations judéo-chrétiennes pour lui, et que c’est pourquoi il préférait l’appeler « Père ».
Dans le document 86, « L’évolution primitive de la religion », nous trouvons ce paragraphe sur l’évolution de la religion et des rituels :
L’industrie, la guerre, l’esclavage et le gouvernement civil ont surgi en réponse à l’évolution sociale de l’homme dans son milieu naturel. La religion est apparue d’une manière analogue en réponse au milieu illusoire du monde imaginaire des esprits. La religion fut un développement évolutionnaire de préservation de soi, et elle a réussi, malgré son illogisme total et la conception erronée qui lui donna naissance. LU 86:7.5
Dans le document 89, « Péché, sacrifice et expiation », nous trouvons ces paragraphes sur les rituels et les cérémonies en général :
Au cours de l’évolution des rituels urantiens, les sacrifices humains ont progressé depuis les sanglants procédés cannibales jusqu’à des niveaux supérieurs et plus symboliques. Les rituels primitifs de sacrifice engendrèrent les cérémonies ultérieures des sacrements. À une époque plus récente, seul le prêtre absorbait un morceau du sacrifice cannibale ou une goutte de sang humain, et ensuite toute l’assistance mangeait de l’animal substitué. Ces idées primitives de rançon, de rédemption et d’alliance ont évolué pour devenir les services sacramentels plus modernes. Et toute cette évolution cérémonielle a exercé une puissante influence socialisante. LU 89:9.1
Et, ainsi après de longs âges, le culte du sacrifice a évolué en culte du sacrement. Les sacrements des religions modernes sont donc les successeurs légitimes des choquantes cérémonies primitives de sacrifices humains et des rituels cannibales encore plus anciens. Bien des personnes comptent encore sur le sang pour le salut, mais le sang est au moins devenu figuratif, symbolique et mystique. LU 89:9.4
Un autre concept constamment mis en avant dans le Livre est celui de la foi vivante, par opposition à la foi aveugle inhérente à l’obéissance à une institution religieuse. Quiconque lit le Livre de la Vérité et l’intègre à sa vie sent sa foi se renforcer chaque jour, s’immerge pleinement dans la recherche de la Vérité et se trouve en paix avec lui-même et avec le monde. Lire le Livre de la Vérité nous fait voir le monde sous un autre angle ; cela élargit notre perspective, donnant ainsi un sens à bien des choses apparemment irrationnelles et abominables, nous permettant d’entrevoir le but de souffrances et de maux apparemment arbitraires.
Dans l’avant-dernier document de la LU, numéro 195, intitulé « Après la Pentecôte », une série de réflexions extrêmement intéressantes sont formulées sur l’avenir du christianisme. Ce document affirme qu’après la résurrection de Jésus, l’erreur a été de créer une religion « appropriée » à Jésus, en mettant l’accent sur son caractère divin et en négligeant sa vie terrestre. Une importance excessive a été accordée au caractère prétendument surnaturel de sa résurrection, alors que, selon la LU, le seul aspect « surnaturel » résidait dans la décomposition beaucoup plus rapide de son corps que celui de toute autre personne, afin d’épargner à des millions d’êtres célestes le triste spectacle de la lente putréfaction de son corps mortel.
Ce document affirme également que le véritable message de Jésus demeure latent dans le christianisme et que rien ni personne ne pourra l’effacer complètement. En fait, il affirme que ce n’est qu’une question de temps avant que l’humanité comprenne le message qu’il est venu nous apporter : nous sommes tous enfants du Père (et donc frères et sœurs), et nous obtiendrons les trésors spirituels les plus précieux en accomplissant consciemment sa volonté selon notre libre arbitre.
Je me demande souvent si le jour est proche où l’humanité comprendra pleinement le message de Jésus de Nazareth. Je suppose que c’est une condition indispensable pour que l’Église connaisse une profonde transformation interne.
Le conflit entre les religions est malheureusement une constante de l’histoire humaine. La religion est-elle vraiment un prétexte ou une cause de conflit ? Il semble que ce soit un prétexte utilisé par ceux qui nous gouvernent (ouvertement ou en secret) pour nous amener à défendre leurs intérêts. Le peuple, cette « chair à canon », tombe dans le piège et croit sincèrement être appelé à se battre pour des idéaux, à défendre la « vraie religion ». Quelle folie !
Sur la relation entre religion et politique, on trouve un certain nombre de réflexions très succulentes dans l’ouvrage de Rousseau « Le Contrat social » :
« La religion considérée dans ses rapports avec la société, qu’elle soit générale ou particulière, peut aussi se diviser en deux types : la religion de l’homme et celle du citoyen. La première, sans temples ni autels, sans rites, limitée au culte purement intérieur du Dieu suprême et aux éternels devoirs de la morale, est la religion pure et simple de l’Évangile, le véritable théisme et ce qu’on peut appeler le droit divin naturel. L’autre, inscrite dans un seul pays, lui donne ses dieux, ses patrons et tutélaires ; elle a ses dogmes, ses rites, son culte extérieur prescrit par les lois ; sauf pour la seule nation qui la suit, pour elle, tout est infidèle, étranger, barbare ; elle n’étend pas les devoirs et les droits de l’homme au-delà de ses autels. Telles étaient toutes les religions des premiers peuples… »
Dans ces paragraphes, Rousseau distingue à juste titre la religion, vécue personnellement, des religions institutionnalisées, qui tentent d’imposer leur vérité aux fidèles. Il dit des religions institutionnalisées (celles des citoyens) qu’elles sont mauvaises « car fondées sur l’erreur et le mensonge, elles trompent les hommes, les rendent crédules et superstitieux, et étouffent le véritable culte de la divinité dans une vaine cérémonie ».
À propos de la religion de l’homme (ou « christianisme »), Rousseau dit : « Par cette religion sainte, sublime et vraie, les hommes, enfants du même Dieu, se reconnaissent tous frères, et la société qui les unit ne se dissout pas même par la mort. » Cependant, il souligne ensuite les défauts que comporte cette religion et qui nuisent considérablement à la vie en société : « Loin de diriger le cœur des citoyens vers l’État, elle les en détache comme de toutes choses de la terre ; je ne connais rien de plus contraire à l’esprit social. »
Plus loin, il dit : « Pour que la société soit paisible et que l’harmonie soit maintenue, il faudrait que tous les citoyens sans exception soient également bons chrétiens ; mais si par malheur il se trouve un seul ambitieux, un seul hypocrite (…) il rendra sans doute un bon compte de ses pieux compatriotes. » Je comprends par ces mots qu’une société de chrétiens (c’est-à-dire d’hommes et de femmes vivant leur vie sociale selon leur religion personnelle) n’est pas une mauvaise société, mais qu’elle comporte le danger de ne pas savoir réagir au mal avec assez de rapidité et de force.
En réfléchissant à tout cela, je ne crois pas qu’il puisse exister une société de personnes profondément religieuses sans une organisation sociale et politique durable. Ce que je ne crois pas non plus (et sur ce point, je rejoins Rousseau), c’est que cela sera le cas, non seulement aujourd’hui, mais dans un avenir proche. Cela n’aurait pas pu se produire au XVIIIe siècle, et malheureusement, ce n’est pas possible aujourd’hui, au début du XXIe siècle. Sur le plan spirituel, nous n’avons pas beaucoup progressé ces trois derniers siècles. De nombreuses inégalités et injustices persistent encore douloureusement aujourd’hui.
Concernant le conflit entre les religions, je reproduis ici un fragment d’un article paru dans un journal gratuit (je ne me souviens malheureusement pas du nom de l’auteur), avec le point de vue duquel je m’identifie pleinement :
« La vérité est ce qu’elle est et ne change pas, que nous l’invoquions comme Allah ou comme le Christ. Du point de vue de la vérité, croire que Dieu existe ou non ne fait aucune différence. Notre pensée ne le porte pas atteinte, ne le domine pas, ne l’infirme pas et ne l’annule pas ; sinon, il ne serait pas Dieu. Mais si nous avons déjà constaté que l’interprétation des textes sacrés nous divise et nous conduit à des confrontations, ne serait-il pas plus raisonnable de chercher une autre voie, puisque des millions de personnes ont besoin de la religion pour vivre dans la transcendance ? La religion, c’est-à-dire la relation entre l’homme et la divinité, ne consiste-t-elle pas à appliquer l’intelligence au processus de la vie et à la réponse de ce processus dans sa propre conscience ? Vivre dans l’amour n’est-il pas le seul rite, la seule prière, la seule louange qui nous soit demandée ? »
Il paraît inconcevable qu’au XXIe siècle, les religions évolutionnistes n’aient pas été complètement remplacées par la religion de l’expérience personnelle. Qu’il existe encore des gens qui croient que « leur » Dieu veut qu’ils s’habillent d’une certaine manière ou qu’ils doivent croire aveuglément à un livre prétendument « saint ».
Plus ou moins lié à cela, il y a un fait qui est relaté dans le document 132 du Livre, « Le Séjour à Rome » :
Jésus, Gonod et Ganid firent cinq voyages en partant de Rome vers des points intéressants du territoire environnant. Au cours de leur visite de la région des lacs italiens du Nord, Jésus eut un long entretien avec Ganid sur l’impossibilité de donner à un homme des enseignements sur Dieu si cet homme ne désire pas connaitre Dieu. Au cours de leur trajet vers les lacs, ils avaient rencontré par hasard un païen borné, et Ganid fut surpris de voir que Jésus, contrairement à sa manière de faire habituelle, n’entrainait pas cet homme dans une conversation qui aurait naturellement conduit à discuter des questions spirituelles. Lorsque Ganid demanda à son Maitre pourquoi il portait si peu d’intérêt à ce païen, Jésus répondit :
« Ganid, cet homme n’avait pas soif de vérité. Il n’était pas mécontent de lui-même. Il n’était pas prêt à appeler à l’aide, et les yeux de son mental n’étaient pas ouverts pour recevoir la lumière destinée à l’âme. Cet homme n’était pas mûr pour la moisson du salut. Il faut lui accorder un délai pour que les épreuves et les difficultés de la vie le préparent à recevoir la sagesse et la connaissance supérieure. Ou bien encore, s’il pouvait venir vivre avec nous, nous pourrions par notre vie lui montrer le Père qui est aux cieux ; nos vies, en tant que fils de Dieu, pourraient l’attirer au point de l’obliger à s’enquérir de notre Père. On ne peut révéler Dieu à ceux qui ne le cherchent pas, ni conduire des âmes réticentes aux joies du salut. Il faut que les expériences de la vie aient donné à l’homme la soif de la vérité ou bien qu’il désire connaitre Dieu par suite du contact avec la vie de ceux qui connaissent le divin Père avant qu’un autre être humain puisse agir comme intermédiaire pour conduire un tel compagnon mortel à croire au Père qui est aux cieux. … » LU 132:7.1-2
Il est tout à fait vrai qu’il n’y a pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, mais nous pouvons toujours essayer d’aider ces personnes à découvrir la religion par elles-mêmes comme une expérience personnelle en observant nos modes de vie, et en ayant confiance que de cette façon elles parviendront à voir la lumière, quel que soit le chemin qu’elles empruntent, qui ne doit pas nécessairement être celui que nous avons suivi.
Nous connaissons certainement tous plus d’une personne qui se définit comme « athée ». Si l’on entend par « athéisme » le fait de nier catégoriquement l’existence de Dieu (nous considérons comme « agnostique » celui qui n’affirme ni ne nie son existence), je me demande s’il peut exister de véritables athées sans que cette croyance ne les plonge dans un désespoir absolu et ne les pousse à commettre toutes sortes d’atrocités devant leurs semblables. N’est-ce pas plutôt que ceux qui se qualifient ainsi n’ont pas, au fond d’eux-mêmes, sérieusement réfléchi aux conséquences de la non-existence de Dieu ? Combien de ces athées, lorsque la situation s’annonce mal et qu’ils voient leur heure de mort approcher, ne se recommandent pas « à Celui d’en haut » à la perspective de cesser d’exister à jamais ?
Curieusement, nombre de ces « athées » sont précisément des personnes dotées de solides principes moraux, qui, la plupart du temps, ne feraient pas de mal à une mouche. Ce sont ce qu’on pourrait appeler de « bonnes personnes ». Souvent, ce sont des personnes qui ne comprennent pas comment Dieu peut permettre tant d’injustice et de barbarie dans ce monde, et qui réagissent en niant son existence. Curieusement, une grande partie des athées d’aujourd’hui le sont « grâce » à l’Église catholique, c’est-à-dire en opposition à elle ; comme l’a dit le réalisateur Buñuel : « Je suis athée, Dieu merci. »
Est-il utile d’essayer d’amener ces personnes à considérer les questions « religieuses » sous un angle différent ? Peut-être serait-il judicieux de tenter de leur montrer une autre perspective, de leur parler du libre arbitre comme réponse à l’apparente indifférence de Dieu aux affaires du monde, par exemple. Mais seulement si nous discernons une certaine perspicacité chez notre interlocuteur. Comme l’a dit Jésus dans le paragraphe mentionné plus haut, page 1466 : « Dieu ne peut se révéler à ceux qui ne le cherchent pas. »
L’un des grands problèmes auxquels nous sommes confrontés dans nos sociétés actuelles est la crise des valeurs : beaucoup vénèrent le dieu argent, oubliant que l’argent est un moyen et non une fin ; l’esthétique et l’apparence sont hautement valorisées en elles-mêmes, mais pas comme le reflet de la vraie beauté, si richement abordée dans l’UL. C’est pourquoi beaucoup de gens, bien que possédant tout ce qu’ils désirent matériellement, se sentent vides et blasés.
De nombreux intellectuels des temps modernes ont proclamé que nous vivons à l’ère de la « mort de Dieu », dont parlait Nietzsche. Qu’il n’existe aucune valeur sûre, que tout est relatif et précaire. Nous vivons une époque d’incrédulité. Face à ce courant de pensée dominant, la religion, en tant qu’expérience personnelle, peut grandement contribuer à changer cette perception de l’éthique et de la religion. Elle peut apporter les valeurs sûres que les gens continuent d’exiger. Dieu n’est pas mort ; au contraire, il est plus proche de nous que nous ne le pensons.
Dans son roman « Anima Mundi », l’écrivaine italienne Susana Tamaro dépeint un jeune homme extrêmement sensible et intelligent qui ne croit pas en Dieu, ce qui le conduit à des niveaux de dégradation extrêmes. Le jeune homme sombre dans l’abîme non pas une, mais plusieurs fois, jusqu’à ce que, cherchant un ami aussi tourmenté que lui, il rencontre une religieuse qui l’aide à voir l’existence « de l’autre côté », du point de vue des croyants. Au cours d’une de leurs nombreuses conversations, la religieuse, dans une réflexion très lucide, typique de quelqu’un qui a vécu une vie longue et difficile, lui confie que le pire de notre époque est que l’intelligence ne va pas de pair avec la foi, ce qui est dévastateur pour les individus en particulier et pour la société en général.
L’intelligence et la sensibilité nous font percevoir ce monde comme un lieu injuste et cruel, mais sans la foi, nous n’avons aucune raison d’agir face aux défauts que nous rencontrons. Si Dieu n’existe pas, toute autre raison d’agir avec amour envers nos semblables semble creuse et incohérente. Ou bien agissons-nous bien uniquement par peur d’être punis ? Nombre de nos comportements ne peuvent être compris qu’en considérant « l’étincelle divine » qui sommeille en nous. Il est vrai que de nombreuses personnes, même en se déclarant athées, sont capables d’un comportement éthique exemplaire, mais je pense qu’elles ne sont toujours pas des athées cohérents. Un athée qui pousserait la négation de Dieu jusqu’à ses ultimes conséquences finirait par sombrer dans la folie du désespoir. Pour paraphraser Dostoïevski : « Si Dieu n’existe pas, alors tout est permis. »