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Serons-nous éternellement soumis à la gravité matérielle? | Le Lien Urantien — Numéro 104 — Décembre 2023 — Table des matières | Le Flacon |
Synthèse d’une conférence sur le Site d’Urantia Québec le 22/10/2023
Sophie Malicot
Le temps est simultanément une réalité quotidienne et un concept difficile à comprendre, probablement plus difficile que l’espace. À notre niveau, le temps se construit grâce à l’espace : pour aller d’un point A à un point B, il faut tant de temps. Ainsi le temps est inclus dans l’espace. Le Livre d’Urantia nous propose une inversion : construire l’espace à partir du temps, l’espace devenant une extension nécessaire où se joue un déroulement temporel. Autrement dit, le temps « jette » de l’espace dans lequel il va pouvoir déployer ses volutes sous forme de séquences. Ainsi peut se dérouler le phénomène de l’évolution, si importante au LU.
« Il y a trois niveaux différents de connaissance du temps:
- Le temps perçu par le mental — la conscience de la séquence, du mouvement et le sens de durée.
- Le temps perçu par l’esprit — la perception du mouvement vers Dieu et la conscience du mouvement ascensionnel vers des niveaux de divinité croissante.
- La personnalité crée un sens unique du temps par sa pénétration de la Réalité, plus une conscience de la présence et une perception de la durée. » LU 12:5.6-9
1. Le temps perçu par le mental — la conscience de la séquence, du mouvement et le sens de durée.
Ce temps perçu par le mental est simple : il est celui de nos vies de tous les jours. La base de son étalon est celle de l’existence humaine, circonscrite entre naissance et mort. Elle donne la première notion de séquence, d’après laquelle nous construisons d’autres séquences. Chaque séquence grouille d’agissements — nos mouvements — que nous trions, ordonnons et classons les unes par rapport aux autres, de façon inclusive, emboîtée, juxtaposée et coordonnée. Ainsi est
« … le courant du flot des évènements temporels perçu consciemment par les créatures. Le temps est un nom donné à l’arrangement en succession des évènements, qui permet de les reconnaître et de les séparer. »
Puis le mental prend d’autres références pour mesurer ses agissements et construire un sens de durée. Ces références originelles sont les cycles de la nature, débouchant postérieurement sur nos montres et chronomètres des plus précis. Du plus rapide au plus étendu, l’intelligence évase au maximum cette perception du temps et l’applique au cosmos. Mais il s’agit toujours du même processus. L’évolution intrinsèque n’est pas celle de l’espace en soi mais celle de soi dans l’espace, liée au travail des hommes.
Ainsi le temps se construit par analyse dans un espace qui synthétise les agissements et les classe en séquences. Les choses se font les unes après les autres, y compris nos pensées, nos paroles, qui se suivent dans une procession continuelle. Ce temps est neutre ; il n’a pas de destin ni de valeurs propres, n’est porteur que des croyances de mode dont nous le revêtons au fil des époques.
Cette connaissance mentale du temps ouvre à un paradoxe : plus nous appartenons au temps, plus nous le concevons indépendant de nous, comme une objectivité. Si le temps est extrait de l’humain, à ce niveau, l’humain est totalement contenu en lui. Ici il n’est nul besoin de Dieu pour vivre ou penser le temps; toute création est contenue dans ce processus linéaire. Nous pourrions l’appeler « le temps commun ».
2. Le temps perçu par l’esprit — la perception du mouvement vers Dieu et la conscience du mouvement ascensionnel vers des niveaux de divinité croissante.
Cette nouvelle connaissance du temps est apportée par l’Ajusteur de pensée. Il nous ouvre à une conception plus divine du temps, de par sa propre nature divine. Le premier terme employé est celui de perception. De fait nous savons qu’au niveau morontiel nous serons dotés de 70 sens perceptifs. Les EMI (Expériences de Mort Imminentes) sont les seules à pouvoir détailler dès ici-bas un aperçu de ces nouvelles capacités des ascendeurs. Voici quelques domaines où ces nouvelles perceptions accrues s’exerceront:
⇒ Espace | ⇒ Temps |
⇒ Relations interpersonnelles | ⇒ Relations intrapersonnelles |
⇒ Nature | ⇒ Mémoire |
⇒ Conscience | ⇒ Valeurs |
⇒ Pensée/philosophie | ⇒ Langage |
⇒ Nombres/mathématiques | ⇒ Musique |
⇒ Couleurs | ⇒ Lumière |
⇒ Températures | ⇒ Déplacements / Mouvement |
⇒ Architecture | ⇒ Harmonie |
⇒ Histoire | ⇒ Toucher ? Cf « Ne me touche pas Marie » |
⇒ Il en manque beaucoup … |
Les séquences sont touiours présentes, saisies dans leur entièreté comme des tableaux, en un regard, un instant. Posées les unes à côté des autres, elles se juxtaposent, s’empilent les unes au-dessus des autres. Ainsi la perception globale des séquences et leur juxtaposition « courbent » la conscience linéaire des évènements en une vision cyclique. Si nous comparons avec un film, dans le temps linéaire (notre existence actuelle) la pellicule se déroule image après image, alors qu’au niveau morontiel, la globalité de la pellicule est vue instantanément, toutes les images ensemble. Dans cette courbure, le temps n’est plus une analyse mais perçu comme une synthèse dont l’ascendeur est témoin, s’extrait tout en ayant participé aux séquences antérieures. Synthèses de cycles perçues comme des extensions, des protubérances naissance-déroulement-fin. Contrairement au temps linéaire du mental, où l’être disparaît du théâtre du temps au moment de sa mort alors que le processus temps se poursuit, ici l’ascendeur poursuit son aventure à travers des séquences successives dont la fin de chacune ne détermine pas la fin de l’ascendeur. Le présent n’est plus une somme d’agissements sertis entre passé et futur, mais celui beaucoup plus large contenant le passé-présent-futur de différents cycles intérieurs, « inférieurs », achevés, actuels ou à venir.
Cette vision cyclique supprime la notion de fracture et de discontinuité temporelle. L’existence devient une extension globale contenue dans un présent plus large.
Au niveau du mouvement, il y a une aspiration de l’ascendeur dans une direction oblique ascendante, sans choix directionnel. Il s’agit d’une ascension et non d’une descente.
Cette connaissance du temps de l’esprit porte « les niveaux de divinité croissante ». Contrairement à la neutralité du temps mental, l’esprit ouvre aux hautes valeurs de divinité : beauté indescriptible, amour inconditionnel, compassion, non-jugement, vérité. Valeurs plus que morales ; valeurs spirituelles au-delà de tout dogme. Ceci permet d’une part à l’ascendeur de peser la valeur de ses actes en fonction d’étalons de mesure absolus. D’autre part, la progression morontielle devient celle de la maturité spirituelle : l’ascendeur passe à un niveau supérieur lorsqu’il a acquis la maturité du niveau inférieur. Autrement dit, la personne progresse lorsqu’elle est prête à passer à une autre qualité d’être, de relations, de choix, de responsabilités.
Dans cette progression, le temps s’évase, élargit sa vision jusqu’à englober le passé et le futur en un continuum réuni avec le présent, tous trois pris dans un même mouvement sans commencement ni fin. Le temps est transcendé ; il devient un jeu avec lequel le Père actionne la perfection en éternel cours d’advenue. Ainsi le temps est un moyen pour croître dans la direction de la volonté de perfection du Père. Lorsque le père propose au Fils « Faisons l’homme à notre image », le verbe est au présent. Ce terme « faisons » implique un processus dynamique non achevé, en cours de réalisation. Le présent est un présent éternel, c’est-à-dire que cet homme est toujours en formation d’être à l’image de Dieu, jamais achevé, jamais parvenu au terme de la ressemblance.
3. La personnalité crée un sens unique du temps par sa pénétration de la Réalité, plus une conscience de la présence et une perception de la durée.
La personnalité est un don du Père. Sa nature divine donne le sens directeur de la domination spirituelle. Elle porte en elle une aspiration naturelle à se diriger vers Dieu, sa propre source. Son but est de répondre au commandement du Père de perfection : « Soyez parfait comme je suis parfait. ». Pour cela, elle rend perceptibles les hautes valeurs divines (vérité, beauté, bonté, équité, miséricorde, justice etc.). L’intégration de ces valeurs retourne progressivement les forces intérieures à passer de service à service fraternel.
Le drame de la personnalité est qu’elle s’étire entre le maximum de divergences possibles : le monde créateur dont elle est originaire, et le monde créé où elle commence à se révéler. Alors elle n’a de cesse de craquer les chrysalides qui l’enserrent. Elle bouscule, renverse, évase les us et coutumes en place, les modes qu’elle déteste, les idées fausses et les traditions qui barrent la route des progressions.
Son plus grand atout est son pouvoir créateur. Elle cherche toujours le moyen d’une percée en nouveauté dans les avenues bétonnées des certitudes. Que celles-ci soient scientifiques, intellectuelles, philosophiques ou (le plus difficile à craquer !) spirituelles. Chaque percée est irrémédiable, au niveau individuel comme humanitaire. On ne revient pas en arrière; le monde avance. Ainsi plus elle se développe, plus elle croît en plénitude.
Son ambition valeureuse est d’atteindre la vraie liberté — fruit de l’amour divin dont elle goûte les prémices à chaque dilatation nouvelle. Cette liberté est au cœur du paradoxe de la personnalité. Comment est-elle de plus en plus libre lorsque la progression reconnaît de plus en plus l’allégeance à l’Univers, l’exigence de relations cosmiques infinies et les obligations fraternelles ?
Dans cette progressive « pénétration de la Réalité » liée au temps, elle a deux alliés:
Progressivement la personnalité tend un fil rouge de cohérence de vie, où toutes les expériences convergent dans une unité personnelle unique, sensée et ascendante en divinité. Y compris les méandres des pérégrinations humaines.
Aussi sa sagesse est le respect du déroulement du temps. Ne pas court-circuiter le processus afin de respecter la synergie de l’ensemble dans un équilibre harmonieux car tenant compte du niveau de développement. Elle se sert de sa créativité pour pousser en avant certains leviers de progression tout en en freinant d’autres, préservant ainsi l’équilibre global. Au niveau individuel, cette mise en synergie de l’ensemble requiert tant d’ingéniosité unique à chacun que l’on peut vraiment dire qu’elle crée un sens unique du temps par sa pénétration de la Réalité.
Ainsi l’inversion promise est faite : de l’humain serti dans les volutes d’un temps, la personnalité, par son invariance, joue des expansions du temps comme agents de création pour faire converger niveau après niveau l’humain et le divin. De l’idée à l’idéal, la personnalité va à la réalisation du divin et la conscience de réalité de la personnalité du Père… Grâce au temps.
4. Synthèse Nous pouvons dès maintenant accéder à ces diverses connaissances du temps, par les trois niveaux de choix auxquels nous sommes confrontés :
Ainsi nous vivons le temps sur trois niveaux simultanément. Leur entrelacs donne la direction, le sens et la valeur de notre vie.
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