© 1961 William S. Sadler Jr.
© 1968 Urantia Foundation
© 1990 Association Française des Lecteurs du Livre d’Urantia (A.F.L.L.U.)
Alors que nous commençons notre étude de l’Antithèse Finale, nous manquons pour la première fois de certains poteaux indicateurs familiers qui ont été fort utiles dans le passé. Nous sommes passés au-delà des limites du niveau d’espace le plus éloigné, au-delà des temps du Sixième Âge de l’Univers. Il n’y a pas d’Architectes du Maitre Univers pour servir de guides à notre réflexion sur ce qui existe hors du maitre univers. Une fois encore, nous devons inventer des termes pour parler de ces temps et ces lieux qui sont si éloignés d’Ici et de Maintenant.
Les événements qui ont lieu après l’apparition d’éternité de la création centrale sont dénommés «post-Havona». De même, nous avons désigné les événements qui suivent le parachèvement du grand univers et l’émergence de l’Être Suprême «post-Suprême». Maintenant que nous avons à faire avec les événements post-maitre univers (ces transactions qui ont lieu après l’émergence de Dieu l’Ultime), il serait correct de les désigner comme «post-Ultime».
Nous avons observé que les âges de l’univers diffèrent quantitativement; ils semblent s’allonger à mesure que nous les suivons, par ordre, du Deuxième Âge au Sixième Âge. Quelques uns d’entre eux diffèrent aussi qualitativement. Le Deuxième Âge est différent et de façon unique de ceux qui le suivent, c’est l’âge de la croissance du Suprême. Les quatre âges des niveaux d’espace extérieur sont qualitativement identiques, nous les avons appelés: les âges post Suprême, ce sont les âges qui suivent l’émergence du Suprême, les âges de la croissance expérientielle de l’Ultime. Maintenant, dans l’âge post-Ultime, nous avons atteint une ère nouvelle qui est qualitativement différente de tout ce qui a eu lieu précédemment. Supposons que nous fassions l’inventaire de la façon dont il diffère des âges post-Suprême: (Appendice XX, §1)
L’âge post-Ultime va encore différer des autres âges de l’univers d’une autre manière: apparemment il n’a pas de fin dans le temps. Peutêtre pourrionsnous l’envisager comme l’Âge Final. Â cet égard, il est comme le Premier Âge, tous deux sont éternels. Le Premier Âge n’a pas de commencement dans le temps, bien qu’il prenne fin dans le temps; l’Âge Final n’a pas de fin dans le temps bien qu’il commence dans le temps.
Les époques post-Ultimes. Un âge éternel ne doit pas nécessairement être un brouillard gris de monotonie, sans fin et sans séquences, quelque chose qui continue encore et encore ! Nous croyons probable que l’Âge Final aura plusieurs époques qui représenteront des buts successifs qui pourront être réellement atteints – mais chacun de ces buts accessibles sera suivi de la révélation d’un but nouveau et plus distant à atteindre.
Les sept Époques Planétaires des Mortels sont les divisions principales de l’histoire d’un monde habité. La septième époque est appelée «l’Ère de Lumière et de Vie» – elle se poursuit apparemment sans fin. Mais quand les Fascicules examinent cette époque finale en détail, nous découvrons qu’elle est divisée en sept étapes – les sept étapes d’aboutissement progressif dans l’ère de lumière et de vie. Nous pensons qu’une étude plus détaillée de la septième étape de lumière et de vie montrerait qu’elle est aussi subdivisée – peutêtre aussi en sept périodes, sept sousétapes de croissance progressive.
Voilà comment nous visualisons l’âge post-Ultime: c’est une période d’époques qui se déploient, chacune d’elle ayant un commencement et une fin, ayant une origine et une terminaison – toutes sauf la dernière d’une série donnée. Cette époque finale sera toujours suivie par de nouvelles séries d’étapes de croissance qui nous montrerons des horizons de buts à atteindre nouveaux et plus vastes. (Voir Appendice XX, §4)
Les Fascicules nous disent que lorsque les ascendeurs mortels (dans le Deuxième Âge) passent par le sommeil de transition finale, entre le circuit intérieur de Havona et l’Ile du Paradis, ils deviennent les «enfants de l’éternité». Alors ils ne sont plus des créatures du temps. Ceci semble être une introduction raisonnable à la qualité d’éternité, mais n’être guère une base adéquate pour la compréhension de la quantité d’éternité.
Nous suggérerions que le sentiment de quantité d’éternité peut croître en tant que lent processus évolutionnaire dans la conscience des mortels, des ascendeurs et des finalitaires. Nous pensons que ce processus commence Ici et Maintenant. Envisageons le raisonnement suivant:
Le temps objectif (le temps de l’horloge) est une chose: il s’égrène à raison de soixante secondes par minutes, soixante minutes par heure, jour après jour -sans jamais changer. Le temps subjectif (le temps de notre conscience) est quelque chose de vraiment différent; cette sorte de temps est variable – non constant. Quand nous nous ennuyons, le temps se traîne; quand nous avons du plaisir, le temps file, il passe rapidement.
Le temps subjectif varie de jour en jour, en fonction de ce que nous faisons et comment nous nous sentons; mais il montre aussi une tendance à long terme; plus nous avançons dans la vie, plus il passe rapidement. Ceci est dû au fait que nous interprétons le temps subjectif. Nous l’évaluons. Nous «ressentons» ce genre de temps et nous le ressentons en fonction du temps que nous avons déjà vécu. Nous le ressentons aussi en fonction des limites dans lesquelles nous pouvons envisager le futur, un futur que l’on puisse «ressentir. Lorsqu’un être humain a vécu quarante ans ou plus, il peut retourner une trentaine d’années au moins dans le passé et y puiser des souvenirs et des sentiments. Ceci lui donne la possibilité de regarder dans le futur avec une durée égale. Il «ressent» une durée de temps futur de trente ans. Ceci devrait lui donner une base de temps de soixante ans avec laquelle évaluer l’instant présent qui passe – trente ans en amont plus trente ans en aval.
De ce point de vue, notre capacité à appréhender le temps et traiter du temps, croît du double du taux d’écoulement réel du temps – l’écoulement du temps de l’horloge. Ceci se reflète dans la modification à long terme de notre «sentiment» du temps, le temps dans notre conscience; ce genre de temps semble s’écouler plus rapidement à mesure que nous vieillissons. Des vacances d’été sont «une petite tranche d’éternité» pour un enfant de dix ans; trois mois sont plutôt courts pour une personne de quarante ans.
Nous avons tous vécu cette expérience, il n’y a rien de nouveau là-dedans. Ce qui peut nous surprendre, plus tard, c’est le doublement de ce taux de changement après la fusion avec l’Ajusteur. On nous informe, entre autres choses, que l’Ajusteur contribue à l’association en apportant ce qui est appelé l’expérienceet-la-mémoire de l’éternel passé. Avec ceci à l’esprit, considérons un ascendeur qui a récemment fusionné avec son Ajusteur. Toute cette mémoire sans fin de la totalité de l’éternité et de l’expérience passées qui s’ouvre soudainement à sa conscience. Que va-t-il en faire? Nous croyons qu’il ne pourra en absorber que ce que sa capacité d’absorption lui permettra. En d’autres termes, combien peutil en comprendre? De combien de temps a-t-il consciemment fait l’expérience? S’il est sur le monde des maisons et qu’il est âgé de mille ans, alors il devrait être à même de comprendre un millier d’années supplémentaires d’expériences d’éternité passée et de mémoire provenant de l’Ajusteur. S’il peut faire cela, alors il peut parvenir à retourner deux mille ans en arrière dans le passé. Ceci devrait lui permettre de ressentir une durée égale dans le futur – deux mille ans. Maintenant, il a une base de temps de quatre mille ans avec laquelle il peut traiter du temps – deux mille ans dans le passé, plus deux mille ans dans le futur. Mais cet ascendeur n’a vécu consciemment que mille ans. Ceci signifie que sa capacité à ressentir le temps, que sa capacité à évaluer le présent en fonction du passé et du futur combinés croît quatre fois plus vite que le passage effectif du temps.
Nous proposons la théorie que les créatures finies sont complètement liées par le temps seulement dans la mesure où elles sont complètement emprisonnées dans le moment présent. Nous commençons à échapper aux limitations du temps à mesure que nous sommes capables d’associer l’instant présent avec plus de passé et plus de futur – à mesure que nous puisons l’expérience dans notre passé, à mesure que nous prévoyons les conséquences de notre conduite dans le futur et à mesure que nous combinons ces estimations du passé-futur en sagesse – sagesse qui s’exerce dans la prise de décisions qui mènent à l’action dans le «présent» du temps. Si ce raisonnement a quelque mérite, alors, nous, en tant qu’êtres humains, nous échappons au temps à une vitesse qui est deux fois celle de l’écoulement du temps. En tant qu’ascendeurs fusionnés avec l’Ajusteur, notre vitesse d’échappement au temps pourrait être doublée; elle pourrait être quatre fois celle de l’écoulement du temps.
Agés d’un million d’années nous devrions avoir une base de temps (une compréhension du passé et du futur) qui est de quatre millions d’années. Agés d’un billion d’années (à peu près l’âge de la nébuleuse d’Andronover dont notre soleil tire origine), nous devrions avoir une base de temps de quatre billions (1012) d’années. En entrant dans l’âge post-Ultime, nous pourrions avoir cinq billions (1012) de fois l’âge d’Andronover – cinq quadrillions (1024) d’années. Nous devrions alors avoir une compréhension du temps qui serait quatre fois cela. C’est l’âge que nous avons calculé pour le maitre univers tout entier – cinq quadrillions (1024) d’années – et, quand nous l’aurons vécu, nous devrions être capables d’en comprendre quatre fois plus.
Si notre compréhension du temps s’accroît quatre fois plus vite que la vitesse de son écoulement présent, alors si l’on dispose d’un temps assez long, même la quantité d’éternité devient partiellement compréhensible – du moins sera-t-elle beaucoup moins formidable. (Voir Appendice XX, §3).
La croissance expérientielle au-delà du niveau Ultime de réalité est une vraie brèche en ce qui concerne toutes les limites des croissances précédentes. Ce serait aussi la troisième fois que de telles limites de croissance seraient transcendées. Chacun de ces épisodes a existé parce que Dieu a soustrait quelque chose des conditions précédentes. Retournons en arrière et réexaminons les trois cas par lesquels Dieu a mis la création existante au défi en établissant un nouveau besoin dans un domaine expérientiel nouveau:
un domaine duquel il aura soustrait toute possibilité de croissance et d’expérience finies et absonites. Si les citoyens du maitre univers peuvent affronter ce défi, alors il semble vraisemblable qu’ils s’embarqueront vers l’aventure finale, l’Aventure Absolue: la tentative de compenser, pour les êtres expérientiels natifs de l’univers final, le manque complet de capacité à faire des expériences finies ou absonites. En affrontant ce défi, les citoyens du maitre univers s’embarqueront peutêtre dans une croissance de nature absolue.
Dans chaque cas de transcendance des limites anciennes, le processus commence lorsque Dieu défie les citoyens d’un univers nucléaire. La transcendance des limites anciennes s’accomplit quand les citoyens de ce noyau répondent au défi par leur ministère-service couronné de succès dans les nouveaux royaumes cytoplasmiques externes. (Voir Appendice XXI, §4)
Quelles sont les perspectives des finalitaires dans l’âge post-Ultime, l’âge dans lequel toute croissance finie et absonite est terminée? Les mortels finalitaires ont accompli un long parcours dans l’ascension vers le Paradis dans le Deuxième Âge de l’Univers, dans la recherche de la compréhension finie du Père Universel. Ils ont crû et progressé à travers les âges post-Suprême, à travers le Troisième, le Quatrième, le Cinquième et le Sixième Âges de l’Univers – tout au long du parachèvement du maitre univers, de l’émergence de Dieu l’Ultime, la découverte du Père Universel en tant qu’expérience ultime et de l’épuisement total du potentiel de croissance absonite. Quelles sont les perspectives pour d’autres croissances ultérieures? La question de «croissance ultérieure» est réellement formidable. Après que la croissance finie et absonite sont achevées, alors toute croissance relative est achevée; lorsque la croissance relative est achevée, tout ce qui reste possible est la croissance absolue.
Nous avançons l’idée que les perspectives des finalitaires sont bonnes. Il n’y a pas beaucoup de témoignÂges dans les Fascicules à ce sujet, mais il y en a assez pour soutenir cette opinion. Les finalitaires ont le potentiel pour une croissance sans fin:
Ces deux dotations, l’une inhérente à la personnalité, l’autre dérivant de l’Ajusteur, viennent de Dieu – ainsi il n’est pas inimaginable que chacune puisse être porteuse du potentiel de croissance absolue. En conséquence, nous en déduisons que les finalitaires ont certainement la capacité de croître dans l’âge post-Ultime. De plus, nous en déduisons que rien ne peut arrêter leur croissance. Nous en déduisons finalement qu’ils n’épuiseront jamais toute la croissance possible dans cet âge d’un point de vue quantitatif, ils n’atteindront jamais la fin de toute croissance.
Les finalitaires paraissent avoir la capacité d’atteindre une destinée qui est qualitativement absolue, mais non pas infinie quantitativement. Nous croyons qu’ils sont destinés à trouver Dieu en tant qu’absolu, mais jamais à connaître tout de Dieu en tant qu’absolu – encore plus, et toujours plus, mais jamais la totalité.
Si Havona est le noyau du grand univers, et si le grand univers est le noyau des univers cytoplasmiques des quatre niveaux d’espace extérieur, alors de quoi le maitre univers est-il le noyau? Cette étude soutient que le maitre univers est le noyau potentiel d’un possible Cosmos Infini – le cytoplasme sans fin, l’antithèse finale.
Le Cosmos Infini devrait être la troisième et dernière antithèse. Il doit être différent et ne ressembler à rien de ce qui a pu apparaître précédemment, des circuits de Havona jusqu’aux royaumes du Quatrième Niveau d’Espace. L’univers central paraît être précréatif, le maitre univers semble être créatif (et évolutionnaire), peutêtre que l’univers final d’infinité est supercréatif.
Nous sommes sûrs que le cosmos sans fin que nous avons proposé comme principe sera expérientiel, mais il sera aussi postfini et postabsonite. Peutêtre sera-t-il existentiel-expérientiel. Ceci n’est pas un concept nouveau car la Déité (Qualifiée) Absolue est décrite comme étant à la fois existentielle et expérientielle.
Même la pensée d’un univers sans fin n’est pas impossible à concilier avec le concept des limites de l’espace à un moment donné du temps. Tout ce que nous avons à faire est d’admettre que l’espace augmente plus rapidement que la création, et nous pouvons y inclure une création sans fin. Nous savons pertinemment que l’espace s’étend bel et bien au-delà des frontières actuelles connues de la maitresse création.
Les Fascicules ne nous disent pas grand chose concernant cet univers potentiel infini de l’avenir lointain, mais ils sont assez clairs en prévoyant un jour son apparition. (Voir: Appendice XXI. Le Cosmos Infini)
Nous émettons l’opinion que l’ajustement à l’infinité, tout comme l’ajustement à l’éternité est un processus lent. Nous ne nous mettons pas soudain à parcourir du regard, à quelque lointain moment du futur, quelque étendue étoilée, en disant: «Ainsi, voilà l’infinité – enfin !». Nous croyons que nous deviendrons lentement familiers de l’infinité bien que nous puissions être très conscients des bornes qui marqueront notre progrès du fini vers le superfini.
Quand nous utiliserons des mots qui n’ont pas de signification – des mots comme absolu, éternel, et infini – nous ferons bien de sacrifier quelques faits pour plus de vérité; il vaut mieux que nous développions une petite perception concrète de ces concepts plutôt que de nous noyer dans les flots d’un langage solennel. Dans ce but, l’histoire suivante vous est contée comme un conceptsymbole qui pourra peutêtre ajouter quelque chose à notre perception de la façon dont une créature finie pourrait peutêtre s’adapter à l’infinité.
* * *
Supposons que vous soyez un jeune garçon, étudiant d’une grande université. C’est une merveilleuse expérience; vous avez le sentiment de croître et d’atteindre de nouveaux horizons de connaissance et d’accomplissement. Une des choses qui vous plaît le plus est le football. La fac a une très bonne équipe et il n’est pas facile d’en faire partie ou de gagner ses galons pour en devenir membre. Vous vous présentez régulièrement chaque matin, sans faute. Vous travaillez dur pour développer une réelle adresse. Avec le temps, vous vous qualifiez pour la seconde équipe, puis comme remplaçant dans la première équipe et, finalement, vous gagnez une place convoitée de joueur sélectionné de l’équipe. Cette sélection vous a pris du temps et vous procure une grande joie, un grand sentiment d’accomplissement.
Voici venir le jour du «grand jeu». C’est le moment crucial de la partie – la partie qui signifie victoire ou défaite. Vous recevez une longue, longue passe en avant qui arrive tant bien que mal, en dépit de l’opposition qui assaille la ligne d’arrières. C’est une bonne passe, et vous avez la balle. Maintenant, il ne reste plus qu’un joueur qui pourrait vous arrêter et, d’une façon ou d’une autre, vous feintez et vous évitez le plaqueur. La voie est libre, libre devant vous et vous êtes vaguement conscient des lignes à la craie blanche qui défilent sous vos pieds tandis que vous portez le ballon vers la ligne de but pour marquer ! Vous donnez le coup de pied victorieux et la partie est terminée, et, sur le chemin des vestiaires, vous goûtez la victoire et le succès.
De retour aux vestiaires, vous faites l’expérience du chaud sentiment d’intimité et de camaraderie qui naît quand les hommes qui ont fait des choses en semble, sont réunis. C’est là un renouvellement du sentiment de réalisation de soi et d’accomplissement, du sentiment d’être un pair parmi vos compagnons; c’est comme avoir un siège à la «table ronde» des chevaliers d’antan et y être assis légitimement. Vous avez mérité votre place et vous avez gagné vos galons. Vous êtes «arrivé».
Plus tard, en partant, après vous être douché et changé, l’entraîneur vous tape sur l’épaule et vous dit: «Peux-tu m’accorder une minute? Je voudrais te montrer quelque chose.» Bien sûr, vous répondez: «Oui.» Vous vous en allez au crépuscule tous les deux, marchant lentement vers le terrain de jeu. Pendant que vous traversiez le terrain, la nuit est descendue et vous arrivez sur la ligne de but juste à côté de l’endroit où vous avez marqué l’essai. Vous vous tournez vers l’entraîneur en demandant: «Que vouliez-vous me montrer?» – «Un instant», répond-il, «je vais allumer.» Se penchant vers une petite trappe encastrée dans le gazon, il fait jouer l’attache et, finalement, l’ouvre, plonge la main et tourne un interrupteur, les projecteurs s’allument et vous vous apercevez, soudain, que la ligne de but que vous aviez franchi pour marquer l’essai, est en fait la ligne de but d’un autre terrain de jeu, un terrain qui s’étire à perte de vue !
Vous vous tournez vers l’entraîneur: «Bon sang, combien fait ce terrain?» Il répond: «C’est un terrain de 9000 mètres de long. J’ai pensé que tu aimerais le voir après le match d’aujourd’hui.» Vous demandez: «Devrais-je maintenant jouer sur ce terrain?» – «Non, pas tant que tu n’es pas prêt. Tu voudras probablement continuer à jouer sur le terrain de 90 mètres dont tu as l’habitude au moins pendant quelques temps encore. De plus, je voudrais que tu me serves, d’assistant, l’année prochaine, pendant que tu prépares ton diplôme. Tu peux m’aider à mettre les gars en forme. Mais, le jour où tu en auras envie, tu sauras qu’il y a un grand terrain.»
Ainsi, pendant un certain temps, vous prenez plaisir à être «un ancien». Vous êtes diplômé et vous passez le plus clair de votre temps à enseigner vos juniors et à aider l’entraîneur. Jusqu’au jour où vous commencez à penser à ce terrain de 9000 mètres. Cela procure beaucoup de joie d’être un «ancien», d’être entraîneur assistant, mais comment ça serait d’essayer de faire partie d’une équipe qui joue sur un tel terrain, un terrain 100 fois plus grand que le précédent. Comment ça serait?
La curiosité gâche toujours le contentement. Au bout du compte, le besoin d’aventure gagne toujours. Il finit par arriver ce jour où vous avez une discussion avec l’entraîneur, vous saluez les non-diplômés, vous avez un dîner d’adieu et vous partez pour essayer d’entrer dans l’équipe qui joue sur le «grand terrain».
C’est bien plus long pour entrer dans cette équipe, bien plus long. Mais vous êtes un type persévérant et, finalement, vous faites partie de la première équipe. Avec suffisamment de temps, l’histoire se répète et cette même pensée vous traverse le mental, alors que vous courez sur le terrain pour attraper l’une des plus longues passes jamais tentées. Elle vous arrive correctement, vous avez la balle et personne ne se présente devant vous. Vous fendez le terrain, ligne blanche après ligne blanche et c’est gagné ! Vous marquez l’essai !
Après la partie, de retour dans les vestiaires, vous ressentez ce même bon sentiment d’appartenance, d’accomplissement, de vous être mesuré à un défi, ce même sentiment agréable de faire partie de l’équipe, de quelque chose de plus grand que vous, d’être digne de vous trouver ici, et d’avoir gagné loyalement.
Alors que vous quittez le vestiaire, vous avez le sentiment singulier «d’avoir été là précédemment». C’est une impression comme si quelque chose de connu et d’ancien allait arriver. Vous ressentez une sensation de libération quand l’entraîneur vous emboîte le pas et dit: «Dites, je voudrais vous montrer quelque chose.» En marchant ensemble en silence, il devient évident que vous retournez sur vos pas, vers le terrain. Alors, vous arrêtant, vous vous tournez vers l’entraîneur et vous dites: «Celui-ci fait 900.000 mètres, n’est-ce pas?» L’entraîneur répond: «Oui, mais comment le sais-tu?