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Loin d’ignorer ou de rejeter l’Ancien et le Nouveau Testament (ou toute autre écriture sacrée), la religion du futur leur accordera avec gratitude une place parmi les sources d’instruction morale et d’inspiration, en sélectionnant les passages qui contribuent à enrichir la vie spirituelle. De même que l’arbre puise dans la terre, l’eau et l’air environnants les matériaux nécessaires à la solidité de son tronc et à la beauté de son feuillage, la religion du futur, dans son processus de formation, puisera dans l’Ancien et le Nouveau Testament, ainsi que dans toutes les autres sources écrites historiques, pour donner à son Évangile force, beauté et inspiration.
Mais en plus de s’appuyer sur ces principes pour la conduite de la vie, la religion du futur devra s’appuyer sur une nouvelle expérience morale [ p. 116 ] pour apporter la lumière nécessaire sur des problèmes que les anciennes « révélations » n’ont pas abordés. Nombreuses et variées sont les questions morales qui étaient inconnues des fondateurs des grandes religions, questions qui ont surgi en raison des nouvelles conditions de la vie moderne. Par exemple, la juste relation entre employeur et employé dans la grande industrie, une question vieille d’un siècle et demi seulement, datant de la « révolution industrielle » ; le fonctionnement moral de l’État en matière de « fusions » – une question qui ne date pas du milieu du siècle dernier ; la garantie de la paix internationale, une question qui, à son échelle mondiale actuelle, n’existait pas pour les auteurs éthiques de l’Antiquité et pour laquelle, par conséquent, aucune aide adéquate n’a été fournie. Et de même que c’est de l’expérience morale – de l’expérience dans le domaine des relations morales – que la compréhension a été obtenue (qui a finalement pris le caractère de « révélation divine »), de même, d’une nouvelle expérience morale, dans des conditions nouvelles, la nouvelle compréhension doit naître. Les chrétiens catholiques et protestants s’accordent à croire que la « révélation » consignée dans le Nouveau Testament suffit à répondre aux besoins moraux de l’homme pour tous les temps – une « révélation complète et définitive », vers laquelle l’humanité peut toujours se tourner pour trouver guide, une révélation qui n’a nul besoin d’être complétée car interprétable pour répondre à tous les besoins à chaque époque. Mais j’ose affirmer que la religion du futur regardera d’un mauvais œil les libertés prises avec le texte de la « révélation » pour lui faire enseigner ce que la pensée éthique moderne a élaboré. La religion à venir interprétera, je le suppose, chaque texte avec franchise, tel qu’il a été conçu par son auteur, sans le déformer ni lui donner une signification qu’il ne peut légitimement assumer. Autrement dit, la religion du futur, tout en tirant le meilleur parti des formules morales du passé, s’efforcera courageusement d’en proposer de nouvelles pour répondre aux questions morales auxquelles les anciennes ne suffisent plus. Il existe des problèmes moraux touchant aux justes relations entre parents et enfants, entre hommes et femmes dans le mariage, entre le citoyen et l’État, entre la nation et la famille des nations – des problèmes sur lesquels il n’existe pas encore de consensus quant à la juste place, des problèmes que le Nouveau Testament n’a pas abordés, et ce pour les excellentes raisons déjà citées. Comment ces problèmes et d’autres similaires seront-ils résolus ? Comment déterminer les justes relations dans chaque cas ? La religion du futur,tout en rendant pleinement justice à la révélation du Nouveau Testament, s’appuiera, pour obtenir une connaissance morale supplémentaire adéquate à la résolution des problèmes, sur l’expérience morale dans les différents domaines où les problèmes existent.
Au Musée de la Cathédrale de Florence, j’ai lu le cahier des charges préparé par Brunelleschi pour l’achèvement du grand dôme. Le célèbre architecte concluait la série d’instructions destinées à ses successeurs par ces mots significatifs : « La pratica insegna che si has da seguire » — « La pratique enseigne la prochaine étape à franchir. » Lorsque le dôme allait être fermé à une hauteur de cinquante-sept pieds, les maîtres d’œuvre alors en charge des travaux devaient déterminer comment l’achever ; leur expérience, selon Brunelleschi, devait servir de guide lorsque l’étape finale de la grande œuvre architecturale serait atteinte. Ainsi, en construisant le dôme de la cathédrale de la vie morale, la religion du futur fera de l’expérience morale son maître ; la pratique de l’architecture morale déterminera le contenu des nouvelles formules pour de nouvelles conditions et complétera ainsi l’enseignement impérissable transmis par le passé. C’est en ce sens que la pratique précède la théorie. « Si vous faites la volonté, vous connaîtrez la doctrine. » En nous efforçant d’entretenir de bonnes relations avec autrui – à la maison, à l’usine, dans l’État – nous acquérons l’expérience morale qui nous permettra d’apprendre ce que ces relations devraient être. En vivant une vie d’amour, nous parvenons à la signification spirituelle de l’amour. En œuvrant pour un idéal de justice internationale, nous apprenons enfin ce qu’est réellement cet idéal. En expérimentant le contenu profond de la vie morale, nous nous approchons d’une formulation adéquate de l’idéal moral.
Ainsi, la religion du futur se distinguera [ p. 120 ] du christianisme et des autres religions historiques par ce recours à l’expérience morale pour compléter les éléments utiles et permanents des « révélations » du passé ; par l’abdication spontanée du principe d’autorité en faveur de la libre raison et de l’expérience morale, co-souveraines du domaine éthique et véritables sources de la « lumière plus complète » qui doit encore être répandue sur le chemin de la vie morale. Bien plus, la religion du futur, en s’alliant à la méthode scientifique de recherche de la vérité, sera suffisamment protégée contre le danger du dogmatisme et de l’engagement envers des « finalités absolues ». Cette alliance lui permettra de rester toujours libre de se réajuster à la découverte de faits nouveaux, ou d’un nouvel éclairage sur des faits anciens, se rappelant que l’infaillibilité n’est pas pour l’homme faillible et que se rapprocher toujours plus de l’idéal inaccessible est son plus haut accomplissement.
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