« Honneur pour honneur », etc. — Cette histoire, le Maître la raconta dans Jetavana, à propos d’un propriétaire foncier.
La tradition raconte qu’un jour, un propriétaire terrien, citoyen de Sāvatthi, fit affaire avec un propriétaire de la campagne. [203] Emmenant sa femme avec lui, il rendit visite à cet homme, son débiteur ; mais celui-ci déclara ne pas pouvoir payer. L’autre, furieux, rentra chez lui sans avoir rompu son jeûne. En chemin, des gens le rencontrèrent ; voyant l’affamé du rouan, ils lui donnèrent à manger, le priant de la partager avec sa femme.
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Lorsqu’il eut reçu cela, il refusa d’en donner une part à sa femme. S’adressant à elle, il lui dit : « Femme, c’est un repaire de voleurs bien connu, alors tu ferais mieux d’aller devant. » S’étant ainsi débarrassé d’elle, il mangea toute la nourriture, puis lui montra le pot vide en disant : « Regarde, femme ! On m’a donné un pot vide ! » Elle devina qu’il avait tout mangé lui-même et fut très agacée.
En passant devant le monastère de Jetavana, ils pensèrent aller au parc boire un verre d’eau. Le Maître était assis là, les attendant exprès, tel un chasseur en piste, à l’ombre de sa cellule parfumée. Il les salua gentiment et dit : « Sœur converse, votre mari est-il bon et aimant ? » « Je l’aime, monsieur », répondit-elle, « mais il ne m’aime pas ; encore moins les autres jours, ce jour-là même, on lui a donné un pot de nourriture en chemin, et il ne m’en a pas donné un morceau, mais l’a tout mangé lui-même. » « Sœur converse, il en a toujours été ainsi : vous êtes aimante et gentille, et lui sans amour ; mais lorsque, avec l’aide du sage, il connaîtra votre valeur, il vous fera honneur. » Puis, à sa demande, il raconta une histoire du vieux monde.
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À une époque où Brahmadatta était roi à Bénarès, le Bodhisatta était le fils d’un membre de la cour du roi. À sa majorité, il devint le conseiller du roi pour les affaires temporelles et spirituelles. Le roi, craignant son fils, le renvoya. Prenant sa femme, le fils quitta la ville et se rendit au village de Kāsi, où il résidait. Peu après la mort du père, son fils, apprenant la nouvelle, partit pour Bénarès : « Afin que je reçoive le royaume auquel je suis redevable », dit-il. En chemin, on lui donna un plat de lentilles en lui disant : « Mange, et donne-en aussi à ta femme. » Mais il ne lui en donna pas et mangea tout lui-même. [204] Elle pensa : « Quel homme cruel, celui-là ! » et elle fut profondément attristée.
Lorsqu’il fut arrivé à Bénarès et qu’il reçut son royaume, il la fit reine consort ; mais pensant : « Peu lui suffit », il ne lui témoigna aucune autre considération ni aucun autre honneur, pas même pour lui demander comment elle se portait.
« Cette reine », pensa le Bodhisatta, « sert bien le roi et l’aime ; mais le roi ne lui accorde aucune attention. Je vais lui faire témoigner respect et honneur. »
Il s’approcha donc de la reine, la salua et s’écarta. « Qu’y a-t-il, cher monsieur ? » demanda-t-elle.
« Madame, demanda-t-il, comment pouvons-nous vous servir ? Ne devriez-vous pas donner aux vieux Pères un morceau de tissu ou un plat de riz ? »
« Cher monsieur, je ne reçois jamais rien moi-même ; que vous donnerai-je ? Quand j’ai reçu, n’ai-je pas donné ? Mais maintenant, le roi ne me donne plus rien du tout, et encore moins quoi que ce soit d’autre. En chemin, il a reçu un bol de riz, mais ne m’en a pas donné un seul morceau : il l’a mangé tout seul. »
« Eh bien, Madame, pourrez-vous dire cela en présence du roi ? »
« Oui », répondit-elle.
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« Très bien. Aujourd’hui, lorsque je me tiendrai devant le roi, lorsque je lui poserai ma question, répondras-tu la même chose ? Aujourd’hui même, je ferai connaître ta bonté. » Le Bodhisatta alla donc devant et se tint en présence du roi. Elle aussi alla se tenir près du roi.
Le Bodhisatta dit alors : « Madame, vous êtes très cruelle. Ne devriez-vous pas donner aux Pères un morceau de tissu ou un plat de nourriture ? » Elle répondit : « Bon seigneur, je ne reçois rien du roi : que puis-je vous donner ? »
« N’êtes-vous pas la reine consort ? » demanda-t-il.
« Mon cher monsieur », dit-elle, « à quoi bon être une reine consort, si l’on ne lui témoigne aucun respect ? Que va me donner le roi maintenant ? Lorsqu’il a reçu un plat de riz en chemin, il ne m’en a pas donné, mais l’a mangé tout seul. » Le Bodhisatta lui demanda : « Vraiment, ô roi ? » Le roi acquiesça. Voyant que le roi acquiesçait, le Bodhisatta dit : « Alors, ma dame », dit-il, « pourquoi demeurer ici avec le roi après qu’il est devenu méchant ? Dans le monde, l’union sans amour est douloureuse. Tant que vous demeurerez ici, une union sans amour avec le roi vous apportera du chagrin. Ces gens honorent celui qui honore, et lorsqu’on n’honore pas, dès que vous le voyez, vous devriez aller ailleurs ; ceux qui demeurent dans le monde sont nombreux. » Et il répéta les stances suivantes :
Honneur pour honneur, amour pour amour est dû :
Faites du bien à celui qui vous fait du bien :
L’observance engendre l’observance ; mais il est clair
Nul n’a besoin d’aider celui qui ne veut pas aider en retour.
« Rendez négligence pour négligence, et ne restez pas
Pour réconforter celui dont l’amour est passé.
Le monde est vaste ; et quand les oiseaux aperçoivent
Que les arbres ont perdu leurs fruits, ils s’envolent.
En entendant cela, le roi rendit à sa reine tous les honneurs ; et depuis lors, ils vécurent ensemble dans l’amitié et l’harmonie.
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[206] Lorsque le Maître eut terminé ce discours, il déclara les Vérités et identifia la Naissance : à la conclusion des Vérités, le mari et la femme entrèrent sur le Fruit du Premier Sentier : « Le mari et la femme sont les mêmes dans les deux cas, et le sage conseiller était moi-même. »