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(i) L’EXPOSITION DU SYMBOLISME DU VERS DE LUMIÈRE
Nous en arrivons maintenant à la signification réelle du symbolisme de ce verset. L’exposition complète du parallélisme entre ces cinq classes d’Esprit et la quintuple Niche : le Verre, la Lampe, l’Arbre et l’Huile, [p. 43] pourrait être indéfiniment prolongée. Mais nous devons nous contenter d’indiquer brièvement la méthode du symbolisme.
1. Considérez l’esprit sensoriel. Vous observez que ses lumières arrivent à travers plusieurs ouvertures, les yeux, les oreilles, les narines, etc. Or, le symbole le plus approprié pour cela, dans notre monde d’expérience, est la Niche pour une lampe dans un mur.
2. Prenons ensuite l’esprit imaginatif. Il a trois particularités : premièrement, il est fait de la même matière que le monde grossier inférieur, car ses objets ont une taille, une forme et une dimension déterminées et limitées, et sont en rapport avec le sujet quant à la distance. [p. 151] De plus, une des propriétés d’une substance grossière à laquelle sont attribués des attributs corporels est d’être opaque à la lumière de l’intelligence pure, qui transcende ces catégories de direction, de quantité et de distance. Mais, deuxièmement, si cette substance est clarifiée, raffinée, disciplinée et contrôlée, elle atteint une correspondance et une similitude avec les idées de l’intelligence, et devient transparente à leur lumière. Troisièmement, l’imagination est d’abord très nécessaire pour que la connaissance intellectuelle soit contrôlée par elle, afin que cette connaissance ne soit pas troublée, perturbée, dissipée et ainsi incontrôlable. Les images fournies par l’imagination maintiennent la connaissance fournie par l’intellect. Or, dans le monde de l’expérience quotidienne, le seul objet dans lequel vous trouverez ces trois particularités, par rapport aux lumières physiques, est le verre. Car le verre aussi est à l’origine une substance opaque, mais il est clarifié et raffiné jusqu’à devenir transparent à la lumière d’une lampe, qu’il transmet en effet sans altération. De plus, le verre empêche la lampe de s’éteindre par un courant d’air ou une secousse violente. [p. 44] Par quoi, [p. 152] alors, l’imagination pourrait-elle être mieux symbolisée ?
3. L’esprit intelligent, qui donne connaissance des idées divines. Le sens du symbolisme doit vous être évident. Vous le savez déjà par notre précédente explication de la doctrine selon laquelle les prophètes sont une « lampe qui donne la lumière ».
4. L’esprit raisonnant. Sa particularité est de partir d’une proposition, puis de se ramifier en deux, lesquelles deux deviennent quatre et ainsi de suite, jusqu’à ce que, par ce procédé de division logique, elles deviennent très nombreuses. Il conduit enfin à des conclusions qui à leur tour deviennent des germes produisant des conclusions semblables, celles-ci étant aussi susceptibles de continuation, chacune avec chacune. Le symbole que notre monde donne pour cela est un arbre. Et si nous considérons en outre que le fruit de la raison discursive est la matière de cette multiplication, de cette constitution et de cette fixation de toute connaissance, il ne sera naturellement pas typifié par des arbres comme le cognassier, le pommier, le grenadier, ni, en un [p. 153] mot, par aucun autre arbre que l’olivier. Car la quintessence du fruit de l’olivier est son huile, qui est la matière qui alimente les lampes, et qui a ceci de particulier, par rapport à toutes les autres huiles, qu’elle augmente le rayonnement. Si l’on donne encore l’adjectif « béni » à des arbres particulièrement féconds, l’arbre dont la fécondité est absolument infinie doit être appelé béni ! Enfin, si les ramifications de ces propositions intellectuelles pures n’admettent pas de rapport à la direction et à la distance, alors l’arbre antitypique pourra être dit « ni de l’Est ni de l’Ouest ».
5. L’esprit prophétique transcendantal, qui est possédé par les saints aussi bien que par les prophètes s’il est absolument lumineux et clair. Car l’esprit de pensée est divisé en ce qui a besoin d’être instruit, conseillé et alimenté de l’extérieur, si l’acquisition de la connaissance doit être continue ; tandis qu’une partie de celui-ci est absolument claire, comme s’il était lumineux par lui-même et n’avait aucune source extérieure d’approvisionnement. En appliquant ces considérations, nous voyons combien cette faculté naturelle claire et forte est justement décrite par les mots : « Dont l’huile était presque lumineuse, bien [p. 154] que le feu ne la touchât pas » ; car il y a des saints dont la lumière brille si fort qu’elle est « presque » indépendante de celle que les prophètes fournissent, tandis qu’il y a des prophètes dont la lumière est « presque » indépendante de celle que les anges fournissent. Tel est le symbolisme, et il caractérise bien cette classe.
Et comme les lumières de l’esprit humain sont graduées rang par rang, alors celle du Sens vient en premier, fondement et préparation de l’Imagination (car celle-ci ne peut être conçue que superposée après le Sens) ; celles de l’Intelligence et de la Raison discursive viennent après. Tout cela explique pourquoi le Verre est comme le lieu de l’immanence de la Lampe, et la Niche, du Verre : c’est-à-dire que la Lampe est dans le Verre, et le Verre dans la Niche. Enfin, l’existence, comme nous l’avons vu, d’une succession graduée de Lumières explique les mots du texte « Lumière sur Lumière ».
Épilogue : le Verset des Ténèbres
Mais ce symbolisme ne vaut que pour les « cœurs des vrais croyants, ou des prophètes et des saints, mais non pour les cœurs des mécréants » ; car le terme « lumière » n’exprime que la bonne direction. Mais quant à l’homme qui s’est détourné du chemin [p. 155] de la bonne direction, il est faux, il est ténèbres ; non, il est plus sombre que les ténèbres. Car les ténèbres sont naturelles ; elles ne conduisent ni dans un sens ni dans l’autre ; mais les esprits des mécréants, et l’ensemble de leurs perceptions, sont pervers, et se soutiennent mutuellement dans la tromperie réelle de leurs propriétaires. Ils sont comme un homme « dans une mer insondable, submergé par une vague surmontée d’une vague surmontée de nuages ; ténèbres sur ténèbres accumulées »[1]. Or, cette mer insondable est le Monde, ce monde de dangers mortels, de mauvais hasards, de troubles aveuglants. La première vague est celle de la concupiscence, par laquelle les âmes acquièrent les attributs bestiaux, et s’adonnent aux plaisirs sensuels et à la satisfaction des ambitions mondaines, de sorte qu’elles « mangent et se délectent comme du bétail. L’enfer sera [p. 156] leur lieu de divertissement » [3]. Cette vague représente donc bien les ténèbres, car l’amour de la créature rend l’âme à la fois aveugle et sourde. La seconde vague est celle des attributs féroces, qui poussent l’âme à la colère, à l’inimitié, à la haine, aux préjugés, à l’envie, à la vantardise, à l’ostentation, à l’orgueil. C’est aussi le symbole des ténèbres, car la colère est le démon de l’intelligence humaine ; et c’est aussi le symbole de la vague supérieure, car la colère est souvent plus forte que la justice ; la colère enflée détourne l’âme de la concupiscence et la rend oublieuse de la jouissance ; La convoitise ne peut pas résister un instant à la colère à son comble. Enfin, le « nuage » est constitué de croyances grossières, d’hérésies mensongères et d’imaginations corrompues, qui deviennent autant de voiles qui voilent le mécréant de la vraie foi, de la connaissance du Réel et de l’illumination par la lumière du soleil du Coran et de l’intelligence [p. 157] humaine. Car c’est le propre d’un nuage de voiler l’éclat de la lumière du soleil. Or, ces choses étant toutes ténèbres, on peut à juste titre les appeler « ténèbres sur ténèbres empilées », empêchant l’âme de connaître les choses proches, sans parler des choses lointaines ; elles empêchent donc le mécréant de saisir le caractère miraculeux du Prophète, bien qu’il soit si proche à saisir, si manifeste à la moindre réflexion. En vérité, on pourrait dire d’un tel homme que « quand un homme étend sa main, il peut presque ne pas la voir »[1]. Finalement, si toutes ces Lumières ont, comme nous l’avons vu, leur source et leur origine dans le grand Primaire, l’Unique Réel, alors tout Confesseur de l’Unité peut bien croire que « l’homme pour qui Allâh ne fait pas de lumière, n’a aucune lumière du tout »[2].
Et maintenant vous devez vous contenter de cette grande partie des mystères de ce verset.
(ii) L’EXPOSITION DU SYMBOLISME DES SOIXANTE-DIX MILLE VOILES
Quelle est la signification de la tradition : « Allah a soixante-dix mille voiles de lumière et d’obscurité : s’Il retirait leur voile, alors les splendeurs de Son aspect consumeraient certainement tous ceux qui L’ont saisi avec sa vue. » (Certains lisent « sept cents voiles » ; d’autres, « soixante-dix mille »).
Je l’explique ainsi : Allah est en Lui, par Lui et pour Lui-même. Un voile est nécessairement lié à ceux dont l’objet glorieux est voilé. Or, ceux-ci parmi les hommes sont de trois sortes, selon que leurs voiles sont de pure obscurité, un mélange d’obscurité et de lumière, ou de pure lumière.
Les subdivisions de ces trois sont très nombreuses. Cela seul est certain. Je pourrais [p. 158] sans doute faire une énumération tirée par les cheveux de ces subdivisions, mais je n’ai aucune confiance dans les résultats de cette définition et de cette énumération, car personne ne sait si elles étaient réellement voulues ou non. Quant à la fixation du nombre à sept cents ou à soixante-dix mille, c’est une question que seule la puissance prophétique peut comprendre. Ma propre impression est cependant claire que ces nombres ne sont pas du tout mentionnés comme une énumération définie, car les nombres sont souvent mentionnés sans aucune intention de limitation, mais plutôt pour désigner une quantité indéfiniment grande : Dieu sait mieux ! Ce point dépasse donc notre compétence, et tout ce que je peux faire maintenant est de vous dévoiler ces trois divisions principales et quelques-unes de leurs subdivisions.
1. Ceux voilés par les Ténèbres Pures
La première catégorie comprend ceux qui sont voilés par une obscurité totale. Ce sont les athées « qui ne croient ni en Allah, ni au Jour dernier »[3]. Ce sont ceux « qui aiment la vie présente plus que la vie future »[4], car ils ne croient pas du tout à la vie future. Ils se divisent [p. 159] en plusieurs sous-catégories.
Il y a d’abord ceux qui désirent découvrir une cause pour rendre compte du monde et faire de la nature cette cause.Mais la nature est un attribut inhérent aux substances matérielles et qui leur est immanent, et qui est de plus un attribut obscur, car il n’a ni connaissance, ni perception, ni conscience de soi, ni conscience, ni lumière perçue par le moyen de la vue physique.
Deuxièmement, il y a ceux qui sont préoccupés par leur propre intérêt et qui ne s’occupent en aucune façon de la recherche de la causalité. Au contraire, ils vivent la vie des bêtes sauvages. Ce voile est, pour ainsi dire, leur égocentrisme et leurs désirs de ténèbres ; car il n’y a pas de ténèbres plus intenses que l’esclavage de l’impulsion et de l’amour-propre. « As-tu vu », dit Allah, « l’homme qui fait de l’impulsion son dieu ? »[5] et le Prophète, « L’impulsion est le plus détestable des dieux, adoré à la place d’Allah. »
Cette dernière catégorie peut encore être subdivisée. Il y a une classe qui a pensé que le but principal de ce monde est [p. 160] la satisfaction de ses besoins, de ses désirs et de ses plaisirs animaux, qu’ils soient liés au sexe, à la nourriture, à la boisson ou au vêtement. Ces gens-là sont donc des créatures de plaisir ; le plaisir est leur dieu, le but de leur ambition, et en le gagnant ils croient avoir gagné la félicité. Délibérément et volontairement ils se placent au niveau des bêtes des champs ; bien plus bas que les bêtes. Peut-on concevoir des ténèbres plus intenses que cela ? De tels hommes sont, en effet, voilés par des ténèbres pures. Une autre classe a pensé que le but principal de l’homme est la conquête et la domination, la capture de prisonniers et de captifs, et la vie. [49] Telle est l’idée des Arabes, de certains Kurdes, et de très nombreux imbéciles. Leur voile est le voile sombre des attributs féroces, parce que ceux-ci les dominent, de sorte qu’ils considèrent l’abattage de leur proie comme le comble de la félicité. Ceux-là se contentent donc d’occuper le niveau des bêtes de proie, [p. 161] voire même un niveau encore plus dégradé. Une troisième classe a supposé que la fin principale était la richesse et la prospérité, car la richesse est l’instrument de la satisfaction de toutes les convoitises. Leur préoccupation est donc l’accumulation et la multiplication des richesses – la multiplication des propriétés, des biens immobiliers, des biens personnels, des pur-sang, des troupeaux, des champs et le reste. De tels hommes amassent leur argent sous terre – vous pouvez les voir travailler toute leur vie, s’embarquer dans des périls sur terre, des périls sur mer, mettre à jour, descendre, accumuler des richesses, et pourtant les garder à regret pour eux-mêmes – et combien plus encore pour les autres ! Ce sont ceux-là que le Prophète avait en vue lorsqu’il a dit : « Pauvre malheureux, l’esclave de l’argent ! Pauvre malheureux, l’esclave de l’or ! » Et, en effet, quelle obscurité plus intense [p. 162] que celle qui aveugle l’humanité sur le fait que l’or et l’argent ne sont que deux métaux indésirables en eux-mêmes, pas meilleurs que du gravier à moins qu’ils ne soient utilisés comme moyens pour diverses fins et dépensés pour des choses qui en valent la peine ? Une quatrième classe a fait un pas de plus que la folie totale de ces derniers, et a supposé que la félicité suprême réside dans l’extension de la réputation personnelle d’un homme, l’extension de sa propre renommée, l’augmentation de son propre entourage et de son influence sur les autres. Vous pouvez les voir s’admirer dans leur propre miroir ! L’un d’eux, qui souffre peut-être de la faim et de la misère chez lui, dépensera son argent en vêtements et s’efforcera d’avoir l’air le plus élégant possible, juste pour éviter les regards méprisants lorsqu’il se promène à l’extérieur !
Les espèces de cette race sont innombrables, et toutes sont cachées à Allah par une obscurité totale, et elles-mêmes sont ténèbres. Il n’est donc pas nécessaire de les mentionner toutes individuellement, une fois que l’on a attiré l’attention sur les espèces. L’une de ces espèces que nous devons cependant mentionner est celle de ceux qui professent avec leur langue la croyance « Il n’y a pas de dieu en dehors d’Allah », mais qui y sont probablement poussés par la seule crainte, ou par le désir de mendier auprès des musulmans, ou de s’attirer leurs faveurs, ou d’obtenir d’eux une aide financière, ou par un zèle purement fanatique pour soutenir les opinions de leurs ancêtres. Car si la croyance ne les pousse pas aux bonnes œuvres, elle ne les fera en aucun cas passer de la sphère obscure à la lumière. Au contraire, leurs saints patrons sont des diables [p. 163] qui les conduisent de la lumière vers les ténèbres. Mais celui que le Credo touche de telle sorte que ses mauvaises actions lui déplaisent et que ses bonnes actions lui procurent du plaisir, est passé des ténèbres pures, bien qu’il soit encore un grand pécheur.
2. Ceux voilés par la Lumière et les Ténèbres mélangées
La seconde division comprend ceux qui sont voilés par un mélange de lumière et d’obscurité, et se divise en trois grandes catégories : premièrement, ceux dont l’obscurité a son origine dans les sens, deuxièmement, dans l’imagination, troisièmement, dans les faux syllogismes de l’intelligence.
D’abord, ceux qui sont voilés par l’obscurité des sens. Ce sont des personnes qui ont toutes dépassé l’égocentrisme qui était la caractéristique de toute la première division, car elles déifient quelque chose d’extérieur à elles-mêmes et ont un désir ardent de connaître la Déité. Le premier degré de ceux-ci comprend les idolâtres, le dernier degré comprend les dualistes ; entre ces extrêmes se trouvent d’autres degrés.
Les premiers, les idolâtres, sont conscients, en général, qu’ils ont une divinité qu’ils doivent préférer à leur moi obscur, et croient que leur divinité est plus puissante que tout le reste, et plus précieuse que tout autre prix.
[p. 164]
Mais l’obscurité des sens leur cache la connaissance qu’ils doivent transcender le monde des sens dans cette quête, de sorte qu’ils se fabriquent des figures magnifiquement façonnées à partir des minéraux les plus précieux, de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, etc., et les prennent ensuite pour eux-mêmes comme des dieux. De tels hommes sont voilés par la lumière de la Majesté et de la Beauté des attributs d’Allah et de sa lumière : ils ont attaché ces attributs aux corps perçus par les sens, lesquels sens ont bloqué la lumière d’Allah, car les sens sont ténèbres par rapport au Monde Spirituel, comme nous l’avons déjà montré.
La seconde classe, composée des tribus turques les plus éloignées, qui n’ont pas de communauté religieuse organisée ni de code religieux défini, croit qu’il existe une divinité et que cette divinité est un objet particulièrement beau ; de sorte que lorsqu’ils voient un être humain d’une beauté exceptionnelle, ou de même un arbre, un cheval, etc., ils l’adorent et l’appellent leur dieu. Ceux-là sont voilés par la lumière de la Beauté mêlée à l’obscurité des Sens. Ils ont pénétré [p. 165] plus loin que les idolâtres dans le Royaume de la Lumière dans la découverte de la Lumière, car ils sont des adorateurs de la Beauté dans l’absolu, non dans l’individu ; et ils ne la limitent pas spécialement à un individu à l’exclusion des autres ; et puis, encore une fois, la Beauté qu’ils adorent est de la main de la Nature, et non de la leur.
La troisième classe dit : Notre divinité doit être dans son essence Lumière, glorieuse dans son image expresse, majestueuse en elle-même, terrible en sa présence, intolérante à l’approche ; et pourtant elle doit être également perceptible. Car l’imperceptible est dénué de sens à leurs yeux. Alors, parce qu’ils trouvent le Feu ainsi caractérisé, ils l’adorent et le prennent pour eux-mêmes comme seigneur. Ceux-là sont voilés par la lumière de la Domination et de la Gloire, qui sont, en effet, deux des Lumières d’Allah.
La quatrième classe pense que, puisque nous avons le contrôle du feu, l’allumant ou l’éteignant à volonté, il ne peut servir de divinité. Seul ce qui possède l’attribut de Domination et de Gloire et nous tient sous son autorité absolue, et qui est en même temps très élevé et élevé - seul cela vaut pour la divinité. L’astrologie est la science qui est [p. 166] célébrée parmi ce peuple, l’attribution à chaque étoile de son influence particulière: ainsi certains adorent Cynosura et d’autres Jupiter, et d’autres encore un autre corps céleste, selon les nombreuses influences dont ils croient que les différentes étoiles sont dotées. Ceux-ci, alors, sont voilés par la Lumière, la Lumière du Sublime, du Lumineux, du Puissant, qui sont aussi trois des Lumières d’Allah.
La cinquième classe soutient la quatrième dans son idée fondamentale, mais ils disent qu’il ne convient pas à leur Seigneur d’être décrit comme petit ou grand parmi les substances qui donnent de la lumière, mais qu’il doit être le plus grand d’entre eux ; et donc ils adorent le Soleil, qui, disent-ils, est le plus grand de tous. Ceux-là sont voilés par la Lumière de la Grandeur, en plus des lumières précédentes, mais sont toujours mêlés à l’obscurité des Sens.
La sixième classe s’élève encore plus haut et dit : Le soleil n’a pas le monopole de la lumière ; les corps autres que le soleil ont chacun leur lumière. Ainsi, comme la divinité ne doit avoir aucun partenaire dans la lumière, ils adorent la Lumière Absolue, qui embrasse toutes les lumières, et pensent qu’Elle est le Seigneur de l’Univers, et que toutes les bonnes choses lui sont attribuables. Puis, comme ils perçoivent [p. 167] l’existence des maux dans le monde, et ne veulent en aucun cas les attribuer à leur divinité, qui est entièrement dépourvue de mal, ils conçoivent une lutte entre Lui et les Ténèbres, [53] et ces deux sont appelés par eux, je suppose, Yazdân et Ahriman, qui est la secte des Dualistes.
Ceci doit suffire à illustrer cette division, dont les classes sont plus nombreuses que celles que nous avons mentionnées.
Deuxièmement, ceux qui sont voilés par une lumière mêlée aux ténèbres de l’imagination. Ceux-ci ont dépassé les sens, car ils affirment l’existence de quelque chose derrière les objets des sens, mais ne peuvent dépasser l’imagination, et ont donc adoré un Être qui siège réellement sur un trône. Le plus bas degré d’entre eux est appelé Corporéaliste, puis tous les divers Karrâmites, dont les écrits et les opinions ne peuvent être examinés ici, car multiplier les mots à ce sujet serait inutile. Mais le plus haut degré est celui qui a nié à Allah la corporalité et toutes ses accidents, sauf une, la direction, et cette direction vers le haut, car (disent-ils) ce qui ne se rapporte à aucune direction, [p. 168] et ne peut être caractérisé ni comme étant à l’intérieur ni à l’extérieur du monde, n’existe pas du tout, car il ne peut être imaginé par l’imagination.[6] Ils n’ont pas compris que le tout premier degré des intelligibilia nous emmène clairement au-delà de toute référence à la direction et à la dimension.
Troisièmement, ceux qui sont voilés par la Lumière divine, mêlée aux ténèbres des faux syllogismes de l’Intelligence, et qui adorent une divinité qui « Entend, Voit, et a la Connaissance, le Pouvoir, la Volonté, la Vie », et transcende toutes les directions, y compris la direction vers le haut ; mais dont la conception de ces attributs est relative à la leur ; de sorte que certains d’entre eux ont pu même déclarer carrément que Sa « parole » est avec des sons et des lettres comme la nôtre ; tandis que d’autres sont allés un pas plus haut, peut-être, et ont dit : « Non, mais c’est comme notre parole-pensée, à la fois sans son et sans lettre. [p. 169] » Ainsi, lorsqu’on les a mis au défi de montrer que « l’ouïe, la vue, la vie », etc., sont réelles en Allâh, ils sont retombés dans ce qui était essentiellement de l’anthropomorphisme, bien qu’ils l’aient répudié formellement[7] ; car ils ont complètement échoué à saisir ce que [p. 54] l’attribution de ces idées à Allah signifie réellement. Ainsi, ils disent, à propos de Sa volonté, qu’elle est contingente, comme la nôtre, qu’elle est une exigence et une intention, comme la nôtre. Toutes ces opinions sont bien connues, et nous n’avons pas besoin d’entrer plus en détail à leur sujet. Celles-ci sont donc voilées par plusieurs des Lumières divines, mêlées aux ténèbres des faux syllogismes de l’intelligence. Toutes ces choses sont diverses classes de la seconde division, qui se compose de celles qui sont voilées par un mélange de lumière et d’obscurité.
3. Ceux voilés par la Pure Lumière
La troisième division comprend ceux qui sont voilés par la pure Lumière, et ils se répartissent également en plusieurs classes. Je ne peux pas les énumérer toutes, mais je n’en citerai que trois.
Les premiers d’entre eux ont cherché et compris la véritable signification des attributs divins, et ont compris que lorsque les attributs divins sont nommés Parole, [p. 170] Volonté, Puissance, Connaissance et autres, ce n’est pas selon notre mode de nomenclature humaine. Et cela les a conduits à éviter de Le désigner par ces attributs en général, et à Le désigner simplement par une référence à Sa création, comme le fit Moïse dans sa réponse à Pharaon, lorsque ce dernier lui demanda : « Et qui est, je vous prie, le Seigneur de l’Univers ? » et il répondit : « Le Seigneur, dont la Sainteté transcende même les idées de ces attributs », Lui, le Moteur et l’Ordonnateur des Cieux. »[8]
Les seconds montèrent plus haut que ceux-là, parce qu’ils percevirent que les Cieux sont une pluralité, et que le moteur de chaque Ciel est un autre être, appelé Ange, et que ces anges forment une pluralité, et que leur relation aux autres Lumières Divines est comme la relation des étoiles à[9] toutes les autres lumières visibles.[10] Alors ils percevirent que ces Cieux sont enveloppés par une autre Sphère, par le mouvement de laquelle toutes les autres tournent une fois en vingt-quatre heures, et qu’enfin le Seigneur est Celui qui communique le mouvement à cette Sphère la plus extérieure, [p. 171] qui renferme toutes les autres, parce que (disent-ils) la pluralité doit lui être refusée.
Les troisièmes montent plus haut que ceux-là, [p. 55] et disent que cette communication directe du mouvement aux corps célestes doit être un acte de service au Seigneur de l’Univers, un acte d’adoration et d’obéissance à Son commandement, et rendu par une de Ses créatures, un Ange, qui se tient à la pure Lumière Divine dans la relation de la Lune aux autres lumières visibles ; et ils affirment que le Seigneur est l’Obéi de ce Mouvement Angélique, et que le Tout-Puissant doit être considéré comme le Mouvement universel indirectement et par voie de commandement seulement (amr),[11] mais non directement par voie d’acte. L’explication de ce « commandement » et de ce qu’il est réellement contient beaucoup d’obscurs éléments, et trop difficiles pour la plupart des esprits, en plus d’être au-delà du cadre de ce livre.
Ce sont donc des grades qui sont tous voilés par des Lumières sans mélange d’Obscurité.
4. Le but de la quête
Mais ceux qui ATTEIGNENT font un quatrième [p. 172] degré, à qui il a été clairement expliqué que cet Obéi, s’il s’identifiait à Allah, aurait reçu des attributs négatifs de Son Unité et de Sa perfection pures, à cause d’un mystère qu’il n’entre pas dans le cadre de ce livre de révéler, et que la relation de cet Obéi à L’EXISTENCE RÉELLE est comme la relaxation du Soleil à la Lumière essentielle, ou du charbon ardent au Feu élémentaire, et ainsi « ont détourné leurs visages »[15] de celui qui déplace les cieux et de celui qui a donné l’ordre (amara) pour leur déplacement, et ont Atteint un Existent qui transcende TOUT ce qui est compréhensible par la Vue humaine ou la Pénétration humaine, car ils ont trouvé CELA transcendant et séparé de toute caractérisation que nous avons faite dans ce qui précède.
Ces derniers sont aussi divisés : pour une classe, tout le contenu du perceptible est consumé, effacé et annihilé ; cependant l’âme elle-même demeure en contemplation de la Beauté et de la Sainteté absolues et se contemple elle-même dans sa beauté, qui lui est conférée par cette Atteinte [p. 173] à la Présence Divine. En eux, donc, les choses vues, mais non l’âme qui voit, sont effacées.
Et ils sont dépassés par d’autres, parmi lesquels se trouvent les quelques-uns des quelques-uns, que « les splendeurs du sublime Visage consument » (16) et que la majesté de la Gloire divine efface, de sorte qu’ils sont eux-mêmes effacés, anéantis. La contemplation de soi-même n’a plus de place, car ils n’ont plus rien à faire avec le moi. Il ne reste plus que l’Un, le Réel, et le sens de sa parole : « Tout périt, sauf son Visage » (17) devient l’expérience de l’âme. Nous avons fait allusion à cela dans le premier chapitre, où nous avons exposé dans quel sens ils appelaient cet état « Identité » et comment ils le concevaient.
Tel est le degré ultime de ceux qui atteignent. Certaines de ces âmes n’ont pas eu à gravir pas à pas les étapes que nous avons décrites dans leur Progression et leur Ascension, et leur ascension ne leur a pas coûté beaucoup de temps ; mais dès leur premier vol, elles [p. 174] ont atteint la connaissance de la Sainteté et la confession que Sa souveraineté transcende tout ce qu’il faut confesser transcender. Elles ont été vaincues dès le début par la connaissance qui a vaincu les autres à la fin. Le début de l’épiphanie de Dieu s’est abattu sur elles d’un seul coup, de sorte que tout ce qui est appréhendé par la vue des Sens ou par la perspicacité de l’Intelligence a été « par les splendeurs de Son Visage entièrement consumées ». Il se peut que ce soit la première voie d’Abraham, l’Ami d’Allah, tandis que la seconde voie était celle de Mohammed, le Bien-aimé d’Allah. Allah seul connaît les mystères de leur Progression et de leurs Stations sur la Voie de la Lumière.
Telle est notre description des classes de ceux qui sont voilés par les Voiles, et il ne serait pas étonnant qu’après avoir entièrement classé toutes ces Stations et étudié en détail les Voiles des Pèlerins Mystiques, le nombre de classes s’élève à soixante-dix mille. Pourtant, si vous regardez attentivement, vous constaterez que de toutes, aucune ne tombe en dehors des divisions que nous avons établies. Car, comme [p. 175] nous l’avons montré, elles doivent être voilées par leurs propres attributs humains ou par les sens, l’imagination, l’intelligence discursive ou par la pure lumière.
Voilà ce qui m’est venu à l’esprit en guise de réponse [57] à vos interrogations, bien que celles-ci me soient venues à un moment où ma pensée était divisée, mon esprit préoccupé et mon attention portée à d’autres sujets que celui-ci. Ne puis-je donc pas vous suggérer de demander pardon pour moi pour tout ce où ma plume a erré ou mon pied a glissé ? Car c’est une chose dangereuse que de plonger dans la mer insondable des mystères divins, et il est dur, dur de tenter la découverte des Lumières célestes qui sont au-delà du Voile.
LA FIN
Art. 24, 40. ↩︎
Art. 24, 40. ↩︎
S.4, 37. ↩︎
article 14, 3. ↩︎
Art. 25, 43. ↩︎
Voir Averroès, opusc. cit., p. 61, Le Caire éd., p. 51. ↩︎
Il semble inévitable de lire ###. Le pronom féminin ne peut se référer qu’à ###, ce qui est absurde. Le référer à un masdar fourni ne semble pas être dans la manière de notre auteur. ↩︎
Voir S. 26, 23 et suivantes. ↩︎
Lecture de ### pour ###. ↩︎
Cf. S. 41, 11. ↩︎
Voir S. 7, 53. ↩︎