© 2002 Dominique Ronfet
© 2002 Association Francophone des Lecteurs du Livre d'Urantia
Je ne pensais pas que ma mort se passerait ainsi. Enfin il serait plus juste de dire que je ne voyais pas ma nouvelle vie commencer de cette manière.Vous me direz : c’était la première fois. Ma surprise était donc toute excusée.
Le premier regard que je posais me révéla dans une lumière douce, ouatée ce que je supposais être une grande pièce blanche. Je mis quelques instants à m’habituer à cet éclairage inattendu.
« Ne vous inquiétez pas, vous êtes arrivé. »
Le visage qui se pencha vers moi était calme et les traits familiers.
La voix s’était voulue rassurante, et l’allusion à une arrivée éveilla en moi l’idée étrange d’un voyage correctement réalisé.
Il semble que j’étais allongé. Mais rien n’était moins sûr.
Ce début de « re-conscience » (si je puis dire) qui émergait en moi manquait encore de consistance.
J’étais comme un brouillard surgissant d’un nuage, si vous me permettez l’expression.
Le fait est qu’il me fallut…quelques temps pour réaliser ce qui m’arrivait.
Et ce que j’étais devenu à présent.
Mais là encore tout n’est pas clair.
Il m’arrive d’avoir des réminiscences, des rappels brumeux de mon autre vie.
Ce qui donne lieu à des séances collectives d’humour très agréables.
Car rien ne vaut le partage de bons vieux souvenirs avec d’autres voyageurs (car je n’étais pas seul, vous imaginez bien) pour réappendre à vivre en intégrant par l’humour les errances du passé.
Mais j’y reviendrai.
Car oui, j’étais mort, et cette renaissance tant promise s’était révélée une réalité.
Les résidents permanents qui nous guidaient étaient d’une patience infinie.
On me proposa une sympathique demeure dans laquelle j’habituais mon nouveau corps à prendre ses repères dans ce nouvel espace.
C’est que j’étais bien pataud.
Heureusement aucun des matériaux que je pouvais renverser ne se cassait !
Tant mieux car la note aurait été lourde.
Non, je plaisante, car ici pas de transaction financière ou commerciale. E n échange d’un travail régulier j’avais naturellement droit à ce qui m’était nécessaire.
Je dis bien : ce qui m’était nécessaire pas obligatoirement ce que je désirais tout de suite.
Je pouvais sans crainte exprimer tous mes désirs mais il ne couvraient pas forcément ce dont j’avais besoin. Ils n’étaient donc pas satisfaits immédiatement.
C’est une des grandes différences avec ma précédente vie sur Terre sur laquelle chacun pouvait à ses propres périls et à ceux de ses frères et soeurs donner libre cours à ses satisfactions immédiates et irréfléchies .
Mais j’aurai sans doute l’occasion de revenir sur cet aspect de philophie universelle sur lequel nous devions méditer régulièrement.
Retournons dans ma nouvelle demeure.
Une décoration délicieuse sans être prétentieuse.
Un rapport forme-couleur-espace élevé à la hauteur d’un art, participait à cette constante recherche d’harmonie. Trouver le parfait dosage qui permet à nos sens de se nourrir tout en trouvant le repos.
Assez surpenant au début : aucun toit ne venait recouvrir votre vue sur le ciel.
Le climat sur cette planète étant totalement maitrisé et la température toujours très agréable cela ne posait aucun problème pratique.
Et cette plongée dans la profondeur d’un ciel étoilé nous permettait de profonds étonnements enfantins sur l’immensité de l’univers et le sens de celui-ci.
De même certains murs, donnant sur l’extérieur du bâtiment, avaient une fonction de transparence. Ce qui vous permettait de voir et d’être vu chez vous à volonté, si jamais vous vouliez échapper à un moment de solitude trop fort, sans pour cela avoir besoin de sortir.
Car un mot était bien tabou ici : la méfiance.
Nos nouveaux maîtres ou enseignants nous le répétaient sans cesse : « D’où vous venez vous avez appris à vivre caché et dans la peur. Ici vous devez d’abord apprendre à désapprendre cela. »
Vous ai-je dit que la nourriture végétarienne était excellente?
Car si mon nouveau corps avait perdu certains attributs inutiles il n’était pas question que je perde trop vite le rapport aux divers sens que j’avais si mal éduqués. J e pouvais donc manger mais …sans émettre aucun déchet ultérieur.
Ne me demandez pas comment cela marche, je n’en sais toujours rien.
Mais le moment le plus émouvant fut sans doute la possiblité de prendre contact avec des personnes aimées et que j’avais quittées dans la douleur.
Les savoir en vie, de nouveau, et que nous pourrons dans un avenir (proche ou lointain, qu’importe!) nous revoir, serrer nos corps inconnus me remplissait de joie.
Tel l’Alice du conte, j’avais donc traversé le miroir.
Le pourquoi, le comment, tout cela commencait juste à s’éclairer pour moi.
Et les merveilles qui m’attendaient à présent auraient la couleur superbe de la réalité.
…A SUIVRE…
Dominique Ronfet