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Gilles Bertrand (policier retraité)
Québec
Par un été exceptionnellement chaud, en cette décennie de 1990, j’avais énormément de difficulté à trouver le sommeil. C’est vrai qu’en cet après-midi de milieu d’août, les enfants du voisinage s’amusaient fermement à se rafraichir bruyamment dans la piscine d’à côté. Dans ma chambre à coucher, malgré le rideau bien fermé, le soleil de 15 heures réussissait à pénétrer à l’intérieur même sans lui avoir donné mon invitation expresse. Malgré tout, un certain repos me fut accordé. Certes, vous savez surement que les horaires multiples sont la fréquence habituelle d’un flic, dont le quart de nuit, cette semaine infernale, lui arrive périodiquement et ce dernier doit gérer lui-même ce problème récurrent et c’était précisément mon cas.
Le soir arrivé, la température n’avait guère descendu sous les 30 degré. De plus, c’était un long weekend de congé et pour plusieurs les vacances annuels, ces congés pour décrocher un peu de l’ordinaire, commençaient leur cycle. Mes mauvais pressentiments de policier ne tardèrent pas à se manifester. Il se produit habituellement de l’effervescence et de la tension lorsqu’il y a un mélange de chaleur, de boisson et de liberté et tout cela se fait généralement sentir surtout à la sortie des bars aux petites heures du matin. Alors, toi mon cher ami Gilles Brien, bio météorologue reconnu, tu validerais surement ces expériences de réactions émotives humaines en face d’une hausse marquée de température. Car à la lecture de ton livre sur ce sujet «Les Baromètres humain », nous arrivons à une même conclusion de désordre social, parole de gardien de la paix.
Désigné comme chef d’équipe de garde cette nuit-là, je patrouillais ces secteurs visés. En effet vers les 3 heures du matin, outre quelques appels d’agitations et de dérèglements mineurs, un appel téléphonique de personnes âgées fut reçu. Il y avait à ce moment même un intrus qui s’était introduit dans le sous-sol de leur résidence et ces vieillards voulaient être sécurisés par notre présence.
À courte portée de l’endroit et en compagnie de mon collègue passager, nous nous sommes rendus à l’adresse concernée et nous fîmes l’arrestation d’un jeune homme qui était visiblement intoxiqué par l’alcool et des drogues. Incarcéré dans les cellules du poste de police, pendant les procédures d’usages, ce dernier a « pété sa coche» comme on dit et laissez-moi énumérer quelques frasque qu’il a réalisé, cela vous aidera à comprendre le pourquoi de mon récit.
Tout en hurlant à plein poumons, l’individu se déshabilla complètement et tournoyait sur lui-même dans son cachot. Pendant une bonne heure il projeta ses excréments, ses diarrhées, son vomit sur les mur de sa geôle et sur lui-même. Les barreaux et le sol dégoulinaient de ces putrides liquides. Quand l’individu reprit ses sens, il accepta de bonne grâce le changement de salle d’incarcération car l’ancienne avait été trop souillée et ne convenait évidement plus.
Dans une petite ville de 10000 âmes, les services communautaires sont présents mais pas nécessairement à toute heure de la nuit. J’ai dû réveiller le curé de la paroisse de Saint-Raymond à 5 heures du matin pour qu’il me dépanne, en déverrouillant le local adjacent au presbytère, le SOS Accueil, cet organisme fournissant vivres et essentiels aux nécessiteux de la paroisse. Donc, avec le prêtre encore semi-endormi, j’ai pu récupérer chemise, veston, pantalon, sous-vêtements et chaussures à peu près de la taille du jeune homme, des bas et surtout des serviette propres et une grosse barre de savon. Ces indispensables, en ce moment-là étaient crucial car mon homme devait rencontrer Monsieur le Juge dans l’avant midi pour répondre à des accusations au code criminel du Canada.
Au poste de police, j’ai couvert le plancher de couverture de police (couverture en tissus papier jaune et jetable après usage) étant donné que la douche des oubliettes se situe à l’extrémité du couloir menant aux cellules des prisonniers. Notre ami qui était imprégné jusqu’aux oreilles de ses propres chiures pu s’avancer, sans rien contaminer sur son passage, jusqu’à cet endroit, pour se nettoyer convenablement. À ce moment, je lui ai suggéré bien poliment, qu’il devait finir le savon en entier avant d’enfiler le linge propre que je lui avais apporté, ce qu’il fit sans hésitation. Après quelques moments, nous étions prêts pour un départ vers le Palais de justice de Québec.
En route vers notre destination, le calme et le silence prédominait. Complètement dégrisé, le jeune homme semblait prendre de plus en plus conscience de ce qu’il avait fait. Il semblait encore affligé lors de notre approche des portes du palais de justice.
La procédure habituelle pour nous, pour introduire un détenu, est de signaler notre arrivée par une communication téléphonique (dont la radio-police) et c’est cette démarche que j’ai employée ce matin-là pour avoir accès à l’intérieur des murs protégés. Ma conversation avec le gardien de la bâtisse se fit à peu de choses près dans ces termes : …jeune ami, conduite un peu désordonné etc…
Le jeune reclus, qui semblait un peu endormi sur le siège arrière de notre voiture de police, releva subitement la tête et nous adressa promptement la parole en ces termes ou du moins voici l’esprit de ce qu’il voulait dire: Je veux vous remercier de la manière dont j’ai été traité. Je ne méritais certainement pas toutes vos attentions particulières. J’ai vomi et craché partout, j’ai pestiféré…j’ai agi en animal et vous m’avez traité en humain. Vous m’avez respecté alors que je déféquais partout. Vous avez été patient, vous m’avez habillé mais surtout alors que je somnolais pendant que vous téléphoniez au gardien du palais de justice vous avez employé des termes de dignité humaine pour ma propre personne, alors même que vous me pensiez endormi. Merci pour les grandes leçons que j’ai apprises grâce à vos comportements louables et méritoires. J’avais des préjugés notables, je l’avoue. Je ne méritais certainement pas ce traitement de faveur, mais je l’apprécie sincèrement du fond du cœur.
Quand je feuillette Le Livre d’Urantia et qu’on nous parle de sagesse, de résoudre nos difficultés sous l’angle religieux de fils de Dieu, de construire des musées de beauté, de bonté pour donner suite à nos actes et expériences dans la chair, alors ces trésors s’irradient vraiment dans notre vie spirituelle et il s’ensuit aussi d’après Rodan d’Alexandrie une meilleure qualité d’adoration…
Voilà donc un partage très terre à terre, non pas pour gonfler mon égo à la recherche de vanité et de vantardise, mais pour montrer la joie d’une relation toujours possible entre nos frères humains. Ces mêmes personnes qui subissent toutes sortes d’influence et qui peuvent être affectés par des considérations souvent extérieures et des facteurs incontrôlables et néfastes.
Dans ce récit, les personnages ne sont pas fictifs et l’histoire est vraie. J’espère que vous prendrez quelques instants pour raconter aussi dans cette nouvelle formule du Réflectivité, vos propres expériences personnelles et nous émuler afin de bâtir et partager des musées de beauté, de bonté et de grandeur artistique.
À ce moment-là, je me rappelle avoir pensé : « 'ai besoin d’un peu de repos avant mon prochain quart de travail qui commence dans quelques heures. J’espère qu’il va pleuvoir ce soir, cela fera surement baisser la température ».
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