© 2010 Jean-Claude Romeuf
© 2010 Association Francophone des Lecteurs du Livre d'Urantia
Mon jardin est une mer profonde.
Ce matin il faisait beau et je me suis baigné,
Comme d’habitude Mouchka, ma chatte, m’a suivi.
Pendant que je soulevais quelques grappes d’herbe tiède,
Pour m’enfoncer dans l’eau insoupçonnable,
Elle s’est couchée sur le gazon nouvellement tondu.
Il est toujours difficile de se laisser couler.
Il faut descendre très lentement et ne pas oublier
De se pincer le nez pour décompresser les oreilles. Sinon, ça fait mal.
Ensuite lorsqu’on a atteint la profondeur voulue,
On se retourne vers le ciel et on pointe sa position par rapport au soleil.
C’est un gage de sécurité pour retrouver son chemin.
J’ai nagé parmi les poissons.
Contrairement à ce que l’on croit,
Les poissons ne se mélangent pas entre eux.
Au dessus de ma tête, un ban de sars et un ban d’oblades
Qui semblaient immobiles, se touchaient. Mais chacun chez soi!
Vous pouvez être sûrs qu’il n’y avait aucun sar au milieu des oblades.
A cinq ou six mètres au dessous de la surface
Où quelques vaguelettes d’herbe faisaient un remous
Sept mérous regardaient vers le bas, mais ne semblaient pas
S’intéresser aux petits sars étincelant d’argent
Qui sont d’habitude leur nourriture favorite.
Ce n’était pas encore l’heure de manger !
Du fond de la mer, je pouvais voir aussi Mouchka
Qui en m’attendant faisait la morte.
Elle semblait occupée par quelque étourneau sansonnet
Qui se délectant des fourmis peuplant mon jardin
Aurait par distraction l’imprudence de trop s’approcher d’elle.
Sans doute la patience est un talent inné de ma chatte!
Je ne descends jamais au-delà de quarante mètres, c’est là que Dieu habite.
Ce n’est pas pourtant l’envie qui me manque de le rencontrer!
Je crois que si je m’enfonçais trop profondément en moi-même, Je n’aurais plus le courage de remonter à la surface.
Il y a tant de belles choses à découvrir qui m’attendent!
Mais comme ma chatte je ne suis pas pressé.
Ce matin, j’ai bien dû rester au moins trente minutes au fond de l’eau.
Lucie, toute bronzée et lumineuse de son soleil personnel éclatant a fini par m’appeler:
« C’est l’heure de manger ! » Alors je suis remonté calmement à la surface. Chaque fois que je vais à la mer, je ramène un poisson.
Je le donne au renard, qui tous les soirs hante mon poulailler
Et qui devient petit à petit aussi apprivoisé que mes poules.
Jean-Claude Romeuf