© 1999 Jean-Claude Romeuf
© 1999 Association Francophone des Lecteurs du Livre d'Urantia
Ce matin deux chevreuils sont encore venus
Sortant comme toujours au milieu du silence.
Ils viennent chaque fois sans que l’on ne les attende
Et souvent quand la nuit se mouille de lumière
Comme d’une buée, un peu avant le jour.
Le rêve veut alors se confondre à l’éveil.
Mais ce n’est plus le rêve et ce n’est pas l’éveil.
L’un semble se vêtir des couleurs de la nuit
De longs épis dorés flottent sur ses flancs bruns
Qui en bougeant un peu ont des sons de clochettes.
Je sais qu’il me chuchote « veux-tu bien m’écouter ?»
Mais plus je tends vers lui une oreille attentive
Et plus les tintements meurent dans le néant.
Je sais que de sa voix retentit le passé,
Un passé très lointain, originel peut-être.
Et cette voix je la connais pour être à moi,
Mais elle ne m’appartient pas encore tout à fait.
L’autre s’est habillé du blanc manteau des glaces
Telles que je les vois là-haut sur les sommets
Il m’a fait signe de le suivre et lorsqu’il marche
Je vois sur les chemins l’empreinte de mes pas.
Lentement il s’éloigne. Il faut le rattraper.
On dirait chaque fois que je reste immobile.
Sa lumière m’aveugle ; à sa place un soleil
Va bientôt se lever. Est-ce lui mon futur?
Ou est-ce lui le gage de mon éternité ?
Les deux chevreuils ne viennent jamais l’un sans l’autre ;
Pourtant si je vois l’un, l’autre est évaporé.
Souvent je me demande s’il n’y en a pas qu’un seul
Car l’un m’a dit son nom et l’autre a le même.
Son nom…-est-il le mien ?-ne se prononce pas.
Jean-Claude Romeuf