© 2011 Jean-François Drouet
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Pourquoi frappes-tu à ma fenêtre, petite phalène ? Est-ce ma robe claire qui t’a attirée ? Comme tes ailes, elle est colorée des lueurs pastel du crépuscule. Tu me parais bien mal en point. Serait-ce ta dernière danse? Ton ultime interprétation de la mort du cygne! Mais alors, tu me fais frissonner… Es-tu le signe de la mort, de ma mort prochaine ? Je sais … La maladie qu’on m’a dite incurable, cas rare d’algodystrophie. Mais, si tôt! Je gardais l’espoir d’une rémission. Déjà, j’ai dû interrompre ma carrière. Je n’en pouvais plus des heures et des heures de labeur à la barre … pour quelques minutes sur la scène. Et pourtant, ces moments sont le but que les artistes recherchent. Pour Alain, le philosophe, la danse est le premier des arts, le langage artistique primordial. Transmettre l’émotion de l’auteur dans l’osmose avec le public. Il y a là, par les gestes, les sons et les respirations, quelque chose d’un autre ordre qui permet d’engendrer une communion et de ressentir l’absolu de l’UN, vivant en tous. Le spectacle partagé de la beauté contribue à la transformation du monde, à son élévation.
Je l’ai vécu pour la première fois grâce à Maïa PlitseskaÏa, la diva assoluta de la danse. Chaque mouvement de ses jambes, de ses bras, de tout son corps épousait chaque note et chaque rythme de la musique. Cette vision, inoubliable, a décidé de ma vocation. Si je viens de revoir une rétrospective de ses plus belles représentations(1), ce n’est certainement pas un hasard ! Sa vie se perpétue ainsi et j’espère qu’il en sera de même pour moi. Et toi, phalène éphémère, tu as sûrement assuré ta descendance avant ton ultime danse. Moi, je n’ai pas eu d’enfants pour pouvoir me consacrer à mon art, et aujourd’hui je comprends mieux pourquoi, mais j’ai encore des élèves. Qui sait? Peut-être l’une d’elles deviendra une nouvelle Maïa !
La valse de Ravel maintenant. Belle inspiration dans le choix de cette musique. Elle s’accorde à merveille au ballet du papillon à l’heure crépusculaire. Elle est tellement entraînante!Je voudrais être emportée dans son tourbillon comme avant. Je ne peux que tourner en rond, clouée à ce fauteuil roulant. Elle me transperce le cœur et le corps mais, elle me transporte toujours. Si j’essayais une fois encore? J’ai réussi, je suis debout ! Elle a accompli un miracle ! Elle m’a transformée, soulevée dans sa spirale ascendante. Je danse à nouveau, transfigurée et dans cette transe, j’oublie les douleurs fulgurantes. Qu’importe si je chute et en meurs. La mort n’est que transitoire.
Frêle et falote phalène, tu effleures encore mes vitres de tes ailes. Mais j’y songe, tu es venue me rappeler autre chose, toi qui a vécu la miraculeuse métamorphose. Avant d’être une phalène dansant sous les étoiles, tu n’étais qu’une pauvre chenille rampant sur la terre. Nous aussi humains, nous sommes actuellement tributaires de cette terre et de cette matière si dense. Ce n’est qu’une petite fraction des énergies. Et pourtant, à partir de cette matière première grossière, plein d’inventions belles et merveilleuses ont vu le jour, auprès desquelles celles des hommes font piètre figure. J’en suis sûre; une superintelligence est à l’œuvre dans cette évolution où notre vie terrestre n’est qu’une première étape, simplement ponctuée par l’abandon du corps physique.
J’aspire à connaître la phase suivante, ma prochaine vie. J’aspire à la légèreté des subtiles énergies, délivrée des pesanteurs matérielles. Je veux être engagée parmi les artistes célestes qu’évoquent certains livres(2). Je veux connaître l’amour parfait, et la danse éternelle…
(1) sur medici.tv
(2) notamment le Livre d’Urantia
Jean-François Drouet
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