© 2000 Jeanmarie Chaise
© 200 Association Francophone des Lecteurs du Livre d'Urantia
« What would Jesus do ?» est le titre d’un bestseller écrit par Charles M. Sheldon, qui répond à la question vitale « What does it really mean to be a Christian ?» et que l’on trouve à peu près partout aux Etats-Unis. Naturellement ici cette petite mais primordiale interrogation est à envisager pour nous sous l’éclairage de notre chère Révélation et non pas selon les concepts devenus traditionnels de nos cultures actuelles occidentales.
Qu’aurait fait Jésus (sous-entendu : en pareille circonstance ?) Telle est la question que je me pose lorsque je lis ce message de Christine Baussain, jeté dans la mer de nos interrogations. Oui, qu’aurait fait Jésus, ou qu’aurait-il répondu si on lui avait demandé : « N’existe-t-il pas un moyen de communier entre nous dans l’amour de notre Père ?» Qu’aurait-il répondu, en effet, à des gens qui viendraient de prendre connaissance du Livre d’Urantia et qui lui poseraient une telle question ?
Nous pouvons peut-être commencer à répondre à la place de Jésus, car cela peut commencer à nous être possible avec l’aide de son exemple dans sa vie et dans ses enseignements. Naturellement, il n’est pas question de copier Jésus, nous en sommes tous le plus souvent bien incapables, mais il en est tout de même certains qui s’en approchent beaucoup plus que d’autres. Ainsi une Mère Thérèsa ou un Abbé Pierre ont su comprendre dans l’humilité qu’il s’agissait d’abord de consacrer sa vie pour aimer les autres. Alors, qu’est-ce que « pratiquer » si « cela devient pour nous de plus en plus un besoin »? Que font ces personnes que personnellement je ne canoniserais pas mais dont j’admire très profondément l’abnégation ? Demandent-ils à communier avec autrui ou vont-ils plutôt vers les autres, les plus misérables, pour les aider de tous leurs moyens et de toutes leurs forces ? Est-ce leur besoin propre ou l’amour des autres qui les pousse ? Je crois que la réponse est dans tous les cœurs et dans tous les esprits. Mais, si nous ne sommes pas Mère Thérèsa ou l’Abbé Pierre, ni encore moins Jésus, et si nous sommes incapables de marcher à ce point « in his steps » dans ses pas, nous sommes tout de même capables de prendre connaissance de comment il agissait en certaines circonstances.
Puisqu’il s’agit de nous interroger sur comment pratiquer, nous devons envisager les trois aspects principaux de cette question. Nous avons, en effet, le choix entre la pratique s’exerçant « sur » les autres, la pratique s’exerçant « avec » les autres et la
pratique s’exerçant sur nous-mêmes. Je pense que ces trois pratiques sont excellentes, mais il faudrait prendre garde, je pense, à ne pas trop les mélanger, car il s’agit de pratiques particulières qui ont chacune leur méthode à respecter et leurs buts spécifiques à atteindre.
La première, la pratique sur les autres, est sans doute celle qui demande le plus d’abnégation. C’est pourquoi rares sont ceux qui, comme Jésus, consacrent leur vie à aller vers autrui en l’absence de tout intérêt personnel. D’ailleurs Jésus n’a jamais demandé à personne, sauf à quelques apôtres, de s’engager dans cette voie, et ceux qui s’y engagent ont le plus grand mérite. Sa méthode est simple mais combien difficile ; il s’agit d’aimer sans attendre aucun retour. c’est ainsi que face aux autres, et à la question « What would Jesus do ? », Jésus répond toujours par la pratique du don de soi.
La seconde, la pratique avec les autres, est celle qui, sans doute, fournit les plus larges possibilités de manifester son amour pour les autres. Beaucoup s’y engagent avec leurs moyens personnels particuliers, et nous leur devons de suivre leur exemple le plus qu’il nous est possible. Jésus s’y est totalement employé et nous a montré comment aborder et accomplir toutes les facettes de cette entreprise difficile. Nous pouvons essayer de l’imiter, mais parce que cette voie est faite de manière inhérente de la multiplicité des personnes, elle est souvent source de difficultés particulières. C’est à vaincre ces difficultés que souvent sont consacrées les forces vives de ceux qui s’y consacrent. Sa méthode est le travail d’équipe, et son but est l’amélioration de la condition générale tant sur le plan collectif que sur le plan individuel. Ce second type de pratique nécessite moins d’abnégation et moins d’amour que le premier, mais pour être efficace il réclame aussi de nombreuses qualités humaines. Il s’agit d’une pratique moins absolue et par conséquent davantage à la portée du plus grand nombre. Elle n’en exclue pas moins, et plutôt plus et plus souvent la nécessité de se poser la question : « What would Jesus do ? »
La troisième, la pratique envers soi-même, est une affaire strictement indépendante et qui s’exerce par la confrontation de la personnalité avec son Ajusteur, c’est dire qu’elle est parfaitement étrangère à tout appel vers les autres. Sa méthode est l’adoration et son but immédiat la sagesse de l’âme. Jésus y avait fréquemment recours. Il se retirait et communiait avec le Père. Le dialogue de l’homme Jésus avec son Père était une prière très particulière qui n’avait rien à voir avec nos prières coutumières et qui tenait compte des trois pratiques évoquées. On nous dit : Jamais Jésus ne fit une prière à titre de devoir religieux. Pour lui, la prière était une expression sincère d’attitude spirituelle, une déclaration de loyauté d’âme, un exposé de dévotion personnelle, une expression d’actions de grâces, une manière d’échapper à la tension émotive, une prévention de conflit, une exaltation de l’intellect, un anoblissement des désirs, une justification de décisions morales, un enrichissement de la pensée, un renforcement des tendances supérieures, une consécration d’impulsion, une clarification de point de vue, une déclaration de foi, une reddition transcendantale de la volonté, une sublime affirmation de confiance, une révélation de courage, la proclamation d’une découverte, une confession de dévotion suprême, la confirmation d’une consécration, une technique pour aplanir les difficultés et la puissante mobilisation des pouvoirs conjugués de l’âme pour résister à toutes les tendances humaines à l’égoïsme, au mal et au péché. Il vécut précisément cette vie de pieuse consécration à faire la volonté de son Père et la termina triomphalement par une prière de cet ordre. (LU 196:0.10) Nous avons ici toute la gamme de ce que pourrait être la pratique de la personnalité lorsqu’elle veut se tourner vers Dieu en lui, son Moniteur de Mystère. Il n’y a pas dans tout cela un soupçon de quête, pas un seul élément de demande pour soi. La question: « What would Jesus do ?» devrait être omniprésente dans nos attitudes de prière, pour qu’elles ressemblent de plus en plus à celles de Jésus.
Chère Christine, je me sens tout à fait concerné pour chercher « cette communion entre nous dans l’amour du Père » que tu appelles de tes væux. Et si d’autres se joignent à nous pour ce faire, j’en serai aussi heureux que toi. Mais, existe-t-il un quatrième type de pratique qui m’aurait échappé ? Si c’est le cas, alors je prie avec toi celui ou celle qui la connaît de nous la faire partager, car ce serait pour moi une source nouvelle de joie et d’étonnement. Comme tu y invites les lecteurs du Lien Urantien, « parlons-en!» Néanmoins, puisqu’il s’agit comme tu le dis de chercher « un moyen de communier entre nous dans l’amour du Père », je me dois d’examiner si ce moyen n’existe pas déjà dans les trois pratiques ci-dessus évoquées. Or, à l’examen, je trouve que chacune d’elle est un moyen efficace pour ce faire. Examinons-les à nouveau une à une.
L’abnégation complète du premier type de pratique est, je pense, derechef à écarter. Ce n’est manifestement pas sur cette attitude que nous pouvons compter, car son caractère d’absoluité nécessite plutôt une conduite individuelle, bien qu’elle soit par ailleurs la plus éminente façon de communier avec le Père en communiant de manière désintéressée avec ses enfants dans le malheur. Nous pouvons derechef également éliminer la troisième, la pratique avec soi-même qui est une affaire entre soi et Dieu. Reste la seconde pratique, celle qui s’exerce avec les autres. Examinons là donc attentivement.
Les deux méthodes envisageables pour « communier ensemble dans l’amour du Père ».
Puisque la pratique s’exerçant « avec » les autres semble la plus accessible au plus grand nombre, examinons les deux méthodes qui nous donnent apparemment accès à la « communion ensemble dans l’amour du Père » Ces deux méthodes ont en commun le fait qu’elles sont pratiquées et donc doivent être envisagées l’une comme l’autre dans le cadre d’une collectivité, petite ou grande. Chacun a donc à se positionner par rapport à cette collectivité, et ce, dans l’amour du Père. Quelles sontelles?
La première, ce me semble, est d’écouter ses propres inclinations et de rechercher d’autres inclinations semblables chez autrui ; il s’agit de ce que j’appellerais « l’attitude de prière. » et il s’agit, en l’occurrence, d’une prière envers nos frères et non envers le Père.
La seconde, ce me semble, est d’aspirer à chercher quelle est la volonté du Père en telle ou telle circonstance, et cette attitude rejoint notre question du début : « What would Jesus do ? » Il s’agit de ce que j’appellerais « l’attitude d’adoration. » Et il s’agit ici d’une adoration manifestée par les actes d’un groupe solidaire.
Pour choisir entre ces deux méthodes celle qui manifestement nous est indiquée dans la vie et les enseignements de Jésus, tournons-nous vers le Livre d’Urantia :
Est-ce que Jésus au milieu de ses apôtres ou au sein de la foule ne communiait pas avec eux dans l’amour du Père? Sa conduite était-elle communion avec le Père ou pas? Bien sûr que si, il était en parfaite communion avec le Père lorsqu’il les enseignait par petits ou grands groupes! Certains adhéraient à cette communion, d’autres beaucoup moins, d’autres encore ne communiaient pas du tout. Mais en tout état de cause il s’agissait de la communion la plus évidente entre les hommes, puisque alors, Jésus accomplissait et s’efforçait de leur faire accomplir la volonté du Père. je crois que la seule pratique valable pour communier dans l’amour du Père, c’est d’accomplir sa volonté ! Hormis les trois pratiques citées plus haut je n’en connais décidément pas d’autres, car elles résument à elles trois la volonté du Père, à savoir que sa volonté soit faite en l’adorant (pratique envers soi avec l’Ajusteur), et en aimant ses enfants, nos frères urantiens, à travers nos actes, que ce soit par abnégation totale pour les soulager lorsqu’ils sont dans le besoin (pratique s’exerçant « sur » les autres), ou que ce soit en s’intégrant aux groupes qui s’efforcent d’accomplir cette volonté (pratique s’exerçant « avec » les autres.)
Oh, bien sûr, je comprends cet appel à une « communion ensemble dans l’amour du Père. » Nous éprouvons tous, je crois, ce « besoin » de chaleur et de compréhension que nous pensons pouvoir trouver chez autrui ; mais ceci est une prière, un désir, une quête et non pas un acte d’adoration, un effort. Or, la volonté du Père, telle qu’elle nous est décrite partout est faite d’efforts de notre part et non de recherches de nousmêmes grâce aux autres. Je crois qu’aimer les autres c’est, à n’importe quel niveau, travailler pour eux, même surtout s’ils n’en ont pas conscience. Nous avons tous fait
l’effort de lire le Livre d’Urantia et nous nous plaisons à nous raconter les uns aux autres comment nous avons fait cette découverte merveilleuse et comment nous la comprenons. Mais tout cela ne constitue pas la volonté du Père, mais seulement l’inclination que nous avons à nous regarder nous-mêmes à travers nos actes. Nous allons même jusqu’à nous regarder et nous conforter dans notre foi en nous appuyant sur le récit des expériences de nos frères et sæurs ; et nous en redemandons. Bien sûr, pourquoi pas ? Mais naturellement il faut bien voir dans ce cas qu’il ne s’agit pas d’adoration, mais seulement de prière, et comme cela est dit plus haut, de prière à nos frères et sours, c’est-à-dire le plus souvent de prière sur soi à la recherche des autres et non de soi à la recherche du Père. En l’occurrence il est bon je crois de nous remémorer ce que dit le Livre à propos de la prière par rapport à l’adoration : L’adoration se suffit à elle-même. La prière incorpore un élément d’intérêt pour soi ou pour une autre créature. Telle est la grande différence entre l’adoration et la prière. La vraie adoration ne comporte absolument aucune requête pour soi ni aucun autre élément d’intérêt personnel. Nous adorons simplement Dieu à cause de notre conception de ce qu’il est. L’adoration ne demande rien et n’espère rien pour l’adorateur. (LU 5:3.3)
Nous aspirons tous plus ou moins à emprunter à Jésus des parties de son enseignement ; c’est d’ailleurs ce que je viens de faire. Mais, je me suis souvent demandé ce qu’il serait advenu du Livre d’Urantia si la « Vie et les Enseignements de Jésus » n’y avaient pas été incorporés. En effet, aujourd’hui nous nous appuyons essentiellement sur les enseignements de Jésus et sur les actes exemplaires de sa vie pour diriger notre réflexion dans certaines circonstances et nos actes dans le meilleur des cas. Mais qu’en serait-il de notre réflexion, qu’en serait-il de nos actes, si nous n’avions à prendre connaissance que des trois premières parties du Livre d’Urantia ? Remercions donc chaleureusement ces Médians opiniâtres et bien avisés qui nous ont permis de mieux intégrer cette notion de « communion collective dans l’amour de notre Père;» Car ainsi, à l’exemple de Jésus, nous pouvons mieux cerner la signification de cette expression, nous pouvons beaucoup mieux nous représenter la scène.
Quelle est cette scène qu’a voulu nous montrer Jésus, lorsqu’il nous a si chaleureusement parlé du Père ? Quelle est cette scène qu’il nous a décrite en nous déclarant frères et sœurs universellement? Quelle est cette scène sinon celle d’un Père et de ses enfants ? Et cette scène fait image pour nous si nous nous la représentons sous son aspect idéal, celle qui convient lorsque l’on se réfère au Père de toutes choses et de ses enfants dans tous les univers. La communion de tous ces enfants dans l’amour de ce Père ne consiste-t-elle pas pour ces enfants précisément à
être obéissants, à respecter et faire sa volonté ? Je crois que nous pouvons tous aisément comprendre à partir d’une telle scène ce qu’il faut entendre dans l’expression « communier ensemble dans l’amour du Père. » Il s’agit de se conduire en enfants respectueux vis à vis du Père, premier commandement de Jésus, et à s’entraider entre frères et sæurs, second commandement de Jésus. Alors nous donnerons de plus en plus l’image d’une famille unie.
Tout ceci nous est amplement expliqué dans le Livre d’Urantia, c’est pourquoi, pour moi, la communion avec le Père, qu’elle soit individuelle ou collective, commence d’abord par un respect attentif vis-à-vis de cette Révélation qui s’efforce de nous éclairer sur toutes les réalités universelles de sa Création. C’est pourquoi, nous avons d’abord à lire et relire pour toujours mieux comprendre ce que la Révélation tente de nous enseigner. C’est en cela, à mon sens, qu’il faut dire et redire que la Révélation est d’abord le sujet d’une étude très attentive. En effet, la Révélation est un outil ; elle est l’outil idéal pour lutter contre l’ignorance générale et l’aveuglement individuel ; elle est l’outil de la conscience qui veut s’éveiller ; elle est l’outil, enfin, du mental contre ses penchants à l’indifférence. Nous avons à l’utiliser avec sagesse, car on nous le dit bien : Le mental du mortel est un système intellectuel temporaire prêté aux êtres humains pour la durée d’une vie matérielle et il nous est dit aussi que selon la manière dont nous employons ce mental, nous acceptons ou rejetons le potentiel d’existence éternelle. Le mental est à peu près la seule fraction de réalité universelle que nous possédions et qui soit soumise à notre volonté. Ce que nous décidons aujourd’hui est donc d’importance capitale. Et je pense à ces fresques sculptées et peintes sur les temples d’Egypte où l’âme est pesée selon un cérémonial particulier au sortir de la mort. C’est à ces scènes peintes des anciens que je pense lorsque je lis à la suite: L’âme — le moi morontiel — dépeindra fidèlement l’accumulation des décisions temporelles que le moi mortel aura prises. (LU 111:1.5)
Voilà ce que j’avais à dire pour répondre à l’invite de Christine Baussain. Le désir de communier ensemble nous est commun à tous, et chacun d’entre nous a à trouver par lui-même ce qu’il doit en être pour lui-même de cette communion qu’il est porté à tant désirer au sortir d’une première lecture du Livre d’Urantia. En toutes circonstances, ne devrions-nous pas toujours nous poser la question: « What would Jesus do ?» Avec Christine, donc, j’invite d’autres lecteurs à faire part de leurs réflexions sur ce sujet récurrent et propre à tout lecteur.
Jeanmarie Chaise