© 2000 Jean Davier
© 200 Association Francophone des Lecteurs du Livre d'Urantia
Melchizédek ou la 2ème Révélation | Le Lien Urantien — Numéro 13 — Printemps 2000 — Table des matières | «What Would Jesus do ?» |
Beaucoup d’êtres humains éprouvent de l’indifférence ou font preuve de scepticisme face aux problèmes de l’existence de l’esprit et de la survie éternelle. Nous agitonsnous dans un abîme désespérément clos, sans autre issue que la mort, d’où personne ne revient selon le vieil adage ?
Après la pensée unique des siècles passés faite de domination ecclésiastique, un nouveau totalitarisme s’est installé, moteur d’un développement scientifique sans précédent, d’une métamorphose sociale non maîtrisée et incapable de forger une société idéale, où religion, science et philosophie travailleraient en commun pour l’accomplissement de l’homme.
Qui sommes-nous?
Y a-t-il en l’homme un impondérable négligé qui freine sa progression ?
Certains ont compris ce progrès relatif mais constant dans la suite des siècles.
Charles Morgan l’exprime ainsi « l’intuition des vérités en dehors de la connaissance est une forme de génie. » (Sparkenbroke-éd. Stock. 1970). Des chemins semblent nous rapprocher du domaine de l’esprit. Déjà Platon était un guide initiateur de cette lente ascension à peine perceptible lorsqu’il évoque « l’homme tel un dieu en exil dont la grandeur git dans la conscience qu’il a de son royaume déchu. »
L’ordre animal est stagnant incapable de progrès, à l’exemple de l’abeille qui exploite avec une rigidité déconcertante son industrie figée. Le silence animal est total, sa pensée ne dépasse pas le domaine matériel et n’anime ni archive, ni passé, ni projet. Les seules variations tangibles de ce règne proviennent des changements climatiques, des mutations évolutionnaires dont l’homme est finalement issu.
Alors que les lignées animales semblent abandonnées et réduites à l’état végétatif, l’homme est capable de saisir, d’analyser les faits matériels qui l’entourent et de les dominer. Face à son activité purement matérielle, il est doué d’une pensée sans cesse évoluante qui a fait notre histoire, depuis le feu des cavernes jusqu’au feu nucléaire. Aujourd’hui, grâce à un travail plus performant et au machinisme moderne, l’homme découvre un monde nouveau où il ne perçoit plus seulement son village, mais toute une partie du cosmos, ce qui l’entraîne depuis peu et dans une certaine mesure, à la tolérance et à la solidarité.
Comment peut-on acquérir une clairvoyance humaine qui transcende la pensée matérielle pour percer les mystères ou les contradictions apparentes de l’univers ? « Il existe un grand abîme cosmique entre la matière et la pensée. » (LU 112:2.10). Cette citation devrait servir de base à une réflexion fondamentale, libératrice. La pensée nous élève au-dessus du carcan charnel, elle est libre, c’est notre seule richesse, elle assure notre survie, elle domine même tout obstacle matériel car elle est supérieure à la matière. Elle crée des œuvres abstraites, intellectuelles, émotionnelles, voir superémotionnelles. La mémoire, la pensée condensée, assure à l’homme l’écriture, l’art, l’abstraction philosophique. « Le mental est l’instrument cosmique sur lequel la volonté humaine peut jouer les dissonances de la destruction ou sur lequel cette même volonté humaine peut faire résonner les délicates mélodies de l’identification avec Dieu et de la survie éternelle qui en résulte. » (LU 111:1.6)
Au-dessus des réalités matérielles de l’univers existe un domaine que l’on peut qualifier de super-émotionnel, de frontière avec l’esprit « la meilleure manière de discerner les mouvements de l’invisible est parfois d’observer les effets sur le visible » (LU 111:1.1).
Jésus explique cette problématique perception d’une manière imagée à Nicodème « Quand le vent souffle, tu entends le bruissement des feuilles, mais tu ne vois pas le vent, ni d’où il vient, ni où il va…et il en est ainsi pour quiconque est né de l’esprit, avec les yeux de la chair on peut apercevoir les manifestations de l’esprit, mais on ne peut effectivement discerner l’esprit ». (LU 142:6.5)
La pensée aide à l’évasion du domaine purement matériel: observons les 26 lettres de l’alphabet dispersées sur une table ou des notes et signes musicaux jetés au hasard sur une portée, ou des échantillons de couleurs différentes, rien de plus banal. Pourtant, à l’aide de ces symboles purement matériels, écrivains, compositeurs, peintres, peuvent créer des œuvres émouvantes qui transcendent le matériel, provoquent l’émotion et élèvent la pensée. Les nombres sans limite des mathématiques procurent aussi au mental un concept de base pour contempler l’infini. « Quand vous contemplez avec une crainte respectueuse l’immensité du Maître Univers, arrêtez-vous pour songer que même cette création inconcevable ne peut rien être de plus qu’une révélation partielle de l’infini. » (LU 105:1.7)
Un autre exemple sous forme de parabole: conviés à une conférence portant sur les mathématiques supérieures, beaucoup d’êtres humains préféreront une soirée télévision, n’ayant ni le désir, ni la formation nécessaire pour apprécier cette prestation. De même, l’accès à un royaume supérieur nécessite désir et volonté de transcendance animés par l’acceptation de la filiation divine et de l’amour fraternel.
Jésus nous propose un choix aux conséquences définitives qui devrait plus nous préoccuper que « l’Enfer de Dante ». Il présente cette alternative : « Les volontés humaines qui s’occupent uniquement de prendre des décisions temporelles se rapportant seulement aux problèmes matériels de l’existence animale sont condamnées à périr en leur temps…,mais nulle aventure n’est plus passionnante que la joie exaltante de devenir, dans la vie matérielle, le partenaire de l’énergie spirituelle et de la vérité divine dans l’une de leurs luttes triomphales contre l’erreur et le mal. C’est une expérience merveilleuse et transformatrice que de devenir un chenal vivant de lumière pour les mortels perdus dans les ténèbres spirituelles ». (LU 130:2.9). Alors, « la vie intelligente et progressive devient une preuve irréfutable d’un univers intentionnel exprimant la volonté d’un créateur divin » (LU 130:4.1)
Cependant, sur notre planète coupée du reste de l’univers, isolée par les transgressions lucifériennes, nous sommes souvent angoissés, à la recherche d’indices, tel Robinson Crusoé sur son île, désespéré par sa solitude, qui observe et qui découvre, peu à peu, les signes ténus prouvant qu’il n’est pas seul. Toute recherche suivie de découverte, ne s’obtient qu’avec patience et persévérance. Jésus nous le confirme dans sa parabole sur le royaume qu’il compare à une semence qui se développe dans une bonne terre mais qui n’atteint pas rapidement la maturité.
Il nous faut accepter ce chemin aride conduisant vers les hauteurs vertigineuses d’une autre vie : celle de l’esprit. Il nous faut accepter ce destin qui nous est préparé, transcendance vers un monde supérieur. Nous ne pouvons régresser ou stagner, mais seulement progresser, malgré notre médiocrité, vers cet idéal de perfection. Si le Jésus de la cinquième révélation essaie de nous rendre sensible aux réalités supra-matérielles, beaucoup de nos contemporains ressentent cette insuffisance de l’homme en face de la réalité qu’ils devraient vivre. Elie Wiesel écrit : « nous vivons en dehors, à côté de nous-mêmes » (le 5ème fils). Françoise Chandernagor décrit la torpeur humaine « L’assemblée des dineurs sécrétait des endorphines, ces hormones de l’agonie qui rendent insensibles le passage de la vie au trépas en l’accompagnant d’une intense et mensongère sensation de chaleur et de lumière » (l’enfant au loup). Maurice Magre constate aussi cette fatalité humaine « mon expérience m’enseigne que toute œuvre accomplie par l’homme est aussitôt dénaturée » (le trésor des Albigeois). L’homme actuel, enclin à la peur, armé d’un prêt-à-penser collectif et stagnant, cosmiquement solitaire, est souvent la proie de sectateurs dogmatiques qui s’avèrent plus aveugles que lui-même.
Il est un enseignement insolite et nouveau, inconnu ou incompris, c’est celui de Jésus, révélation de Dieu à l’homme, mais aussi celui de cet homme nouveau révélé à Dieu. Jésus est ce premier homme révélé à Dieu, il est la vraie interprétation des paraboles aux sens cachés, c’est le « comprendra celui qui veut et peut comprendre », son souhait est que tous aient demain l’allégresse de l’aveugle guéri qui transgresse les recommandations du maître et clame la guérison de sa cécité. Rodan, philosophe grec disciple de Jésus, nous propose la voie « Dieu vit dans l’homme, comment libérer les pouvoirs divins et infinis enchaînés dans l’âme » (LU 160:3.1).
« l’esprit est un but, la chair est un fait, si nous sommes encore au temps des idoles qui trompent ceux qui les ont crées, nous attendons l’heure où toute l’humanité vibrera dans la vision commune de la réalité suprême » (LU 160:4.1).
La foi nous ouvre un chemin vers les perspectives éternelles et infinies. L’esprit divin qui nous habite, la cinquième révélation, servent de pont pour nous aider à franchir les handicaps de cette première vie sur notre planète isolée. Des voix dans le passé lointain nous rappellent les luttes de l’homme. Maître Eckart, au 13ème siècle, semble avoir découvert l’Etre Suprême lorsqu’il écrit : « Au fond de l’être, ce qu’il y a d’incréé dans l’homme ne fait qu’un avec ce qu’il y a d’incréé en Dieu ». Le motet à 40 voix « Spen in allium » composé par Tallis vers 1570, nous invite à partager l’allégresse de la foi élevée à un diapason angélique.
Dans le logion 2 de l’évangile de Thomas, Jésus s’exprime ainsi « Que celui qui cherche ne cesse de chercher jusqu’à ce qu’il trouve et quand il aura trouvé, il sera troublé et ayant été troublé, il s’émerveillera, il régnera sur le tout ». Soyons prêt à vivre prophétiquement. Selon l’apôtre Pierre, « déjà les ténèbres se dispersent ».
Notre pensée, même purement matérielle, est l’un des mystères les plus fantastiques du cosmos. C’est une preuve que l’univers n’est pas machinal, mécanique, muet, aveugle, figé. Grâce à la progression de l’homme, il deviendra de plus en plus harmonieux, animé, transcendant, paternel.
Revêtons notre pensée d’un vêtement de cosmonaute à la recherche d’un univers supermental. Associons à une vérité intelligente, libre, volontairement perfectible, un sens aiguisé de la beauté, de l’harmonie, de la bonté. Que l’unification de ces concepts soit l’expression d’une tentative de progrès avec un intellect vrai, un émotionnel transcendantal.
Pour s’exprimer sur des niveaux continuellement progressifs, il nous faut acquérir le métier d’un artisan, l’expérience d’un philosophe, le souci de beauté d’un artiste, l’érudition d’un chercheur et l’innocence d’un enfant, avec la certitude ajoutée de notre presque totale impuissance dans ce monde premier.
Dans 100.000 ans, la constellation familière de la Grande Ourse nous offrira une configuration différente de celle d’aujourd’hui car chacune des étoiles appartenant à ce groupe a une course différente. On peut rêver de nos quelques secondes de vie face au mouvement du cosmos, lui-même négligeable vis-à-vis de l’Eternité.
A tous, Jésus dit: « VIENS ET VOIS ».
Jean Davier
Melchizédek ou la 2ème Révélation | Le Lien Urantien — Numéro 13 — Printemps 2000 — Table des matières | «What Would Jesus do ?» |