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Réflectivité — Numéro 346 — Juillet 2021 — Contenu | Réflectivité — Numéro 346 - Juillet 2021 — Table des matières | Un petit exercice au « Je » |
Marc Belleau
Montréal
Nous vivons à une époque caractérisée de plus en plus par la liberté de pensée. Il ne faut donc pas s’étonner de voir proliférer une variété de visions, parfois opposées, sur la justice et la miséricorde divine. Les religions traditionnelles optent parfois pour une justice implacable, à l’image du Dieu vengeur de l’Ancien Testament alors que d’autres idéologies nous proposent un Dieu qui peut tout absoudre et dont l’amour est tellement contraignant qu’il fait violence à l’idée même de la justice et du libre arbitre des créatures. En réalité, Dieu dans toute sa perfection combine avec sagesse la miséricorde et la justice.
Notre Père céleste est nécessairement miséricordieux envers sa création; c’est ce qui caractérise sa relation avec chacun d’entre nous. Il nous a créés incomplet, sans connaissance, sans expérience et nous demande de répondre à son invitation : « Soyez parfait, comme moi-même je suis parfait ». Il sait bien que nous ferons des erreurs de parcours; c’est le lot de ceux qui s’élèvent des sphères imparfaites du temps et de l’espace vers la perfection du Paradis. Nous pourrions définir la miséricorde comme étant la justice divine adaptée aux conditions particulières de chaque créature qui se débat dans l’univers. Elle est un crédit de temps accordé à tous les êtres intelligents pour leur permettre de se perfectionner.
« La miséricorde n’est pas une violation de la justice, mais plutôt une interprétation compréhensive des exigences de la justice suprême lorsqu’elle est appliquée en équité aux êtres spirituels subordonnés et aux créatures matérielles des univers évolutionnaires. » LU 2:4.5
Dieu pardonne avec amour et en sagesse; il comprend notre état d’incomplétude et nous donne tout le temps dont nous avons besoin pour nous accomplir. Il prend connaissance de chacun de nos mobiles afin d’adapter son jugement. Sans le frein de la miséricorde, la croissance dans l’univers serait impossible, car la justice, efficace, précise et expéditive, ne supporte pas la présence du mal.
« La justice suprême peut agir instantanément lorsqu’elle n’est pas tempérée par la miséricorde divine. Le ministère de miséricorde auprès des enfants du temps et de l’espace prévoit toujours ce délai, cet intervalle salutaire entre les semailles et la moisson. » LU 54:4.6
Dieu aime suprêmement le pécheur, mais déteste également le péché et c’est ce dernier qui est destiné à être détruit par la justice divine. Le mal devient réel lorsque la créature utilise son libre arbitre pour s’y adonner; en le choisissant de façon répétée, elle devient inique. L’amour de Dieu, puissant, mais jamais contraignant, ne peut rien contre la volonté dévoyée de ses enfants. C’est donc la créature qui choisit de devenir irréelle par une identification complète avec le mal. Un jour viendra lorsque toutes les créatures auront appris à choisir le bien -, où le mal n’aura plus d’existence propre puisqu’il n’y aura plus personne pour le choisir et le rendre factuel ; c’est la raison d’être de ce vaste système d’éducation superuniversel qui débute ici-bas, sur Urantia, et s’étend jusqu’à l’embrasement du Père Universel, au Paradis. Le mal n’est donc pas destiné à devenir une réalité persistante dans le grand univers et il en est ainsi des personnalités qui s’y seront complètement identifiées.
« Un mortel identifié au péché deviendrait complètement aspirituel dans sa nature (donc personnellement irréel) et subirait l’extinction finale de son être. Dans un univers progressant en réalité et croissant en spiritualité, l’irréalité de la nature d’une créature et même son inachèvement ne peuvent subsister indéfiniment. » LU 2:6.8
Si la miséricorde est octroyée par notre Père céleste, en tenant compte des situations propres à chacun, la justice, quant à elle, est entièrement impersonnelle. En effet, la loi est toujours promulguée pour l’ensemble, elle est impartiale et s’intéresse au tout; elle ne se préoccupe pas des conditions particulières des individus. Il est impossible de gouverner en tenant compte de la volonté de chacune des parties du groupe. Il appartient donc à l’individu de se conformer aux lois promulguées, et cela, dans le but d’assurer l’harmonie de l’ensemble.
Dans le grand univers, le Père ne juge pas ses créatures, c’est plutôt la fonction de la Trinité du Paradis ou de ses agents, les Anciens des Jours (trois par superunivers). La justice, pour être précise, doit être administrée par des groupes d’individus compétents (un groupe est toujours formé d’un minimum de 3 personnes) afin d’éviter toutes possibilités d’interprétation personnelle. Jésus, lors d’une discussion avec son ami indien Ganid, a bien expliqué cet aspect de l’administration de la justice :
« …la miséricorde peut être prodigue, mais la justice est précise. Rends-toi compte qu’il y a peu de chances de voir deux personnes se mettre d’accord sur la sanction susceptible de satisfaire les exigences de la justice »[…] « Ne peux-tu voir que, sur cette terre, il vaut mieux que de telles responsabilités retombent sur la collectivité ou qu’elles soient administrées par des représentants choisis de cette collectivité ? Dans l’univers, le droit de juger appartient à ceux qui connaissent pleinement les antécédents de tous les méfaits aussi bien que leurs motifs. » LU 133:1.2
Bien qu’il soit le chef de notre univers local, Micaël de Nébadon, lors de son incarnation, refusa catégoriquement de juger ses fils déviants lors de la rébellion de Lucifer.
Aux nombreuses propositions et contrepropositions des émissaires de Lucifer, Jésus ne fit qu’une seule réponse : « Puisse la volonté de mon Père du Paradis prévaloir et, quant à toi, mon fils rebelle, que les Anciens de Jours te jugent divinement. Je suis ton Créateur-père ; je ne puis te juger justement, et tu as déjà méprisé ma miséricorde. Je te remets au jugement des Juges d’un plus grand univers. » LU 134:8.7 — Le séjour sur le mont Hermon.
Réfléchir sur la nature de la justice et de la miséricorde nous permet de comprendre comment nous devrions nous comporter au quotidien. A la lumière de ce que nous venons de lire, nous pouvons conclure que le jugement n’est pas du ressort de l’individu ; ne portons pas de jugement sur les autres, même dans les situations les plus banales de notre vie. Micaël n’a pas voulu juger ses propres fils rebelles et je ne vois pas de quelle façon nous pourrions justifier les jugements que nous posons parfois sur nos frères et sœurs. Le seul choix qu’il nous reste alors, c’est de marcher dans les pas du Maître et de développer notre capacité à pardonner.
« Le ministère de la miséricorde est toujours une affaire individuelle, tandis que la justice et ses châtiments sont la fonction de groupes administratifs de la société, du gouvernement ou de l’univers. En tant qu’individu, je [Jésus] suis tenu de montrer de la miséricorde » LU 133:1.2 -Miséricorde et justice.
Être miséricordieux ne signifie pas excuser le péché, mais consiste plutôt à cesser de se débattre avec les situations d’iniquité en rendant le bien pour le mal, ce qui représente, en réalité, la façon positive de faire les choses. Dieu est miséricordieux, car il est toujours ouvert au repentir de la créature; son amour va même jusqu’à réhabiliter le pécheur. À l’image de Dieu, soyons proactifs. Nous pouvons détester le mal, mais nous devons apprendre à aimer ceux qui le commettent afin de leur donner toutes les chances de comprendre et devenir meilleurs. C’est parfois très difficile, j’en conviens.
Nous avons tout intérêt à exercer la miséricorde, car elle nous empêche de nous débattre avec l’erreur et le mal, ce qui constitue une utilisation négative de notre énergie. En agissant de la sorte, nous mettons l’accent sur le mal au lieu de nous intéresser au pécheur, ce qui requiert de l’amour et de la bonté, deux attitudes hautement positives qui, lorsqu’elles nous habitent, nous donnent de l’énergie, renouvellent notre mental et notre esprit. Il y a de grands avantages à être miséricordieux.
« En montrant de la miséricorde, il [Jésus] voulait dépeindre la manière spirituelle de se libérer de toutes les rancunes, des griefs, de la colère et de la soif de vengeance et de pouvoir personnel. Lorsqu’il dit : "ne résistez pas au mal’, il expliqua, plus tard, qu’il n’entendait pas trouver des excuses pour le péché ni conseiller de fraterniser avec l’iniquité. Il avait davantage l’intention d’enseigner à pardonner, à ne pas résister aux mauvais traitements infligés à votre personnalité, aux mauvaises blessures infligées à vos sentiments de dignité personnelle. » LU 141:3.8 — le séjour à Amathus.
En résumé, la justice est toujours impersonnelle et s’intéresse aux règles qui régissent l’ensemble des individus qui vivent dans une même communauté. La miséricorde est l’expression personnalisée de cette justice, adaptée aux conditions de chaque créature. Puisque l’administration de la justice appartient à des groupes de personnes, il faut apprendre, en tant qu’individu, à ne pas juger; soyons donc miséricordieux, c’est la seule alternative vraiment valable si nous voulons devenir de plus en plus semblables à Dieu. Dans sa grande tendresse, il donne, pour notre perfectionnement, un crédit de temps qui va bien audelà de ce dont nous aurons besoin en réalité.
« Le temps est l’unique dotation universelle commune à toutes les créatures volitives. C’est « le talent » confié à tous les êtres intelligents. Vous avez tous du temps pour assurer votre survie. Le Temps n’est gaspillé d’une manière fatale que s’il est perdu dans la négligence, lorsque vous ne l’utilisez pas de manière à rendre certaine la survie de votre âme. L’insuccès pour tirer avantage de votre temps dans la plus grande mesure possible n’entraine pas de sanctions fatales; il ne fait que retarder le pèlerin du temps dans son voyage d’ascension. Si la survie est gagnée, toutes les autres pertes peuvent être rattrapées. » LU 28:6.9 Les seconaphins tertiaires.
Il existe un lien entre le temps et la miséricorde et dans la mesure où nous gaspillons le premier, nous dilapidons le second. Soyons donc des gestionnaires sages de cette merveilleuse ressource et faisons bon usage du temps qui nous est imparti en favorisant des activités qui nous rapprocheront et de Dieu et de sa création.
« Orvonton, le septième superunivers, celui auquel appartient votre univers local, est principalement connu pour son immense et prodigue effusion de ministère miséricordieux auprès des mortels des royaumes. Il est renommé pour la manière dont y prévaut une justice tempérée par la miséricorde et dont s’y exerce un pouvoir conditionné par la patience, tandis que des sacrifices de temps y sont généreusement effectués pour assurer la stabilisation de l’éternité. Orvonton est dans l’univers, une démonstration d’amour et de miséricorde. » LU 15:14.2 — Les buts des superunivers.
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