© 2008 Max Masotti
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En psychanalyse, le Moi est l’une des instances de la personnalité, justement celle qui se voudrait représenter l’ensemble de la personne comme unie. De manière générale, la représentation de soi s’appelle l’ego. Qui suis-je donc en tant que sujet conscient? Dans l’attitude naturelle, nous n’avons pas de doute sur l’identité. Nous disons « mais c’est moi !». Nous pointons notre doigt sur notre corps et nous disons « moi ». Mais qu’est-ce que cela le Moi ? Nous sommes prêts alors à dégainer nos papiers d’identité et à énumérer un catalogue de qualités : Je suis Max, né à Marseille, retraité, etc. N’est-ce pas une réponse assez vague que cette énumération?
Si nous nous obstinons à croire que le moi est notre véritable identité, nous pourrons estimer que cette solution n’est pas très satisfaisante. Vu sous cet angle, j’ai conscience que je suis et non pas de ce que je suis. Je suis quelqu’un qui est conscient, capable de dire « je ». C’est une manière pour un sujet conscient de se définir. En me définissant, je suis à même de revendiquer une certaine identité. Le « je » devient le foyer autour duquel gravitent toutes les représentations. Le « je suis » est d’une invincible certitude, nécessairement vraie toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit. Je suis conscience, c’est là ma véritable identité et peut-être la connaissance la plus haute que je puis avoir.
La conscience humaine du moi implique la récognition d’autres moi que ce moi conscient et implique en plus qu’une telle conscience soit mutuelle; que се тоi soit connи aussi bien qu’il connaît. Cela se voit de manière purement humaine dans la vie en société. Mais vous ne pouvez pas être aussi absolument certains de la réalité d’un compagnon que de la réalité de la présence de Dieu qui vit en vous. LU 16:9.4
Pascal, dans les « Pensées » pose la question : « Où est donc ce moi s’il n’est ni dans le corps, ni dans l’âme ? » Et il a une intuition géniale au sujet du Moi : « Je sens que je puis n’avoir point été, car le Moi consiste dans ma pensée ». Le Moi n’est pas séparable de la pensée. Le penseur est-il un « Moi » ? Le penseur n’est-il pas seulement le sujet de la pensée ? Je suis une « chose qui pense ». Or, qu’est ce qu’une chose qui pense ? C’est un esprit, un entendement, une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine et qui sent. Je peux dire je suis une âme, car l’âme est l’ultime sujet, l’ultime foyer de l’appartenance.
Quand on fouille pour trouver le « Moi » on ne trouve rien. Il n’y a jamais que la pensée qui, dans son cours, puisse donner, en se prenant pour objet, consistance à l’idée du Moi. Le Moi qui pense est-il lui-même seulement une sorte de sous-produit de l’activité de la pensée ? Le moi est la conscience individuelle attentive à ses intérêts et partiale en sa faveur. On peut aussi dire observateur-observation-observé, ou encore le penseur, l’ego, l’acte de penser, le cogito, le pensé …
Est-ce à dire que le moi consiste seulement dans la pensée ? Nous passons notre temps à dorloter notre petit moi contre les blessures de son amour-propre! Nous sommes obsédés par l’idée qu’il faut que « moi » je me situe par rapport aux « autres ». Nous vivons avec un sens de l’identité personnelle, dont nous cherchons constamment l’affirmation, qui est une appréhension de notre moi. Nous vivons dominés par la relation entre moi et les autres moi. Ce « moi » se met constamment en avant. Il le fait dans la parole par l’opinion : « Moi je pense que… »» « Moi je crois que l’on devrait… » etc.
Le Moi humain est le Moi d’un ou du désir. Le moi est le sujet en tant qu’il s’affirme dans ce qui est mien, dans un sentiment d’appartenance. Il est le siège de l’attachement. L’attachement du Moi non seulement relie mais il enserre aussi, il attache, ligote même celui qui y est pris. Il tient au réseau de ses attachements, il tend à vouloir perdurer dans une forme qu’il s’est de l’avoir : plus de pouvoir, plus de richesse, plus d’affection, plus de renommée : en résumé au fond, plus de reconnaissance à l’égard des autres Moi.
C’est aussi ce qui fait que le Moi, est aussi le siège de l’amour-propre. Que nous montre l’amour-propre ? Le Moi se donne une image de soi valorisante de lui-même et désire être reconnu dans cette image. Son souci principal n’est pas d’être, mais de paraître ce qu’il voudrait être, de se montrer. Le Moi est temporel. Il change et se transforme. Il est de ce fait inséparable de la mémoire. Celui qui perd la mémoire perd aussi son identité. Le sentiment d’aujourd’hui s’appuie sur le passé. Le passé du moi fait corps avec son présent. Si nous disons : « moi », c’est à partir du sentiment de continuité, nous pensons être le même dans le temps en dépit du changement. Il doit être changeant, il doit être en devenir. Le Moi d’une époque est donc différent du moi d’un autre moment du temps.
C’est cette même expérience de l’évanescence dans le changement qui fait dire à Montaigne que nous ne sommes pas un mais plusieurs. Nous sommes un défilé de personnages dans le temps, depuis l’enfant, l’adolescent à l’adulte. Le changement fait que le Moi ne peut pas rester constant, ne peut rester le même. Je change sans cesse dans mes pensées et mon Moi change aussi. Le roulement du temps n’a pas de trêve et il n’épargne rien ni personne.
L’être même de l’homme, l’être conscient de soi, implique et présuppose le désir. Par conséquent, la réalité humaine ne peut se constituer et se maintenir qu’à l’intérieur d’une réalité biologique, d’une vie animale. Mais si le désir animal est la condition nécessaire de la conscience de soi, il n’en est pas la condition suffisante. A lui seul, ce désir ne constitue que le sentiment de soi. Le Moi est mis en place afin d’ajourner la satisfaction pulsionnelle. Il permet de passer du principe de plaisir au principe de réalité interne et réalité externe…
Il n’y a rien de plus banal que de dire je ou moi et l’emploi quotidien de ces pronoms ne pose pas de problème. … Le « je » ou le « moi »s’interprète comme un point bien déterminé de l’univers d’où émanent des actions, des paroles, des pensées, qui est affecté par des impressions et éprouve des sentiments. Disons pour schématiser que nous avons ainsi découvert le je-atomique, un atome dans l’univers.
Le moi matériel possède une personnalité et une identité, une identité temporelle. L’Ajusteur prépersonnel d’esprit a aussi une identité, une identité éternelle. Cette personnalité matérielle et cette prépersonnalité spirituelle sont capables d’unir leurs attributs créateurs de manière à faire naître l’identité survivante de l’âme immortelle. LU 5:6.7
Pour atteindre le bonheur humain, il faut que le désir égoïste du moi et la pression altruiste du moi supérieur (esprit divin) soient coordonnés et réconciliés par la volonté unifiée de la personnalité qui s’intègre et supervise. LU 103:5.5
Le désintéressement, l’esprit d’oubli de soi, est-il désirable ? Alors il faut que l’homme mortel vive face à face avec les clameurs incessantes d’un moi qui demande inéluctablement reconnaissance et honneur. L’homme ne pourrait choisir dynamiquement la vie divine s’il n’y avait pas une vie du moi à délaisser. L’homme ne pourrait jamais faire jouer la droiture pour son salut s’il n’y avait pas de mal potentiel pour exalter et différencier le bien par contraste. LU 3:5.13
Max Masotti
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