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Une assemblée merveilleuse | Le Lien Urantien — Numéro 56 — Automne 2011 — Table des matières | L’Univers et la Nature, un mécanisme de lois |
Il est évident que, dans ses Lettres, Paul manifeste un souci constant au sujet de la qualité des relations fraternelles au sein de chaque communauté. À l’exemple du Christ lui-même qui met « l’amour de Dieu et des autres » au cœur de son enseignement, Paul répète souvent que l’amour, vécu concrètement, résume et contient tous les autres préceptes de la vie chrétienne. Car la loi tout entière trouve son accomplissement en cette unique parole : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Ga 5,14). N’ayez de dettes envers personne, sinon celle de l’amour mutuel Car celui qui aime autrui a pleinement accompli la Loi. L’amour ne fait aucun tort au prochain. L’amour est donc le plein accomplissement de la Loi (Rm 13,8-10).
Et dans son « hymne à l’amour », il développe les caractéristiques et les exigences de cet amour : « Quand je parlerais en langues, celle des hommes et celle des anges, s’il me manque l’amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale qui retentit. Quand j’aurais le don de prophétie, la connaissance de tous les mystères et de toute la science, quand j’aurais la foi la plus totale, une foi à transporter des montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens aux affamés, quand je livrerais mon corps aux flammes, s’il me manque l’amour, cela ne me sert de rien. »
« L’amour prend patience, l’amour rend service, il ne jalouse pas, il ne fanfaronne pas, il ne se gonfle pas d’orgueil. L’amour ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il n’entretient pas de rancune. L’amour ne se réjouit pas de l’injustice, mais il trouve sa joie dans la vérité. L’amour excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne disparaît jamais. Les prophéties ? Elles disparaîtront. Les langues? Elles se tairont. La connaissance? Elle disparaîtra. Car notre connaissance est limitée et limitée aussi notre prophétie. Mais quand viendra la perfection, ce qui est limité disparaîtra. Maintenant demeurent la foi, l’espérance et l’amour, mais l’amour est le plus grand. Recherchez l’amour; aspirez aussi aux dons de l’Esprit (1 Co 13,13). »
Et, quand Paul s’adresse à ses frères de Corinthe, tentés d’accorder trop d’importance aux charismes particuliers du don des langues ou de guérison, il leur rappelle que le don supérieur, qu’il faut demander au Seigneur et entretenir, est le don de l’amour mutuel. La perfection chrétienne, la sainteté ne se situe pas au niveau du savoir mais de l’amour vécu au quotidien.
Le véritable baromètre de notre vie « spirituelle » est la qualité de nos relations fraternelles. Là, nous ne sommes plus au niveau de la sensibilité, de la sympathie spontanée, naturelle, mais de la volonté habitée et animée par l’Esprit qui veut le bien de tous les hommes.
« L’amour prend patience. » La première caractéristique de cet amour, animé par l’Esprit, qui ouvre et clôt l’énumération de Paul est la patience. Dans la Bible, la patience est un des attributs du Dieu de l’Alliance. Sa miséricorde est une forme de sa patience. Il est « lent à la colère » envers l’homme à la « nuque raide ». Celui qui est habité par l’amour spirituel est un « homme bon », il participe à la « bonté » patiente, inlassable de Dieu.
« L’amour rend service. » Aimer l’autre c’est « se mettre à son service », ce qui dépasse le fait de rendre des « services » occasionnels.
« L’amour n’est pas jaloux » des autres. La jalousie est le contraire de l’émerveillement. Aimer l’autre « c’est se réjouir de leur bonheur comme s’il était le nôtre », disait saint François d’Assise.
« L’amour ne fanfaronne pas, il ne se gonfle pas d’orgueil. » Être orgueilleux, c’est céder à cette vaine complaisance qui s’attribue à soi-même les talents, les capacités que Dieu nous a donnés pour les mettre au service des autres. C’est la raison pour laquelle Paul estime que l’humilité est sœur de l’amour. Humilité qui n’est ni timidité maladive ni sousestimation de soi-même mais qui est à l’image de celle du Christ. Lui, qui s’est voulu « serviteur » de ses frères, sans se prévaloir de ses pouvoirs ou de ses titres, lui qui de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu (Ph 2, 6-8).
« L’amour ne fait rien de laid ou d’inconvenant. » Pour Paul, le chrétien se refuse de rendre le mal pour le mal (Rm 12,17), il préfère vaincre le mal par le bien en donnant à manger à son ennemi s’il a faim, et à boire s’il a soif (Rm 12,20-21), bénir celui qui l’insulte, consoler au lieu de calomnier (I Co 4,12-13). Comportement qui va à contre-courant de la loi de la jungle de nos sociétés et qui n’est possible que si l’homme acquiert, dans l’Esprit, la magnanimité, une certaine « grandeur d’âme ».
« L’amour ne cherche pas son propre intérêt. » Paul situe cette caractéristique au centre de sa description. Le Christ n’est-il pas l’incarnation d’un Dieu dont l’amour est gratuit, « gracieux », désintéressé ? La gratuité est au cœur de la Bonne Nouvelle qui nous révèle que dans le christianisme tout est Don, tout est Grâce.
Cette dimension de l’amour semble si exigeante que, par la suite, les copistes ont, plus ou moins consciemment, atténué sa portée, en écrivant « L’amour ne recherche pas ce qui ne lui appartient pas », ramenant ainsi l’amour à la stricte justice. Or si le chrétien sait aussi défendre la justice — La charité ne fait pas de tort à son prochain (Rm 13,10) — il est aussi capable au besoin de renoncer à son droit, s’il estime que, dans telle ou telle situation, l’amour est plus important. L’amour fait passer les autres avant ses intérêts personnels. Paul reprochera d’ailleurs à ses frères de Corinthe de se faire des procès entre eux ! Si cela s’avère parfois inévitable, de telles situations manifestent pourtant que l’idéal chrétien n’est pas encore atteint. Car le Christ, de riche qu’il était ne s’est-il pas fait pauvre afin de nous enrichir de sa pauvreté (2 Co 8,9). Cet amour désintéressé n’est pas sélectif mais universel comme l’amour de Dieu qui ne fait pas acception des personnes (Rm 2,11; Ga 2,6) et veut le salut de tous (lTm 2,4). Et s’il est légitime d’avoir des liens d’amitié plus forts avec tel ou tel, le chrétien ne doit pas oublier les plus malaimés, les plus humbles (Rm 12,16) de qui il ne peut rien attendre en retour (1 Co 4,12; Rm 12,20-21).
Et si le Christ nous demande d’aimer nos ennemis -comme lui-même l’a fait — c’est sans doute parce qu’il n’y a pas d’amour plus désintéressé !
« L’amour ne s’irrite pas. » Il n’agit pas sous l’impulsion de la colère, de l’emportement. La charité est capable de retenir des paroles désagréables.
« L’amour n’entretient pas de rancune. » Paul écrit aussi : Que le soleil ne se couche pas sur notre colère (Ep 4,26). L’amour ne cultive pas la blessure de la mémoire.
« L’amour ne se réjouit pas de l’injustice. » On peut parfois être tenté, par rapport à quelqu’un qui nous a blessés ou lésés, de prendre plaisir à le voir, à son tour, subir une injustice, comme une sorte de revanche savourée, mais l’amour trouve sa joie dans la vérité. Le chrétien doit savoir rendre hommage à la vérité, y compris celle de ses ennemis. Paul termine enfin cet hymne par quatre petits traits : « L’amour excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. » « L’amour excuse tout. » Être lucide sur les défauts et les faiblesses des autres, ne signifie pas qu’on les enferme, une fois pour toutes, dans ce qu’il y a de négatif en eux. Tout homme est toujours plus que ses défauts et ses misères. L’amour se garde surtout de juger des intentions que Dieu seul connaît (1 Co 4,5). Le Christ n a-t-il pas dit : « Ne jugez pas (les autres) pour n’être pas jugés (par Dieu), car la mesure dont vous userez on usera pour vous (Mt 7,1-12). »
(à suivre)
Selon « Sur les traces de saint Paul », Guide historique et spirituel c/Desclée De Brouwer
Michel Hubaut
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