© 2023 Sophie Malicot
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Relations entre matériel, mental et esprit | Le Lien Urantien — Numéro 101 — Mars 2023 — Table des matières | Révélation du Moyen Âge |
Sophie Malicot
Parcourant les textes de la mort de Jésus, on peut se demander pourquoi il fut nécessaire de rouler la pierre et ouvrir le tombeau pour dématérialiser le corps du Maitre. Assurément les anges de la résurrection peuvent passer à travers les parois et n’ont pas besoin de pousser une porte pour entrer, fut-elle de pierre.
Si les juifs et les gardes romains postés-là ne s’étaient pas enfuis, qu’auraient-ils vu?
Reprenons l’histoire.
Sous une forte tempête de sable, le 07 Avril 30 après environ 5 h 30 d’agonie, « ce fut juste avant trois heures que Jésus, d’une voix forte, s’écria: « C’est fini! Père, je remets mon esprit entre tes mains. » Après avoir ainsi parlé, il inclina la tête et abandonna la lutte pour la vie.
Environ une heure après, son corps est descendu de la croix par les soldats. Une échauffourée se lève entre juifs et romains, tirant à hue et à dia sur le cadavre sis à terre, chacun voulant se l’approprier. L’enjeu est de taille; la fosse commune affectée aux esclaves ou un sépulcre digne de tout homme respecté? Joseph a gain de cause grâce à une autorisation signée de Pilate. Vers 16 h 30 le corps est transporté au tombeau neuf de Joseph d’Arimathie, par ce dernier, aidé de Nicodème, Jean et un centurion romain, probablement garant de l’autorité susdite. Le corps de Jésus est embaumé à la va-vite, à cause des préparatifs du sabbat, avec forte myrrhe et aloès, puis enveloppé dans des bandelettes. Il est déposé dans une chambre mortuaire de 3 mètres carrés, où il reposera pendant un jour et demi.
Les hommes savent-ils? Peut-être… Car la coutume ne permet pas la mixité dans de telles situations. Ainsi non loin de là, quatre femmes se dissimulent — Marie-Madeleine, Marie de Clopas, Marthe et Rebecca — prennent note du lieu, observent et s’attardent jusqu’à la tombée de la nuit. Elles jugent le travail d’embaumement mal fait pour le repos mortuaire. C’est décidé: elles le referont le lendemain du sabbat.
Dès le samedi matin, une garde romaine d’une vingtaine d’hommes est réquisitionnée pour assurer que les amis de Jésus ne viennent pas euxmêmes prendre le corps, le soustraire et pouvoir ainsi proclamer au peuple que le Maitre est bien ressuscité comme il l’avait promis. Aussi leur premier travail est d’ajouter une seconde pierre devant la tombe et apposer le sceau de Pilate. Sans doute le jour est long et la nuit froide, malgré la visite des juifs venus leur apporter des vivres et à boire. À minuit, la relève se fait.
Il est environ 2 h 50 du matin le dimanche 9 Avril 30 lorsque la pierre du tombeau commence à rouler seule: une énorme pierre telle une meule, se déplaçant le long d’une rainure au sol ciselée à même le roc. L’aube pointe son nez, les soldats guettent le jour et voient subitement dans cette faible lueur le déplacement de la pierre. Personne ne l’actionne. Éberlués, pris d’une panique folle, les romains s’enfuient vers la forteresse d’Antonia, rapportant au plus vite les faits au centurion; les juifs courent chez eux puis vont dire au capitaine présent au temple ce qu’ils ont vu. A Jérusalem l’aube pointe aussi et à cette même heure cinq femmes quittent la ville, se dirigent vers le tombeau avec les onguents et les tablettes de lin pour l’embaumement. Elles mettent en pratique leur décision d’amélioration soigneuse du corps. Une question les taraude: la pierre à rouler. Qu’auraient-elles pensé si elles avaient su qu’il n’y avait pas une, mais deux pierres, un sceau officiel et une garde militaire? Soucieuses et affligées jusqu’au tréfonds de l’âme, elles ne savent ce qui les attend. Seul leur amour profond pour le Maitre pousse leurs pas en avant.
Elles prévoient 30 minutes de marche. En chemin, à la porte de Damas, soit vers 3 heures du matin, elles croisent des soldats frappés de panique fuyant en sens inverse. Que se passe-t-il? Elles s’arrêtent, s’interrogent mais il est hors de question que des femmes juives questionnent des soldats romains. Aussi reprennent-elles leur marche, toujours guidées par la foi.
Quittons ici le chemin du récit.
Imaginons quelqu’un resté présent au
tombeau, par sang froid ou panique paralysante. La grosse pierre se déplace lentement, latéralement, lourdement et cependant sans main à la pousser. La seconde pierre roule aussi, sur le côté, plus légère. Le sceau est brisé et avec lui toute autorité politique sur la mort de Jésus.
L’ouverture est béante, il fait sombre dedans. Les yeux ne peuvent voir. Et cependant une forme se détache du fond, s’avance vers l’entrée, par l’intérieur, se distingue progressivement. Les pieds d’abord, puis les jambes, le buste et la tête. Oui à n’en pas douter, c’est le corps du Maitre. Corps de chair, corps mort, nu, sans bandelette; il se déplace en lévitation, seul, sans manutention comme les deux pierres le furent. Ses cheveux pendent vers le sol; ses bras repliés. Le corps sort du tombeau, la lueur matinale dessine ses contours, puis s’arrête à quelques mètres au-dehors. Il est là, devant l’ouverture béante franchie en sens inverse quelques heures auparavant, dans le même état hormis la nudité.
Et subitement tout disparait. En une fraction de seconde; plus rien. Le corps n’est plus. Volatilisé. Un tour de magie? Une grâce divine? Le regard reste coi, abasourdi, cherche de droite à gauche, de haut en bas; rien.
Tétanisé, — qui ne le serait pas en de telles circonstances? — le témoin reste immobile, incapable de bouger, ni comprendre ni dire.
Que croire?
Qui croire?
Dans le silence au-delà des bruits, des pas se font entendre; des voix de femmes: « Qui va nous aider à rouler la pierre de côté?». Elles arrivent, posent leurs fardeaux sans les regarder, toute leur attention engloutie dans l’ouverture du tombeau.
Que croire?
Marie-Madeleine s’aventure autour de la plus petite des deux pierres et ose entrer dans le sépulcre ouvert…
« Mon Seigneur et mon Maitre!».
Elle s’agenouille devant Lui.
Que reste-t-il du corps de l’Aimé? Rien?
Pas tout à fait.
Jésus, dans sa deuxième décision aux quarante jours du désert, choisit délibérément de poursuivre désormais le sentier de l’existence terrestre normale. Jusqu’au bout. Les lois de la nature seront respectées — en toutes circonstances.
Marie-Madeleine est rentrée chez elle. Après tant d’émotion, de remous, d’incompréhension et de certitude, il lui faut prendre quelque repos. Depuis combien de jours n’a-t-elle pas dormi? Elle ne sait plus, ne compte plus. Il fait plein jour mais elle a besoin de repos.
Elle ôte sa robe de toile, la pose à côté d’elle et s’allonge sur sa paillasse. Un rai de lumière se pose sur le tissu, à hauteur des genoux. Marie-Madeleine s’assied brusquement, prend la robe en grande délicatesse, la pose contre sa joue et pleure.
Qui croire?
En infinie gratitude, ses larmes inondées de soleil coulent et se mêlent à la poussière déposée sur la toile.
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