© 1996 Sydney Harris
© 1996 Bibliothèque de la Fraternité des Hommes
L’une des riches ironies du mouvement dit « fondamentaliste » est que, même s’il prêche le Christ, il oublie Jésus.
Car le fait est que Jésus vivant ne serait pas une figure attrayante pour les membres de la majorité morale. En outre, il était une épine dans le pied des fondamentalistes de son époque.
Jésus voulait réformer et humaniser la religion de son temps et de son église. Il le voyait tomber entre les mains des légalistes et des moralistes étroits. Il le considérait comme devenant fier, arrogant et punitif – alors qu’il devrait être humble, compatissant et indulgent.
Les fondamentalistes de son église l’ont injurié et condamné pour ses actes, ses attitudes et ses propos. Il fréquentait des prostituées, des taverniers et des percepteurs d’impôts. Il se mêlait à la racaille et non aux membres respectables du clergé.
C’était un révolutionnaire au sens moral et non au sens politique. Il nous a rappelé que le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat – ce qui signifie que ce qui est « bien » ou « mal » à faire dépend de la fin humaine, et non du code juridique ou de l’édit ecclésiastique.
Il était strict sur la manière dont nous devions nous comporter les uns envers les autres, mais indulgent envers nos faiblesses personnelles. Il a mis en garde les bien-pensants : « Ne jugez pas, afin de ne pas être jugés ». Il préférait les pauvres, les exclus, les gens en difficulté, souvent les « pécheurs », aux pieux, respectables et hypocrites défenseurs de la loi et administrateurs du temple.
C’est pour cela qu’ils le détestaient et le traquaient. Parce qu’il voyait que la religion s’était transformée en rituel, que la foi primitive des pères était devenue froide, formelle et pharisaïque, que le zèle des prophètes avait été remplacé par les dogmes des prêtres.
Vous ne pouvez pas lire le Nouveau Testament sans vous rendre compte que Jésus était irrévocablement opposé à la majorité morale de son époque. Sa mission était de revitaliser et de réhumaniser l’Église juive, de réveiller sa passion initiale contre l’injustice et l’oppression.
Son idée de la « moralité » n’avait rien à voir avec le jeu, la consommation de vin ou d’autres fragilités similaires. Son idée était véritablement « fondamentale » dans la mesure où elle allait jusqu’au fond des relations des hommes entre eux, en termes de fraternité, de tolérance, d’aide, de miséricorde.
Sa parabole du bon Samaritain était choquante et révoltante pour la majorité morale de son époque, car elle montrait comment les prêtres et les pieux passaient à côté d’un homme déchu, tandis que le Samaritain méprisé était le seul à essayer d’accomplir la volonté de Dieu.
Quoi que prétende être le fondamentaliste moderne, au nom du Christ, il prend le nom de Jésus en vain. Car Jésus n’était pas en train de fonder une église, ni d’établir des règles, ni de condamner ses frères. Il nous montrait comment Dieu veut que nous agissions les uns envers les autres, par son propre exemple. C’est une leçon que les fondamentalistes doivent encore apprendre.
Dieu doit aimer l’homme ordinaire, il en a créé un si grand nombre.
Abraham Lincoln