Graphique présentant une synthèse des religions | Page de titre | II. Sources des révélations de la religion comparée |
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Il y a trois cent cinquante ans se tenait à Agra, en Inde, le premier parlement des religions. Il fut conçu, planifié et inauguré par Akbar, le grand empereur moghol de l’Inde.
En 1575, il consacra un magnifique édifice, le Thadat Khana, ou maison de discussion, à l’étude des religions comparées. Chaque jeudi soir, il y présidait un auditoire composé de représentants des cinq grandes religions de l’Inde et de leurs sectes : l’hindouisme, le zoroastrisme, l’islam, le judaïsme et le christianisme. À chaque réunion, un délégué accrédité présentait les revendications de l’un ou l’autre de ces systèmes de foi, et son discours était suivi d’une discussion générale. Ainsi, les principes propres à chaque variété de religion étaient exposés avec compétence, puis soumis à commentaires et critiques dans une atmosphère de respect mutuel et de tolérance, animée par le chaleureux et ouvert d’esprit d’Akbar.
De ce bouillonnement d’hospitalité religieuse est né ce livre remarquable connu sous le nom de Dabistan, compte rendu impartial des débats de ces conférences du jeudi soir. Pour illustrer la catholicité et le fraternalisme qui caractérisaient ces séances, permettez-moi de citer une phrase des plus nobles, prononcée par l’un des participants, un musulman de la secte soufie : « Si tu es musulman, va vivre chez les Francs ; si tu es shüite, va te mêler aux schismatiques ; si tu es chrétien, fréquente les juifs. Quelle que soit ta religion, fréquente ceux qui pensent différemment de toi. Si tu peux les fréquenter librement et que leurs discours ne te mettent pas en colère, tu as atteint la paix et tu es un maître de la création. » À cette déclaration inspirante, permettez-moi d’associer l’exclamation fervente du Psalmiste : « Voyez comme il est bon et agréable pour des frères de demeurer ensemble. » [^1] Ensemble, ces deux textes fournissent une sorte de cadre spirituel pour examiner le sujet qui nous occupe. Car, outre le but intellectuel de nous familiariser avec les résultats de la recherche dans le domaine des religions comparées, ces chapitres ont pour principale justification un but éthique : nous rendre plus catholiques dans nos sympathies, plus justes et généreux dans notre attitude envers les croyances étrangères, plus magnanimes envers les orthodoxes moins fortunés que nous dans leur religion, plus réceptifs aux sources d’inspiration que nous avions tendance à négliger, plus prompts et plus vifs à reconnaître les grâces orientales du caractère qui font défaut à notre civilisation occidentale. Par-dessus tout, le but éthique de notre recherche est de nous rendre plus compétents dans la pratique de l’appréciation, cette vertu moderne à laquelle le [ p. 4 ] La race humaine, dans son évolution morale, a lentement progressé. Notre réticence à admettre une quelconque dette envers l’Extrême-Orient, notre discours désinvolte sur la vie de l’humanité, le service à l’humanité, etc., témoignent de notre éloignement de cet objectif. Nous persistons à identifier tout ce qui est vivant et tourné vers l’avenir dans l’humanité à notre civilisation occidentale, opposant l’« Occident progressiste » à l’« Orient stagnant et immobile », et reprenant avec complaisance la phrase familière de Tennyson :
Mieux vaut cinquante ans d’Europe qu’un cycle de Cathay.
Dans l’ouvrage récemment publié Legacy of Rome, quatre auteurs identifiaient l’Empire romain à « l’ensemble du monde civilisé ». Même le doyen Inge, écrivant dans le London Evening Standard, a commis la même entorse à l’ouverture d’esprit et à la justice, insinuant que la civilisation s’est brusquement éteinte au Ve siècle à la frontière occidentale de la Parthie et que les arts, la poésie, la philosophie et la religion de la Chine et de l’Inde étaient le produit de peuples sortant de la barbarie ! Quelle contribution, se demande-t-on sérieusement, l’Extrême-Orient a-t-il apportée à la culture humaine ? Nous reconnaissons une certaine valeur aux porcelaines chinoises, aux estampes japonaises et aux tissus indiens ; nous admettons qu’en ces matières, l’Extrême-Orient a quelque chose à enseigner à l’Occident. Mais envers la philosophie, la religion et l’éthique des peuples orientaux, l’attitude occidentale dominante est celle d’une indifférence méprisante ou d’une critique hostile. Tels sont quelques-uns des indices de notre stade dans l’évolution morale de la race vers l’idéal d’appréciation.
Il fut un temps où, dans les pays chrétiens, la persécution était considérée comme moralement justifiée, où les autorités ecclésiastiques, se considérant comme les seuls à détenir la seule vraie religion, se croyaient divinement chargées de réprimer les dissidents et ainsi de défendre et de propager la « vérité divine ». Si la persuasion échouait, ils recouraient à l’emprisonnement ; lorsque cela s’avérait inefficace, ils tentaient le fouet. En dernier recours, ils condamnaient les dissidents au bûcher, espérant exterminer par le feu l’hérésie et les hérétiques. Combien de fois, oh, combien de fois, les despotes ecclésiastiques ont-ils cherché à écraser la liberté de pensée et la liberté d’expression en brûlant les livres et les corps d’auteurs dont les convictions étaient plus vives que les flammes et qui, comme l’amiante, résistaient au feu destiné à les consumer ! Certes, les traces de telles formes de persécution ont totalement disparu, mais leur esprit survit encore, bien que les formes aient pris une tournure plus douce. Aujourd’hui, le chrétien persécute le juif et le juif le chrétien ; le romanisme persécute le protestantisme, le protestantisme orthodoxe persécute le christianisme libéral ; et même le christianisme libéral persécute la religion qui ne peut se dire chrétienne.
Un pas en avant vers l’idéal moderne a été franchi lorsque la tolérance a remplacé la persécution, lorsque la latitude a été admise en théologie autant qu’en géographie et que la distinction entre l’essentiel et le non-essentiel en religion a été établie ; lorsque les dissidents ont été autorisés à contrecœur à défendre leurs hérésies sans crainte d’agressions ou de menaces. Et lorsque, finalement, la tolérance a remplacé la tolérance, cela a signifié l’adoption d’une nouvelle attitude envers les dissidents, car la tolérance est le consentement volontaire à laisser les autres avoir des opinions différentes des nôtres, tandis que la tolérance est le consentement involontaire. Pourtant, même cette attitude, aussi noble soit-elle, ne peut être considérée comme le summum de la spiritualité. Car la tolérance implique toujours une certaine mesure de concession. Nous tolérons ce que nous ne pouvons pas nous empêcher de supprimer si nous le pouvions. La tolérance a un air de condescendance condescendante. Qui tolère affecte une certaine supériorité offensante et fait preuve de suffisance spirituelle. Il est donc évident qu’il est impossible que la tolérance marque le summum de l’épanouissement spirituel, ou qu’elle soit « la plus belle fleur du rosier du libéralisme », pour citer un éminent théologien unitarien du siècle dernier. Plus belle encore est l’appréciation qui, tout en étant totalement exempte des imperfections qui ternissent la beauté de la tolérance, ajoute à cette beauté des grâces nouvelles qui lui sont propres. L’appréciation est insatisfaite de la tolérance, méprise [ p. 8 ] la simple indulgence, rougit de la persécution. Elle nous empêche de ridiculiser les croyances qui nous sont chères et de considérer nos propres croyances comme définitives ; elle nous invite plutôt à prendre conscience de notre propre finitude et de l’immense firmament de la pensée sous lequel nous évoluons, attentifs à chaque nouvelle étoile que les cieux nous guident. À l’égard de tout système de croyance établi, l’appréciation adopte un point de vue évolutionnaire, le jugeant non seulement statiquement, par ce qu’il était à l’origine, mais aussi dynamiquement, par ce qu’il est devenu au fil des siècles. À l’égard des Bibles des grandes religions, l’appréciation adopte une attitude éclectique, cherchant à chacune ce qui peut être emprunté pour enrichir et approfondir la vie morale. À l’égard des fondateurs de ces religions, l’appréciation adopte une attitude révérencieuse et docile. Devant chacun d’eux, elle s’incline, qu’il s’agisse du Bouddha, de Zoroastre, de Confucius, de Mahomet, de Moïse ou de Jésus ; non pas qu’ils soient tous également estimés, mais chacun doit être évalué selon la vérité qu’il a eu à enseigner et l’inspiration qui peut être tirée de l’histoire de sa vie et de son œuvre. À l’égard des grandes religions elles-mêmes, l’appréciation adopte un point de vue organique. Elle conçoit chaque religion comme un membre d’une famille de religions, une partie d’un tout,Un organe d’un organisme, chacun possédant une excellence que les autres ne possèdent pas et qui doit donc leur être apportée, et recevant en retour les multiples contributions de tous les autres pour son propre perfectionnement. Aux yeux de l’appréciation, toutes les grandes religions et leurs sectes sont comparées aux jeux et pédales d’un grand orgue, certaines soulignant l’essentiel, d’autres les notes ornementales, aucune ne produisant à elle seule une musique complète, mais le mélange harmonieux de leurs mélodies individuelles produisant la grande symphonie des aspirations et de la foi humaines.
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[^1] : IP. 83:1.