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La valeur éthique suprême des révélations de la religion comparée réside dans le fait qu’elles servent à cultiver en nous cette vertu d’appréciation. Mais avant d’examiner la manière dont ce gain spirituel nous est accordé, nous devons nous pencher sur les révélations elles-mêmes. Que sont-elles et d’où proviennent-elles ? Pour commencer, nous devons ces révélations directement à la découverte des Bibles des grandes religions. Les Espagnols ont découvert le Coran. Lorsqu’en 711, les Maures ont traversé l’Afrique du Nord pour se rendre en Espagne, ils ont apporté avec eux un livre au sujet duquel ils ont fait des déclarations des plus stupéfiantes. Ils soutenaient que si tous les exemplaires existants de ce livre étaient détruits, le monde n’en serait pas plus pauvre, car une copie originale et éternelle est préservée [ p. 11 ] par le trône d’Allah et, par l’intermédiaire des anges, elle pourrait être recommuniquée intégralement à l’humanité. Cette « parole de Dieu », comme l’appelaient les musulmans, était le Coran, le livre sacré de leur religion.
Les Allemands furent les découvreurs des écritures confucéennes, certaines éditées par le Sage lui-même, d’autres étant l’œuvre de son génie moral et de celui de ses successeurs. Vers le milieu du XIVe siècle, des voyageurs allemands se rendirent dans un pays riche et densément peuplé qu’ils appelèrent Cathay, mais qu’ils apprirent plus tard à désigner comme la Chine. Ils y découvrirent une abondante littérature religieuse et morale, les Cinq Rois et les Quatre Livres, remarquables par leur enseignement sur l’éthique des affaires et la vie quotidienne. Ensemble, ces ouvrages constituent la Bible du confucianisme et, comme le Coran, ils ont été traduits dans toutes les principales langues d’Europe.
C’est un Français, Anquetil du Perron, qui, en parcourant la bibliothèque impériale de Paris, en 1784, tomba sur une collection de feuilles poussiéreuses de manuscrits, écrites en dialecte sanskrit. Il s’agissait d’une partie de la Bible zoroastrienne, l’Avesta. Désireux d’en savoir plus sur cette littérature et sur ce peuple, Anquetil se rendit à Bombay, dans le nord-ouest de l’Inde, où, depuis plus de mille ans, une colonie d’exilés zoroastriens de Perse s’était établie. Anquetil passa trois ans parmi eux, apprenant leur langue et tombant par hasard sur cent quatre-vingt-deux manuscrits, semblables aux feuilles qu’il avait découvertes à la bibliothèque de Paris, soit l’ensemble des livres sacrés des Parsis, ou zoroastriens, que nous possédons.
Lorsque les Britanniques prirent possession de l’Inde en 1787, cette grande entreprise commerciale permit la découverte de la partie la plus ancienne de ce qui est probablement la plus ancienne Bible du monde, le Rig-Veda, composé de quelque 1 017 hymnes à la louange des forces personnifiées de la Nature. Ajoutez au Rig-Veda les trois autres Védas, le Yajur, le Sama et l’Atharva, découverts ultérieurement ; les Aranyakas, ou « Méditations de la forêt », [ p. 13 ], les Upanishads et les deux grandes épopées du Mahabharata et du Ramayana, et nous obtenons un recueil de littérature sacrée hindoue plus de quatre fois plus vaste que l’Ancien et le Nouveau Testament. Plus tard, d’autres livres indiens furent découverts, qui se révélèrent être la littérature sacrée des bouddhistes : les Pitakas. Les lettres mêmes de ces livres étaient considérées comme sacrées, et on les comptait donc, tout comme on comptait les lettres du Nouveau Testament à l’époque où l’on croyait que non seulement son enseignement, mais aussi ses lettres, étaient « inspirés ». En comparant le nombre total de lettres des Pitakas à celui du Nouveau Testament, on constate qu’il y en a huit fois plus dans les premiers que dans le second. Telles sont, en résumé, les sources d’où proviennent les révélations de la religion comparée.
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