IX. Religion éthique et religion du futur | Page de titre | XI. Le christianisme et la religion du futur |
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Toute tentative de description détaillée de la religion à venir doit être considérée comme vaine et chimérique. J’aborderai plutôt certains aspects des religions historiques que la religion future est susceptible d’améliorer. Réservant le christianisme pour un examen séparé, notons quelques points précis permettant de supposer sans risque de se tromper que des progrès seront réalisés par rapport aux religions historiques. Pour commencer, toutes les sept religions reposent sur le principe d’autorité. Toutes font également appel à un fondateur reconnu comme détenant « les paroles de la vie éternelle », comme ayant révélé tout ce qui est requis pour la foi et la pratique. Mais nous pouvons bien croire que la religion future reposera sur le principe de liberté, considérant qu’aucun fondateur (ni tous les fondateurs ensemble) n’a révélé la totalité de la vérité morale et religieuse. Jamais encore n’a été compilé un code d’éthique complet et définitif ni un « bréviaire » universellement satisfaisant. Nous ne pouvons pas non plus croire qu’ils le seront un jour, vu la diversité des goûts spirituels qui prévaudront toujours et l’émergence sans cesse renouvelée de nouvelles conditions sociales et économiques générant de nouveaux problèmes pour la solution desquels les anciennes formules se révèlent insuffisantes. De même, aucun fondateur ne peut servir d’exemple parfait pour l’humanité ; nul ne peut inclure dans sa propre personnalité la totalité des perfections possibles à tous, impliquant, comme c’est le cas, des qualités opposées comme celles qui différencient les sexes. Ainsi, tout en reconnaissant et en chérissant avec gratitude les contributions morales et religieuses de ces fondateurs à l’avancement de la vie spirituelle et tout en reconnaissant avec révérence le caractère sublime de chacun et les qualités par lesquelles chacun a brillé particulièrement, la religion du futur considérera comme une trahison de l’idéal moral infini que de s’incliner devant un prophète exclusif, ou de lier la raison à un livre exclusif. La religion future se tournera vers toutes les Écritures sacrées, présentes comme passées, cherchant dans chaque livre ce qui peut inspirer et enrichir la vie religieuse. Elle s’inclinera devant tous les grands maîtres religieux, mais refusera de se soumettre exclusivement à l’un d’eux, évaluant chacun selon la vérité qu’il a à enseigner et l’inspiration qu’il peut tirer de son histoire.
Une fois de plus, la communion de chacune des grandes religions est exclusive en ce sens qu’elle n’admet parfois explicitement, et plus souvent tacitement, que ceux qui acceptent son fondateur et son livre. Pour entrer dans la communion musulmane, il faut accepter Mahomet comme prophète de Dieu et le Coran comme norme de foi et de conduite divinement révélée – un critère qui exclut tout le monde, sauf deux millions et demi de personnes sur terre. Pour entrer dans la communion chrétienne de type orthodoxe, il faut accepter Jésus comme Sauveur et Dieu ; si l’on recherche le type hétérodoxe, il faut accepter Jésus comme, au moins, un guide tout-puissant pour la vie morale – des critères qui excluent les deux tiers de l’humanité. Mais la communion de la religion du futur sera cosmopolite et libre, s’abstenant d’exiger l’assentiment à quelque doctrine ou croyance que ce soit ; Unir les hommes sur la seule base véritablement universelle, à savoir le désir de vivre vers le triple idéal de vérité, d’amour et de devoir, quelle que soit leur théologie. Assurément, il ne suffit pas que les hommes et les femmes soient frères et sœurs en Christ, en Moïse ou en Mahomet ; l’exclusivisme chrétien est tout aussi intolérable que tout autre. Nous devons être frères et sœurs en humanité avec tout le reste de l’humanité ; c’est ce qu’exige une véritable communion, ce que signifie la démocratie religieuse. L’esprit moderne, éduqué à la catholicité et à la reconnaissance, ne peut être durablement satisfait sans un idéal moindre. L’unité chrétienne, vers laquelle tant de tentatives remarquables sont actuellement menées, doit être saluée et, surtout, comme un pas vers cette unité plus noble et plus inclusive que la présence parmi nous de millions de Juifs [ p. 101 ] et un nombre toujours croissant de musulmans, de bouddhistes et d’hindous réclament plus que jamais. Le monde religieux est loin d’être prêt à réaliser cet idéal sublime. Mais lorsque, dans un avenir lointain, les sectes, grandes et petites, par la pratique de la morale organique, auront complètement honte de leur sectarisme et de leurs prétentions puériles à la suprématie et à l’universalité auront été mises de côté ; lorsque tous se seront reconnus sans feinte comme de simples parties d’un tout, comme les organes d’un organisme où les partis sont tous coordonnés et simultanément subordonnés au tout, alors, et alors seulement, le noble rêve d’une communauté de croyances se réalisera.
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