« Il ne peut manger aucun morceau. » — Cette histoire fut racontée par le Maître alors qu’il était à Jetavana, à propos d’un disciple laïc et d’un ancien âgé. [189]
La tradition raconte qu’il y avait à Sāvatthi deux amis. L’un avait rejoint la Confrérie, mais se rendait chaque jour chez l’autre. Son ami lui donnait de la nourriture et préparait lui-même un repas, puis l’accompagnait au monastère. Il restait assis à discuter toute la journée jusqu’au coucher du soleil, puis retournait en ville. Son ami le Frère l’accompagnait sur le chemin du retour, allant jusqu’aux portes de la ville avant de rebrousser chemin.
L’intimité de ces deux-là devint connue parmi les Frères, qui étaient assis un jour dans la Salle de la Vérité, parlant de l’intimité qui existait entre les deux, lorsque le Maître, entrant dans la Salle, demanda quel était le sujet de leur conversation ; et les Frères le lui dirent.
« Non seulement maintenant, mes frères, ces deux-là sont intimes l’un avec l’autre », dit le Maître ; « ils l’étaient aussi autrefois. » Et, ce disant, il raconta cette histoire du passé.
_____________________________
Un jour, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta devint son ministre. À cette époque, un chien avait pour habitude d’aller à l’étable de l’éléphant d’État et de manger les morceaux de riz qui tombaient là où l’éléphant mangeait. Hantant l’endroit pour sa nourriture, [ p. 70 ] le chien devint très ami avec l’éléphant et finit par ne plus manger qu’avec lui. Et aucun des deux ne pouvait vivre sans l’autre. Le chien s’amusait à se balancer d’avant en arrière sur la trompe de l’éléphant. Un jour, un villageois acheta le chien du cornac et le ramena chez lui. Dès lors, l’éléphant, manquant le chien, refusa de manger, de boire ou de prendre son bain ; le roi en fut informé. Sa Majesté envoya le Bodhisatta chercher la cause de ce comportement. Se dirigeant vers la maison de l’éléphant, le Bodhisatta, voyant combien l’éléphant était triste, se dit : « Il n’a aucune maladie physique ; il doit avoir noué une amitié ardente et il est triste de la perte de son ami. » Il demanda alors si l’éléphant s’était lié d’amitié avec quelqu’un.
« Oui, mon seigneur », répondit-il ; « il y a une amitié très chaleureuse entre lui et un chien. » « Où est ce chien maintenant ? » « Un homme l’a enlevé. » « Savez-vous par hasard où habite cet homme ? » « Non, mon seigneur. » Le Bodhisatta alla trouver le roi et dit : « L’éléphant n’a rien, sire ; mais il était très ami avec un chien, [190] et c’est l’absence de son ami qui l’a fait refuser de manger, j’imagine. » Et ce disant, il répéta cette strophe :
Il ne peut manger aucun morceau, ni riz ni herbe ;
Et dans le bain, il ne prend plus aucun plaisir.
Il me semble que le chien était devenu si familier,
Cet éléphant et ce chien étaient des amis très proches.
« Eh bien », dit le roi en entendant cela, « que faire maintenant, sage ? » « Que l’on proclame à grands coups de tambour, Votre Majesté, qu’un homme aurait enlevé un chien que l’éléphant d’État affectionnait, et que l’homme chez qui ce chien sera trouvé devra payer telle amende. » Le roi suivit ce conseil ; et l’homme, dès qu’il l’apprit, lâcha aussitôt le chien. Le chien s’enfuit aussitôt et se dirigea vers l’éléphant. L’éléphant prit le chien dans sa trompe, le plaça sur sa tête, pleura et gémit, puis, posant de nouveau le chien à terre, le vit manger le premier, puis prit sa propre nourriture.
« Même l’esprit des animaux lui est connu », dit le roi, et il combla le Bodhisatta d’honneurs.
_____________________________
Ainsi, le Maître conclut sa leçon en montrant que les deux étaient intimes autrefois comme aujourd’hui. Ceci fait, il dévoila les Quatre Vérités. (Ce dévoilement des Quatre Vérités fait partie de tous les autres Jātakas ; mais nous ne le mentionnerons que lorsqu’il est expressément mentionné qu’il fut béni pour porter ses fruits.) Puis il démontra le lien et identifia la Naissance en disant : « Le disciple laïc était le chien de ces jours-là, le vieillard était l’éléphant, et moi-même le sage ministre. » [191]