« Caché dans une pierre », etc. — Cette histoire que le Maître a racontée à Jetavana, à propos d’une querelle de soldats.
La tradition raconte que deux soldats, au service du roi du Kosala, de haut rang et de hautes personnalités de la cour, se virent à peine aperçus qu’ils se mirent à s’engueuler. Ni le roi, ni leurs amis, ni leurs proches ne parvinrent à les mettre d’accord.
Un jour, tôt le matin, le Maître, regardant autour de lui pour voir lesquels de ses amis étaient mûrs pour la Libération, s’aperçut que ces deux-là étaient prêts à s’engager sur la Première Voie. Le lendemain, il alla seul demander l’aumône à Sāvatthi et s’arrêta devant la porte de l’un d’eux. Celui-ci sortit et prit le bol du Maître. Il le conduisit à l’intérieur et lui offrit un siège. Le Maître s’assit et s’étendit sur les bienfaits de la bienveillance. Voyant que l’esprit de l’homme était prêt, il déclara les Vérités. Ceci fait, l’autre fut établi dans le Fruit de la Première Voie. Voyant cela, le Maître le persuada de prendre le bol ; puis, se levant, il se rendit chez l’autre. Celui-ci sortit et, après les salutations, pria le Maître d’entrer et lui offrit un siège. Il prit également le bol du Maître et entra avec lui. Le Maître lui vanta les Onze Bénédictions de la bienveillance ; et, voyant que son cœur était prêt, déclara les Vérités. Et cela fait, lui aussi fut établi dans le Fruit du Premier Sentier.
Ainsi, tous deux se convertirent ; ils confessèrent leurs fautes l’un à l’autre et demandèrent pardon ; paisibles et harmonieux, ils étaient unis. Ce jour-là même, ils mangèrent ensemble en présence du Bienheureux.
Son repas terminé, le Maître retourna au monastère. Ils revinrent tous deux avec lui, porteurs d’un riche présent de fleurs, de senteurs et de parfums, de ghee, de miel et de sucre. Le Maître, après avoir prêché le devoir [13] devant la Confrérie et prononcé une exhortation de Bouddha, se retira dans sa chambre parfumée.
Le lendemain matin, les Frères discutèrent de la question dans la Salle de la Vérité. « Ami », se disait l’un à l’autre, « notre Maître soumet les insoumis. [ p. 10 ] Eh bien, voici ces deux personnages illustres, qui se querellaient depuis tout ce temps et que ni le roi lui-même, ni leurs amis et parents n’ont pu réconcilier : et le Maître les a humiliés en un seul jour ! » Le Maître entra : « De quoi parlez-vous ? » demanda-t-il, « alors que vous êtes assis ici ensemble ? » Ils le lui dirent. Il dit : « Frères, ce n’est pas la première fois que je réconcilie ces deux-là ; j’ai déjà réconcilié les deux mêmes personnes. » Et il raconta une histoire d’autrefois.
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Un jour, alors que Brahmadatta était roi de Bénarès, une grande multitude se rassembla à Bénarès pour célébrer une fête. Des foules d’hommes, de dieux, de serpents et de garuḷas [1] se rassemblèrent pour assister à la réunion.
Il se trouva qu’à un endroit précis, un Serpent et un Garuḷa observaient ensemble ce qui se passait. Le Serpent, ne remarquant pas qu’il s’agissait d’un Garuḷa à côté de lui, posa une main sur son épaule. Lorsque le Garuḷa se retourna et regarda autour de lui pour voir qui avait posé la main sur son épaule, il aperçut le Serpent. Le Serpent regarda à son tour et vit que c’était un Garuḷa ; et, mort de peur, il s’envola à la surface d’une rivière. Le Garuḷa se lança à sa poursuite pour le rattraper.
Le Bodhisatta était un reclus, vivant dans une hutte de feuilles au bord de la rivière. Il essayait alors de se protéger de la chaleur du soleil en enfilant un vêtement humide et en ôtant son vêtement d’écorce ; il se baignait dans la rivière. « Je ferai de ce reclus », pensa le Serpent, « le moyen de sauver ma vie. » Dépouillant sa propre forme et prenant celle d’un précieux joyau, il se fixa sur le vêtement d’écorce. Le Garuḷa, à sa poursuite, vit où il était allé ; mais, par pure révérence, il refusa de toucher le vêtement ; il s’adressa donc au Bodhisatta :
« Seigneur, j’ai faim. Regarde ton vêtement d’écorce : il y a un serpent à l’intérieur, que je désire manger. » Et pour clarifier les choses, il répéta la première strophe :
[14] "Caché dans une pierre ce misérable serpent
A pris refuge pour des raisons de sécurité.
Et pourtant, en révérence pour votre sainteté,
Même si j’ai faim, je ne veux pas prendre.
Debout là où il était dans l’eau, le Bodhisatta prononça la deuxième strophe à la louange du roi Garuḷa :
« Vivez longtemps, préservé par Brahma, bien que poursuivi,
Et que vous ne manquiez jamais de nourriture céleste.
Ne le faites pas, par respect pour ma sainteté,
Ne le dévorez pas, même si vous avez faim.
Par ces mots, le Bodhisatta exprima son approbation, debout dans l’eau. Puis il sortit, revêtit son vêtement d’écorce et emmena les deux créatures avec lui dans son ermitage ; où il répéta les bénédictions de la Bienveillance jusqu’à ce qu’elles ne fassent plus qu’un. Dès lors, ils vécurent ensemble heureux, en paix et en harmonie.
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Lorsque le Maître eut terminé ce discours, il identifia la Naissance en disant : « En ces jours-là, les deux grands personnages étaient le Serpent et le Garuḷa, et j’étais moi-même le reclus. »
10:1 Un oiseau mythique, que nous voyons capable de prendre forme humaine. Morris (J. PTS, 1893, p. 26) conclut que le supaṇṇa, traduit ici par Garuḷa, était un « homme ailé ». ↩︎