[70] « Beaucoup d’eau », etc. — Le Maître raconta cette histoire à propos de Devadatta lors de son séjour à Veḷuvana. Un jour, alors que les Frères discutaient dans la Salle de la Vérité de l’ingratitude et de la trahison de Devadatta envers ses amis, le Maître intervint : « Ce n’est pas une seule fois, Frères, que Devadatta s’est montré ingrat et traître envers ses propres amis. Il était exactement le même auparavant. » Puis il leur raconta une vieille histoire.
_____________________________
Il était une fois, alors que Brahmadatta était roi de Bénarès, le Bodhisatta naquit dans une famille de brahmanes dans un village de Kāsi. Devenu majeur, il se maria et s’installa. Or, dans ces terres, il y avait un puits profond près de la route du pays de Kāsi, auquel on ne pouvait accéder. Les gens qui passaient par là, pour gagner du mérite, puisaient de l’eau avec une longue corde et un seau, et remplissaient un abreuvoir pour les animaux ; ils leur donnaient ainsi à boire. Tout autour s’étendait une immense forêt, où vivaient des troupes de singes.
Il arriva par hasard que, pendant deux ou trois jours, l’eau à laquelle les voyageurs avaient l’habitude de puiser cessa d’être fournie, et les animaux ne purent rien boire. Un singe, assoiffé, se promenait de long en large près du puits, à la recherche d’eau.
Le Bodhisatta arriva par là pour une mission, puisa de l’eau, la but et se lava les mains. C’est alors qu’il remarqua notre Singe. Voyant sa soif, le voyageur puisa de l’eau au puits et remplit l’abreuvoir pour lui. Puis il s’assit sous un arbre pour voir ce que la créature allait faire.
Le Singe but, s’assit près du Bodhisatta et fit une grimace de singe pour l’effrayer. « Ah, méchant singe ! » dit-il à ces mots. « Quand tu avais soif et que tu étais malheureux, je t’ai donné beaucoup d’eau ; et maintenant tu me fais des grimaces de singe. Eh bien, eh bien, aide un vaurien, c’est gaspiller tes efforts. » Et il répéta la première strophe :
« Je t’ai donné beaucoup d’eau
Quand tu avais chaud et soif aussi :
Maintenant, plein de malice, vous êtes assis à bavarder,
Il vaut mieux ne rien avoir à faire avec les méchants.
Alors ce singe, ami du dépit, répondit : « Je suppose que tu penses que c’est tout ce que je peux faire. Maintenant, je vais te balancer quelque chose sur la tête avant de partir. » Puis, répétant la deuxième strophe, il poursuivit :
« Un singe bien élevé qui a jamais entendu ou vu
Je laisse mes excréments sur ta tête ; car telles sont nos manières.
Dès qu’il entendit cela, le Bodhisatta se leva pour partir. Mais à l’instant même, le Singe, de la branche où il était assis, la laissa tomber comme un feston sur sa tête ; puis il s’enfuit dans la forêt en hurlant. Le Bodhisatta se lava et s’en alla.
_____________________________
[72] Lorsque le Maître eut terminé ce discours, après avoir dit : « Ce n’est pas seulement maintenant que Devadatta est ainsi, mais autrefois aussi il n’a pas voulu reconnaître une bonté que je lui ai montrée », il identifia la Naissance : « Devadatta était alors le Singe, et le brahmane était moi-même. »