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[82] « Quelle bagatelle, etc. — Cette histoire, le Maître la raconta lors de son séjour à Jetavana, à propos des vingt et une manières illégales de gagner sa vie.
Il fut un temps où de nombreux Frères gagnaient leur vie en étant médecins ou coursiers, en faisant des courses à pied, en échangeant aumônes contre aumônes [1], et autres activités illicites. Tout cela sera exposé dans la Naissance Sāketa [2]. Lorsque le Maître découvrit qu’ils gagnaient leur vie de cette manière, il dit : « Or, de nombreux Frères gagnent leur vie de manière illicite. Ceux qui gagnent ainsi leur vie n’échapperont pas à la renaissance de gobelins ou d’esprits désincarnés ; ils deviendront des bêtes de somme ; ils naîtront en enfer ; pour leur bien et leur bénédiction, il est nécessaire de tenir un discours dont la morale soit claire et nette. » Il convoqua donc la Communauté et dit : « Frères, vous ne devez pas vous procurer ce qui est nécessaire par les vingt et une méthodes illicites. La nourriture gagnée illicitement est comme un morceau de fer rouge, comme un poison mortel. Ces méthodes illégales sont blâmées et réprimandées par les disciples de tous les Bouddhas et Pacceka-Bouddhas. Pour ceux qui consomment de la nourriture obtenue par des moyens illicites, il n’y a ni rire ni joie. Dans ma religion, la nourriture obtenue de cette manière est comme les restes d’une caste inférieure. En manger, pour un disciple de la Religion du Bien, c’est comme manger les restes du plus vil des hommes. » Et c’est par ces mots qu’il raconta toute l’histoire du vieux monde.
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Il était une fois, alors que Brahmadatta était roi de Bénarès, le Bodhisatta naquit, fils d’un homme de la caste la plus basse. Devenu adulte, il prit la route pour une raison inconnue, emportant pour provisions quelques grains de riz dans un panier.
À cette époque, il y avait à Bénarès un jeune homme nommé Satadhamma. Il était le fils d’un magnifico, un brahmane du Nord. Lui aussi prit la route pour une raison inconnue, mais il n’avait ni grains de riz ni panier. Ils se rencontrèrent sur la route. Le jeune brahmane demanda à l’autre : « De quelle caste es-tu ? » Il répondit : « De la plus basse caste. Et toi, qu’es-tu ? » [83] « Oh, je suis un brahmane du Nord. » « Très bien, voyageons ensemble. » Et ainsi, ensemble, ils continuèrent leur route. L’heure du petit déjeuner arriva : le Bodhisatta s’assit près d’une bonne eau, se lava les mains et ouvrit son panier. « En veux-tu ? » demanda-t-il. « Tiens, tiens », dit l’autre, « je n’en veux pas, pauvre type. » « Très bien », dit le Bodhisatta. Soucieux de ne rien gaspiller, il mit ce qu’il voulait dans une feuille à part, ferma son panier et mangea. Puis il but un verre d’eau, se lava les mains et les pieds, et ramassa le reste de son riz et de sa nourriture. « Venez, jeune monsieur », dit-il, et ils reprirent leur route.
Ils marchèrent toute la journée ; et le soir, ils prirent tous deux un bain dans une eau douce. À leur sortie, le Bodhisatta s’assit dans un endroit agréable, défaisit son paquet et commença à manger. Cette fois, il n’en offrit pas à l’autre. Le jeune homme était fatigué d’avoir marché toute la journée et affamé jusqu’au plus profond de l’âme ; il resta là, à regarder, pensant : « S’il m’en offre, je le prends. » Mais l’autre mangea sans un mot. « Ce pauvre homme », pensa le jeune homme, « mange chaque morceau sans un mot. Eh bien, je vais mendier un morceau ; je peux jeter l’extérieur, qui est souillé, et manger le reste. » Et il fit ainsi ; il mangea ce qui restait. Dès qu’il eut mangé, il pensa : « Comme j’ai déshonoré ma naissance, mon clan, ma famille ! J’ai mangé les restes d’un rustre ! » Son remords était vif ; il vomit la nourriture, et le sang coula avec. « Oh, quelle mauvaise action j’ai commise », pleura-t-il, « tout cela pour une bagatelle ! » et il continua avec les mots de la première strophe : [84]
« Quelle bagatelle ! et ses restes ! donnés contre son gré !
Et je suis un brahmane de haute naissance ! Et cette substance m’a rendu malade !
Ainsi se lamenta le jeune homme, ajoutant : « Pourquoi ai-je fait une chose aussi mauvaise juste pour sauver ma vie ? » Il s’enfonça dans la jungle et ne laissa plus jamais personne le revoir, mais il y mourut, abandonné.
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Lorsque cette histoire fut terminée, le Maître répéta : « De même que le jeune brahmane, Frères, après avoir mangé les restes d’un homme de basse caste, découvrit qu’il n’avait ni rire ni joie, car il avait pris une nourriture impropre ; ainsi quiconque a embrassé ce salut et gagne sa vie par des moyens illicites, lorsqu’il mange la nourriture et subvient à ses besoins d’une manière blâmée et désapprouvée par le Bouddha, constatera qu’il n’y a ni rire ni joie pour lui. » Puis, devenant parfaitement éveillé, il répéta la deuxième strophe :
« Celui qui vit dans la méchanceté, celui qui ne se soucie pas de pécher,
Comme le brahmane de l’histoire, il n’éprouve aucune joie à cause de ce qu’il gagne.
[85] Lorsque ce discours fut terminé, le Maître déclara les Vérités et identifia la Naissance : à la conclusion des Vérités, de nombreux Frères entrèrent sur les Sentiers et leurs Fruits : en disant : « Au moment de l’histoire, j’étais l’homme de basse caste. »