« Il ne sourit pas », etc. — Cette histoire, le Maître la raconta alors qu’il résidait à Sāvatthi, à propos d’un certain Frère.
Ce frère prit un morceau de tissu déposé par son maître, persuadé que s’il le prenait, son maître ne se fâcherait pas. Puis il en fit un sac à chaussures et prit congé. Lorsque le maître lui demanda pourquoi il le prenait, il répondit qu’il était persuadé que, s’il le prenait, son maître ne se fâcherait pas. Le maître s’emporta, se leva et le frappa. « Quelle confiance y a-t-il entre vous et moi ? » demanda-t-il.
Ce fait fut connu au sein de la Confrérie. Un jour, les frères en parlaient tous ensemble dans la Salle de la Vérité. « Ami, jeune Frère [ p. 92 ], Untel était si sûr de l’amitié de son maître qu’il prit un morceau de tissu et en fit un sac à chaussures. Alors le maître lui demanda quelle confiance il y avait entre eux, s’emporta, se leva d’un bond et lui donna un coup. » Le Maître entra et leur demanda de quoi ils parlaient, assis là ensemble. Ils le lui racontèrent. Puis il dit : « Ce n’est pas la première fois, Frères, que cet homme déçoit la confiance de son camarade. Il l’a déjà fait. » Puis il raconta une histoire ancienne.
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Il était une fois, alors que Brahmadatta était roi de Bénarès, le Bodhisatta naquit fils d’un brahmane dans le royaume de Kāsi. Devenu majeur, il renonça au monde ; il fit croître en lui les facultés surnaturelles et les accomplissements, et s’établit dans la région de l’Himalaya avec un groupe de disciples. L’un de ces ascètes désobéit à la voix du Bodhisatta et garda un jeune éléphant qui avait perdu sa mère. Cet animal grandit peu à peu, puis tua son maître et s’enfuit dans la forêt. Les ascètes célébrèrent ses obsèques ; puis, s’approchant du Bodhisatta, ils lui posèrent cette question.
« Monsieur, comment pouvons-nous savoir si l’on est un ami ou un ennemi ? »
Le Bodhisatta leur déclara cela dans les strophes suivantes :
« Il ne sourit pas quand il le voit, il ne lui témoignera aucun accueil,
Il ne tournera pas les yeux dans cette direction et lui répondra non.
« Voici les marques et les signes par lesquels vous voyez votre ennemi :
Si un homme sage voit et entend ces choses, il reconnaîtra son ennemi.
[132] Par ces mots, le Bodhisatta déclara les marques de l’ami et de l’ennemi. Par la suite, il cultiva les Excellences et entra au ciel de Brahma.
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Lorsque le Maître eut terminé ce discours, il identifia la Naissance : « Le Frère en question était celui qui gardait l’éléphant de compagnie, son maître était l’éléphant, les disciples du Bouddha étaient alors la bande d’ermites, et j’étais moi-même leur chef. »