« Si un homme, etc. — Cette histoire que le Maître raconta pendant son séjour à Jetavana, à propos de Devadatta.
Cela fut provoqué par un événement survenu à Rājagaha. À une certaine époque, le Capitaine de la Foi vivait avec cinq cents frères à la Bambouseraie. Devadatta, accompagné d’un groupe d’hommes aussi pervers que lui, vivait à Gayāsīsa.
À cette époque, les citoyens de Rājagaha se réunissaient pour faire l’aumône. Un commerçant, venu pour affaires, apporta une magnifique robe jaune parfumée, demandant à devenir l’un d’eux et à donner ce vêtement en guise de contribution. Les habitants apportèrent de nombreux cadeaux. Tout ce que ceux qui s’étaient réunis apportèrent consistait en argent comptant. Il restait ce vêtement. La foule rassemblée dit : « Voici cette magnifique robe parfumée qui reste. Qui l’aura : l’Ancien Sāriputta ou Devadatta ? » Certains étaient favorables à Sāriputta ; d’autres disaient : « L’Ancien Sāriputta restera ici quelques jours, [197] puis partira en voyage à sa guise ; Mais Devadatta vit toujours près de notre ville ; il est notre refuge, bonne ou mauvaise fortune. Devadatta l’aura ! Ils firent un partage, et ceux qui votèrent pour Devadatta furent majoritaires. Ils le donnèrent donc à Devadatta. Il le fit découper en bandes, les cousit ensemble et les colora comme de l’or, et il le porta ainsi sur lui.
Au même moment, trente Frères quittèrent Sāvatthi pour saluer le Maître. Après un échange de salutations, ils lui racontèrent toute l’affaire, ajoutant : « Ainsi, monsieur, Devadatta porte cette marque de saint, qui lui va assez mal. » « Frères », dit le Maître, « ce n’est pas la première fois que Devadatta revêt l’habit d’un saint, une tenue des plus inconvenantes. Il avait déjà porté la même chose.
» Puis il leur raconta une histoire ancienne. _\
…
139] Seigneur d’un troupeau de quatre-vingt mille éléphants sauvages, il vivait dans la forêt.
Un pauvre homme de Bénarès, voyant les ouvriers de l’ivoire au bazar fabriquer des bracelets et toutes sortes de bibelots en ivoire, leur demanda s’ils achèteraient des défenses d’éléphant, s’il les obtenait. Ils répondirent : « Oui. »
Il prit donc une arme, se vêtit d’une robe jaune et prit l’apparence d’un Pacceka-Bouddha [1], la tête ceinte d’un bandeau. Se plaçant sur le chemin des éléphants, il en tua un avec son arme et en vendit les défenses à Bénarès ; et ainsi il gagna sa vie. Après cela, il se mit à tuer systématiquement le tout dernier éléphant de la troupe du Bodhisatta. Jour après jour, les éléphants diminuèrent de plus en plus. Ils allèrent alors demander au Bodhisatta comment leur nombre diminuait. Il en comprit la raison. « Un homme », pensa-t-il, « se tient à l’endroit où vont les éléphants, s’étant fait passer pour un Pacceka-Bouddha. Serait-ce lui qui tue les éléphants ? Je vais le découvrir. » Un jour, il lança les autres devant lui [198] et le suivit. L’homme aperçut le Bodhisatta et se rua sur lui avec son arme. Le Bodhisatta se retourna et se releva. « Je vais le terrasser et le tuer ! » pensa-t-il. Il étendit sa trompe en voyant les robes jaunes que portait l’homme. « Je devrais rendre hommage à ces robes sacrées ! » dit-il. Alors, tirant sa trompe en arrière, il s’écria : « Ô homme ! Cet habit, le drapeau de la sainteté, ne te convient-il pas ? Pourquoi le portes-tu ? » et il répéta ces lignes :
« Si un homme, pourtant plein de péché, ose
revêtir la robe jaune, en qui ne
se trouve aucun souci de tempérance ni d’amour de la vérité,
il n’est pas digne de porter une telle robe.
Celui qui a rapidement surmonté le péché, qui
est partout ferme dans la vertu, et dont le principal souci
est de contrôler ses passions et d’être vrai,
il mérite bien de porter la robe jaune. »
[199] Sur ces mots, le Bodhisatta réprimanda l’homme et lui ordonna de ne plus jamais revenir là, sinon il mourrait pour cela.Il le chassa donc.
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Après la fin de ce discours, le Maître identifia la Naissance : « Devadatta était l’homme qui tua les éléphants, et le chef du troupeau était moi. »
139:1 Celui qui a atteint la connaissance nécessaire pour atteindre le Nirvana, mais ne la prêche pas aux hommes. ↩︎