« Bien assorti, etc. — Cette histoire, le Maître la raconta alors qu’il résidait à Jetavana, à propos d’un des Frères.
À cette époque, à environ trois quarts de lieue de Jetavana, se trouvait un bourg où l’on distribuait du riz en grande quantité par ticket et où l’on offrait des repas spéciaux. Là vivait un rustre curieux qui importunait les jeunes gens et les novices venus participer à la distribution : « Qui est pour la nourriture solide ? Qui est pour la boisson ? Qui est pour la nourriture humide ? » Il rendait honteux ceux qui ne pouvaient répondre, et ils le redoutaient tellement qu’ils refusaient d’aller dans ce village.
Un jour, un frère se présenta au guichet et demanda : « Y a-t-il de la nourriture à distribuer dans tel village, monsieur ? » « Oui, mon ami », répondit-il, « mais il y a ici un homme d’esprit qui pose des questions ; si vous ne pouvez pas y répondre, il vous insulte. C’est une telle peste que personne n’osera s’approcher de cet endroit. » « Monsieur », dit l’autre, « donnez-moi un ordre concernant cet endroit, et je l’humilierai, le rendrai modeste, et je l’influencerai tellement que, chaque fois qu’il vous verra après cela, il aura envie de s’enfuir. »
Les frères acceptèrent et donnèrent l’ordre nécessaire. L’homme se dirigea vers notre village et, à la porte, il revêtit sa robe. Le fainéant l’aperçut, se jeta sur lui comme un bélier enragé, et lui dit : « Réponds-moi à une question, prêtre ! » « Laïc, laisse-moi d’abord faire le tour du village pour chercher mon bouillon, puis je reviendrai avec dans la salle d’attente. »
Lorsqu’il revint avec son repas, l’homme répéta sa question. Le frère répondit : « Laissez-moi finir mon bouillon, balayer la pièce et aller chercher le riz correspondant à mon ticket. » Il alla donc chercher le riz, puis, plaçant son bol dans les mains de cet homme, il dit : « Viens, je vais répondre à ta question. »
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Puis il le conduisit hors du village, plia sa robe, la mit sur son épaule et, prenant le bol de l’autre, il attendit qu’il commence. L’homme dit : « Prêtre, répondez-moi à une question. » « Très bien, je vais le faire », dit le frère. Et d’un coup, il le jeta à terre, lui meurtrit les yeux, le frappa, lui jeta des ordures au visage et s’en alla, avec ces mots d’adieu pour l’effrayer : « Si jamais vous posez à nouveau une question à un frère qui vient dans ce village, je m’en occuperai ! »
Après cela, il prit la fuite à la simple vue d’un Frère.
Peu à peu, tout cela fut connu au sein de la Confrérie. Un jour, ils en parlaient dans la Salle de la Vérité : « Ami, j’ai entendu dire que Frère Untel a jeté des ordures au visage de ce fainéant et l’a quitté ! » Le Maître entra et voulut savoir de quoi ils parlaient tous. Ils le lui racontèrent. Il dit : « Frères, ce n’est pas la première fois que ce frère attaque cet homme avec de la terre, mais il a déjà fait la même chose. » Puis il leur raconta une vieille histoire.
[211] Autrefois, les citoyens des royaumes d’Aṅga et de Magadha, qui voyageaient d’un pays à l’autre, logeaient dans une maison sur les marches des deux royaumes. Là, ils buvaient de l’alcool et mangeaient de la chair de poisson. Tôt le matin, ils attelaient leurs charrettes et partaient. À leur arrivée, un bousier, attiré par l’odeur du fumier, arriva à l’endroit où ils avaient bu et vit de l’alcool répandu sur le sol. De soif, il le but et retourna à son tas de fumier, ivre. Lorsqu’il grimpa dessus, le fumier humide céda légèrement. « Le monde ne peut pas entendre mon poids ! » hurla-t-il. À cet instant précis, un éléphant fou arriva sur les lieux et, sentant le fumier, s’en retourna, dégoûté. Le bousier le vit. « Cette créature », pensa-t-il, « a peur de moi, et voyez comme elle s’enfuit ! Je dois me battre avec elle ! » et il le défia donc dans la première strophe :
« Bien assortis ! car nous sommes tous deux des héros : essayons ici :
Reviens, reviens, ami Éléphant ! Pourquoi aurais-tu peur et fuirais-tu ?
Que Magadha et Aṅga voient combien notre courage est grand !
L’éléphant écouta et entendit la voix ; il se retourna vers le scarabée et prononça la deuxième strophe, en guise de réprimande :
« Non pede, longinquave manu, non dentibus utar :
Stercore, cui stercus cura, perisse decet.
[212] Et ainsi, laissant tomber sur lui un gros morceau de fumier, et faisant de l’eau, il le tua sur-le-champ ; et se précipita dans la forêt en claironnant.
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Lorsque ce discours fut terminé, le Maître identifia la Naissance : « À cette époque, ce rustre était le bousier, le Frère en question était l’éléphant, et j’étais l’esprit des arbres qui voyait tout cela depuis ce groupe d’arbres. »