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« Comme une paire de chaussures », etc. — Cette histoire, le Maître la raconta dans la Bambouseraie, à propos de Devadatta. Les Frères se réunirent dans la Salle de la Vérité et commencèrent à discuter. « Ami, Devadatta, ayant répudié son maître et étant devenu l’ennemi et l’adversaire du Tathāgata, a connu la destruction totale. » Le Maître entra et leur demanda de quoi ils parlaient. Ils le lui expliquèrent. Le Maître dit : « Frères, ce n’est pas la première fois que Devadatta répudie son maître, devient mon ennemi et connaît la destruction totale. La même chose s’est déjà produite. » Puis il leur raconta une histoire ancienne.
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Il était une fois, alors que Brahmadatta était roi de Bénarès, le Bodhisatta naquit, fils d’un dresseur d’éléphants. Devenu adulte, il apprit tout l’art de dompter les éléphants. Un jeune villageois de Kāsi arriva et reçut son enseignement. Or, lorsque les futurs Bouddhas enseignent, ils ne dispensent pas une petite quantité d’enseignement ; ils enseignent selon leur propre connaissance, sans rien omettre. Ce jeune homme apprit donc du Bodhisatta toutes les branches du savoir, sans omission ; et, une fois qu’il eut appris, il dit à son maître : [222]
« Maître, j’irai servir le roi. »
« Bien, mon fils », dit-il. Il alla trouver le roi et lui raconta qu’un de ses élèves le servirait. Le roi dit : « Bien, qu’il me serve. » « Alors, sais-tu quel salaire donner ? » demanda le Bodhisatta.
« Un de tes élèves ne recevra pas autant que toi ; si tu en reçois cent, il en aura cinquante ; si tu en reçois deux, il lui en sera donné un. » Le Bodhisatta rentra donc chez lui et raconta tout cela à son élève.
« Maître », dit le jeune homme, « je connais tout votre savoir, pièce par pièce. Si j’obtiens le même salaire, je servirai le roi ; sinon, je ne le servirai pas. » Et le Bodhisatta le rapporta au roi. Le roi dit :
« Si le jeune homme peut faire comme toi, s’il est capable de te rendre service, il recevra la même chose. » Le Bodhisatta dit cela à l’élève, et celui-ci répondit : « Très bien. » « Demain », dit le roi, « fais étalage de ton talent. » « Bien. Que la proclamation soit faite à grands coups de tambour. » Le roi fit proclamer : « Demain, le maître et l’élève montreront ensemble leur habileté à manier l’éléphant. Demain, que tous ceux qui le souhaitent se rassemblent dans la cour du palais. »
« Mon élève », pensa le maître, « ne connaît pas toutes mes ressources. » Il choisit donc un éléphant et, en une nuit, lui apprit à tout faire de travers. Il lui apprit à reculer lorsqu’on lui ordonne d’avancer, et à avancer lorsqu’on lui ordonne de reculer ; à se coucher lorsqu’on lui ordonne de se lever, et à se lever lorsqu’on lui ordonne de se coucher ; à se baisser lorsqu’on lui ordonne de ramasser, et à ramasser lorsqu’on lui ordonne de se baisser.
Le lendemain, monté sur son éléphant, il arriva dans la cour du palais. Son élève était également là, monté sur un magnifique éléphant. Il y avait une grande foule. Tous deux montrèrent toute leur habileté. Mais le Bodhisatta fit renverser la situation à son éléphant : « Va ! » dit-il, et il recula ; « Recule ! » et il courut en avant ; « Relève-toi ! » et il se coucha ; « Allonge-toi ! » et il se releva ; « Ramasse-le ! » et la créature le laissa tomber ; « Lâche-le ! » et il le ramassa. La foule cria : « Va, coquin ! N’élève pas la voix contre ton maître ! Tu ne connais pas ta propre mesure et tu penses pouvoir te mesurer à lui ! » Ils l’assaillirent à coups de mottes de terre et de bâtons, si bien qu’il rendit l’âme sur-le-champ. Le Bodhisatta descendit de son éléphant et, s’approchant du roi, lui adressa ces paroles :
« Ô puissant roi ! Car leurs propres hommes de bien les instruisent ; mais il y en avait un pour qui son savoir apportait la misère avec lui, comme une chaussure mal faite ; » et il prononça ces deux strophes :
« Comme lorsqu’une paire de chaussures que l’on a achetée
Car l’aide et le réconfort ne causent que de la misère,
Se frotter les pieds jusqu’à ce qu’ils deviennent brûlants
Et les faire suppurer petit à petit :
« De même, un homme ignoble et sous-éduqué,
Ayant appris tout ce qu’il peut apprendre de toi,
Par votre propre enseignement, vous prouvez votre propre fléau [1] :
Le rustre est comme la chaussure mal faite.
[224] Le roi fut ravi et combla d’honneurs le Bodhisatta.
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Lorsque ce discours fut terminé, le Maître identifia cette Naissance comme suit : « Devadatta était l’élève, et j’étais moi-même l’enseignant. »
155:1 Le schol. prendrait tam pour attānam, « il se fait du mal », et non « toi », mais c’est difficilement possible. Les versets ne semblent pas correspondre exactement à l’histoire. ↩︎