« Les maisons du monde sont douces », etc. — Cette histoire que le Maître raconta à Jetavana, à propos de Roja la Mallienne.
Nous apprenons que cet homme, ami laïc d’Ānanda, envoya un message à l’Ancien pour lui demander de venir le trouver. L’Ancien prit congé du Maître et partit. Il lui servit toutes sortes de mets et s’assit à l’écart, engageant avec lui une conversation agréable. Puis il lui offrit une part de sa maison, le tentant par les cinq voies du désir. « Ānanda, Seigneur, j’ai chez moi une grande réserve de bétail, vivant et mort. Je vais la partager et vous en donner la moitié ; vivons ensemble dans la même maison ! » L’Ancien lui expliqua la souffrance qu’implique le désir, puis se leva et retourna au monastère.
Lorsque le Maître lui demanda s’il avait vu Roja, il répondit que oui. « Que vous a-t-il dit ? » « Monsieur, Roja m’a invité à retourner dans le monde ; alors je lui ai expliqué la souffrance liée aux désirs et à la vie terrestre. » Le Maître dit : « Ananda, ce n’est pas la première fois que Roja le Mallien invite des anachorètes à retourner dans le monde ; il l’avait déjà fait auparavant. » Puis, à sa demande, il raconta une histoire ancienne.
_____________________________
[232] Il était une fois, alors que Brahmadatta était roi de Bénarès, le Bodhisatta appartenait à une famille de brahmanes qui vivait dans une ville commerçante. Devenu vieux, il embrassa la vie religieuse et vécut longtemps au cœur de l’Himalaya.
Il se rendit à Bénarès pour acheter du sel et des aromates, et séjourna dans les terres du roi ; le lendemain, il entra à Bénarès.
[ p. 161 ]
Or, un homme riche du lieu, satisfait de sa conduite, le prit chez lui, lui donna à manger, et, ayant reçu sa promesse de demeurer chez lui, le fit habiter dans le jardin et subvint à ses besoins. Et ils se lièrent d’amitié.
Un jour, l’homme riche, par amour et amitié pour le Bodhisatta, pensa ceci : « La vie d’un ascète est malheureuse. Je vais persuader mon ami Vacchanakha de se défroquer ; je partagerai ma fortune en deux, je lui en donnerai la moitié, et nous vivrons ensemble. » Un jour, le repas terminé, il s’adressa à son ami d’une voix douce :
« Bon Vacchanakha, la vie d’ermite est malheureuse ; il est agréable de vivre dans une maison. Allons, prenons tous les deux notre plaisir comme bon nous semble. » Ce disant, il prononça la première strophe :
« Les maisons du monde sont douces,
Plein de nourriture et plein de trésors ;
Voilà, vous avez votre dose de viande
Manger, boire à votre guise.
Le Bodhisatta, l’entendant, répondit ainsi : « Bon Seigneur, par ignorance vous êtes devenu avide de désir, et vous appelez bonne la vie du maître de maison, et mauvaise la vie de l’ascète ; écoutez maintenant, et je vous dirai combien mauvaise est la vie du maître de maison ; » et il prononça la deuxième strophe : [233]
« Celui qui a des maisons en paix ne peut jamais connaître,
Il ment et triche, il doit porter de nombreux coups
Sur les épaules des autres : rien de ce défaut ne peut guérir :
Alors, qui serait prêt à entrer dans une maison ?
Avec ces mots, le grand Bouddha raconta les défauts de la vie d’un chef de famille et retourna dans le jardin.
_____________________________
Lorsque le Maître eut terminé ce discours, il identifia la Naissance : « Roja le Mallien était le marchand de Bénarès, et j’étais Vacchanakha le mendiant. »