« Quand j’étais dans leur cage, etc. — Cette histoire, le Maître la raconta alors qu’il habitait dans la Bambouseraie, à propos d’Ajātasattu.
Mahā-Kosala, le père du roi du Kosala, lorsqu’il maria sa fille au roi Bimbisāra, lui avait donné un village à Kāsi contre de l’argent. Après qu’Ajātasattu eut assassiné Bimbisāra, son père, la reine mourut très vite d’amour pour lui. Même après la mort de sa mère, Ajātasattu continua de bénéficier des revenus de ce village. Mais le roi du Kosala décida qu’aucun parricide ne pourrait posséder un village qui lui appartenait par droit d’héritage, et lui déclara la guerre. Tantôt l’oncle l’emportait, tantôt le neveu. Et lorsqu’Ajātasattu était vainqueur, il levait sa bannière et traversait le pays en triomphe pour regagner sa capitale ; mais lorsqu’il perdait, tout abattu, il revenait sans prévenir personne.
Il arriva un jour que les Frères étaient assis à en discuter dans la Salle de la Vérité. « Ami », disait-on, « Ajātasattu est ravi de vaincre son oncle, et lorsqu’il perd, il est abattu. » Le Maître, entrant dans la Salle, demanda de quoi ils parlaient cette fois-ci ; [238] ils le lui expliquèrent. Il dit : « Frères, ce n’est pas la première fois que cet homme est heureux lorsqu’il remporte la victoire, et malheureux lorsqu’il échoue. » Et il leur raconta une histoire ancienne.
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Il était une fois, lorsque Brahmadatta était roi de Bénarès, le Bodhisatta devint une Grenouille Verte. À cette époque, on installait des cages en osier dans tous les trous et fosses des rivières, pour y attraper des poissons. Dans l’une d’elles se trouvaient de nombreux poissons. Un serpent d’eau, mangeur de poissons, tomba lui-même dans le piège. Plusieurs poissons, rassemblés, se mirent à le mordre, jusqu’à ce qu’il soit couvert de sang. Ne voyant aucune issue, craignant pour sa vie, il se glissa hors de la cage et s’allongea, accablé de douleur, au bord de l’eau. Au même instant, la Grenouille Verte fit un bond et tomba dans la gueule du piège. Le Serpent, ne sachant à qui s’adresser, demanda à la Grenouille qu’il voyait là, dans le piège : « Amie Grenouille, es-tu satisfaite du comportement de ce Poisson-là ? » et il prononça la première strophe :
« Quand j’étais dans leur cage, les poissons ont mordu
Moi, bien qu’un serpent. Grenouille verte, ça te semble juste ?
Alors la Grenouille lui répondit : « Oui, ami Serpent, c’est vrai. Pourquoi pas ? Si tu manges des poissons qui pénètrent dans ton domaine, [239] les poissons te mangent quand tu pénètres dans le leur. Chez lui, dans son quartier, dans son aire de nourrissage, nul n’est faible. » Ce disant, il prononça la deuxième strophe :
« Les hommes volent aussi longtemps qu’ils le peuvent ;
Et quand ils ne peuvent pas, eh bien, celui qui mord mord !
Le Bodhisatta ayant exprimé son opinion, tous les poissons remarquant la faiblesse du Serpent, s’écrièrent : « Saisissez notre ennemi ! » et sortirent de la cage, le mirent à mort sur-le-champ, puis s’en allèrent.
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Lorsque le Maître eut terminé ce discours, il identifia la Naissance : « Ajātasattu était le Serpent d’Eau, et la Grenouille Verte était moi. »