[419] « N’envie pas ce que mange le céleri » \tetc. — Le Maître raconta cette histoire dans Jetavana, à propos de la tentation provoquée par une fille obèse. Les circonstances seront expliquées dans le récit de Cullanāradakassapa [1]. Le Maître demanda donc à ce frère s’il était vrai qu’il était tombé amoureux. Oui, répondit-il. « De qui ? » demanda le Maître. « D’une fille obèse. » « Cette femme, frère », dit le Maître, « est ton fléau ; autrefois comme aujourd’hui, tu es devenu la proie de la foule par ton désir de l’épouser. » Puis, à la demande des frères, il raconta une histoire du vieux monde.
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Il était une fois, lorsque Brahmadatta régnait à Bénarès, un bodhisatta nommé Grand Manteau Rouge, qui avait un jeune frère appelé Petit Manteau Rouge. Tous deux travaillaient pour une famille d’un village.
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Il y avait dans cette famille une jeune fille adulte, demandée en mariage par une autre famille. Or, dans la première famille, on engraissait un cochon appelé Sālūka ou Céleri [2], exprès pour servir à un festin le jour du mariage ; il dormait dans une étable [3].
Un jour, Petit Manteau Rouge dit à son frère : « Mon frère, nous travaillons pour cette famille et nous les aidons à gagner leur vie. Pourtant, ils ne nous donnent que de l’herbe et de la paille, tandis qu’ils nourrissent ton cochon avec de la bouillie de riz et le laissent dormir dans une étable ; et que peut-il leur apporter ? »
« Mon frère », dit Grand Manteau Rouge, « ne convoite pas son porridge. Ils veulent en faire un festin le jour du mariage de notre jeune dame, c’est pourquoi ils l’engraissent. Attendez quelques jours, et vous le verrez extirpé de son étable, tué, découpé en morceaux et dévoré par les visiteurs. » Ce disant, il composa les deux premières strophes : [420]
« N’enviez pas ce que mange le céleri ;
La nourriture qu’il reçoit est mortelle.
Soyez content et mangez votre paille :
Cela signifie une longue vie pour vous.
« Bientôt l’invité viendra,
Avec ses ragots de tous bords.
Tout haché, pauvre céleri
Avec son gros museau plat, il mentira.
Quelques jours plus tard, les invités du mariage arrivèrent et Sālūka fut tué et mangé. Voyant ce qu’il était advenu de lui, les deux bœufs pensèrent que leur propre paille était la meilleure.
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Le Maître, dans sa parfaite sagesse, répéta la troisième strophe en guise d’explication :
« Quand ils virent le museau plat allongé
Tout haché, pauvre céleri,
Les bœufs dirent : « C’est la moitié du meilleur. »
C’est sûrement notre humble paille !
Lorsque le Maître eut terminé ce discours, il déclara les Vérités et identifia la Naissance : à la conclusion des Vérités, le Frère en question atteignit la réalisation du Premier Sentier : « À cette époque, la grosse fille était la même, le frère malade d’amour était Sālūka, Ānanda était le Petit Manteau Rouge, et j’étais moi-même le Grand Manteau Rouge. »
285:1 Comparer le n° 30, vol. ip 75, et le n° 477 ; des parallèles sont cités par Benfey, Pañcatantra pref. pp. 228, 229. La fable du Veau et du Bœuf d’Ésope viendra à l’esprit du lecteur. Voir aussi la note de Rhys Davids dans sa traduction du n° 30. ↩︎
285:2 N° 477. ↩︎
286:1 Littéralement racine de lotus comestible. ↩︎