[70]« Tu es beau, » etc.—Cette histoire que le Maître raconta alors qu’il résidait à Jetavana, à propos d’un Frère avide. Cet homme, dit-on, mécontent de son habit de mendiant, etc., avait l’habitude de se promener en demandant : « Où y a-t-il un repas pour l’Ordre ? Où y a-t-il une invitation ? » et lorsqu’il entendait parler de viande, il manifestait une grande joie. Alors, des Frères bien intentionnés, par bonté envers lui, en parlèrent au Maître. Le Maître le convoqua et lui demanda : « Est-il vrai, Frère, comme je l’ai entendu dire, que vous êtes avide ? » « Oui, mon seigneur, c’est vrai », dit-il. « Frère », dit le Maître, « pourquoi êtes-vous avide, après avoir embrassé une foi comme la nôtre, qui mène au salut ? L’état d’avidité est un péché ; Il y a longtemps, par cupidité, tu n’étais pas satisfait des cadavres d’éléphants et autres déjections de Bénarès, et tu t’es retiré dans la grande forêt. » Ce disant, il raconta une histoire du passé.
Il était une fois, lorsque Brahmadatta était roi de Bénarès, un Corbeau avide qui ne se contentait pas des cadavres d’éléphants de Bénarès et de tous leurs déchets. « Je me demande maintenant, pensa-t-il, à quoi ressemblent les forêts ? » Il s’y rendit donc ; mais les fruits sauvages qu’il y trouva ne lui suffisaient pas non plus, et il se dirigea vers le Gange. En longeant la rive du Gange, il aperçut un couple d’oies rousses [^48] et pensa : « Ces oiseaux sont très beaux ; je suppose qu’ils trouvent de la viande en abondance sur cette rive du Gange. Je vais les interroger, et si moi aussi je peux manger leur nourriture, j’aurai sans doute une belle couleur comme eux. » Alors, perché non loin du couple, il posa sa question à l’oie rousse en récitant deux strophes :
« Tu es de belle couleur, de belle forme, tout dodu de corps, de couleur rouge,
Ô Oie ! Je jure que tu es très belle, ton visage et tes sens clairs et vrais !
« Assis sur la rive du Gange, tu te nourris de brochets et de brèmes,
Gardons, carpes et tous les autres poissons qui nagent le long du Gange [^49] !
L’Oie Rouge le contredit en récitant la troisième strophe :
[71]
« Je ne mange pas de corps de la marée, ni de corps gisant dans les bois :
Toutes sortes de mauvaises herbes, je m’en nourris ; c’est là, mon ami, toute ma nourriture.
Alors le Corbeau récita deux strophes :
« Je ne peux pas croire ce que l’Oie affirme à propos de sa viande.
Ce que je mange au village, ce sont des choses trempées dans du sel et de l’huile,
« Un tas de riz, tout propre et beau, qu’un homme prépare et verse
Sur sa viande ; mais pourtant, ma couleur, Oie, n’est pas comme la tienne.
Alors l’Oie Rousse lui récita les strophes restantes, expliquant la raison de sa laideur et déclarant la justice :
« Voyant le péché dans ton cœur, détruisant l’humanité,
C’est dans la peur et l’effroi que vous mangez votre nourriture ; c’est pourquoi vous trouvez cette teinte.
« Corbeau, tu as erré dans le monde entier par les péchés de tes vies passées,
Vous n’éprouvez aucun plaisir dans votre nourriture ; c’est votre couleur qui vous la donne.
« Mais, ami, je mange et je ne fais pas de mal, je ne suis pas inquiet, à mon aise,
N’ayant aucun problème, ne craignant rien d’aucun ennemi.
[ p. 46 ]
« C’est ainsi que vous devriez agir, et grandir puissamment, renoncer à vos mauvaises voies,
Marchez dans le monde et ne faites pas de mal ; alors tous vous aimeront et vous loueront.
« Qui est bienveillant envers toutes les créatures, ne blesse pas et ne fait pas blesser,
Celui qui ne harcèle pas, personne ne le harcèle, et contre lui on ne trouve aucune haine.
[72] « Si donc tu veux être aimé du monde, abstiens-toi de toute mauvaise passion », dit l’Oie rousse, proclamant la justice. Le Corbeau répondit : « Ne me parle pas de ta façon de te nourrir ! » et, criant : « Caw ! Caw ! », il s’envola dans les airs jusqu’au fumier de Bénarès.
Lorsque le Maître eut terminé ce discours, il déclara les Vérités : (maintenant à la conclusion des Vérités, le Frère avide était établi dans le fruit du Troisième Sentier) : « À cette époque, le Frère avide était le Corbeau, la mère de Rāhula était la compagne de l’Oie Rousse, et j’étais moi-même l’Oie Rousse. »
[^48] : 45 : 1 cakkavāko, Anas Casarca.
[^49] : 45:2 Les poissons nommés sont : pāvusa, vālaja, muñja, rohita (Cyprinus Rohita) et pāṭhīna (Silvans Boalis).
44:1 Cf. n° 434, vol. iii. ↩︎