[ p. 146 ]
Le plus ancien témoin de ce document est Thomas de Celano, qui, dans sa Seconde Vie (écrite vers 1247), rapporte que « tandis que le saint restait reclus dans sa cellule du mont La Verna, l’un de ses compagnons conçut un grand désir d’avoir un souvenir des paroles du Seigneur écrit de la main de saint François et brièvement annoté par lui… Un jour, le bienheureux François l’appela et lui dit : « Apportez-moi du papier et de l’encre, car je désire écrire les paroles de Dieu et ses louanges que je médite dans mon cœur. » Ce qu’il demandait lui étant apporté aussitôt, il écrit de sa propre main les louanges de Dieu et les paroles qu’il [son compagnon] désirait, et enfin une bénédiction du frère, en disant : « Prends cette feuille (chartulam) pour toi et jusqu’au jour de ta mort, garde-la précieusement. » Toute tentation fut aussitôt chassée ; la lettre est conservée et a fait des merveilles pour l’avenir. » [1]
L’autographe original de la feuille décrite ici par Celano est conservé avec respect dans la sacristie du Sacro Convento d’Assise. [2] Il est mentionné dans les archives du couvent depuis 1348 et est porté en procession chaque année à l’ouverture de la fête du « Perdono » ou indulgence de la Portioncule. De nombreuses pages ont été consacrées par les érudits [^553] à ce petit morceau de parchemin froissé et, comme elles sont facilement accessibles, il serait superflu d’aborder ici les détails controversés qui y sont liés. Il suffit de dire qu’au verso de la feuille contenant les Louanges se trouve la bénédiction biblique. Ce dernier fut dicté à frère Léon, mais au bas, saint François lui-même écrivit la bénédiction personnelle, ajoutant ce que Wadding décrivit comme un « grand et mystérieux thau ou lettre T » qu’il avait l’habitude d’utiliser comme signature, comme nous l’apprennent Celano [3] et saint Bonaventure [4].
Pour authentifier cette relique, frère Léon lui-même y ajouta trois notes ; la première se lit comme suit : « Le bienheureux François a écrit de sa propre main cette bénédiction pour moi, frère Léon » ; et la seconde : « De même, il a fait de sa propre main ce signe thau avec la tête. » La troisième annotation est encore plus précieuse, car elle fixe la date de ce précieux document. Je la donne intégralement : « Le bienheureux François, deux ans avant sa mort, observa un carême au mont La Verna en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie, Mère du Seigneur, et du bienheureux Michel Archange, depuis la fête de l’Assomption de la sainte Vierge Marie jusqu’à la fête de saint Michel en septembre. Et la main du Seigneur fut posée sur lui ; après la vision et la parole du Séraphin et l’empreinte des stigmates du Christ dans son corps, il fit et écrivit de sa propre main les louanges inscrites au verso de la feuille, rendant grâce au Seigneur pour les bienfaits qui lui avaient été conférés.
L’examen de l’autographe original montre que, si le côté de la feuille contenant la Bénédiction est parfaitement conservé, l’autre, où sont inscrites les Louanges, est en grande partie illisible et, par conséquent, on trouve des variantes dans différentes versions manuscrites. Après une comparaison minutieuse de ces manuscrits avec l’autographe, les éditeurs Quaracchi ont constaté que le codex 344 d’Assise était plus conforme à l’original que tout autre. C’est à partir de ce manuscrit du XIVe siècle, provenant de la bibliothèque du Sacro Convento et qui semble avoir été copié d’après l’autographe, que les éditeurs Quaracchi ont publié le texte que je traduis aujourd’hui :
Tu es saint, Seigneur Dieu, qui seul accomplis des merveilles. Tu es fort. Tu es grand. Tu es très-haut. Tu es le Roi tout-puissant, Toi, Père saint, Roi du ciel et de la terre. Tu es le Seigneur Dieu Trine et Un ; tout bien. Tu es bon, tout bien, le bien suprême, Seigneur Dieu vivant et vrai. Tu es la charité, l’amour [5] Tu es la sagesse. Tu es l’humilité. Tu es la patience. Tu es la sécurité. Tu es la quiétude. Tu es la joie et l’allégresse. Toi
BÉNÉDICTION AUTOGRAPHE DONNÉE PAR SAINT FRANÇOIS À FRÈRE LÉON, CONSERVÉE AU SACRO COUVENT D’ASSISE. (Voir page 146.) [ p. 149 ] es justice et tempérance. Tu es toute richesse pour suffire. [6] Tu es beauté. Tu es douceur. Tu es protecteur. Tu es gardien et défenseur. Tu es force. Tu es rafraîchissement. Tu es notre espérance. Tu es notre foi. Tu es notre grande douceur. Tu es notre vie éternelle, grand et admirable Seigneur, Dieu tout-puissant, Sauveur miséricordieux.
Après cette expression des ardeurs mystiques qui consumaient le Poverello vient :
Que le Seigneur te bénisse et te garde. Qu’il te montre sa face et ait pitié de toi. Qu’il tourne son visage vers toi et te donne la paix. [7] Frère LeTo [8] que le Seigneur te bénisse.
[^553] : 146:3 Par exemple Papini La Storia di S. Francesco, t. Moi, p. 130, n. 8, Grisar, voir Civilta Cattolicà, fasc. 1098 (1896), p. 723 ; Mgr. Faloci Pulignani, Divers. Franc., t. VI (1895), p. 34 ; Le P. p. 147 Edouard d’Alençon, La Bénédiction de St. François; M. Sabatier, Spec. Perf., pp. Reginald Balfour, Le Seraphic Keepsake ; et Montgomery Carmichael, La Benedizione di San Francesco. Voir aussi le P. Saturnino da Caprese, OFM, Guida Illustrate della Verna (Prato, 1902), p. 93. Sur le témoignage de trois grands paléographes allemands, Wattenbach, Dziatzko et Meyer, voir Theol. Literatur-Zeitung, Leipzig, 1895, p. 404 et 627.
146:1 2 Cel. 2, 18; voir aussi Bonav. Leg. Maj., XI, 9, où le récit est clairement emprunté à Celano. ↩︎
146:2 Une photographie du reliquaire qui le contient est reproduite ici. ↩︎
147:1 Celano dit : « Le signe thau lui était plus familier que les autres signes. Avec lui seul, il signait les feuilles à expédier et il le peignait sur les murs des cellules, n’importe où. » Voir Tr. de Miraculis, dans Anal. Boll., t. xviii, pp. 114-115. ↩︎
147:2 « Il l’a signé sur toutes les lettres qu’il a dirigées. » Voir Bonav. Leg. Maj., IV, 3. ↩︎
148:1 Ces mots semblent être transposés dans l’autographe. ↩︎
149:1 De ce point jusqu’à la fin des Louanges, l’autographe est illisible. ↩︎
149:2 Voir Nombres 6: 24-26. ↩︎
149:3 M. Balfour souligne que la position du nom de Léon par rapport au thau est intentionnelle et que le thau devient ainsi une croix de bénédiction, saint François, suivant la pratique de tous les anciens Missels et Bréviaires, l’ayant placé de manière à diviser le nom de la personne bénie. Voir The Seraphic Keepsake, p. 106. ↩︎