Grand Catéchisme — Le huitième commandement. | Page de titre | Grand Catéchisme — Conclusion des Dix Commandements. |
Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bétail, ni rien de ce qui lui appartient.
Ces deux commandements sont donnés exclusivement aux Juifs ; néanmoins, ils nous concernent aussi en partie. Car ils ne les interprètent pas comme se référant à l’impudicité ou au vol, car ceux-ci sont suffisamment interdits ci-dessus. Ils pensaient d’ailleurs les avoir observés, qu’ils aient accompli ou non l’acte extérieur. C’est pourquoi Dieu a ajouté ces deux commandements afin que soit considéré comme péché et interdit le désir ou l’intention, de quelque manière que ce soit, de s’emparer de la femme ou des biens de son prochain ; et ce d’autant plus que sous le gouvernement juif, serviteurs et servantes n’étaient pas libres, comme aujourd’hui, de servir contre salaire aussi longtemps qu’ils le souhaitaient, mais appartenaient à leur maître, corps et tout ce qu’ils possédaient, comme bétail et autres biens. De plus, tout homme avait le pouvoir de répudier publiquement sa femme en lui remettant une lettre de divorce, et d’en prendre une autre. Ils étaient donc constamment en danger les uns envers les autres : si l’un d’eux s’éprit de la femme d’un autre, il pouvait invoquer n’importe quel prétexte pour la renvoyer ou pour s’éloigner de la femme de l’autre, afin de la conquérir sous prétexte de droit. Cela n’était ni un péché ni une honte pour eux, pas plus qu’aujourd’hui avec un employé salarié, lorsqu’un propriétaire renvoie son domestique ou sa servante, ou lui enlève les domestiques d’autrui de quelque manière que ce soit.
C’est pourquoi ils interprétèrent ces commandements, et à juste titre (bien que leur portée soit plus vaste), que personne ne songe ni ne se propose d’acquérir ce qui appartient à autrui, comme sa femme, ses serviteurs, sa maison et ses biens, ses terres, ses prés, son bétail, même par apparence de droit ou par subterfuge, au détriment de son prochain. Car, plus haut, dans le septième commandement, le vice est interdit lorsqu’on s’approprie les biens d’autrui ou qu’on les prive de son prochain, ce qu’on ne peut faire en droit. Mais ici aussi, il est interdit d’aliéner quoi que ce soit à son prochain, même si l’on peut le faire avec honneur aux yeux du monde, afin que personne ne puisse vous accuser ou vous blâmer comme si vous l’aviez acquis illégalement.
Car nous sommes si naturellement portés que personne ne désire voir un autre posséder autant que lui-même, et chacun acquiert autant qu’il peut ; chacun peut faire de son mieux. Et pourtant, nous prétendons être pieux, savons nous parer avec la plus grande finesse et dissimuler notre malhonnêteté, recourons à des artifices et des ruses adroites (tels que ceux que l’on conçoit aujourd’hui avec la plus grande ingéniosité), et les inventons comme s’ils provenaient des codes de lois ; oui, nous osons même y faire allusion avec impertinence et nous en vanter, et nous ne voulons pas que cela soit qualifié de malhonnêteté, mais de ruse et de prudence. À cela, les avocats et les juristes contribuent, tordant et détournant la loi pour l’adapter à leur cause, accentuant les mots et les utilisant comme subterfuge, sans tenir compte de l’équité ni des besoins de leur prochain. Et, en bref, celui qui est le plus expert et le plus rusé en ces matières trouve le plus d’aide dans la loi, comme ils le disent eux-mêmes : Vigilantibus iura subveniunt [c’est-à-dire, les lois favorisent les vigilants].
Ce dernier commandement n’est donc pas donné aux escrocs aux yeux du monde, mais aux plus pieux, qui désirent être loués et qualifiés d’honnêtes et de justes, puisqu’ils n’ont pas transgressé les commandements précédents, comme le prétendaient notamment les Juifs, et même aujourd’hui de nombreux grands seigneurs, gentilshommes et princes. Car le reste du peuple appartient encore plus bas, sous le septième commandement, à ceux qui ne se soucient guère d’acquérir leurs biens avec honneur et droiture.
Or, cela se produit le plus souvent dans les affaires portées devant les tribunaux, où l’on cherche à obtenir quelque chose de notre voisin et à le contraindre à s’en séparer. Par exemple, lorsque des gens se disputent au sujet d’un héritage important, d’un bien immobilier, etc., ils se servent de tout ce qui semble légitime, ornant le tout de telle sorte que la loi doit leur être favorable, et ils conservent la propriété avec un titre tel que nul ne peut s’en plaindre ou la revendiquer. De même, si quelqu’un désire posséder un château, une ville, un duché ou toute autre grande propriété, il use de tant de stratagèmes financiers, par le biais de relations et par tous les moyens possibles, que l’autre en est juridiquement privé, et la propriété lui est attribuée, confirmée par acte et sceau, et déclarée acquise à titre princier et honnête.
De même, dans le commerce, on s’empare adroitement d’un bien, le forçant à le garder, ou on le surprend et l’escroque dans une affaire où il voit un avantage pour lui-même, de sorte que ce dernier, peut-être en raison d’une détresse ou d’une dette, ne peut le récupérer ou le racheter sans préjudice, tandis que le premier en gagne la moitié, voire plus. Pourtant, il ne faut pas considérer cela comme acquis frauduleusement ou volé, mais comme honnêtement acheté. On dit ici : Premier arrivé, premier servi, et chacun doit veiller à ses propres intérêts, que chacun prenne ce qu’il peut. Et qui peut être assez intelligent pour imaginer toutes les manières dont on peut s’emparer de tant de choses sous des prétextes aussi spécieux ? Le monde ne considère pas cela comme un mal et ne le punit pas, et ne verra pas que le prochain est ainsi désavantagé et doit sacrifier ce qu’il ne peut épargner sans préjudice. Pourtant, personne ne souhaite qu’on lui fasse cela ; d’où l’évidence que de tels stratagèmes et prétextes sont mensongers.
Il en était de même autrefois à l’égard des épouses : elles connaissaient des artifices tels que si l’une d’elles était contente d’une autre femme, il faisait, lui-même ou par d’autres (car il y avait bien des moyens à inventer), concevoir du déplaisir à son mari, ou la faisait lui résister et se conduire de telle sorte qu’il fût obligé de la renvoyer et de la laisser à l’autre. Français Ce genre de chose prévalait sans aucun doute beaucoup sous la Loi, comme nous le lisons également dans l’Évangile du roi Hérode, qu’il prit la femme de son frère alors qu’il était encore en vie, et qu’il souhaitait néanmoins être considéré comme un homme honorable et pieux, comme saint Marc en témoigne également. Mais un tel exemple, j’espère, ne se produira pas parmi nous, car dans le Nouveau Testament, il est interdit à ceux qui sont mariés de divorcer, sauf dans le cas où l’un d’eux, par quelque stratagème, enlève à un autre une riche épouse. Mais il n’est pas rare chez nous que l’on éloigne ou que l’on aliène le serviteur ou la servante d’un autre, ou que l’on l’attire par des paroles flatteuses.
Quoi qu’il en soit, sachez que Dieu ne veut pas que vous priviez votre prochain de ce qui lui appartient, au point qu’il en subisse la perte et que vous en satisfassiez votre avarice, même si vous pouviez le conserver honorablement aux yeux du monde ; car c’est une imposition secrète et insidieuse, pratiquée sous le chapeau, comme on dit, pour qu’elle ne soit pas observée. Car, bien que vous alliez comme si vous n’aviez fait de tort à personne, vous avez néanmoins fait du tort à votre prochain ; et si cela ne s’appelle pas vol et tromperie, cela s’appelle convoiter le bien de votre prochain, c’est-à-dire viser à le posséder, le lui soustraire sans son consentement et ne pas vouloir le voir jouir de ce que Dieu lui a accordé. Et bien que le juge et tous les autres doivent vous en laisser la possession, Dieu ne vous y laissera pas ; car il voit le cœur trompeur et la malice du monde, qui ne manquera pas de prendre un coup supplémentaire partout où vous lui cédez ne serait-ce qu’un doigt, et à la fin, le mal public et la violence s’ensuivent.
Nous laissons donc ces commandements conserver leur sens ordinaire : il nous est commandé, premièrement, de ne pas désirer le dommage de notre prochain, ni même de l’aider, ni même de lui en donner l’occasion, mais de lui souhaiter et de lui laisser volontiers ce qu’il possède, et, de plus, de lui avancer et de lui conserver ce qui peut être utile et utile, comme nous souhaiterions être traités. Ainsi, ces commandements visent particulièrement l’envie et la misérable avarice, Dieu voulant supprimer toutes les causes et sources de tout ce qui nous nuit à notre prochain, et c’est pourquoi il l’exprime clairement : Tu ne convoiteras point, etc. Car il désire particulièrement que le cœur soit pur, bien que nous n’y parvenions jamais tant que nous vivrons ici-bas ; de sorte que ce commandement restera, comme tous les autres, un commandement qui nous accusera constamment et montrera combien nous sommes pieux aux yeux de Dieu.
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