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SES PREMIÈRES ANNÉES
SA NAISSANCE
Mt. L 1-17 ; Lc. iii. 23-38. Lc. i. 5-80 ; Mt. i. 18-23.
Lc. ii. 1-38 ; Mt. ii. 1-18.
Sa naissance était forcément unique. Car il ne s’agissait pas de la génération d’un nouveau membre de notre race : c’était l’incarnation d’une vie éternelle et sa manifestation dans des conditions humaines.
Dans la ville de Nazareth, nichée au cœur des hautes terres de Galilée, là où elles descendent vers la plaine d’Esdrelon, ancien champ de bataille d’Israël, vivait une jeune fille nommée Marie, l’hébraïque Myriam. La tradition veut que ses parents s’appelaient Joachim (« Le Seigneur relève ») et Anne (« Grâce »), et qu’ils eussent au moins un autre enfant, une fille, Salomé, qui apparaîtra plus tard comme l’épouse de Zébédée, un pêcheur au bord du lac de Galilée (Jn 19, 25 ; Mt. 27, 56 ; Mc 15, 40). C’étaient des paysans pieux, et lorsqu’elle atteignit, dit-on, l’âge de douze ans, ils la fiancèrent à un concitoyen âgé nommé Joseph. Bien que résidant à Nazareth, il était originaire de Bethléem, « la ville de David » ; et avec la fierté d’un véritable Israélite en matière de lignée, il faisait remonter sa descendance à l’ancienne maison royale.Non pas qu’il fût un personnage princier ; car la gloire de la maison royale s’était depuis longtemps éteinte, et en ces temps d’humiliation nationale, plus d’un Juif de basse condition revendiquait sa parenté. Joseph était un simple artisan, charpentier de métier.
C’était au mois de novembre de l’an 6 av. J.-C. [ p. 10 ] que Marie fut surprise par une révélation céleste. Autrefois, lorsque la lumière de la révélation était encore faible, Dieu avait coutume d’employer deux modes gracieux pour communiquer ses desseins aux enfants des hommes (cf. Job xxxiii. 14-30). L’un était le mystère des rêves et l’autre la visite des anges.
Puisque le nom signifie « messager », un ange pouvait être soit un simple prophète inspiré, soit un « esprit au service de Dieu », l’un de ces « milliers de milliers et myriades de myriades, une multitude innombrable et incalculable, qui se tiennent devant le Seigneur des esprits » (Hébreux i. 14 ; Mt. xviii. 10) et qui s’empressent d’accomplir ses missions, s’occupant invisiblement des « héritiers du salut ». C’est l’un d’eux qui rendit visite à Marie, nul autre, dit saint Luc, le poète évangéliste, dans son Hymne de la Nativité, que Gabriel, l’une des « quatre présences », les archanges Michel, Raphaël, Gabriel et Phanuel, que l’imagination pieuse des futurs enseignants juifs représentait debout autour du trône de Dieu. Sa fonction particulière, concevaient-ils, était d’intercéder pour les enfants des hommes. Il était toujours un visiteur bienveillant, le messager de la miséricorde ; et c’est là la pensée heureuse de l’évangéliste lorsqu’il fait de Gabriel l’ange qui rendit visite à Marie et lui fit connaître le merveilleux dessein de Dieu. Fiancée mais encore célibataire, elle concevrait par la puissance créatrice du Saint-Esprit ; et l’enfant qu’elle porterait serait le Messie, le Christ, l’Oint – le Sauveur que les anciens prophètes avaient prédit et qu’Israël avait attendu si longtemps et avec plus d’impatience qu’en ces jours calamiteux.
La jeune fille raconta l’histoire à ses parents, et cela les troubla. Bien que certains du dessein divin, ils prévoyaient l’effet qu’elle aurait sur un monde incrédule. L’histoire sait ce que les Juifs incrédules pensèrent de l’histoire de la naissance virginale lorsqu’elle fut enfin publiée. Ils accusèrent Marie d’infidélité et identifièrent même son amant comme un soldat, Panthera. La réputation de leur fille était en péril, et Joachim et Anne, quant à eux, gardèrent le secret sur l’histoire, même vis-à-vis de Joseph, et la conduisirent aussitôt chez une vieille parente, Élisabeth, épouse du prêtre Zacharie, qui habitait loin au sud, dans un village à environ six kilomètres à l’ouest de Jérusalem, qui porte encore son ancien nom de Khirbet el-Jehud, « ville de Juda ». Elle y séjourna trois mois, puis rentra chez elle. Son état était désormais évident, et Joseph en tira la conclusion naturelle. Il devait la répudier, mais il réprima son indignation ; et cette nuit-là, dans un rêve, il fut convaincu de la vérité. Le lendemain, il reconnut Marie comme son épouse et la prit chez lui avec le respect qui lui convenait.
La naissance virginale est certes un mystère, mais toute naissance ne l’est pas moins. « Tu ne sais pas », a-t-il été écrit autrefois, « comment les os se forment dans le ventre de la femme enceinte. » Il y a un mystère impénétrable dans la « génération ordinaire » (Eccl. xi. 5) et si elle n’était pas « ordinaire », on en reconnaîtrait la merveille. Et c’est parce qu’elle est unique que la manière dont est née notre Seigneur suscite l’incrédulité. Considérez l’occasion, et la raison en apparaîtra. Que veut dire l’Apôtre par son antithèse du Premier et du Second Adam ? (Rom. V. 14-17 ; 1 Cor. xv. 21,22,45-49) Le Premier Adam était le chef originel de l’humanité. Il fut créé innocent, et l’intention divine était qu’il conserve son innocence et, par une obéissance inébranlable, acquière force et sagesse ; puis, par la loi impénétrable de l’hérédité, il aurait transmis son acquis moral et intellectuel à ses descendants, facilitant ainsi le progrès de l’espèce vers la réalisation de son idéal divin. Mais il échoua, et par la même loi, son péché fut leur héritage. La vie de l’humanité fut polluée à sa source et s’enfonça de plus en plus dans la souillure de génération en génération. Et quel était le remède ? Le courant, pollué à sa source, devait y être purifié. L’espèce devait trouver un nouveau chef ; et cela fut fourni par l’Incarnation du Fils Éternel de Dieu, l’Archétype de l’Humanité, l’Image Divine à laquelle l’homme avait été créé (Cf. Gen. i. 26,27 ; Col. iii. 10). Il était le Second Adam, le nouveau chef de l’espèce ; et de même que du premier Adam coula à travers les générations un fleuve empoisonné, de même du second coule un fleuve de guérison, et « comme en Adam tous meurent, ainsi aussi en Christ tous revivront ». 0 En lui, le fardeau du péché fut brisé et un fardeau de justice fut établi.
Mais comment cela fut-il assuré par la naissance virginale ? Il n’avait certes pas de père humain, mais n’avait-il pas de mère humaine ? Et par elle n’a-t-il pas participé à la damnosa haereditas du péché originel ? Et n’était-il pas ainsi lui-même un pécheur, ayant besoin de rédemption ? C’est pour répondre à cette difficulté que Pierre de Lombardie a conçu au XIIe siècle le dogme de l’Immaculée Conception de la Sainte Vierge, qui, après de longs débats, a été déclaré article de la foi romaniste [ p. 13 ] en 1854. Mais c’est une pure fiction, dépourvue non seulement de sanction scripturaire, mais aussi de Valeur théologique. Car cela ne résout pas le problème : cela ne fait que le repousser plus loin ; et, si un miracle d’immaculée conception était nécessaire, il serait plus raisonnable de l’admettre pour notre Seigneur lui-même que pour sa mère, puisqu’il n’avait qu’un seul parent humain.
Français Quelle est donc la vérité ? Observez ce qui est écrit : « Elle se trouva enceinte par l’effet du Saint-Esprit » « Ce qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint » (Mt. i. 18,20) Le fait significatif ici est que dans l’original « de » est la préposition distinctive de la maternité ; et ce que cela implique apparaît quand on se souvient que selon les Écritures, l’opération du Saint-Esprit est l’énergie créatrice de Dieu aussi bien dans le domaine physique que dans le domaine spirituel, aussi bien dans la génération que dans la régénération (Cf. Gen. i. 2 ; Ps. civ. 30 ; Is. xxxiv. 15 ; Rom. xiii. 11 ; 2 Cor. iii. 18 ; Eph. iv. 23). De même que le premier Adam était une création du Saint-Esprit, de même l’humanité qui a revêtu le Fils Éternel aux jours de sa chair l’était. Elle n’a pas été générée : elle a été créée ; et le sein de la Vierge n’était que le nidus où « la Sainte Chose engendrée en elle » (Lc 1, 35) était chérie et nourrie. Elle était engendrée, non d’elle, mais en elle par l’Esprit Saint ; et elle ne provenait d’elle aucune souillure héréditaire. C’était une nouvelle création directement de la Main Divine.
Et ainsi notre Seigneur est né sans péché, comme Il n’aurait pas pu l’être s’Il était né de Marie. Son humanité, tout comme celle du Premier Adam, était une nouvelle création ; et, tout comme le Premier Adam, Il était un véritable homme, partageant notre faiblesse humaine et notre conflit humain. Il « a été tenté en tous points comme nous, en dehors du péché. Il était le Second Adam, et Il a renouvelé le conflit aux conditions primitives et a triomphé là où le Premier Adam était tombé » (Hébreux 4, 15).
« Ô sagesse aimante de notre Dieu !
Quand tout n’était que péché et honte,
Un second Adam vint au combat
Et à la rescousse.
« Ô amour le plus sage ! Cette chair et ce sang.
Qui ont échoué en Adam.
Devaient lutter à nouveau contre leur ennemi,
Devaient lutter et prévaloir. »
C’était un mystère merveilleux et solennel, et il n’est pas étonnant que Joseph et Marie l’aient caché avec révérence à un monde malintentionné. Seuls eux-mêmes et leurs proches le connaissaient, et à mesure que le Saint Enfant grandissait, Marie observait et conservait précieusement dans son cœur chaque événement qui correspondait à son secret chéri (cf. Lc 2, 19, 51) ; mais la croyance générale, même parmi les chrétiens des premiers temps, était qu’il était le fils de Joseph et de Marie par génération ordinaire. C’est pourquoi, à la manière juive, ils se sont donné la peine de retracer sa généalogie par Joseph – une tâche vaine si Joseph n’était pas réellement son père. Le secret était inconnu même de saint Paul ; et il serait d’ailleurs le dernier à l’apprendre, car, en tant qu’Apôtre des Gentils, il était en mauvaise posture auprès des chrétiens juifs, qui le considéraient comme un traître à la foi antique. Ce n’est qu’après que Marie eut [ p. 15 ]passé « là où, au-delà de ces voix, il y a la paix » fut-il publié. L’histoire est racontée pour la première fois dans l’Évangile selon saint Matthieu, paru peu après la chute de Jérusalem en l’an 70 ; puis dans l’Évangile selon saint Luc une quinzaine d’années plus tard. Il est remarquable que dans le premier, elle soit racontée du point de vue de Joseph et dans le second de celui de Marie ; et la raison en est que l’évangéliste juif l’avait apprise du cercle des intimes de Joseph, tandis que l’évangéliste païen, qui se distingue parmi les écrivains sacrés par sa sympathie chevaleresque pour les femmes méprisées, l’avait apprise des amis de Marie.
À première vue, il peut paraître surprenant que ce récit ne soit pas mentionné dans le quatrième Évangile. Saint Jean le savait certainement ; car, du jour de la Crucifixion jusqu’à sa mort, sa maison était celle de Marie (cf. Jn 19, 27), et elle la confierait sûrement à « un disciple que Jésus avait aimé » et qui jouait avec elle un rôle de fils. Mais en réalité, cela n’a rien de surprenant ; car son but en écrivant son Évangile était de compléter les récits de ses prédécesseurs, et il ne répète jamais ce qu’ils ont déjà rapporté, sauf s’il veut l’éclairer ou le corriger. Son silence est donc une approbation tacite de leurs récits de la naissance virginale. Et n’en fait-il vraiment aucune mention ? Dans le texte courant du prologue de son Évangile, il est écrit : « À tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. » (Jo. i. 12,13) Tel qu’il est cité, cependant, par plusieurs des premiers Pères [ p. 16 ] d’Occident, en particulier saint Irénée quelque deux siècles avant notre plus ancien manuscrit, le passage se présente ainsi : « ceux qui croient au nom de Celui qui a été engendré, non pas du sang » — le sang mêlé de parents humains — « ni de la volonté de la chair, ni de la volonté d’un homme (un mari), mais de Dieu. » Le passage est donc une déclaration distincte de la naissance virginale ; et selon le témoignage le plus ancien, il a été écrit ainsi par l’évangéliste.
Cinq mois s’étaient écoulés depuis que Joseph avait emmené Marie chez lui, et son heure était proche, lorsque leur quiétude fut troublée par un événement public : le recensement que l’empereur Auguste avait institué dans tout son vaste domaine à intervalles réguliers de quatorze ans. Le premier avait été fixé pour l’an 8 av. J.-C. ; mais elle avait été retardée en Palestine par des troubles civils, et ne fut prise qu’à l’été de l’an 5. Ailleurs, les gens étaient enregistrés là où ils habitaient, mais la coutume juive voulait qu’ils soient enregistrés par tribus et familles (Cf. 2 Sam. xxiv. 2) ; et il fut donc nécessaire pour Joseph de se rendre à Bethléem. C’était un voyage de trois jours, et bien qu’elle fût inapte, il emmena Marie avec lui. Ce n’était pas qu’elle devait s’inscrire en personne, puisque chaque citoyen enregistrait sa maison ; mais plutôt, semble-t-il, parce que, vexé par des langues calomnieuses, Joseph avait l’intention de quitter Nazareth et de s’installer dans sa ville natale.
La saison était propice, puisque c’était le mois d’août ; et ils voyagèrent tranquillement, Joseph à pied conduisant l’âne sur lequel, dit-on, Marie montait. Pourtant, l’épreuve fut trop rude, et juste à leur arrivée à Bethléem, les douleurs la saisirent. Il n’y eut pas le temps de chercher un logement, et ils se réfugièrent dans cette auberge rudimentaire, le caravansérail de la ville. Malheureusement, il était déjà bondé, car ils n’étaient pas les seuls étrangers que les affaires du recensement avaient amenés à Bethléem, et, voyageant lentement, ils étaient arrivés en retard. Chaque appartement était occupé, et il n’y avait rien d’autre à faire que de laisser Marie se coucher parmi les troupeaux dans la cour. C’est là qu’« elle mit au monde son Fils, son premier-né » ; et, l’emmaillotant dans les petits vêtements qu’elle avait confectionnés avec amour et anticipation, elle le berça dans une mangeoire.
À l’est et au sud de Bethléem s’étendait le désert de Judée, ces pâturages accidentés où David avait autrefois gardé les brebis de son père Jessé, et où, chaque printemps (I Sam. XVII. 28), les bergers juifs menaient leurs troupeaux et les gardaient en plein air jusqu’au mois d’octobre, les rassemblant au crépuscule et les emmenant au pâturage à l’aube. En cette nuit mémorable, un groupe de bergers était assis autour de leur feu de camp, gardant l’enclos, lorsqu’un ange apparut, « paré de lumière céleste », et leur raconta ce qui s’était passé au village : la naissance du Sauveur promis ; et le ciel étoilé résonna alors de musique, les louanges de l’armée céleste. La vision s’évanouit, et les bergers stupéfaits se hâtèrent de traverser la lande et trouvèrent la mère et l’enfant, et avec eux, non seulement Joseph, mais d’autres qui s’étaient rassemblés à leur secours et qui écoutèrent avec émerveillement le récit des bergers.
Il était normal que ces derniers soient les premiers à entendre la bonne nouvelle. Car à cette époque, les bergers avaient mauvaise réputation. Ils étaient certes robustes et courageux, risquant quotidiennement leur vie pour défendre leurs troupeaux contre les pillards – bêtes sauvages et Bédawins errants (cf. Jn 10, 11, 12) ; mais la violence engendre la violence, et un berger juif n’était guère plus qu’un brigand. Il était donc normal qu’une troupe de bergers grossiers soit la première à entendre parler de la naissance du Sauveur qui « n’est pas venu appeler les justes, mais les pécheurs ».
Le caravansérail n’était qu’un port temporaire, et le sixième jour, dit-on, après la Naissance, ils s’installèrent dans une maison du village (cf. Gen. xvii. 12). Le surlendemain, selon l’ordonnance sacrée, l’Enfant fut circoncis et reçut le nom qu’il porterait durant son séjour terrestre : Jésus, forme grecque de l’ancien nom hébreu Josué, qui signifiait « Le Seigneur est le salut ». Pendant quarante jours après avoir donné naissance à un fils, une mère juive était considérée comme impure, et « l’accomplissement des jours de sa purification » était célébré par le sacrifice d’un agneau ou, pour les plus pauvres, d’un couple de tourterelles (cf. Ac. vii. 45 ; Héb. iv. 8). De plus, puisque le Seigneur réclamait les prémices de son peuple, chaque premier-né, humain ou animal, lui appartenait ; et la loi stipulait que, tandis que le premier-né d’une bête pure était sacrifié et celui d’une bête impure racheté, un premier-né humain devait « être assurément racheté » (cf. Lév. xii). Le prix de sa rédemption était de cinq sicles, et son paiement était sa « présentation au Seigneur ». Car aucune de ces ordonnances n’était nécessaire pour assister au Temple ; mais Jérusalem n’était qu’à cinq miles au nord de Bethléem, et Joseph et Marie, avec la révérence que tout Juif pieux ressentait pour la Ville Sainte et le Lieu Saint, s’y rendirent avec le Saint Enfant.
En ces jours mauvais où Jérusalem était écrasée par l’oppression et déchirée par les factions, il y avait des âmes gracieuses au milieu d’elle, les « cachés » du Seigneur, qui demeuraient dans sa communion, « attendant la consolation d’Israël », l’Avènement du Sauveur promis. L’un d’eux était Syméon, un saint âgé qui nourrissait la ferme assurance de vivre assez longtemps pour en être témoin. Las du monde, il aspirait, tel un captif, à l’heureux accomplissement qui marquerait sa libération ; et il se trouvait là, en pleine communion, lorsque Marie apporta sa pauvre offrande de colombes. Bethléem étant si proche de Jérusalem, l’histoire des bergers était sûrement parvenue à ses oreilles pleines d’espoir, et il reconnut la Sainte Famille (cf. Lc ii, 17-20). Il prit l’Enfant dans ses bras et bénit Dieu d’avoir enfin vu le salut promis. Juste à ce moment, une autre sainte apparut : une vénérable prophétesse nommée Anne. Mariée depuis sept ans et veuve depuis quatre-vingt-quatre ans, elle avait maintenant, si comme Marie elle s’était mariée à douze ans, cent trois ans (cf. ii, 37 RV) ; et elle était le modèle même du saint veuvage. La dévotion était son occupation constante et le Temple son lieu de prédilection (cf. 1 Tim. v. 5). Elle entendit l’action de grâce de Syméon et reprit le refrain de ses louanges. Et elle annonça la bonne nouvelle à ses connaissances pieuses.
Ainsi, des représentants choisis des pécheurs et des saints d’Israël découvrirent que le Sauveur était venu. Mais Il était plus que le Messie des Juifs. Il était le Rédempteur du monde ; et [ p. 20 ] Il fut également manifesté à juste titre aux représentants du paganisme. À cette époque, et pendant de nombreux siècles, on croyait que les étoiles régnaient sur les affaires terrestres, et les astrologues prétendaient lire dans les cieux les destinées des hommes et des nations. Il n’est pas peu remarquable que, comme l’ont établi les calculs astronomiques, l’an 7 avant J.-C. ait été témoin d’un phénomène planétaire qui se reproduit à intervalles réguliers d’environ huit siècles. Le 29 mai de cette année-là, il y eut une conjonction de Jupiter et de Saturne au 20e degré de la constellation des Poissons ; le 29 septembre, ils étaient à nouveau en conjonction au 16e degré, et encore une fois le 5 décembre au 15e degré ; puis, en l’an 6 avant J.-C., la planète Mars entra en conjonction. La récurrence du phénomène en 1604-5 après J.-C. fut suivie, comme l’observa Kepler (1571-1630), par l’apparition d’une étoile brillante, qui brillait continuellement pendant environ dix-huit mois, puis disparaissait.
La Chaldée était le berceau de l’astrologie, et c’est là que trois « sages », magi, c’est-à-dire des astrologues, observèrent ce phénomène en 7 avant J.-C. Selon les règles de leur art, ils l’interprétèrent comme présageant la naissance d’un roi qui devait gouverner le monde ; et ils partirent pour le saluer et lui rendre hommage, emportant avec eux, selon la mode ancienne, de riches présents en offrande. L’un prit de l’or, un autre de l’encens, et le troisième de la myrrhe (Cf. I Rois x. 2). Ils ignoraient où l’événement se produirait ; Mais, en voyageant vers l’ouest et en s’enquérant, ils finirent par découvrir un indice. L’histoire rapporte qu’à cette époque de décadence morale, même les païens attendaient l’aube d’une ère nouvelle et, influencés par les rumeurs de l’espoir messianique d’Israël, ils se tournaient vers la Terre Sainte pour son inauguration. Au cours de leur progression vers l’ouest, les mages apprirent cette attente et se dirigèrent vers Jérusalem. Ils y arrivèrent au mois de septembre 5 av. J.-C. et demandèrent avec empressement : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage. »
La ville fut saisie de stupeur. Le règne funeste d’Hérode le Grand touchait à sa fin, dans un climat de mécontentement civil et intérieur. Moins d’un an s’était écoulé depuis qu’une prédiction avait été propagée par les Pharisiens : le trône passerait à la maison de Phéroras, son frère ; d’où naîtrait un roi puissant et thaumaturge, nul autre que le Messie promis. Ses auteurs avaient été mis à mort, mais la prédiction était restée dans les mémoires ; et la question de ces étrangers orientaux provoqua une agitation. Hérode prit peur. Il écarterait la menace qui pesait sur sa maison en découvrant l’Enfant et en le faisant périr. Il convoqua d’abord le tribunal du Sanhédrin et s’enquit auprès des scribes, les interprètes officiels de la Loi sacrée, lieu de naissance prophétique du Messie (cf. Michée v. 2). C’était Bethléem, lui dirent-ils ; puis il convoqua les mages pour un entretien privé et, s’enquérant de la date de l’apparition de l’étoile qui avait annoncé la naissance du roi, apprit que cela s’était produit il y a tout juste deux ans. Ce fut donc la première limite de l’événement ; et, avouant qu’il désirait lui aussi lui rendre hommage, il les dirigea vers Bethléem et leur demanda de revenir lorsqu’ils auraient trouvé l’Enfant, et de lui dire où il était.
Il était tard, mais l’étoile qui avait éclairé leur longue quête brillait dans le ciel, et ils se hâtèrent vers Bethléem. Là, ils découvrirent la sainte demeure et présentèrent leurs offrandes. Ils s’étaient méfiés des déclarations d’Hérode, et leur conversation avec Joseph allait confirmer leurs soupçons. Leur sommeil cette nuit-là fut troublé par des rêves inquiétants, et au matin, ils rentrèrent chez eux sans retourner à Jérusalem. Joseph, lui aussi, fut alarmé par ce qu’ils lui avaient dit, et un rêve confirma ses appréhensions. Au matin, il quitta Bethléem et s’enfuit vers le sud avec Marie et l’Enfant. Leur destination était l’Égypte ; et c’était en effet un asile approprié. Car il y avait là une importante population de colons juifs, et parmi eux, Joseph devait avoir des connaissances, et peut-être des parents, et trouverait un foyer et un moyen de subsistance.
Ses appréhensions étaient justifiées. Hérode fut furieux que les mages ne soient jamais revenus. En lançant une perquisition dans le village, il aurait donné l’alerte et sa victime aurait pu s’échapper. Il s’assurerait ainsi de la réussite de l’affaire. À la manière des tyrans antiques, il avait à son service une bande de spéculateurs, des officiers qui, sous ses ordres, se débarrassaient de tous ceux qui avaient encouru son déplaisir ; et il envoya ses bandits à Bethléem avec l’ordre d’égorger tout enfant mâle né au cours des deux dernières années. Son ordre fut exécuté ; et bien que dans une si petite communauté, les victimes fussent effectivement peu nombreuses, ce fut une atrocité diabolique, la plus ignoble infamie de ce règne sanglant.