[ p. 466 ]
LA RÉSURRECTION
Mt. xxviii; Mc xvi; Lc xxiv (Ac. i. 1-14); Jn xx, xxi; 1 Cor. xv.
Si le récit de la vie terrestre de notre Seigneur a commencé par un miracle transcendant, il s’achève ainsi. Son humanité était une création nouvelle : il a été engendré du Saint-Esprit dans le sein d’une vierge, « engendré, non du sang » – le sang mêlé de parents humains – « ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu » (Ac. i. 3, x. 40, 41). Et à sa mort, il n’a « vu la corruption » (40, 41). « Dieu l’a ressuscité des morts le troisième jour », et « il s’est montré vivant après sa passion à des témoins choisis » ; ensuite, il est monté vers le Père et trône à jamais à sa droite, portant toujours, transfiguré et glorifié (Jn 20, 17 ; Col 3, 1), l’humanité qu’il portait aux jours de sa chair. Telle est la foi historique de l’Église chrétienne, et ce n’est pas une invention récente. Elle est proclamée dans la première épître de saint Paul, écrite en 51 après J.-C. (1 Th. i. 10, iii. 13, iv. 14), juste vingt-deux ans après l’événement, et continuellement affirmée dans les pages du Nouveau Testament au cours de la vie de la première génération de croyants, et toujours comme un fait d’une certitude indubitable et d’une acceptation universelle.
C’est l’histoire de cet événement étonnant telle que la racontent les évangélistes qui retient maintenant notre attention ; et il nous sera profitable, en nous délivrant de beaucoup de confusion et de doutes harcelants, si au début [ p. 467 ] nous considérons la nature des témoignages qu’ils apportent et apprécions leurs valeurs différentes.
La difficulté qui se présente immédiatement à nous est que ces témoignages regorgent d’incohérences et de contradictions. Par exemple, lorsque Marie Madeleine se rendit au sépulcre, c’était, selon saint Matthieu, « tard le jour du sabbat, à l’aube du premier jour de la semaine » (Mt. 28, 1-7 ; Mc 16, 1-7 ; Lc 24, 1-8 ; Jn 20, 1-12), c’est-à-dire au coucher du soleil le jour du sabbat, lorsque, selon le calcul juif, le nouveau jour commençait ; selon saint Marc, c’était « très tôt le matin du premier jour de la semaine, au lever du soleil » ; selon saint Luc, « à l’aube du premier jour de la semaine » ; et, selon saint Jean, « le premier jour de la semaine, de bon matin, alors qu’il faisait encore nuit ». Français De nouveau, selon saint Marc et saint Luc, la mission de Marie et de ses compagnons était d’embaumer le corps du Seigneur, tandis que, selon saint Jean, il avait déjà été embaumé lors de son enterrement le vendredi soir, et lui et saint Matthieu conviennent qu’ils sont venus « pour voir le sépulcre » (Jo. xix. 39, 40). De nouveau, selon saint Matthieu, après leur arrivée au sépulcre, il y eut un tremblement de terre et un ange descendit et roula la pierre et s’assit dessus ; selon les autres évangélistes, elle avait déjà été roulée lorsqu’ils arrivèrent, et c’est à l’intérieur du sépulcre qu’ils virent, selon saint Marc, un seul ange et, selon saint Luc et saint Jean, deux anges.
Et observez cette difficulté plus importante. Dans le récit de la crucifixion de saint Matthieu (Mt. xxvii. 52,53), il est écrit que non seulement le voile du sanctuaire fut déchiré en deux par le tremblement de terre, mais que « les rochers se fendirent [ p. 468 ] et les sépulcres s’ouvrirent, et de nombreux corps des saints qui avaient été enterrés furent ressuscités et, étant sortis des sépulcres après sa résurrection, entrèrent dans la Ville sainte et furent manifestés à un grand nombre de personnes ». Cette histoire, racontée par saint Matthieu seul, a toujours été une énigme. Elle a déconcerté saint Augustin, et dans une de ses épîtres, il mentionne les difficultés qu’elle suscita à son époque. La principale est que si ces saints furent ressuscités lorsque notre Seigneur mourut sur la croix, alors, puisque ce n’est que le troisième jour après sa résurrection, leur résurrection précéda la sienne, et ainsi il n’était pas « le premier-né d’entre les morts », « les prémices de ceux qui se sont reposés » (Col. i. 18 ; Apoc. i. 5 ; 1 Cor. xv. 20). Deux réponses ont été proposées. L’une est que la même difficulté se pose pour les autres cas de résurrection du fils de la veuve à Naïn, de la fille de Jaïr et de Lazare ; mais cette suggestion ne fait qu’aggraver la difficulté, et de plus, elle néglige le fait que ces trois résurrections n’étaient que des réanimations. Lazare ne fut pas ressuscité avec un corps glorifié. Son corps mortel fut simplement rendu à la vie, et peu à peu il mourut de nouveau et sa poussière attend toujours le matin de la Résurrection ; alors que la résurrection de ces saints était une véritable résurrection comme celle de notre Seigneur. La deuxième suggestion est que, bien que les sépulcres aient été ouverts par le tremblement de terre, les habitants ne furent ressuscités qu’après la résurrection du Seigneur. Mais ce n’est pas ce qu’affirme l’évangéliste. Il dit explicitement, dans un premier temps, qu’ils furent ressuscités lors de l’ouverture des sépulcres. Et alors ? Son langage est ici ambigu, car on peut l’interpréter soit comme « et ils sortirent des sépulcres après sa résurrection, et entrèrent dans la Ville sainte », soit comme « et [ p. 469 ] ils sortirent des sépulcres, et après sa résurrection entrèrent dans la Ville sainte ». Dans le premier cas, ils restèrent vivants dans leurs sépulcres brisés, hors de Jérusalem, jusqu’à sa résurrection le troisième jour, où ils sortirent et entrèrent dans la ville ; et dans le second, ils quittèrent immédiatement les sépulcres et se cachèrent ailleurs jusqu’au troisième jour. Dans les deux cas, leur résurrection a précédé la sienne, et il n’était pas « le premier-né d’entre les morts ».
Que dire alors de ces récits si discordants et si peu susceptibles d’une réconciliation raisonnable ? Il faut se rendre compte de la situation originelle. Pour une raison qui apparaîtra plus tard, les manifestations du Seigneur ressuscité furent accordées « non à tout le peuple, mais à des témoins choisis » (Ac. x. 41). Imaginez l’effet que ces derniers subiraient d’une expérience si inattendue, si transcendante. Ils publieraient le fait qu’ils avaient vu le Seigneur, mais l’émerveillement et le respect les empêcheraient de s’étendre sur un mystère si solennel pour eux-mêmes et si incompréhensible pour les autres. Et naturellement, le peu qu’ils divulguaient serait examiné avec curiosité par leurs auditeurs et s’enrichirait au fil de son passage.
Et voyez ce qui en résulta lorsque les évangélistes écrivirent le récit de la vie terrestre de notre Seigneur. Dans la tradition apostolique de son ministère public, ils ne manquaient pas de documents précieux et authentiques ; mais celui-ci s’acheva avec la crucifixion, et de quels documents disposaient-ils lorsqu’ils en vinrent à raconter la suite ? Aucun des trois synoptiques n’appartenait au cercle des « témoins choisis ». Car, bien qu’il porte son nom, notre premier Évangile [ p. 470 ] n’a pas été écrit par l’apôtre Matthieu. L’Évangile qu’il écrivit réellement était un « Livre des Logia » araméen, une compilation des paroles de notre Seigneur, paru probablement au début de la cinquième décennie du premier siècle ; et notre premier Évangile en est une amplification par une main ultérieure. Aucun de nos trois évangélistes n’avait été témoin des manifestations du Seigneur ressuscité, et lorsqu’ils racontèrent l’histoire, ils ne disposèrent que du récit commun. Voilà pourquoi leurs récits sont si brefs, si vagues et si discordants ; et si précieux qu’ils soient comme preuves du fait si sûrement cru par la première génération, les hommes et les femmes qui avaient connu le Seigneur à l’époque de sa chair, il est bon pour nous de disposer d’autres témoignages plus intimes et plus fiables. Nous devons le premier aux recherches assidues de saint Luc (cf. Lc 1, 1-4). Il avait rencontré deux témoins oculaires et il avait entendu de leurs lèvres le précieux récit de leur rencontre avec le Seigneur ressuscité à Emmaüs (Lc 24, 13-35). Mais mieux encore, et d’une valeur inestimable, est le récit complet et émouvant que le disciple bien-aimé a donné aux Églises d’Asie durant son long ministère dans cette région et qu’il a consigné, pour le bénéfice des siècles ultérieurs, dans les derniers chapitres de son incomparable Évangile (Jn 2, 21).
On croyait si sûrement que, lorsque le doute surgissait dans l’Église primitive, ce n’était jamais la résurrection de Notre-Seigneur qui était mise en doute, mais la résurrection des croyants – la bienheureuse espérance qu’il était « les prémices de ceux qui sont morts », et que, comme Jésus est mort et ressuscité, « de même ceux que Jésus a enterrés, Dieu les ramènera avec lui » (1 Th. iv. 14). Et cela nous aidera à approfondir notre foi en la [ p. 471 ] résurrection de Notre-Seigneur si nous considérons comment saint Paul a traité la question de la résurrection des croyants lorsque ses convertis de Corinthe lui ont fait part de leurs difficultés à ce sujet. « Comment », demandaient-ils, « les morts ressuscitent-ils ? Et avec quel genre de corps reviennent-ils ? » (1 Cor. xv. 35)
C’était un double problème, et ils en présentaient un aspect lorsqu’ils demandaient : « Comment les morts ressuscitent-ils ? » Lorsque nos corps mortels sont inhumés, ils ne reposent pas intacts, attendant le matin de la Résurrection. À peine sont-ils confiés au sein de la terre qu’ils expérimentent les mystérieux processus de l’alchimie de la Nature. Ils se décomposent ; ils s’effondrent ; ils se dissolvent dans leurs éléments originels. Pourrions-nous pénétrer un tertre herbeux dans l’Acre de Dieu, trouverions-nous la forme sans vie reposant encore là, « les mains douces jointes sur sa poitrine » ? Non, elle a disparu. Elle a disparu, mais elle n’a pas péri. Elle a été transmutée. Comme le dit l’Égyptien dans Quentin Durward, elle s’est « fondue dans la masse générale de la nature, pour être recomposée sous les autres formes qu’elle fournit quotidiennement à celles qui disparaissent chaque jour et reviennent sous des formes différentes : les particules aqueuses en ruisseaux et en averses, les parties terrestres pour enrichir leur mère la terre, les parties aériennes pour se laisser porter par la brise, et celles du feu pour alimenter la flamme d’Aldébaran et de ses frères. » Et comment alors les morts ressuscitent-ils ? Comment les éléments dispersés peuvent-ils être rassemblés et recomposés ? Ils appartiennent au stock commun de matière qui reste constant, inchangé et inchangé, à travers toutes ses transformations et adaptations ; et les vêtements corporels que portent nos âmes maintenant, [ p. 472 ] en ont habillé des myriades avant nous, et seraient les leurs autant que les nôtres à la Résurrection.
Et supposons qu’ils puissent nous être restitués : sont-ils aptes à l’Ordre éternel ? Ils sont matériels, et quelle place pourraient-ils occuper dans un domaine spirituel (1 Cor. xv. 50) – ce Royaume que, comme l’Apôtre le concède, « la chair et le sang ne peuvent hériter » ? Allons-nous y aller, raillaient les païens moqueurs des premiers temps, avec des cheveux sur la tête et des ongles aux doigts ? C’est ce genre de plaisanterie grossière qui irritait l’esprit de ce chrétien corinthien lorsqu’il posait la question suivante : « Si les morts ressuscitent, avec quel genre de corps reviennent-ils ? »
C’était en effet une question déroutante, et celui qui la posait n’était pas un sceptique frivole, mais un homme sincère qui aurait bien voulu croire, mais qui trouvait la foi très difficile. Et quelle est la réponse de l’Apôtre ? Il évoque le miracle perpétuel de la semence et de la moisson – un miracle véritablement transcendant, bien que la familiarité ait émoussé notre perception de son mystère. Voici la loi naturelle de la Résurrection. « Quelqu’un dira : “Comment les morts ressuscitent-ils ? Et avec quel genre de corps reviennent-ils ?” » « Homme inconscient ! s’écrie l’Apôtre ; ouvre les yeux et regarde ce qui se passe autour de toi, et tu ne te poseras plus jamais cette question ni ne seras plus troublé par cette difficulté. Car la résurrection du corps n’est pas un mystère lointain ; c’est une opération de l’ordre naturel, un fait familier de l’expérience quotidienne. Regardez les champs et voyez la semence semée en terre et germer en une moisson riche et glorieuse : voilà le miracle de la Résurrection qui s’accomplit sous vos yeux. » La graine meurt, mais elle meurt pour revivre et vivre [ p. 473 ] plus abondamment. Car la mort n’est pas seulement, selon l’expression de saint Bernard, « la porte de la vie » ; c’est le chemin vers une vie plus ample et plus noble.
Mais cela suffira-t-il ? La moisson n’est pas moins matérielle que la semence, et le corps plus noble qui naîtra du corps mortel sera-t-il moins matériel ou mieux adapté à hériter du Royaume de Dieu ? Considérez, argumente l’Apôtre, ce qu’est le « corps ». C’est un terme plus large que « chair ». Il existe certes des corps de chair, mais même ceux-ci sont très divers. Il y a la chair humaine, et il y a la chair des bêtes, des oiseaux et des poissons. Tous sont différents, et pourtant ils sont tous chair. Et ils sont tous des corps, mais ils ne sont pas les seuls. Il y a des corps célestes aussi bien que des corps terrestres, et les corps célestes ne sont pas des corps de chair. De plus, comme les corps terrestres, ils sont de différentes sortes : le soleil, la lune et les étoiles ont chacun une gloire particulière.
« Chair » et « corps » ne sont donc pas synonymes ; et si la chair ne peut hériter du Royaume de Dieu, il ne s’ensuit nullement que le corps ne le puisse pas. C’est pourquoi l’Apôtre poursuit son argumentation ; et sa pensée dans ce magnifique passage n’est pas une simple fantaisie pieuse ou une spéculation philosophique, mais une vision prophétique d’une vérité que la science physique perçoit et étudie enfin de nos jours. Il distingue les « corps naturels », ou plutôt les « corps animaux », et les « corps spirituels ». Les premiers sont des corps de chair, terrestres et ne peuvent hériter du Royaume de Dieu ; les seconds sont des corps célestes, et ils le peuvent. De plus, il existe une relation entre les deux. Le corps animal est en vérité l’ébauche du corps spirituel. Français Comme l’a écrit un maître moderne, il y a, « pour ainsi dire, [ p. 474 ] un cerveau dans le cerveau, un corps dans le corps, quelque chose comme ce que les Orientaux ont appelé pendant des siècles le « Corps Astral ». De même qu’il y a une matière universelle dans la matière – « l’éther luminifère », comme nous le nommons dans notre ignorance actuelle – le moyen par lequel fonctionnent les rayons X et la télégraphie sans fil, de même il y a un corps dans le corps ; et en temps voulu, l’échafaudage sera retiré, « ce vêtement boueux de décomposition » tombera, et le corps spirituel émergera, purgé de sa grossièreté actuelle et apte à hériter du Royaume de Dieu. En attendant, nos corps ne sont qu’en cours de fabrication. La science a retracé leur merveilleuse histoire – la patiente évolution du protoplasme grossier en ces organes complexes de l’esprit et de l’âme. Même maintenant, ils ne sont encore qu’en cours de fabrication ; et le processus de longue haleine atteindra enfin son but final lorsque « le Sauveur, le Seigneur Jésus-Christ, façonnera à nouveau le corps de notre humiliation, afin qu’il soit conforme au corps de sa gloire. » (Phil. iii. 21) Et c’est le miracle de la Résurrection — la réalisation ultime du dessein éternel du Créateur, « l’unique événement divin lointain vers lequel toute la création se dirige. »
Tel était le corps glorieux que notre Seigneur a ramené du sépulcre et qu’il porte éternellement à la droite de Dieu. C’était le corps qu’il avait porté aux jours de sa chair, mais il fut transfiguré comme le sera le nôtre un jour, lorsque « celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts rendra la vie même à nos corps mortels par son Esprit qui habite en nous » (Rom. VIII, 11 ; 1 Cor. XV, 53) et que « ce qui est corruptible revêtira l’incorruptibilité, et ce qui est mortel revêtira [ p. 475 ] l’immortalité ». C’était un corps céleste, spirituel, imperceptible aux sens terrestres et matériels ; et c’est pourquoi ce ne fut pas à tout le peuple, mais seulement à des témoins choisis, qu’il fut manifesté après sa résurrection. Selon l’Écriture Sainte, le monde éternel nous entoure continuellement, « inaudible parce que nos oreilles sont obtus, invisible parce que nos yeux sont obscurcis » (Hébreux 12.1,22,24) ; et il existe deux manières de nous le découvrir. L’une est que l’éternel s’adapte à nos limites présentes. C’est ce qui s’est produit lors de l’Incarnation, lorsque « le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire ». L’autre est que le miracle s’accomplisse en nous – ce miracle que saint Paul, incompréhensible pour nous jusqu’ici, définit comme « l’illumination des yeux de notre cœur » (Éphésiens 1.18, RV), un retrait temporaire du voile des sens, « ce vêtement boueux de la corruption » qui « nous enferme ». C’est ainsi que se déroulent les manifestations célestes relatées dans l’Ancien Testament. Souvenez-vous, par exemple, de ce qui est écrit au sujet d’Élisée : comment les Syriens investirent Dothan de nuit, et que, de bon matin, son serviteur sortit, et voici, une armée entoura la ville avec des chevaux et des chars (2 Rois VI, 13-17). « Hélas ! mon maître ! s’écria-t-il, « comment ferons-nous ? » « Élisée pria, et dit : Seigneur, ouvre ses yeux, afin qu’il voie. » Et l’Éternel ouvrit les yeux du jeune homme ; et voici, la montagne était pleine de chevaux et de chars de feu autour d’Élisée. » Telle était la manière des révélations d’autrefois ; et telle était la manière des manifestations du Seigneur ressuscité. C’est pourquoi il est écrit que lorsque Dieu le ressuscita [ p. 476 ] le troisième jour, il permit qu’il se manifeste, non à tout le peuple, mais à des témoins qu’il avait choisis d’avance. »
Et maintenant, avec tout cela à l’esprit, tournons-nous vers l’histoire des évangélistes.
Après avoir aidé à déposer le corps du Seigneur dans le sépulcre de Joseph, les trois femmes retournèrent en ville (Lc 23, 56). Le lendemain était le jour du sabbat, et selon la coutume juive, elles le passèrent dans un saint repos, se réconfortant mutuellement dans leur chagrin. Leurs cœurs étaient constamment avec le cher Maître où elles l’avaient déposé, et dès la fin du sabbat, elles partirent, alors qu’il faisait encore nuit, pour le mont des Oliviers, afin de visiter sa dernière demeure avec une tendresse féminine et de pleurer à ses côtés, en souvenir d’amour et de regret (cf. Jn 11, 31). C’était tout leur but. Elles n’avaient aucune envie de contempler son cher visage mort ni de rendre un quelconque hommage à son argile inerte. Car elles avaient vu la pierre qui fermait l’entrée de la caverne être roulée à sa place, et même si elles l’avaient voulu, leurs faibles mains n’auraient pu la remuer. À leur grande surprise, ils découvrirent à leur arrivée que le sépulcre avait été roulé et que l’entrée du sépulcre était ouverte. Une seule explication leur vint à l’esprit : le sépulcre avait été visité par ses ennemis, et son corps sacré avait été enlevé et sans doute jeté dans la vallée de Hinnom. Ils se précipitèrent donc vers Pierre et Jean et leur annoncèrent la triste nouvelle. « Ils ont enlevé le Seigneur du sépulcre », s’écrièrent-ils, « et nous ne savons pas où ils l’ont mis ! »
Les deux hommes coururent voir par eux-mêmes, et Jean, le plus [ p. 477 ] jeune et le plus agile, devança son camarade et arriva le premier au sépulcre. Il était effectivement ouvert, et il y entra. Imaginez la situation. Ce n’était pas un tombeau ordinaire, mais un caveau que Joseph avait creusé dans le roc, à la manière des hommes riches, pour y enterrer sa famille ; et le Talmud décrit comment un tel caveau était construit. Dans le sol, le long des murs, des cistes ( kokhin ) furent creusées, trois à droite, trois à gauche et deux au fond, chacune de quatre coudées de long, sept de profondeur et six de large ; et dans celles-ci, les corps embaumés furent déposés côte à côte. Le corps du Seigneur était le premier à y avoir été déposé. Il avait été déposé dans la ciste la plus proche de l’entrée, à droite (Mc 16, 5) ; En entrant dans le caveau, Jean baissa les yeux et, dans la pénombre, constata avec surprise que le linceul était à plat. Interrogé, son camarade arriva et, avec son impétuosité habituelle, il ne s’attarda pas. Le corps du Seigneur étant le premier à y avoir été déposé, la vaste citerne laissait suffisamment de place, et Pierre descendit pour l’explorer. Il constata que le corps avait bel et bien disparu, et que non seulement le linceul était à plat, comme si son contenu s’était évaporé, mais que le linge qui avait entouré la tête du Seigneur était resté à sa place, conservant son pli (cf. Jn 11, 44). Il raconta la situation à Jean, et ce dernier ne put le croire avant de descendre à son tour et de le voir de ses propres yeux. Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ? Aucun d’eux ne devina la merveilleuse vérité ; « car », dit l’évangéliste en racontant l’histoire longtemps après, confessant honteusement leur stupidité, « ils ne comprenaient pas encore l’Écriture, disant qu’il devait ressusciter des morts. »
[ p. 478 ]
Perplexes, mais soulagés, car ce n’était manifestement pas une main imprudente qui avait pillé le sépulcre, ils quittèrent le caveau et partirent à la recherche de leurs compagnons. Pendant ce temps, Marie était revenue seule et était entrée dans le caveau, où elle se tenait en pleurs près du coffre vide. Elle n’y descendit pas, mais se pencha et regarda à travers ses larmes ; là, à chaque extrémité, elle aperçut un ange. « Femme », demandèrent-ils, « pourquoi pleures-tu ? » « On a enlevé mon Seigneur », répondit-elle, « et je ne sais où on l’a mis. » Quelque chose l’arrêta, un regard, peut-être, ou un mouvement des anges. Elle se retourna brusquement et aperçut quelqu’un debout derrière elle. C’était Jésus, mais elle ne le reconnut pas, non seulement parce que la lumière était faible dans le caveau, mais parce que son aspect avait changé. « Femme », dit-il, « pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Son intuition naturelle lui suggéra qu’il était le jardinier et qu’il la défiait pour violation de domicile. « Seigneur », implora-t-elle en se retournant vers le coffre vide, « si c’est vous qui l’avez enlevé, dites-moi où vous l’avez mis, et je l’emporterai. » « Miriam ! » dit-il, retombant, comme les Juifs en avaient coutume dans leurs moments de tendresse, dans sa douce langue maternelle et l’appelant par son nom hébreu avec cet accent affectueux qu’elle n’avait entendu que de la sienne. Cela le révéla. Elle se retourna. « Rabbouni ! » s’écria-t-elle, « Mon vénéré Maître ! » et voulut se jeter à ses pieds et les embrasser.
Mais Il recula. Pas plus que Pierre et Jean, elle ne réalisa la merveilleuse vérité. Son intuition était que, par un heureux hasard, Il n’était finalement pas mort. Soit Il s’était simplement évanoui sur la croix [ p. 479 ] et avait repris connaissance après avoir été déposé au sépulcre, soit un miracle s’était produit sur Lui, comme celui qu’Il avait accompli sur Lazare. Quoi qu’il en soit, Il était là, vivant, devant elle, et elle supposa qu’elle allait maintenant retrouver la douce communion d’antan. Et en effet, Il était vivant, mais la réalité était plus merveilleuse et plus bénie qu’elle ne l’imaginait. L’ancienne communion, si chère mais limitée par les conditions de Son état incarné, avait disparu pour ne jamais revenir ; mais désormais, tant qu’elle resterait sur terre, elle l’aurait avec elle en présence spirituelle, son Sauveur ressuscité et glorifié, jusqu’à ce qu’enfin elle aussi se dépouille de sa chair mortelle et soit revêtue comme lui d’un corps spirituel et partage son repos éternel. Et ainsi, lorsqu’elle l’eut embrassé, il se retira. « Ne t’attache pas à moi », dit-il. C’est le même mot que Simon le pharisien avait utilisé ce soir inoubliable où il recevait Jésus à sa table et que Marie, une pécheresse repentante, s’était glissée et, accroupie près du lit où il était allongé, lui avait oint les pieds et avait pleuré sur eux, essuyé la pluie chaude avec ses cheveux dénoués et les avait embrassés. « S’il était prophète », s’exclama le pharisien horrifié, « il aurait reconnu qui et quel genre de femme est celle qui s’attache à lui ! » Le Seigneur ne lui fit alors aucun reproche lorsqu’elle lui prodigua la dévotion de son cœur reconnaissant ; Mais maintenant tout avait changé, et il voulait qu’elle et ses condisciples le réalisent (Lc 7. 39). « Ne vous attachez pas à moi », dit-il, « car je ne suis pas encore monté vers le Père. Allez trouver mes frères et dites-leur : “Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.” » [ p. 480 ] Elle chercha les disciples et leur raconta son histoire, mais ils l’accueillirent avec une incrédulité pleine de pitié. Ils la supposèrent folle de chagrin, et son récit leur parut tout simplement « délirant ». C’est ce que dit saint Luc, et ce mot est l’un des termes médicaux du « médecin bien-aimé », désignant le délire d’un cerveau fiévreux. (Lc 24. 11)
Ils étaient si incrédules, si sûrs que tout était fini, qu’ils ne songèrent qu’à rentrer chez eux et à oublier le cher espoir qu’ils avaient nourri ; et cet après-midi-là, deux d’entre eux prirent le départ – non pas deux des Onze, mais de simples disciples. Ils habitaient Emmaüs, un village situé entre sept et huit milles au sud-ouest de Jérusalem ; et il est probable qu’ils étaient frères, puisqu’ils vivaient ensemble comme Pierre et André à Bethsaïde. L’un d’eux s’appelait Cléopas, et c’est probablement lui qui raconta plus tard l’histoire à saint Luc. L’autre est anonyme, car l’évangéliste ne l’a jamais connu et n’a jamais entendu son nom.
En route vers leur village, ils conversèrent des événements de la matinée et se lancèrent dans une vive discussion. N’est-il pas évident que Cléopas était l’informateur de saint Luc, qu’il ne cache pas le rôle peu gracieux qu’il a joué ? Comme Thomas le Jumeau, il était enclin au découragement et refusait obstinément de croire l’histoire de Marie et des autres femmes ; tandis que son compagnon adoptait une position plus optimiste. Soudain, au milieu de leur altercation, un étranger apparut à leurs côtés et les aborda. « Quels sont ces mots ? » leur dit-il, « que vous échangez en marchant ? » Honteux d’être ainsi surpris, ils s’arrêtèrent et jetèrent [ p. 481 ] les yeux à terre. Cléopas rétorqua alors d’un ton assez grossier : « Êtes-vous un voyageur solitaire à Jérusalem, pour ne pas avoir appris ce qui s’y est passé ces jours-ci ? » « Qu’est-ce que c’est ? » demanda l’étranger. « Tout cela concerne Jésus le Nazaréen, qui s’est révélé être un prophète puissant en œuvres et en paroles aux yeux de Dieu et de tout le peuple, et comment nos grands prêtres et nos chefs l’ont condamné à mort et crucifié. Nous espérions que ce serait lui qui rachèterait Israël ; mais voilà trois jours que tout cela est arrivé. » « Oui », intervint l’autre, « mais quelques femmes parmi nous nous ont étonnés. Elles sont allées au sépulcre de bon matin et n’ont pas trouvé son corps. Elles sont venues et ont dit avoir eu une apparition d’anges qui ont annoncé qu’il était vivant. Et quelques-uns de nous sont allés au sépulcre et ont trouvé les choses exactement comme les femmes l’avaient dit. » « Mais », intervint Cléopas, « elles ne l’ont pas vu. »
« Ah ! hommes stupides », dit l’étranger, « et lents à croire tout ce que les prophètes ont dit ! N’était-il pas nécessaire que le Messie souffre ces choses et entre dans sa gloire ? » Puis il fit appel à l’Ancien Testament et, citant passage après passage de la Loi et des Prophètes, montra comment ceux-ci s’étaient accomplis dans l’expérience de leur Maître crucifié. C’était une illumination inespérée de ces Écritures familières, et ils écoutèrent avec un cœur enflammé. Bien qu’ils voyagaient lentement, si lentement que le soleil avait disparu à l’horizon avant d’atteindre Emmaüs, ils étaient encore avides de nouvelles conversations. Il aurait bien voulu passer [ p. 482 ] son chemin, mais ils ne voulaient rien entendre. « Restez avec nous », insistèrent-ils. « Le soir approche, et le jour est déjà déclinant. » Bientôt le souper fut servi et, à leur surprise, l’étranger prit le rôle d’hôte et bénit l’humble repas. La grâce avant le repas était une coutume juive, mais sa manière d’accomplir cet office ne l’était pas. « Il prit le pain, le bénit, le rompit et le leur tendit. » C’était la manière de leur Seigneur, et cela le leur révéla comme sa tendre voix lorsqu’il l’appelait par son nom l’avait révélé à Marie. « Leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent » ; mais avant qu’ils puissent le saluer, « il disparut à leurs yeux » (Mt. 18, 20 ; 28, 20). Il n’était pas parti. Il était toujours avec eux, comme, selon sa promesse, il est toujours avec son peuple ; mais le voile des sens, levé pour un temps, les recouvrit et le leur cacha.
Ils se levèrent et se hâtèrent de retourner à Jérusalem pour raconter l’histoire. Là, ils trouvèrent les disciples non plus découragés et dispersés, mais rassemblés, sans doute dans cette « chambre haute » qui était désormais leur lieu de rencontre – un appartement au dernier étage d’un immeuble pauvre. C’était une grande assemblée. Les Onze, sauf Thomas, étaient là, accompagnés de leurs coreligionnaires ; et bien qu’il fût dangereux de braver ainsi les dirigeants et que les portes soient verrouillées, la joie était dans leurs cœurs. À peine Cléopas et son compagnon furent-ils admis qu’ils furent accueillis par une joyeuse annonce : « Le Seigneur est réellement ressuscité et il est apparu à Simon ! » (Cf. Ac. i. 13 ; Lc. xxiv. 33 ; Cf. 1 cor. xv. 5) Ce qui s’était passé lors de cette première rencontre de l’Apôtre recréant avec le Maître n’est rapporté nulle part, et la raison est sûrement [ p. 483 ] qu’il ne l’a jamais divulgué. C’était trop sacré pour être publié à l’étranger, et personne, à part ses intimes de confiance et sympathiques, ne l’entendrait jamais de ses lèvres. Il suffisait aux autres de savoir que « le Seigneur était réellement ressuscité et était apparu à Simon », et ils saluèrent les nouveaux venus avec la joyeuse nouvelle.
Dès qu’ils furent entendus, ces derniers racontèrent leur histoire ; et un silence soudain s’abattit sur l’assemblée exultante. Les portes étaient closes, et personne n’avait frappé pour être admis ; pourtant, Jésus se tenait là au milieu. Il n’est pas étonnant qu’ils aient été surpris et qu’ils aient cru voir un esprit, jusqu’à ce qu’il leur adresse la salutation d’usage : shalom lakhem, « La paix soit avec vous ! » (Lc 24, 37) et leur accorde un signe certain de son identité. Il leur montra ses mains, et ils virent les traces des clous ; il dénuda sa poitrine, et ils virent où la lance avait transpercé son cœur. Ils furent ainsi assurés que c’était bien leur Seigneur qu’ils contemplaient, portant à jamais dans son corps glorifié les souvenirs de sa Passion rédemptrice. (Cf. Apoc. v. 6)
Leurs cœurs bondissaient de joie et ils auraient voulu l’entourer d’une allégresse tumultueuse. Mais il les retint. Ce n’était pas pour éveiller en eux une émotion futile qu’il s’était manifesté à eux, mais pour leur rappeler le haut service auquel il les avait appelés avant sa Passion et qu’ils avaient oublié au milieu de son angoisse. « La paix soit avec vous ! » dit-il. « Comme le Père m’a chargé de le faire, moi aussi je vous envoie. » Telle était leur vocation : gagner pour lui le monde qu’il avait racheté par son sacrifice infini. Pour y parvenir, ils avaient besoin du renfort céleste qu’il avait [ p. 484 ] promis au Cénacle : la grâce du Saint-Esprit, l’Avocat, qu’il leur enverrait dans sa chambre ; et, symbolisant cela à la manière orientale, il souffla sur eux. « Recevez », dit-il, « le Saint-Esprit ». Puis il réitéra leur mission. Il l’avait déjà donnée deux fois : d’abord à Pierre lors de sa grande confession à Césarée de Philippe (Mt. 16, 19 ; 18, 18), puis aussitôt aux Douze lorsqu’ils se furent joints à cette confession. Et maintenant, il l’étend encore davantage et l’adresse à toute cette assemblée, dix d’entre eux étant des apôtres et les autres de simples disciples, les chargeant tous, ainsi que leurs successeurs dans la foi et la piété, de génération en génération, de proclamer son Évangile de miséricorde et de jugement.
Thomas était absent de cette réunion. Fidèle à son caractère, il considérait l’histoire de Marie et des autres femmes avec une incrédulité dédaigneuse, et restait assis seul, étouffé par son désespoir. Ses camarades le cherchèrent et lui racontèrent ce qui s’était passé au Cénacle ; mais il refusa d’y croire. Il se demandait si c’était bien le Seigneur qu’ils avaient vu ; et lorsqu’ils lui assurèrent avoir vu les cicatrices sur ses mains et son côté, il resta incrédule. Il exigeait une preuve plus certaine encore : il ne devait pas se contenter de voir les cicatrices, mais placer son doigt « là où avaient été les clous » et enfoncer sa main dans son côté. Pendant une semaine, il persista dans son incrédulité ; néanmoins, sa curiosité avait été piquée, et lorsqu’ils se réunirent le dimanche soir suivant, il était là. Le Seigneur apparut de nouveau. « Que la paix soit avec vous ! » dit-il ; puis il s’adressa à Thomas. Il lui montra les blessures. « Avance ton doigt ici, dit-il, vois mes mains ; [ p. 485 ] avance ta main et mets-la dans mon côté. Et cessez votre incrédulité : croyez ! » « Mon Seigneur ! » s’écria Thomas, « mon Dieu ! » Et le Seigneur répondit par une douce réprimande : « Parce que vous m’avez vu, vous avez cru ? Heureux ceux qui ont cru sans voir. » C’était un reproche pour eux tous à cause de leur lenteur de cœur à croire tout ce que les prophètes avaient dit et tout ce qu’il leur avait prédit de sa mort et de sa résurrection.
Saint Jean conclut ici son Évangile. Il aurait pu en dire bien davantage ; car plus d’une semaine s’écoula avant que le Seigneur ne fasse ses derniers adieux à ses disciples. Pendant quarante jours après sa résurrection, il demeura parmi eux, se manifestant de temps à autre à des témoins choisis (cf. Ac. i. 3). Mais ils hésiteraient sûrement à parler de ces heures de gloire de vision ineffable. Il leur fallait absolument raconter quelque chose, surtout au vu des récits vagues et déformés qui, au fil du temps, se répandirent ; et maintenant qu’il a dit ce qu’il jugeait suffisant, le disciple bien-aimé conclut son précieux récit. « Jésus a fait beaucoup de signes devant ses disciples, outre ceux qui sont décrits dans ce livre ; mais ceux-ci ont été écrits afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom. »
Ainsi se terminait son Évangile, et c’est ainsi qu’il fut d’abord transmis à ses églises de la province d’Asie ; mais il comprit bientôt l’opportunité d’ajouter quelque chose. Comme on le verra, une idée s’était répandue, à la fois personnellement embarrassante et généralement nuisible ; et pour y remédier, il reprend maintenant la plume et écrit un chapitre [ p. 486 ] supplémentaire, relatant une autre manifestation du Seigneur ressuscité, la plus solennelle et la plus mémorable de toutes.
Lorsque ses disciples furent réunis avec lui à la Cène, la veille de son arrestation, après les avoir avertis de la tragédie imminente, le Seigneur chercha, comme il en avait eu l’habitude à chaque prémonition de sa Passion, à les guider vers le triomphe final. Il leur assura qu’il ressusciterait, « et », ajouta-t-il, « après ma résurrection, je vous précéderai en Galilée. » (Mt. 26, 32 ; Mc 14, 28) Sur le moment, la promesse leur était inintelligible ; mais après sa résurrection, il la répéta. Il désirait avoir une dernière rencontre avec les Onze et, une fois de plus, comme autrefois, communier seul à seul avec eux. Il n’y avait aucune intimité dans la capitale animée, et – peut-être en ce deuxième dimanche soir – il fixa un lieu de rencontre : les hauteurs surplombant le lac, où il avait autrefois eu l’habitude de se retirer avec eux pour échapper à la multitude bruyante. Il communierait à nouveau avec eux comme autrefois (cf. Mt. 28, 16) ; et Il leur ordonna de voyager maintenant vers le nord, vers leur chère patrie, et d’y attendre Son apparition.
Ils se rendirent à Capharnaüm et y attendirent. Les jours passèrent, et il n’apparaissait toujours pas. Cependant, ils avaient besoin de pain quotidien, et un soir, leurs provisions étant épuisées, sept d’entre eux se retrouvèrent au bord du lac : Simon-Pierre, Thomas le Jumeau, Nathanaël bar Talmaï, Jacques et Jean, fils de Zébédée, et deux autres. « Je vais pêcher », dit Pierre. « Nous allons avec toi », dirent les autres ; et, mettant leur petite barque à l’eau, ils rejoignirent la vieille barque de Pierre, ancrée à l’ancre. Ils y montèrent, préparèrent leurs agrès et mirent le cap sur le lieu de pêche.
[ p. 487 ]
Tout comme lors de cette autre nuit mémorable, il y a trois ans, leur filet était vide lorsqu’ils le relevèrent, et au petit matin, ils retournèrent au mouillage, déçus (Lc 2, 1-11). Alors qu’ils amarraient le bateau à une centaine de mètres, ils aperçurent un étranger sur la plage, sans doute, comme ils le supposaient, un marchand de Tanchées qui attendait l’arrivée des bateaux avec leurs cargaisons. Ils n’avaient rien à vendre, et ils n’y prêtèrent aucune attention jusqu’à ce qu’il les interpelle : « Les gars, avez-vous du poisson ? » « Non », répondirent-ils. Puis il dit : « Jetez le filet à tribord du bateau, et vous aurez une prise. » Se le prenant pour un marchand expert en pêche, ils supposèrent que, de son poste d’observation sur la plage, il avait aperçu le mouvement d’un banc de poissons ; et ils firent ce qu’il leur avait demandé. Aussitôt, le filet fut plein, si plein qu’ils ne purent le retirer. Trois ans auparavant, une chose semblable s’était produite à cet endroit précis, et la vérité s’imposa à Jean. Il se tourna vers Pierre : « C’est le Seigneur ! » s’exclama-t-il ! Pierre s’était déshabillé pour manipuler le filet, et, saisissant sa veste de marin, une tunique sans manches qui lui descendait jusqu’aux genoux, il l’enfila, se jeta par-dessus bord et nagea jusqu’au rivage. Ses compagnons, moins impétueux, montèrent dans la petite barque et ramèrent à sa suite, tirant le lourd filet (cf. Jo. xxi. RV). En débarquant, ils virent un feu de charbon de bois prêt, accompagné d’un gâteau de pain et de poisson séché – une maigre provision certes pour un équipage affamé, mais gracieusement significative car elle témoignait non seulement [ p. 488 ] d’une bienveillance bienveillante envers leurs besoins, mais leur rappelait les gâteaux d’orge et les poissons séchés avec lesquels le Maître avait autrefois nourri la multitude à Bethsaïde Julias (Jo. vi. 9). S’ils avaient le moindre doute sur l’identité de la personne qui se tenait là, ce signe les rassurerait. En communiant avec eux, il désirait calmer leur agitation et rétablir l’intimité familière d’autrefois ; et, comme il l’aurait fait autrefois, il leur invita à partager la nourriture dont ils avaient tant besoin. Le poisson séché ne suffisait pas, et il réclama un peu de leur prise. Pierre, toujours prompt, se hâta vers la barque et, tirant le filet à sec, le déchargea. La prise s’avéra énorme : pas moins de cent cinquante-trois gros poissons ; et pourtant, comme lui et Jean le remarquèrent, le vieux filet, si longtemps inutilisé, avait résisté sans se déchirer. Lorsque tous ceux qui étaient nécessaires eurent été préparés, « Venez, dit Jésus, déjeuner » ; et, selon son habitude, « il prit le pain et le leur donna, ainsi que le poisson séché. » C’était une reconstitution de la scène du Cénacle la nuit de sa trahison ; à une différence près. Observez comment l’évangéliste (cf. Lc xxiv, 19-43), corrigeant tacitement la notion populaire grossière, rapporte simplement que « Il prit la nourriture et la leur donna. Il ne la partagea pas. « La chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu » ; et son corps glorifié n’était plus « chair et sang,« non plus un « corps animal » ayant besoin de nourriture matérielle, mais « un corps spirituel ». [1]
Une fois le repas terminé et tous à l’aise, il aborda Pierre. « Simon, fils de Jean », dit-il, « Simon, fils de la grâce du Seigneur » (Jn 1, 42). → appellation significative qu’il avait déjà employée à deux reprises : à Bétharram, lorsqu’il [ p. 489 ] rencontra pour la première fois Pierre, un pêcheur grossier, et prophétisa ce que la grâce ferait pour lui, et de nouveau à Césarée de Philippe, lorsqu’il salua cette grande confession qui justifia sa confiance initiale (Mt. 16, 17). Il l’emploie de nouveau ici, comme pour rappeler au disciple qui avait joué un si mauvais rôle que la grâce qui l’avait béni au début lui serait encore utile. C’était un prélude bienveillant, mais que suivit-il ? « Simon, fils de Jean, as-tu plus d’égards pour moi que ceux-ci ? » (Mt. xxvi. 33) C’était un souvenir de la vantardise de Pierre au Cénacle, si honteusement démentie dans la cour du Grand Prêtre : même si tous les autres abandonnaient le Maître, lui ne le ferait jamais ; et ce serait comme un coup de poignard dans le cœur tendre du pénitent. « Oui, Seigneur », répondit-il, « tu sais que je t’aime. » « Pais mes agneaux » était la réponse. Aussitôt la question fut répétée : « Simon, fils de Jean, as-tu de l’estime pour moi ? » et Pierre répéta sa réponse : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. » « Sois le berger de mes pauvres brebis », dit le Seigneur. Une troisième fois, il posa la question, acceptant la correction de Pierre : Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? »
Et maintenant, Pierre était plus affligé que jamais ; car il semblait que le Seigneur doutait non seulement de son estime, mais de son amour. Et, malgré son manque de loyauté, son amour était évident : ne s’exprimait-il pas à cet instant dans chacun de ses regards et de ses paroles ? Seigneur, s’écria-t-il, « tu sais tout : tu vois que je t’aime. » « Pais mes pauvres brebis », fut sa réponse.
Et dans cette réponse, donnée trois fois différemment, réside l’explication de l’apparente cruauté du Seigneur. Il ne se moquait pas de Pierre par sa déloyauté et ne [ p. 490 ] le faisait pas honte devant les autres ; et les autres ne le prendraient pas ainsi. Car n’avaient-ils pas tous, sauf Jean, joué un rôle pire que celui de Pierre ? Il s’était ressaisi de la panique de Gethsémané, lorsqu’ils l’avaient tous abandonné et s’étaient enfuis, et l’avait suivi dans la cour du Grand Prêtre. C’est là qu’il avait renié le Maître, et s’ils y avaient été et avaient été éprouvés comme lui, qu’auraient-ils fait de mieux ? En vérité, leur déloyauté avait été pire que la sienne et méritait un reproche plus lourd. Mais le Seigneur était loin de penser au reproche. Son but en rappelant la déloyauté de Pierre était de lui montrer, ainsi qu’à tous les autres, comment ils pourraient se racheter. Il laissait la multitude qui avait cru en lui dans un monde mauvais comme une foule de brebis effrayées. ‘’ C’était l’occasion pour les Onze, les hommes qu’il avait choisis pour être ses aides pendant qu’il était avec eux et ses témoins après son départ. Comment mieux pourraient-ils expier leur déloyauté envers lui qu’en prenant soin de son troupeau, les brebis pour lesquelles le bon berger avait donné sa vie ?
Le Seigneur ne s’attarda pas à entendre le vœu impétueux de dévotion qui allait jaillir des lèvres de Pierre. « En vérité, en vérité, je te le dis », poursuivit-il, « quand tu étais plus jeune, tu te ceignais toi-même et allais où tu voulais ; mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te portera où tu ne voudras pas. » C’était une prophétie du martyre qui couronna les longues années de dévotion apostolique de Pierre. L’histoire raconte qu’il fut crucifié à Rome en l’an 67, le jour même où saint Paul fut décapité ; et ici, dans un langage que les disciples comprendraient facilement, le Seigneur [ p. 491 ] le dépeint dépouillé, étendu sur le poteau de flagellation et conduit au supplice. Ainsi, noblement, dans son âge châtié, il expia la déloyauté de sa jeunesse impulsive, et ainsi généreusement le Seigneur fit amende honorable pour sa sévérité apparente et exalta le pénitent humilié aux yeux de ses semblables.
Et il accorda un autre signe de la restauration de Pierre. Lui et les fils de Zébédée avaient été les intimes privilégiés du Maître ; et de même qu’autrefois il avait exigé leur compagnie dans ses moments d’intimité, de même maintenant il communierait avec Pierre et Jean séparément. « Suis-moi », dit-il au premier (cf. Mt. 17.1 ; Mc 9.2 ; Lc 9.28 ; Mt. 26.37 ; Mc 14.33). Instinctivement, Pierre se tourna vers son ancien camarade et, voyant qu’il s’était lui aussi levé pour servir le Maître, il se demanda quelle serait l’issue de cette heureuse communion. Compagnons dans la vie, seraient-ils compagnons dans la mort, ou un sort plus doux attendait-il le disciple que Jésus aimait ? « Seigneur », dit-il, « et lui ? »
Aussi naturelle que cela puisse paraître, c’était une question futile. Il aurait sûrement dû se contenter de l’assurance qu’il expierait si noblement sa déloyauté ; et le Seigneur le réprimanda avec douceur. « Si », dit-il, « c’est ma volonté qu’il reste jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Tu me suis. » Et ainsi, il montra le chemin. Pierre, et Jean aussi, comprendraient. Mais lorsque l’histoire se répandit, elle fut mal interprétée. On en déduisit que le disciple bien-aimé ne mourrait jamais, mais survivrait jusqu’au second avènement du Seigneur. Malgré ses fréquents avertissements selon lesquels la progression de son Royaume serait graduelle, l’idée surgit qu’il reviendrait du vivant de [ p. 492 ] cette génération. C’était une vaine attente ; et comme les années passaient sans qu’il n’apparaisse (cf. 2 Pierre iii. 4), ceux qui l’entretenaient furent profondément troublés. Finalement, toute cette génération qui avait vu le Seigneur disparut, à l’exception du disciple qu’il avait aimé. Citant la promesse qu’il resterait jusqu’au retour du Seigneur, ils attendaient avec impatience son accomplissement immédiat. Cette douce illusion parvint aux oreilles du vieil apôtre ; et c’est là qu’il Il corrige la situation en soulignant ce que le Seigneur voulait vraiment dire. « Jésus n’a pas dit qu’il ne mourrait pas, mais : “Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ?” »
C’est pour corriger cette idée fausse et pernicieuse que saint Jean ajouta ce chapitre à son Évangile. Autrement, il n’aurait jamais publié le récit de cette manifestation particulièrement solennelle du Seigneur ressuscité ; et il n’en publia que ce que l’occasion exigeait. Il raconta comment le Seigneur prononça cette parole, et ce qu’elle signifiait réellement ; et il ne dit rien de plus : rien de l’entretien qu’il eut avec lui et Pierre lorsqu’il les emmena à l’écart, peut-être dans sa retraite habituelle sur la colline, ni des autres manifestations qu’il accorda certainement aux Onze durant leur séjour en Galilée.
Seul ce qui suit est rapporté. Leur séjour là-bas était leur adieu à leur chère patrie. Jérusalem était le point de départ de leur nouvelle carrière, et c’est là qu’ils se rendirent pour attendre ses dernières instructions. Quarante jours après la Résurrection, ils étaient réunis dans leur chambre haute lorsqu’il [ p. 493 ] apparut au milieu d’eux et les conduisit à Béthanie – non pas le village, mais le versant occidental du mont des Oliviers qui, comme nous l’avons vu, portait cette désignation et qui comprenait dans son périmètre le jardin de Gethsémani. C’est certainement là qu’il les conduisit (Lc 24.50 ; cf. Mt. 21.17) ; et il est instructif de considérer qu’en chemin, ils longèrent les rues de la ville, traversèrent le Cédron et gravirent le versant de la montagne. Ils rencontraient une multitude de passants, mais aucun ne le remarquait. Ils voyaient les Onze, mais le voile de leurs sens le cachait à leur vue. Ils voyaient les Onze, mais ils n’avaient aucune vision du Compagnon Céleste qui marchait parmi eux.
Les disciples avaient communié ensemble et, lorsqu’ils atteignirent ce refuge familier, consacré par tant de souvenirs émouvants, ils avaient beaucoup à lui demander. Le fait qu’ils restaient attachés à leur idéal juif du Royaume messianique montre à quel point ils avaient besoin des lumières du Défenseur promis ; et ils lui demandèrent : « Seigneur, est-ce le moment de rétablir le Royaume d’Israël ? » « Il ne vous appartient pas, répondit-il, d’apprendre les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. » Et il leur dit en outre que cette perplexité et toutes les autres seraient résolues lorsqu’ils recevraient la grâce du Saint-Esprit.
Puis il leur dit adieu. « Il leva les mains et les bénit. Et il arriva qu’au moment où il les bénissait, il se sépara d’eux : une nuée le déroba à leurs yeux. » Le voile des sens se referma sur eux, et il ne fut plus visible. Mais il n’était pas parti. Il était toujours avec eux en [ p. 494 ] présence spirituelle ; et de même, il est avec son peuple pour toujours. Il est avec nous maintenant ; et si nos yeux étaient ouverts, nous le verrions.
« Jésus, ces yeux n’ont jamais vu
Cette forme rayonnante qui est la tienne ;
Le voile du sens pend sombre entre
Ton visage béni et le mien.
« Quand la mort scellera ces yeux mortels.
Et toujours ce cœur qui palpite.
Le voile déchiré te révélera
« Tout glorieux comme Tu l’es. »
Du latin
Ô Christ, victime de l’amour, suspendue haut
Sur l’arbre cruel,
Quelle digne récompense puis-je
Fais de moi mon propre Christ, pour Toi ?
Si je devais verser tout le sang de ma vie
Mille fois pour toi,
Ah ! ce serait encore une trop petite quittance
Pour tout ton amour pour moi.
Ma sueur et mon travail depuis ce jour.
Ma seule vie, qu’elle soit,
Pour t’aimer toujours du mieux que je peux
Et mourir par amour pour toi.
Ac. x. 41 devrait être rendu ainsi : « Dieu l’a donné pour être manifesté, non pas à tout le peuple, mais à des témoins choisis d’avance par Dieu, à nous qui avons mangé et bu avec lui (comme ses compagnons familiers pendant les jours de sa chair) après sa résurrection des morts. » ↩︎