[p. ix]
Ce deuxième volume complète la traduction des principales Upanishads auxquelles Saṅkara fait appel dans son grand commentaire sur les Vedânta-Sûtras [1], à savoir :
Ces onze ont parfois été appelées [2] les anciennes et authentiques Upanishads, bien que je me contenterais de les appeler les onze Upanishads classiques, ou les Upanishads fondamentales de la philosophie Vedânta.
Vidyâranya [3], dans son « Élucidation de la signification de toutes les Upanishads », Sarvopanishadarthânubhûti-prakâsa, se limite également à ces traités, abandonnant cependant l’Îsâ et ajoutant le Maitrâyana-upanishad, dont j’ai donné une traduction dans ce volume, et le Nrisimhottara-tapanîya-upanishad, dont la traduction a dû être réservée pour le volume suivant.
[p. x]
Il est plus difficile de déterminer lesquelles des Upanishads ont été choisies par Saṅkara ou méritent l’honneur d’un commentaire particulier. Nous possédons ses commentaires sur les onze Upanishads mentionnées précédemment [4], à l’exception de la Kaushîtaki [5]-upanishad. Nous possédons également son commentaire sur la Mândûkya-upanishad, mais nous ne savons pas avec certitude s’il a laissé des commentaires sur les autres Upanishads. Des affirmations plus ou moins autorisées ont été avancées selon lesquelles il aurait écrit des commentaires sur certaines Upanishads mineures, telles que les Atharvasiras, l’Atharva-sikhâ et le Nrisimhatâpanî [6]. Mais comme, outre Saṅkarâkârya, le disciple de Govinda, il y a Saṅkarânanda, le disciple d’Ânandâtman, un autre auteur de commentaires sur les Upanishads, il est possible que les deux noms aient été confondus par des copistes moins soigneux [7].
En ce qui concerne le Nrisimhatâpanî, toute incertitude semble avoir été levée, après que le professeur Râmamaya Tarkaratna a effectivement publié son texte avec le commentaire de Saṅkarâkârya dans la Bibliotheca Indica, Calcutta, 1871. Mais une certaine incertitude demeure encore. Alors qu’à la fin de chaque Khanda du Nrisimha-pûrvatâpanî nous lisons que le Bhâshya est l’œuvre du Paramahamsa-parivrâgakâkârya Srî-Saṅkara, l’élève de Govinda, nous n’avons aucune information de ce genre pour le Nrisimha-uttaratâpanî, mais on nous dit au contraire que les mots Srî-Govindabhagavat etc. ont été ajoutés à la fin par l’éditeur, parce qu’il a jugé bon de le faire. Ceci est, pour le moins, très suspect, et nous devons attendre une confirmation ultérieure. Il existe un autre commentaire sur cette Upanishad par Nârâyanabhatta, le fils de Bhatta Ratnâkara [8], qui est bien connu comme l’auteur de Dîpikâs sur plusieurs Upanishads.
[p. xi]
Je joins une liste de trente des plus petites Upanishads, publiées par le professeur Râmamaya Tarkaratna dans la Bibliotheca Indica, avec les commentaires de Nârâyanabhatta.
1. Sira-upanishad, | pp. 1-10; | Dîpikâ de Nârâyana, pp. 42-60. |
2. Garbha-upanishad, | pp. 11-15; | pp. 60-73 |
3. Nâdavindu-upanishad, | pp. 15-17; | pp. 73-78. |
4. Brahmavindu-upanishad, | pp. 18-20; | pp. 78-82. |
5. Amritavindu-upanishad, | pp. 21-25; | pp. 83-101 |
6. Dhyanavindu-upanishad, | pp. 26-28; , pp. 102-114 | |
7. Tegovindu-upanishad, | pp. 29-30; | pp. 114-118. |
8. Yogasikhâ-upanishad, | pp. 31-32; | pp. 118-122. |
9. Yogatattva-upanishad, | pp. 33-34; | pp. 122-127. |
10. Sannyâsa-upanishad, | pp. 35-39; | pp. 128-184 |
11. Âruneya-upanishad, | pp. 39-41; | pp. 184-196. |
12. Brahmavidyâ-upanishad, | pp. 197-203; | ibidem. |
13. Kshurikâ-upanishad, | pp. 203-218; | |
14. Kûlikâ-upanishad, | pp. 219-228; | |
15. Atharvasikhâ-upanishad, | pp. 229-238; | |
16. Brahma-upanishad, | pp. 239-259; | |
17. Prânâgnihotra-upanishad, | pp. 260-271; | |
18. Nîlarudra-upanishad, | pp. 272-280; | |
19. Kan_thas_ruti-upanishad, | pp. 281-294; | |
20. Pinda-upanishad, | pp. 295-298; | |
21. Atma-upanishad, | pp. 299-303; | |
22. Ramapurvatapanaya-upanishad, | pp. 304-358; | |
23. Ramottaratāpanīya-upanishad, | pp. 359-384; | |
24. Hanumadukta-Râma-upanishad, | pp. 385-393; | |
25. Sarvopanishat-sârah, | pp. 394-404; | |
26. Hamsa-upanishad, | pp. 404-416; | |
27. Paramahamsa-upanishad, | pp. 417-436; , | |
28. Gâbâla-upanishad, | pp. 437-455; | |
29. Kaivalya Upanishad, | pp. 456-464; | |
Kaivalya-upanishad, | pp. 465-479; | Dîpikâ de Saṅkarânanda, |
30. Garuda-upanishad, | pp. 480 seq.; | Dipikâ par Nârâyana, |
[p. xii]
Nous devons au même éditeur dans les premiers numéros de la Bibliotheca les éditions suivantes :
Nrisimhapûrvatâparî-upanishad, avec commentaire.
Nrisimhottaratâpanî-upanishad, avec commentaire.
Shatkakra-upanishad, avec un commentaire de Nârâyana.
Enfin, Harakandra Vidyâbhûshana et Visvanâtha Sâstrî ont publié dans la Bibliotheca Indica une édition de la Gopâlatâpanî-upanishad, avec un commentaire de Visvesvara.
Ces éditions du texte et des commentaires des Upanishads sont sans doute très utiles, mais il existe de nombreux passages où le texte est douteux, et encore plus où les commentaires nous laissent sans aucune aide.
Quoi que d’autres érudits puissent penser de la difficulté de traduire les Upanishads, je ne peux que répéter ce que j’ai déjà dit : je connais peu de textes sanskrits présentant des difficultés plus redoutables pour le traducteur que ces traités philosophiques. On peut dire que la plupart d’entre eux avaient déjà été traduits. Sans aucun doute, et une comparaison attentive de ma propre traduction avec celles de mes prédécesseurs montrera, je crois, qu’un léger progrès a été accompli vers une meilleure compréhension de ces textes anciens. Mais je sais pertinemment qu’il reste encore beaucoup à faire, tant pour rétablir un texte correct que pour découvrir le sens originel des Upanishads ; et j’ai dû à maintes reprises traduire certains passages, en essayant seulement, ou en suivant les commentateurs, tout en étant conscient que le sens qu’ils extrayaient du texte ne pouvait être le bon.
Quant au texte, j’ai expliqué dans ma préface au premier volume que je n’avais tenté que de le restituer tel qu’il devait exister à l’époque où Saṅkara rédigea ses commentaires. Saṅkara ayant vécu au IXe siècle après J.-C. [9] et ne possédant aucun manuscrit d’une date aussi ancienne, toutes les exigences raisonnables de la critique textuelle semblent ainsi satisfaites. Or, ce n’est pas tout à fait le cas. Nous pouvons tracer une telle ligne et nous y tenir pour le moment, mais les chercheurs qui entreprendront ultérieurement l’étude des Upanishads devront probablement aller plus loin. Lorsque j’ai eu l’occasion de comparer d’autres commentaires, outre ceux de Sankara, il est devenu évident qu’ils suivaient souvent un texte différent, et lorsque, comme dans le cas du Maitrâyana-brâhmana-upanishad, j’ai pu collationner des copies provenant du sud de l’Inde, l’opinion que j’ai souvent exprimée sur la grande valeur des manuscrits du Sud a été à nouveau confirmée. L’étude de Grantha et d’autres manuscrits du Sud inaugurera, je crois, une nouvelle période dans le traitement critique des textes sanskrits, et le texte des Upanishads bénéficiera, je l’espère, tout autant que les textes ultérieurs des trésors encore cachés dans les bibliothèques du Dekhan.
La règle que j’ai moi-même suivie, et que j’ai demandé à mes collègues traducteurs de suivre, a également été respectée dans ce nouveau volume : lorsqu’il faut choisir entre ce qui n’est pas tout à fait fidèle et ce qui n’est pas tout à fait anglais, il faut renoncer sans hésitation à l’idiome plutôt qu’à l’exactitude de la traduction. Je sais que tous les érudits sérieux ont approuvé cette règle, et si certains de nos critiques ont été offensés par certaines expressions non idiomatiques présentes dans nos traductions, je peux simplement dire que nous leur serons toujours très reconnaissants de bien vouloir suggérer des traductions non seulement fidèles, mais aussi idiomatiques. Pour le but que nous poursuivons, une traduction brute mais fidèle nous semble plus utile qu’une traduction lisse mais trompeuse.
Cependant, nous nous sommes également exposés à un autre type de reproche, celui de ne pas avoir parfois été suffisamment littéraux. Il est impossible de débattre de ces questions de manière générale, mais tout traducteur sait que, dans de nombreux cas, une traduction littérale peut véhiculer un sens totalement erroné. Je vais en citer au moins un exemple.
Mon vieil ami, M. Nehemiah Goreh – du moins j’espère qu’il me permettra encore de l’appeler ainsi –, dans ses « Documents occasionnels sur des sujets missionnaires », première série, n° 6, cite, p. 39, un passage de la Khândogya-upanishad, le traduit en anglais, puis remarque que je ne l’ai pas traduit correctement. Mais la faute me semble entièrement imputable à lui, qui a tenté de traduire un passage sans considérer l’ensemble du chapitre dont il fait partie. M. Nehemiah Goreh cite à juste titre le début de l’histoire lorsqu’il raconte qu’un jeune homme du nom de Svetaketu se rendit, sur les conseils de son père, chez un maître pour étudier sous sa direction. Après avoir passé douze ans, comme c’était la coutume, avec ce maître, il apparut, à son retour, plutôt exalté. Son père lui demanda alors :
Comment pouvez-vous ouvrir votre cœur pour pouvoir aimer et être aimé, et ne pas avoir peur d’être attaqué par l’ennemi ?
J’ai traduit ceci : « Avez-vous jamais demandé cette instruction par laquelle nous entendons ce qui ne peut être entendu, par laquelle nous percevons ce qui ne peut être perçu, par laquelle nous connaissons ce qui ne peut être connu ? »
M. Nehemiah Goreh traduit : « As-tu demandé (à ton maître) cet enseignement par lequel ce qui n’est pas entendu devient entendu, ce qui n’est pas compris devient compris, ce qui n’est pas connu devient connu ? »
Je ne m’opposerai pas à mon ami pour avoir traduit « homme » par « comprendre » plutôt que par « percevoir ». Je préfère ma propre traduction, car manas est un côté du sensoriel commun (antahkarana), buddhi, l’autre ; la différence originelle entre les deux étant, autant que je puisse en juger, que le manas traitait à l’origine des percepts, le buddhi des concepts [10]. Mais la principale différence sur laquelle mon critique insiste est que j’ai traduit asrutam, amatam et avig_ñ_âtam non par « non entendu, non compris, non connu », mais par « ce qui ne peut être entendu, ce qui ne peut être perçu, ce qui ne peut être connu ».
Or, avant de trouver à redire, pourquoi ne s’est-il pas demandé quelle raison j’avais pu avoir de m’écarter de l’original et de traduire avigñâta par inconnaissable ou [p. xv] ce qui ne peut être connu, plutôt que par inconnu, comme chacun serait enclin à traduire ces mots à première vue ? S’il l’avait fait, il aurait vu en un instant que sans le changement que j’ai introduit dans l’idiome, la traduction n’aurait pas rendu le sens de l’original, voire n’en aurait rendu aucun. Qu’aurait répondu Svetaketu, si son père lui avait demandé s’il n’avait pas demandé cette instruction par laquelle ce qui n’est pas entendu devient entendu, ce qui n’est pas compris devient compris, ce qui n’est pas connu devient connu ? Il aurait répondu : « Oui, je l’ai demandée ; et depuis le premier jour où j’ai appris le Sikshâ, l’ABC, j’ai chaque jour entendu quelque chose que je n’avais jamais entendu auparavant, j’ai compris quelque chose que je n’avais jamais compris auparavant, j’ai su quelque chose que je ne savais pas auparavant. Alors pourquoi répond-il : « Quelle est cette instruction ? » M. Nehemiah Goreh savait sûrement que l’instruction à laquelle le père fait référence est l’instruction concernant Brahman, et que dans tout ce qui suit, le père essaie de conduire son fils par petits pas à la connaissance de Brahman [11]. Or, Brahman est appelé à maintes reprises « ce qui ne peut être vu, ne peut être entendu, ne peut être perçu, ne peut être conçu », au sens ordinaire de ces mots ; cela ne peut être appris, en fait, que par le Véda [12]. C’est pour faire ressortir ce sens que j’ai traduit asrutam non pas par « pas entendu », mais par « pas audible », ou, en meilleur anglais, par « ce qui ne peut pas être entendu [13] ».
[p. xvi]
Tout érudit classique sait combien souvent nous devons traduire invictus par invincible, et comment le latin tolère même invictissimus, que nous ne pourrions jamais rendre en anglais par « le plus invaincu », mais par « l’invincible ». L’idiome anglais et le bon sens exigeaient donc que avig_ñ_âta soit traduit, non par inconceived, mais par inconceivable, si la traduction devait être fidèle et donner au lecteur une idée correcte de l’original.
Examinons maintenant quelques autres traductions, pour voir si les traducteurs se sont contentés de traduire littéralement, ou s’ils ont tenté de traduire de manière réfléchie.
La traduction d’Anquetil Duperron, étant en latin, ne peut pas nous aider beaucoup. Il traduit : « Ce qui n’est pas entendu, qu’il soit entendu ; et ce qui n’est pas connu, est connu ; et ce qui n’est pas connu, est connu.
Rajendralal Mitra traduit : « Avez-vous interrogé votre tuteur sur ce sujet qui fait entendre l’inouï, considérer l’inconsidéré et régler l’incertain ? »
Il savait évidemment que Brahman était visé, mais sa traduction des trois verbes n’est pas exacte.
M. Gough (p. 43) traduit : « As-tu demandé cette instruction par laquelle l’inouï devient entendu, l’impensé pensée, l’inconnu connu ? »
Mais consultons maintenant un érudit qui, à un degré très marqué, a toujours été un traducteur réfléchi, qui ressentait un réel intérêt pour le sujet et ne s’est donc jamais satisfait de simples mots, aussi plausibles soient-ils. Le regretté Dr Ballantyne, dans sa traduction du Vedânta-Sâra [14], a eu l’occasion de traduire ce passage du Khândogya-upanishad, et comment l’a-t-il traduit ? « L’éloge du sujet est la glorification de ce qui est exposé dans telle ou telle section (du Véda) ; comme, par exemple, dans cette même section, le sixième chapitre du Khândogya-upanishad, la glorification du Réel, en dehors duquel il n’y a rien d’autre, dans les termes suivants : « Toi, ô disciple, tu as demandé cette instruction par laquelle l’inouï devient entendu, l’inconcevable [p. xvii] devient conçu, et l’inconnaissable devient parfaitement connu.
Le Dr Ballantyne ressentait donc exactement ce que je ressentais, à savoir que dans notre passage une traduction strictement littérale serait erronée, ne transmettrait aucun sens, ou un sens erroné ; et M. Nehemiah Goreh verra qu’il ne devrait pas exprimer de blâme, sans essayer de découvrir si ceux qu’il blâme pour manque d’exactitude, n’étaient pas en réalité plus scrupuleusement exacts dans leur traduction qu’il ne l’a lui-même prouvé.
M. Nehemiah Goreh possède sans aucun doute de grands atouts pour interpréter les Upanishads, et lorsqu’il écrit sans parti pris théologique, ses remarques sont souvent très utiles. Ainsi, il s’oppose à juste titre, je pense, à ma traduction d’une phrase du même chapitre du Khândogya-upanishad, où le père, en réponse à la question de son fils, répond : « Sad eva, Somya, idam agra âsîd ekam evâdvitîyam. » J’avais essayé plusieurs traductions de ces mots, et pourtant je constate maintenant que celle que j’ai finalement proposée risque d’être mal comprise. J’avais traduit : « Au commencement, ma chère, il n’y avait que cela qui est, un seul, sans second. » La traduction la plus fidèle aurait été : « L’être seul était ceci au commencement. » Mais « l’être » ne signifie pas en français ce qui est, τὸ ὄν, et donc, pour éviter tout malentendu, j’ai traduit par « ce qui est ». J’aurais pu dire, cependant, « L’existant, le réel, le vrai (satyam) était ceci au commencement », tout comme dans l’Aitareya-upanishad nous lisons : « Le Soi était tout cela, un seul, au commencement [15]. » Mais dans ce cas, j’aurais dû sacrifier le genre, et cela dans notre passage est d’une grande importance, étant neutre, et non masculin.
Ce qui est cependant bien plus important, et sur lequel M. Nehemiah Goreh me semble avoir mal compris le sanskrit original, c’est que sat, τὸ ὄν et âtmâ, le Soi, sont les sujets de ces phrases, et non des prédicats. Or, M. Nehemiah Goreh traduit : « Ceci était l’un existant lui-même auparavant, un seulement sans second » ; et il explique : « Cet univers, avant de se développer sous sa forme actuelle, était l’un existant, Brahma, lui-même. » Cela ne peut être. Si « idam », c’est-à-dire le monde visible, était le sujet, comment l’Upanishad pourrait-elle continuer et dire : tad aikshata bahu syâm pragâyeyeti tat tego 'srigata, « cette pensée, puissé-je être multiple, puissé-je croître. Elle a envoyé le feu. » Ceci ne peut être dit que du Sat, c’est-à-dire du Brahman [16]. Sat est donc le sujet, et non l’idam, car un védantiste peut bien dire que Brahman est le monde, ou a envoyé le monde, mais non que le monde, qui n’est qu’une simple illusion, était, au commencement, Brahman.
Cela devient encore plus clair dans un autre passage, Maitr. Up. VI, 17, où nous lisons : Brahma ha vâ idam agra âsîd eko 'nantah, ‘Au commencement, Brahman était tout cela. Il était un et infini.’ Ici, la transition du genre neutre au genre masculin montre que seul Brahman peut être le sujet, aussi bien dans la première que dans la deuxième phrase.
En français, il peut sembler peu important de dire « Brahman était ceci » ou « ceci était Brahman ». En sanskrit aussi, on trouve : Brahma khalv idam vâva sarvam, « Brahman est vraiment tout cela » (Maitr. Up. IV, 6), et Sarvam khalv idam Brahma, « tout cela est vraiment Brahman » (Khând. Up. III, 14, 1). Mais le sens logique est toujours que Brahman était tout cela, c’est-à-dire tout ce que nous voyons maintenant, Brahman étant le sujet, idam le prédicat. Brahman devient idam, et non idam Brahman.
Ainsi le Pa_ñ_kadasî, I, 18 ans, dit :
Ekâdasendriyair yuktyâ sâstrenâpy avagamyate
Yâvat kimkid bhaved etad idamsabdoditam gagat,
que M. A. Venis (Pandit, V, p. 667) traduit ainsi : « Tout ce qui peut être appréhendé par les onze organes, par l’argumentation et la révélation, c’est-à-dire le monde des phénomènes, est exprimé par le mot idam, ceci. » Le Pa_ñ_kadasî poursuit ensuite :
Je suis sûr que vous serez sauvés
Triste evâsîn namarûpe nâstâm ity Aruner vakah.
Ceci, traduit par M. Venis : « Avant la création, tout ceci [p. xix] était l’existant (sat), un seulement sans second : le nom et la forme n’existaient pas : — telle est la déclaration du fils d’Aruna. »
C’est sans doute une traduction grammaticalement correcte, mais du point de vue philosophique du Vedânta, ce qui est en réalité signifié est qu’avant le srishti (qui n’est pas la création, mais l’envoi du monde, et son envoi, non pas comme quelque chose de réel, mais comme une simple illusion), le Réel seul, c’est-à-dire le Brahman, était, au lieu de ceci, c’est-à-dire au lieu de ce monde illusoire. L’illusion n’était pas, mais le Réel, c’est-à-dire Brahman, était. Ce qui est devenu, ou ce qui a semblé changer, était Brahman, et donc le seul sujet possible, logiquement, est Brahman, tout le reste étant un prédicat, et seulement un prédicat phénoménal.
Si je devais discuter avec un Européen, et non avec un érudit indien, j’oserais aller plus loin et tenter de prouver que l’idam, dans cette phrase et d’autres phrases similaires, ne signifie pas ceci, c’est-à-dire ce monde, mais qu’il était à l’origine destiné à être un adverbe, signifiant maintenant, ou ici. Cet emploi d’idam, insoupçonné par les érudits autochtones, est très fréquent dans la littérature védique, et on en trouve des exemples dans le dictionnaire de Boehtlingk. Dans ce cas, la traduction serait : « Le réel (τὸ ὄν), ô ami, était ici au commencement. » Ce sens d’idam, cependant, ne s’appliquerait qu’aux premières expressions des anciens brahmavâdins, tandis qu’à des époques plus récentes, idam était utilisé et compris au sens de tout ce qui est vu, l’univers visible, tout comme iyam lui-même est utilisé au sens de la terre.
Cependant, des difficultés de ce genre peuvent être surmontées si l’on parvient à une conception claire de la direction générale des Upanishads. Les véritables difficultés sont d’une nature bien différente. Elles résident dans le nombre extraordinaire de passages qui nous paraissent totalement dénués de sens et irrationnels, ou, du moins, si tirés par les cheveux que nous avons du mal à croire que les mêmes auteurs, capables d’exprimer les pensées les plus profondes sur la religion et la philosophie avec clarté, voire avec une sorte d’éloquence poétique, aient pu débiter dans le même souffle de telles absurdités. Certaines des subtilités sacrificielles et leurs interprétations philosophiques dont regorgent les Upanishads, prendront peut-être avec le temps un sens plus clair, lorsque nous maîtriserons mieux les subtilités du cérémonial védique. Mais il restera toujours dans les Upanishads une grande quantité de ce que nous ne pouvons appeler que du jargon dénué de sens, et dont je me sens, pour ma part, tout à fait incapable d’expliquer la présence dans ces anciennes mines de pensée. « Oui », m’a écrit un ami après avoir lu quelques Livres sacrés d’Orient, « vous avez raison, la Bible est en avance considérable sur les autres livres sacrés. La différence paraît presque injustement grande. » C’est sans doute le cas. Mais certains des croyants et admirateurs les plus honnêtes de la Bible ont exprimé une déception similaire, car ils s’étaient forgé une idée de ce que devrait être un Livre sacré, théoriquement et non historiquement. Le révérend J.M. Wilson, dans ses excellentes Conférences sur la théorie de l’inspiration, p. 32, écrit : « La Bible est si différente de ce à quoi on pourrait s’attendre ; elle ne se compose pas de dictons d’or ni de règles de vie ; elle n’explique pas les problèmes philosophiques et sociaux du passé, du présent et du futur ; Il contient des enseignements infiniment différents de ceux de tout autre livre ; mais il contient de l’histoire, des rituels, de la législation, de la poésie, des dialogues, des prophéties, des mémoires et des lettres ; il contient beaucoup de choses étrangères à votre idée de ce que devrait être une révélation. Mais ce n’est pas tout. Il y a non seulement beaucoup de choses étrangères, mais aussi beaucoup de choses opposées à vos idées préconçues. Les Juifs toléraient l’esclavage, la polygamie et autres coutumes et cruautés d’une civilisation imparfaite. Il y a aussi les psaumes vindicatifs, avec leur haine amère envers les ennemis – des psaumes que nous chantons dans nos églises. Comment pouvons-nous le faire ? Il y a des histoires d’immoralité, de trahison, de crime. Comment pouvons-nous les lire ? Pourtant, la Bible a été et est un livre véritablement sacré, car c’est un livre véritablement historique, car il n’y a rien de plus sacré en ce monde que l’histoire de l’homme, dans sa quête de ses idéaux les plus élevés. Tous les livres anciens qui ont été autrefois qualifiés de sacrés par l’homme auront une place durable dans l’histoire de l’humanité, et ceux qui possèdent le courage, la persévérance et l’abnégation du vrai mineur et du vrai érudit,Ils trouveront même dans les puits les plus sombres et les plus poussiéreux ce qu’ils recherchent : de véritables pépites de pensée et de précieux joyaux de foi et d’espoir.
[p. xxi]
La Katha-upanishad est probablement la plus connue de toutes les Upanishads. Elle a fait partie de la traduction persane, a été traduite en anglais par Râmmohun Roy et a depuis été fréquemment citée par les auteurs anglais, français et allemands comme l’un des spécimens les plus parfaits de la philosophie et de la poésie mystiques des anciens hindous.
C’est en 1845 que j’ai copié pour la première fois à Berlin le texte de cette Upanishad, le commentaire de Saṅkara (MS. 127 Chambers [17]) et la glose de Gopâlayogin (MS. 224 Chambers). Le texte et le commentaire de Saṅkara et la glose d’Ânandagiri ont depuis été édités par le Dr Roer dans la Bibliotheca Indica, avec traduction et notes. Il existe d’autres traductions, plus ou moins parfaites, par Râmmohun Roy, Windischmann, Poley, Weber, Muir, Regnaud, Gough et d’autres. Mais il restait encore de nombreuses parties difficiles et obscures, et j’espère que, dans certains passages au moins où je diffère de mes prédécesseurs, sans excepter Saṅkara, j’ai réussi à rendre le sens original de l’auteur plus intelligible qu’il ne l’a été jusqu’à présent.
Le texte de la Katha-upanishad est attribué au Yagur-veda dans certains manuscrits. Dans le manuscrit Chambers du commentaire, il est également indiqué qu’il appartient à ce Véda [18], et dans le Muktikopanishad, il figure en tête des Upanishads du Yagur-veda noir. Selon Colebrooke (Miscellaneous Essays, 1, 96, note), il est également rattaché au Sâma-veda. Cependant, il est généralement compté parmi les Upanishads Âtharvana.
La raison pour laquelle elle est attribuée au Yagur-veda est probablement que la légende de Nakiketas apparaît dans le Brâhmana du Taittirîya Yagur-veda. On peut y lire (III, 1, 8) :
Vâgasravasa, désirant des récompenses, sacrifia toute sa [p. xxii] richesse. Il eut un fils, appelé Nakiketas. Alors qu’il était encore enfant, la foi entra en lui au moment où les vaches que son père devait offrir aux prêtres furent apportées. Il dit : « Père, à qui me donneras-tu ? » Il le répéta une deuxième et une troisième fois. Le père se retourna et lui dit : « À la mort, je te donne. »
Alors une voix dit au jeune Gautama, tandis qu’il se levait : « Il (ton père) a dit : Va-t’en à la maison de la Mort, je te donne à la Mort. » Va donc vers la Mort quand elle n’est pas là, et demeure chez elle trois nuits sans manger. S’il te demande : « Garçon, combien de nuits es-tu resté ici ? », réponds : « Trois. » S’il te demande : « Qu’as-tu mangé la première nuit ? », réponds : « Ta progéniture. » « Qu’as-tu mangé la deuxième nuit ? », réponds : « Ton bétail. » « Qu’as-tu mangé la troisième nuit ? », réponds : « Tes bonnes œuvres. »
Il alla trouver la Mort, alors qu’il était loin de chez lui, et il demeura dans sa maison pendant trois nuits sans manger. À son retour, la Mort demanda : « Mon garçon, combien de nuits es-tu resté ici ? » Il répondit : « Trois. » « Qu’as-tu mangé la première nuit ? » « Ta progéniture. » « Qu’as-tu mangé la deuxième nuit ? » « Ton bétail. » « Qu’as-tu mangé la troisième nuit ? » « Tes bonnes œuvres. »
Puis il dit : « Mes respects à toi, ô vénérable seigneur ! Choisis une faveur. »
« Puis-je retourner vivant auprès de mon père », dit-il.
« Choisissez un deuxième bienfait. »
« Dis-moi comment mes bonnes œuvres ne périront jamais. »
Il lui expliqua alors ce Nâkiketa feu (sacrifice), et par conséquent ses bonnes œuvres ne périssent pas.
« Choisissez un troisième bienfait. »
« Raconte-moi encore la conquête de la mort. »
Il lui expliqua alors ce feu (sacrifice) Nâkiketa (chef), et ainsi il vainquit à nouveau la mort [19].
Cette histoire, qui dans le Brâhmana est racontée pour expliquer le nom d’une certaine cérémonie sacrificielle appelée [p. xxiii] Nâkiketa, a servi de point d’ancrage aux doctrines de l’Upanishad. Dans sa forme originale, elle n’a peut-être constitué qu’un seul Adhyâya, et le fait même de sa division en deux Adhyâyas pourrait montrer que les compilateurs de l’Upanishad étaient encore conscients de son origine progressive. Nous n’avons cependant aucun moyen de déterminer sa forme originale, et nous ne serions même pas fondés à soutenir que le premier Adhyâya ait jamais existé seul, et que le second ait été ajouté beaucoup plus tard. Quels qu’aient pu être ses éléments constitutifs avant qu’elle ne soit une Upanishad, lorsqu’elle était une Upanishad, elle se composait de six Vallîs, ni plus ni moins.
Le nom de vallî, littéralement « plante grimpante », comme subdivision d’une œuvre védique, est important. Il apparaît à nouveau dans les Taittirîya Upanishads. Le professeur Weber pense que vallî, « plante grimpante », au sens de chapitre, est basé sur une métaphore moderne et désignait principalement une plante grimpante, rattachée aux sâkhâs ou branches du Véda [20]. Il est plus probable, cependant, qu’il ait été utilisé dans le même sens que parvan, une articulation, une pousse, une branche, c’est-à-dire une division.
Diverses tentatives ont été faites pour distinguer les parties les plus modernes des plus anciennes de nos Upanishads [21]. Il existe sans doute des particularités de métrique, de grammaire, de langue et de pensée qui indiquent le caractère plus primitif ou plus moderne de certains versets. Il y a des répétitions qui nous offensent, et plusieurs passages sont clairement empruntés à d’autres Upanishads, où ils semblent avoir eu leur place d’origine. Il y a trente-cinq ans, lorsque j’ai commencé à travailler sur cette Upanishad, je n’ai vu aucune difficulté à rétablir ce que je pensais être le texte original de l’Upanishad. J’ai maintenant le sentiment que nous en savons si peu sur l’époque et les circonstances de la première compilation de ces Upanishads, mi-prose, mi-métriques, que j’hésiterais à le faire. xxiv] avant d’expulser même les lignes les plus modernes du contexte original de ces essais védantiques [22].
La mention de Dhâtri, créateur, par exemple (Kath. Up. II, 20), est certainement surprenante et semble avoir donné lieu à une correction conjecturale très ancienne. Mais dhâtri et vidhâtri apparaissent dans les hymnes du Rig-veda (X, 82, 2) et dans les Upanishads (Maitr. Up. VI, 8) ; et Dhâtri, presque comme une divinité personnelle, est invoqué avec Pragâpati dans le Rig-veda X, 184, I. Deva, au sens de Dieu (Kath. Up. II, 12), est tout aussi étrange, mais apparaît également dans d’autres Upanishads (Maitr. Up. VI, 23 ; Svetâsv. Up. I, 3). On pourrait dire beaucoup de choses sur setu, pont (Kath. Up. III, 2 ; Mund. Up. II, 2, 5), âdarsa, miroir (Kath. Up. VI, 5), comme étant caractéristiques d’une époque ultérieure. Mais setu n’est pas un pont, au sens où nous l’entendons, mais plutôt un mur, une berge, une barrière, et il apparaît fréquemment dans d’autres Upanishads (Maitr. Up. VII. 7 ; Khând. Up. VIII, 4 ; Birih. Up. IV, 4, 22, etc.), tandis que les âdarsas, ou miroirs, sont mentionnés dans le Birihadâranyaka et les Srauta-sûtras. Tant que nous n’en saurons pas davantage sur la date de la première et de la dernière composition ou compilation des Upanishads, comment pouvons-nous savoir quels sujets et quelles idées le premier auteur ou le dernier collectionneur connaissait ? Tenter l’impossible peut paraître courageux, mais ce n’est guère érudit.
Quant aux lectures erronées ou irrégulières, nous ne pouvons jamais savoir si elles sont dues aux compositeurs originaux, aux compilateurs, aux répétiteurs ou, enfin, aux rédacteurs des Upanishads. Il est facile de dire qu’adresya (Mund. Up. I, 1, 6) devrait être adrisya ; mais qui oserait corriger cette forme ? Chaque fois que ce verset est cité, il l’est avec adresya, et non adrisya. Les commentateurs eux-mêmes nous disent parfois que certaines formes sont soit védiques, soit dues à la négligence (pramâdapâtha) ; mais ce fait même montre qu’une forme telle que samîyâta (Khând. Up. I, 12, 3) repose sur une autorité ancienne.
Sans aucun doute, si nous possédons le texte original d’un auteur et pouvons prouver que ce texte a été corrompu par des compilateurs ultérieurs [p. xxv], des copistes ou des imprimeurs, nous avons le droit de supprimer ces modifications ultérieures, qu’il s’agisse d’améliorations ou de corruptions. Mais lorsque, comme dans notre cas, nous ne pouvons jamais espérer accéder aux documents originaux, et que nous ne pouvons qu’espérer, en soulignant ce qui est nettement plus moderne que le reste, voire erroné, se faire une idée approximative de ce que le compositeur original a pu avoir en tête, avant de remettre sa composition à la garde de la tradition orale, c’est presque un devoir de décourager, autant que possible, le travail de reconstruction d’un texte ancien par des corrections dites conjecturales ou des omissions critiques.
Je ne doute guère, par exemple, que les trois versets 16 à 18 de la première Vallî de la Katha-upanishad soient des ajouts ultérieurs, mais je ne m’aventurerais pas pour autant à les supprimer. La Mort avait accordé trois bienfaits à Nakiketas, et pas plus. Dans une partie ultérieure, cependant, de l’Upanishad (II, 3), on trouve l’expression sriṅkâ vittamayî, que j’ai traduite par « la route qui mène à la richesse ». Comme il est dit que Nakiketas n’a pas choisi ce sriṅkâ, un lecteur a dû supposer qu’un sriṅkâ lui avait été offert par la Mort. Cependant, Sriṅkâ désignait communément un collier, d’où l’idée que la Mort avait dû offrir un collier en cadeau supplémentaire à Nakiketas. Outre cela, Mrityu rendit un autre honneur à Nakiketas : il permit que le sacrifice qu’il lui avait enseigné soit appelé de son nom. On supposait que cela aussi aurait dû être mentionné clairement auparavant, d’où l’insertion des trois versets 16 à 18. Ils sont maladroits, car après punar evâha, « il dit encore », le verset 16 n’aurait pas dû commencer par tam abravît, « il lui dit ». Elles ne contiennent rien de nouveau, car le fait que le sacrifice doit être appelé d’après Nakiketas était suffisamment indiqué par le verset 19 : « Ceci, ô Nakiketas, est ton feu qui mène au ciel, que tu as choisi comme ton second don. » Mais l’interpolateur était si désireux de faire comprendre à ses auditeurs que le sacrifice porterait désormais ce nom, qu’en dépit du mètre, il inséra tavaiva, « de toi seul », au verset 19.
[p. xxvi]
Ceci est une Upanishad de l’Atharva-veda. C’est une Mantra-upanishad, c’est-à-dire qu’elle a la forme d’un Mantra. Mais, comme l’observent les commentateurs, bien qu’écrite en vers, elle ne doit pas, comme les autres Mantras, être utilisée à des fins sacrificielles. Son seul but est d’enseigner la connaissance suprême, la connaissance de Brahman, qui ne peut être obtenue ni par les sacrifices ni par le culte (upâsana), mais uniquement par l’enseignement dispensé dans l’Upanishad. On peut retenir cent fois sa respiration, etc., mais sans l’Upanishad, son ignorance ne cesse pas. Il n’est pas non plus juste de s’adonner éternellement à des sacrifices ou à d’autres bonnes œuvres si l’on souhaite acquérir la connaissance suprême de Brahman. Seul le Sannyâsin, qui a tout renoncé, est qualifié pour connaître et devenir Brahman. Et bien qu’il puisse sembler, d’après les légendes védiques, que les Grihasthas, qui continuaient à vivre avec leurs familles, accomplissant tous les devoirs que la loi leur imposait, possédaient le plus haut savoir, ceci, nous dit-on, est une erreur. Œuvres et savoir peuvent être aussi insignifiants ensemble que l’obscurité et la lumière.
Cette Upanishad a également été souvent traduite depuis sa première parution dans la traduction persane de Dârâ Shukoh. Mon propre exemplaire du texte et du commentaire de Saṅkara, extrait du manuscrit de la collection Chambers, a été réalisé en octobre 1844. Ces deux ouvrages sont désormais plus facilement accessibles à la Bibliotheca Indica, où le Dr Roer a publié le texte, le commentaire de Saṅkara, une glose d’Ânandag_ñ_âna et une traduction anglaise annotée.
Le titre de l’Upanishad, Mundaka, n’a pas encore été expliqué. L’Upanishad s’appelle Mundaka-upanishad, et ses trois chapitres sont chacun appelés Mundakam. Les commentateurs autochtones l’expliquent comme l’Upanishad du rasage, c’est-à-dire l’Upanishad qui coupe les erreurs de l’esprit, comme un rasoir. Une autre Upanishad est également appelée Kshurikâ, le rasoir, un nom qui est expliqué dans le texte lui-même comme [p. xxvii] signifiant un instrument pour éliminer l’illusion et l’erreur. Le titre est d’autant plus étrange que Mundaka, dans son acception la plus courante, est utilisé comme un terme de reproche pour les mendiants bouddhistes, appelés « Rasés », par opposition aux brahmanes, qui coiffent leurs cheveux avec soin et affichent souvent par leur coiffure particulière leur famille ou leur rang. De nombreuses doctrines des Upanishads relèvent sans aucun doute du bouddhisme pur, ou plutôt le bouddhisme est, sur de nombreux points, la mise en pratique cohérente des principes énoncés dans les Upanishads. Pourtant, pour cette raison même, il semble impossible que ce soit l’origine du nom, à moins de supposer qu’il soit l’œuvre d’un homme qui était, en un sens, un Mundaka, et pourtant fidèle à la loi brahmanique.
La Taittirîyaka-upanishad semble avoir trouvé sa place originelle dans la Taittirîya-Âranyaka. Cette Âranyaka se compose, comme Rajendralal Mitra l’a montré dans l’introduction de son édition de l’ouvrage parue dans la Bibliotheca Indica, de trois parties. Parmi ses dix Prapâthakas, les six premiers forment l’Âranyaka proprement dit, ou le Karma-kânda, comme l’écrit Sâyana. Viennent ensuite les Prapâthakas VII, VIII et IX, formant la Taittirîyaka-upanishad ; et enfin, le dixième Prapâthaka, le Yâg_ñ_ikî ou Mahânârâyana-upanishad, qui est appelé un Khila, et qui était donc considéré par les Brahmanes eux-mêmes comme une œuvre ultérieure et supplémentaire.
Saṅkara, dans son commentaire sur la Taittirîyaka-upanishad, divise son ouvrage en trois Adhyâyas, et appelle la première Sikshâ-vallî, la seconde Brahmânanda-vallî, tandis qu’il ne donne aucun nom particulier à l’Upanishad expliquée dans la troisième Adhyâya. Ceci, cependant, peut être dû à un simple accident, car chaque fois que la division de la Taittirîyaka-upanishad en Vallîs est mentionnée, nous en avons toujours trois [23], la [p. xxviii] Sikshâ-vallî, la Brahmânanda-vallî et la Bhrigu-vallî [24]. À proprement parler, cependant, c’est seulement le deuxième Anuvâka du septième Prapâthaka qui mérite et reçoit dans le texte lui-même le nom de Sikshâdhyâya, tandis que le reste de la première Vallî devrait être appelé Samhitâ-upanishad [25], ou Sâmhitî-upanishad.
Sâyana [26], dans son commentaire sur le Taittirîya-âranyaka, explique le septième chapitre, le Sikshâdhyâya (douze anuvâkas), comme étant le Sâmhitî-upanishad. Son commentaire, cependant, est appelé Sikshâ-bhâshya. Le même Sâyana traite les huitième et neuvième Prapâthakas comme étant le Vâruny-upanishad [27].
L’Ânanda-vallî et le Bhrigu-vallî sont cités parmi les Upanishads de l’Âtharvana [28].
À la fin de chaque Vallî se trouve un index des Anuvâkas qu’elle contient. Celui de la fin de la première Vallî est intelligible. Il donne les Pratîkas, c’est-à-dire les mots initiaux, de chaque Anuvâka, et indique leur nombre à douze. À la fin du premier Anuvâka, nous avons les derniers mots « satyam vadishyâmi » et pa_ñ_ka ka, c’est-à-dire cinq courts paragraphes à la fin. À la fin du deuxième Anuvâka, où nous attendons les derniers mots, nous avons l’initiale, c’est-à-dire sîkshâm, puis pa_ñ_ka, c’est-à-dire cinq sections de l’Anuvâka. À la fin du troisième Anuvâka, nous avons les derniers mots, mais aucun nombre de sections. À la fin du quatrième Anuvâka, nous avons les derniers mots des trois sections, suivis d’un paragraphe ; À la fin du cinquième Anuvâka, trois derniers mots et deux paragraphes, bien que le premier paragraphe appartienne clairement à la troisième section. Dans le sixième Anuvâka, nous avons les derniers mots des deux Anuvâkas et un paragraphe. Dans le septième Anuvâka, il y a le dernier mot [p. xxix] sarvam et un paragraphe ajouté. Dans le huitième Anuvâka, nous avons le mot initial et le nombre de sections, à savoir dix. Dans le neuvième Anuvâka, il y a les derniers mots d’une section et six paragraphes. Dans le dixième Anuvâka, il y a le mot initial et le nombre de paragraphes, à savoir six. Dans le onzième Anuvâka, nous avons les derniers mots de quatre sections et sept paragraphes, le premier faisant à nouveau partie intégrante de la dernière section. Le douzième Anuvâka comporte une section et cinq paragraphes. S’il y en a cinq, alors le sânti devrait être inclus ici, tandis que, d’après ce qui est dit ensuite, il est clair que comme le premier mot de la Vallî est sam nah, ainsi le dernier est vaktâram.
Dans la deuxième Vallî, l’index de chaque Anuvâka est donné à la fin de la Vallî.
1er Anuvâka : pratîka : brahmavid, et quelques autres mots clés : idam, ayam, idam. Nombre de sections : 21.
2e Anuvâka : pratîka : annâd, et autres mots clés ; dernier mot, pukkha. Sections, 26.
3e Anuvâka : pratîka : prânam, et autres mots clés ; dernier mot, pukkha. Sections, 22.
4e Anuvâka : pratîka : yatah et autres mots clés ; dernier mot, pukkha. Sections, 18.
5e Anuvâka : pratîka : vig_ñ_anam, et autres mots clés ; dernier mot, pukkha. Sections, 22.
6e Anuvāka : pratîka : asanneva, puis atha (deest dans Taitt. Âr. 7). Articles, 28.
7ème Anuvāka : pratique : asat. Sections, 16.
8e Anuvāka : pratique : bhîshâsmât, et autres mots clés ; dernier mot, upasaṅkrāmati. Articles, 51.
9e Anuvâka : pratîka : yatah\—kutaskana ; puis tam (deest en ar. taitt.). Sections, 11.
Dans la troisième Vallî se trouve l’Anukramanî au fond.
1. Le premier mot, bhriguh, et quelques autres mots clés. Sections, 13.
2. Le premier mot, annam. Sections, 12
3. Le premier mot, prânam. Sections, 12.
4. Le premier mot, manah. Sections, 12.
5. Le premier mot, vigñ_ânam, et quelques autres mots. Sections, 12. p. xxx
6. Le premier mot, ânanda, et quelques autres mots. Sections, 10.
7. Les premiers mots, annam na nindyât, prânah, sarîram. Sections, 11.
8. Les premiers mots, annam na parikakshîta, âpo gyotih. Sections, 11.
9. Les premiers mots, annam bahu kurvîta prithivîm âkâsa. Sections, 11.
10. Les premiers mots, na ka_ñkana. Sections 61. Les derniers mots de chaque section sont donnés pour le dixième Anuvâka.
Cette Upanishad a été si souvent éditée et discutée qu’elle n’appelle aucune remarque particulière. Elle fait partie du Satapatha-brâhmana. Dans le Mâdhyandina-sâkhâ de ce Brâhmana, édité par le professeur Weber, l’Upanishad, composée de six adhyâyas, commence par le quatrième adhyâya (ou troisième prapâthaka) du quatorzième livre.
Il existe un commentaire sur le Brihadâranyaka-upanishad par Dvivedasrînârâyanasûnu Dvivedagaṅga, qui a été soigneusement édité par Weber dans sa grande édition du Satapatha-brâhmana à partir d’un manuscrit de la Bibliothèque Bodléienne, appartenant autrefois au Dr Mill, dans lequel l’Upanishad est appelée Mâdhyandinîya-brâhmana-upanishad.
Dans le Kânva-sâkhâ, le Birihadâranyaka-upanishad constitue le dix-septième livre du Satapatha-brâhma, composé de six adhyâyas.
Comme le commentaire de Sâṅkara et la glose d’Ânandatîrtha, éditée par le Dr Roer dans la Bibliotheca Indica, suivent le Kânva-sâkhâ, j’ai suivi le même texte dans ma traduction.
Outre l’édition du texte, le commentaire et la glose de cette Upanishad par le Dr Roer, il existe l’édition de Poley. Il existe également une traduction du texte par le Dr Roer, avec de larges extraits du commentaire de Saṅkara.
[p. xxxi]
Le Svetâsvatara-upanishad a été transmis comme l’une des trente-trois Upanishads des Taittirîyas, et bien que cela ait été mis en doute, aucun argument réel n’a jamais été avancé pour invalider la tradition qui le présente comme appartenant au Taittirîya ou Black Yagur-veda.
On l’appelle parfois Svetâsvatarânâm Mantropanishad (p. 274), et on l’utilise fréquemment au pluriel, comme Svetâsvataropanishadah. À la fin du dernier Adhyâya, nous lisons que Svetâsvatara l’a raconté aux meilleurs ermites, et qu’il devait être gardé secret, et ne pas être enseigné à quiconque, sauf à un fils ou à un élève régulier. On l’appelle aussi Svetâsva [29], bien que, semble-t-il, pour des raisons de mètre seulement. Les Svetâsvataras sont mentionnés comme un Sâkha [30], subordonné aux Karakas ; mais de la littérature qui leur appartient en particulier, rien n’est jamais mentionné au-delà de cette Upanishad.
Svetâsvatara signifie mule blanche, et comme les mulets étaient connus et appréciés en Inde depuis les temps les plus reculés, Svetâsvatara, comme nom de personne, n’est pas plus surprenant que Svetâsva, cheval blanc, une épithète d’Arguna. Or, comme personne ne serait susceptible de conclure du nom de l’un des célèbres Rishis védiques, Syâvâsva, c’est-à-dire cheval noir, que des influences noires pourraient être découvertes dans ses hymnes, il est à peine nécessaire de dire que toutes les spéculations concernant les influences chrétiennes, ou l’enseignement des missionnaires syro-chrétiens blancs, indiqués par le nom de Svetâsvatara, sont sans fondement [31].
La Svetâsvatara-upanishad occupe une place très importante parmi les Upanishads. Bien qu’on ne puisse pas dire qu’elle soit citée nommément par Bâdarâyana dans les Vedânta-sûtras, [p. xxxii] elle est clairement désignée sous le nom de sruta ou révélée [32]. Elle est l’une des douze Upanishads choisies par Vidyâranya dans son Sarvopanishad-arthânabhûtiprakâsa, et elle a été distinguée par Saṅkara comme méritant un commentaire particulier.
La Svetâsvatara-upanishad me paraît l’une des œuvres les plus difficiles et en même temps les plus intéressantes de son genre. Qu’elle doive, pour cette raison et pour d’autres, être rattachée à une période plus ancienne ou plus moderne, aucun véritable érudit ne se risquerait à l’affirmer, dans l’état actuel de nos connaissances, ou, pour être honnête, de notre ignorance de la chronologie minutieuse de la période védique. Il faut se satisfaire de savoir que, en tant que catégorie, les Upanishads sont présupposées par les Kalpa-sûtras, que certaines d’entre elles, appelées Mantra-upanishads, font partie des Samhitâs plus modernes, et que certaines parties même du Rig-veda-samhitâ [33] sont appelées Upanishads par les Anukramanîs. On les retrouve cependant plus fréquemment durant la période des Brâhmanes, dans les Brâhmanes eux-mêmes, et plus particulièrement dans les passages appelés Âranyakas, tandis qu’un grand nombre d’entre eux sont rapportés à l’Atharva-veda. On sait depuis longtemps que, à l’instar des Upanishads plus anciennes, des traités similaires ont été composés jusqu’à une époque relativement récente [34].
Mais lorsque nous abordons la question de savoir si, parmi les Upanishads anciennes et authentiques, l’une est plus ancienne que l’autre, nous constatons que, même si nous pouvons émettre beaucoup de suppositions, nous ne pouvons rien prouver. Les Upanishads appartenaient à des Parishads, ou colonies, répartis dans toute l’Inde. Il existe un ensemble d’idées, et même d’expressions, commun à la plupart d’entre elles. Pourtant, les idées rassemblées dans les Upanishads ne peuvent pas toutes avoir germé au même endroit, et encore moins selon une succession régulière. Elles ont dû se développer indépendamment, sous l’effet d’influences individuelles et locales, et des opinions qui, dans un village, pourraient paraître très avancées, seraient considérées comme arriérées dans un autre. Nous pouvons admirer l’ingéniosité de ceux qui, tantôt dans telle particularité, tantôt dans telle autre, voient une indication claire de la date moderne d’une Upanishad, mais pour un érudit consciencieux, de tels arguments sont en réalité déplaisants, du seul fait de leur ingéniosité. Il sait qu’elles convaincront beaucoup de ceux qui ne connaissent pas les véritables difficultés ; il sait qu’il faudra les éliminer sans grande difficulté, et il sait que, même si elles devaient finalement se révéler vraies, elles exigeraient un soutien très différent de celui qu’elles ont reçu jusqu’ici, avant de pouvoir être admises dans le cercle étroit des faits scientifiques.
Tout en admettant pleinement que le Svetâsvatara-upanishad a ses caractéristiques et ses difficultés particulières, je dois affirmer avec la plus grande fermeté qu’aucun argument qui a été avancé jusqu’à présent ne me semble prouver, dans aucun sens du terme, son caractère moderne.
On a dit, par exemple, que la Svetâsvatara-upanishad est une Upanishad sectaire, car, lorsqu’elle parle du Soi Suprême ou du Brahman Suprême, elle lui applique des noms tels que Hara (I, 10), Rudra (II, 17 ; III, 2 ; 4 ; IV, 12 ; 21 ; 22), Siva (III, 14 ; IV, 10), Bhagavat (III, 14), Agni, Âditya, Vâyu, etc. (IV, 2). Mais ici, il est simplement tenu pour acquis que l’idée du Soi Suprême a été développée en premier, et, après avoir atteint sa plus haute pureté, a été à nouveau abaissée par une identification avec des divinités mythologiques et personnelles. La question de savoir si la conception du Soi Suprême s’est formée une seule et unique fois, après que toutes les divinités personnelles et mythologiques aient fusionné en un seul Seigneur (Pragâpati), ou si elle a été découverte derrière le voile d’un autre nom du panthéon mythologique du passé, n’a jamais été soulevée. Pourquoi un ancien Rishi n’aurait-il pas dit : Ce que nous avons jusqu’ici appelé Rudra, et ce que nous vénérons comme Agni ou Siva, est en réalité le Soi Suprême, laissant ainsi une grande partie de l’ancienne phraséologie mythologique être utilisée avec un sens nouveau ? Pourquoi devrions-nous conclure d’emblée que les adorateurs sectaires tardifs des dieux mythologiques ont remplacé le Soi Suprême, après que leurs pères l’eut découvert, par leurs propres noms sectaires ? Si nous adoptons l’ancien [p. xxxiv] De ce point de vue, les Upanishads, qui montrent encore ces rudera des temples antiques, devraient être considérées comme plus primitives encore que celles dans lesquelles l’idée du Brahman ou du Soi Supérieur a atteint sa plus grande pureté.
Français On a considéré comme un argument très fort en faveur du caractère moderne et sectaire du Svetâsvatara-upanishad, qu’il « inculque ce qu’on appelle Bhakti [35], ou confiance implicite dans la faveur de la divinité adorée ». Or, il est tout à fait vrai que cette Upanishad possède un caractère très distinct qui lui est propre, par l’accent qu’elle met sur le caractère personnel, et parfois presque mythique, de l’Esprit Suprême ; mais, loin d’inculquer la bhakti, au sens moderne du terme, elle ne mentionne jamais ce mot, sauf dans le tout dernier verset, un verset dont, si nécessaire, certains critiques se débarrasseraient bientôt comme d’un ajout palpable. Mais ce verset ne dit rien de plus que ceci : « Si ces vérités (des Upanishads) ont été dites à un homme élevé, qui ressent la plus haute dévotion pour Dieu, et pour son Guru comme pour Dieu, alors elles brilleront vraiment. » Cela prouve-t-il l’existence de la Bhakti telle que nous la trouvons dans les Sânilya-sûtras [36] ?
On a dit encore que la Svetâsvatara-upanishad était sectaire au sens philosophique du terme, qu’elle était en réalité une Upanishad du système philosophique Sâṅkhya, et non du Vedânta. Or, je suis tout à fait disposé à admettre que, par son origine, la philosophie du Vedânta est plus proche de la littérature védique que tout autre des six systèmes philosophiques, et que si nous trouvions réellement dans la Svetâsvatara-upanishad des doctrines propres au Sâṅkhya et opposées au Vedânta, nous pourrions être enclins à attribuer à notre Upanishad une date ultérieure. Mais où en est la preuve ?
Français Il y a sans doute des expressions dans cette Upanishad qui nous rappellent des termes techniques utilisés plus tard dans le système philosophique Sâṅkhya, mais des doctrines Sâṅkhya, que j’avais moi-même soupçonnées auparavant dans cette Upanishad, [p. xxxv], je n’en trouve que très peu après une étude plus approfondie. Je pense que c’est M. Gough qui, dans sa Philosophie des Upanishads, a pour la première fois clairement établi que l’enseignement de notre Upanishad est, dans l’ensemble, le même que celui des autres Upanishads. « La Svetâsvatara-upanishad enseigne », comme il le dit, « l’unité des âmes dans le Soi unique ; l’irréalité du monde comme une série de fictions du monde qui se feint ; et comme première des émanations fictives, l’existence du Démiurge ou âme universelle présente dans chaque âme individuelle, la divinité qui projette le monde hors d’elle-même, afin que les âmes migrantes puissent trouver la récompense de leurs œuvres dans des vies antérieures.
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette vision de l’Îsvara, que M. Gough appelle le Démiurge, mais il me semble parfaitement juste lorsqu’il dit que la Svetâsvatara-upanishad expose en termes Sâṅkhya les principes mêmes que les philosophes Sâṅkhya s’efforcent de subvertir. On pourrait douter de la pertinence d’appeler certains termes « termes Sâṅkhya » dans un ouvrage écrit à une époque où la philosophie Sâṅkhya, telle que nous la connaissons en tant que système, n’existait pas encore, et où le nom même de Sâṅkhya signifiait quelque chose de tout à fait différent du système Sâṅkhya de Kapila. Sâṅkhya est dérivé de saṅkhyâ, qui signifiait compter, nombre, nom, correspondant très près au grec λόγος. Sâṅkhya, tel qu’il en dérive, ne signifiait à l’origine qu’une philosophie théorique, par opposition au yoga, qui désignait à l’origine des exercices religieux pratiques et des pénitences visant à maîtriser les passions et les sens en général. Toutes les autres interprétations de ces mots, lorsqu’ils sont devenus des noms techniques, sont postérieures.
Mais même dans leurs formes ultérieures, quoi que l’on puisse penser des coïncidences et des différences entre les systèmes philosophiques Sâṅkhya et Vedânta, il y a un point sur lequel ils sont diamétralement opposés. Quoi que puisse être le Sâṅkhya, il est dualiste ; quoi que puisse être le Vedânta, il est moniste. Dans le Sâṅkhya, la nature, ou quel que soit le nom qu’on lui donne, est indépendante du purusha ; dans le Vedânta, elle ne l’est pas. Or, la Svetâsvatara-upanishad affirme clairement que la nature, ou ce que Pradhâna entend dans la philosophie Sâṅkhya, n’est pas un pouvoir indépendant, mais un pouvoir (sakti) formant le soi même du Deva. « Les sages, lisons-nous, consacrés à la méditation et à la concentration, ont vu le pouvoir appartenant à Dieu lui-même, caché dans ses propres qualités. »
Ce qui est vraiment particulier dans la Svetâsvatara-upanishad, c’est l’accent fort qu’elle met sur la personnalité du Seigneur, l’Îsvara, Deva. Dans le passage cité, c’est peut-être ce qui se rapproche le plus de notre propre idée d’un Dieu personnel, bien que sans le contexte que le Vedânta lui retient toujours. C’est Dieu en tant que créateur et souverain du monde, en tant qu’îsvara, seigneur, mais non en tant que Paramâtman, ou Soi suprême. Le Paramâtman constitue, sans aucun doute, sa véritable essence, mais création et créateur n’ont qu’un caractère phénoménal [37]. La création est mâyâ, dans son sens originel d’œuvre, puis d’œuvre phénoménale, puis d’illusion. Le créateur est mâyin, dans son sens originel d’ouvrier ou de fabricant, mais encore une fois, dans ce caractère, uniquement phénoménal [38]. Les Gunas ou qualités naissent, selon le Vedânta, de la prakriti ou mâyâ, à l’intérieur, et non à côté, du Soi suprême, et c’est précisément cette idée qui est exprimée ici par « le Pouvoir Soi de Dieu, caché dans les gunas ou qualités déterminantes ». Avec quelle facilité cette shakti ou puissance peut devenir un être indépendant, tel que Mâyâ, nous le voyons dans des versets tels que :
Le Dieu tout-puissant et le plus puissant
Gunâsrayâ namas tasyai sasvatâyai paresvara [39].
Mais le point important est que, dans la Svetâsvatara-upanishad, ce changement n’a pas eu lieu. Dans toute son intégralité, nous n’avons qu’un seul Être, comme cause de tout, jamais deux. Quoi que les philosophes Sâṅkhya ultérieurs aient pu imaginer découvrir dans cette Upanishad à l’appui de leurs théories [40], il n’y a pas un seul passage qui, s’il était correctement interprété, non pas isolément, mais en lien avec l’ensemble du texte, puisse être cité à l’appui d’une philosophie dualiste telle que l’est incontestablement la Sâṅkhya, en tant que système.
Si nous voulons comprendre, ce qui semble à première vue contradictoire, l’existence d’un Dieu, d’un Seigneur, d’un Créateur, d’un Souverain, et en même temps l’existence du Brahman supra-personnel, nous devons nous rappeler que la vision orthodoxe du Vedânta [41] n’est pas ce que nous devrions appeler Évolution, mais Illusion. L’évolution du Brahman, ou Parinâma, est hétérodoxe, l’illusion ou Vivarta est le Vedânta orthodoxe. Brahman est un concept impliquant une perfection si complète qu’avec lui l’évolution, ou une tendance vers une perfection supérieure, est impossible. S’il y a donc changement, ce changement ne peut être qu’illusion et ne peut jamais prétendre à la même réalité que Brahman. Pour le dire métaphoriquement, le monde, selon le Vedântin orthodoxe, ne procède pas de Brahman comme un arbre d’un germe, mais comme un mirage des rayons du soleil. Le monde est, comme nous l’exprimons, seulement phénoménal, mais quelle que soit la réalité objective qu’il contient, c’est Brahman, « das Ding an sich », comme Kant pourrait l’appeler.
Alors, qu’est-ce qu’Îsvara, ou Deva, le Seigneur ou Dieu ? Les réponses à cette question ne sont pas très explicites. Historiquement, sans aucun doute, l’idée d’Îsvara, le Dieu personnel, le créateur et le souverain, l’omniscient et l’omnipotent, existait avant l’idée du Brahman absolu, et après que cette idée eut été élaborée, la difficulté de parvenir à un compromis entre les deux idées dut être surmontée. Îsvara, le Seigneur, est Brahman, car que pourrait-il être d’autre ? Mais il est Brahman sous une apparence, celle d’un Dieu personnel, créateur et gouvernant. Il n’est pas créé, mais il est le créateur, une fonction trop basse, pensait-on, pour Brahman. Le pouvoir qui permettait à Îsvara de créer était un pouvoir intérieur, non indépendant de lui, qu’on l’appelle Devâtmasakti, Mâyâ ou Prakriti. Ce pouvoir est réellement inconcevable, et il a pris des formes si différentes dans l’esprit des différents védantistes, qu’en fin de compte, Mâyâ elle-même est représentée comme le pouvoir créateur, voire comme ayant créé Îsvara lui-même. [p. xxxviii] Dans notre Upanishad, cependant, Îsvara est le créateur, et bien que, philosophiquement parlant, nous devrions dire qu’il était conçu comme phénoménal, nous ne devons jamais oublier que le phénoménal est la forme du réel, et Îsvara donc un aspect de Brahman [42]. « Ce Dieu », dit Pramâda Dâsa Mitra [43], « est l’esprit conscient de l’univers. Alors qu’une portion extrêmement limitée, et seulement celle de l’univers matériel, entre dans ma conscience, l’univers conscient tout entier, avec, bien sûr, l’univers matériel qui lui est lié, entre dans la conscience de Dieu. » Et encore : « Tandis que nous (les gîvâtmans) sommes soumis à Mâyâ, Mâyâ est soumise à Îsvara. Si nous connaissons vraiment Îsvara, nous le connaissons comme Brahman ; si nous nous connaissons vraiment nous-mêmes, nous nous connaissons comme Brahman. Cela étant, nous ne devons pas être surpris si parfois nous trouvons Îsvara nettement distingué de Brahman, tandis qu’à d’autres moments Îsvara et Brahman sont interchangeables. »
Un autre argument en faveur du caractère sectaire de la Svetâsvatara-upanishad est avancé, non seulement par des étudiants européens, mais aussi par des érudits locaux : le nom même de Kapila, fondateur présumé de la philosophie Sâṅkhya, y figure. Il est vrai que si l’on lit le deuxième verset du cinquième Adhyâya isolément, la présence du mot Kapila peut paraître surprenante. Mais si l’on le lit en lien avec ce qui précède et ce qui suit, on n’y trouve guère d’inhabituel. On y lit :
« C’est lui qui, n’étant qu’un, règne sur tout germe (cause), sur toutes les formes et sur tous les germes ; c’est lui qui, au commencement, porte dans ses pensées le fils sage, le fougueux, qu’il a voulu contempler en naissant. »
Il m’apparaît clairement que le sujet de ce verset est le même que dans IV, II, où les mêmes mots sont utilisés et où yo yonim yonim adhitishthaty ekah fait clairement référence à Brahman. Il est également clair que le prasûta, le fils, la progéniture de Brahman, au sens védantique, ne peut être que la même personne que celle appelée ailleurs Hiranyagarbha, [p. xxxix], le Brahman personnifié. Ainsi, nous lisons précédemment, III, 4 : « Lui, le créateur et le soutien des dieux, Rudra, le grand voyant (maharshi), le seigneur de tous, donna autrefois naissance à Hiranyagarbha ; » et dans IV, 11, nous avons l’expression même qui est utilisée ici, à savoir, « qu’il a vu Hiranyagarbha naître. » Malheureusement, un nouvel adjectif est appliqué dans notre vers à Hiranyagarbha, à savoir, kapila, et cela a suscité des interprétations totalement en désaccord avec la teneur générale de l’Upanishad. Si, au lieu de kapilam, rougeâtre, ardent [44], une autre épithète avait été utilisée pour Hiranyagarbha, personne, je crois, n’aurait hésité un instant à reconnaître le fait que notre texte ne fait que répéter la description de Hiranyagarbha dans sa relation à Brahman, car l’autre épithète rishim, comme maharshim, est trop souvent appliquée à Brahman lui-même et à Hiranyagarbha pour nécessiter une explication.
Mais c’est un fait bien connu que les Hindous, même dès la période Brâhmanique, aimaient à faire remonter leurs diverses branches de connaissance à Brahman ou à Brahman Svayambhû, puis à Pragâpati, qui même dans le Rig-veda (X, 121, 10) remplace Hiranyagarbha, et parfois à travers les Devas, tels que Mrityu, Vâyu, Indra, Agni [45], etc., jusqu’aux divers ancêtres de leurs anciennes familles.
Au début du Mundakopanishad, on nous dit que Brahman l’a transmis à Atharvan, Atharvan à Aṅgir, Aṅgir à Satyavâha Bhâradvâga, Bhâradvâga à Aṅgiras, Aṅgiras à Saunaka. Manu, l’ancien législateur, est appelé à la fois Hairanyagarbha et Svâyambhuva, comme descendant de Svâyambhu ou de Hiranyagarbha [46]. Rien n’était donc plus naturel que la même tendance ait conduit quelqu’un à attribuer la paternité d’un grand système philosophique comme le Sâṅkhya à Hiranyagarbha, sinon à Brahman Svayambhû. Et si le nom de Hiranyagarbha avait déjà été utilisé pour les ancêtres d’autres sages et les inspirateurs d’autres systèmes, quoi de plus naturel que de choisir un autre nom pour le même Hiranyagarbha [p. xl], tel que Kapila. Si l’on nous dit que Kapila a transmis son savoir à Âsuri, Âsuri à Pa_ñ_kasikha, cela correspond parfaitement au caractère de la tradition littéraire en Inde. Âsuri apparaît dans les Vamsas du Satapatha-brâhmana (voir ci-dessus, pp. 187, 226) ; Pa_ñ_kasikha [47], possédant cinq touffes, pourrait être un nom générique ou le nom propre d’un ascète, bouddhiste ou non. Il est cité dans les Sâṅkhya-sûtras, V, 32 ; VI, 68.
Mais une fois tout cela réglé, après que Kapila eut été accepté, comme Hiranyagarbha, comme le fondateur d’un grand système philosophique, une réaction se produisit. On avait alors appris à croire en un véritable Kapila, et lorsqu’on cherchait des références pour lui, on les trouvait partout où le mot Kapila apparaissait dans les écrits anciens. La question de savoir s’il y a jamais eu un personnage historique réel qui ait pris le nom de Kapila et enseigné les Sâṅkhya-sûtras ne nous concerne pas ici. Je n’en vois aucune preuve. Ce qui est instructif, c’est que notre passage même, qui a pu suggérer initialement le nom de Kapila, distinct de Hiranyagar bha, Kapila, a ensuite été invoqué pour prouver l’existence primordiale d’un Kapila, le fondateur de la philosophie Sâṅkhya. Cependant, il suffit d’une très faible connaissance de la littérature sanskrite et de très peu de réflexion pour voir que l’auteur de nos vers n’a jamais pu rêver d’élever un certain Kapila, qu’il connaissait comme un grand philosophe, s’il en fut jamais un, à un rang divin [48]. Hiranyagarbha kapila a peut-être donné naissance à Kapila, le héros des philosophes Sâṅkhya, mais Kapila, une véritable personne humaine, n’a jamais été transformé en Hiranyagarbha kapila.
Voyons maintenant ce que disent les commentateurs. Saṅkara explique d’abord kapilam par kanakam [49] kapilavaranam . . . . Hiranyagarbham. Kapilo 'gragā iti purānavakanât. Kapilo Hiranyagarbho vā nirdisyate. Mais il cite ensuite quelques versets à l’appui de la théorie selon laquelle Kapila était un [p. xli] Paramarshi, une partie de Vishnu, destiné à détruire l’erreur dans le Kīrāta Yuga, un enseignant de la philosophie Sāṅkhya.
Vigñânâtman explique le verset correctement, et sans aucune référence à Kapila, le maître Sâṅkhya.
Saṅkarânanda va plus loin et, étant manifestement pleinement conscient du mauvais usage qui a été fait de ce passage, même dans certains passages du Mahâbhârata (XII, 13254, 13703), et ailleurs, déclare clairement que kapila ne peut être destiné à l’enseignant du Sâṅkhya (na tu sâṅkhyapranetâ kapilah, nâmamâtrasâmyena tadgrahane syâd atiprasaṅgah). Il est pleinement conscient de la véritable interprétation, à savoir. avyâkritasya prathamakâryabhûtam kapilam vikitravarnam g_ñ_ânakriyâsaktyâtmakam Hiranyagarbham ityarthah, mais il cède à une autre tentation et semble préférer une autre vision qui fait de Kapila Vâsudevasyâvatârabûtam Sagaraputrânâm dagdhâram, un Avatâra de Vâsudeva, le brûleur des fils de Sagara. Les vastes conclusions que l’on peut tirer d’aucun fait peuvent être vues dans les Études indiennes de Weber, vol. i, p. 430, et même dans son Histoire de la littérature indienne, publiée en 1878.
Bien plus difficiles à expliquer que ces prétendues allusions aux auteurs et à l’enseignement de la philosophie Sâṅkhya sont les fréquentes références dans le Svetâsvatara-upanishad à des nombres définis, censés désigner certaines classes de sujets tels qu’ils sont classés dans le Sâṅkhya et d’autres systèmes philosophiques. La philosophie Sâṅkhya affectionne le comptage et l’agencement, et son nom même est parfois supposé avoir été choisi parce qu’elle numérote (sankhyâ) les sujets qu’elle traite. Français Il est certainement vrai que si nous rencontrons, comme nous le faisons dans le Svetâsvatara-upanishad, des classes de choses [50], numérotées comme un, deux, trois, cinq, huit, seize, vingt, quarante-huit, cinquante et plus, et si certains de ces nombres concordent avec ceux reconnus dans les systèmes ultérieurs du Sâṅkhya et du Yoga, nous doutons que ces coïncidences soient accidentelles, ou si, si elles ne sont pas accidentelles, elles sont dues à un emprunt de la part de ces systèmes ultérieurs, ou de la part [p. xlii], il est impossible de parvenir à une décision sur ce point. Même dans les hymnes du Rig-veda, nous rencontrons ces nombres attribués aux jours, aux mois et aux saisons, aux rivières et aux pays, aux sacrifices et aux divinités. Elles prouvent clairement l’existence d’un travail intellectuel considérable, devenu traditionnel avant la composition de certains hymnes, et elles le prouvent également pour certaines Upanishads. Mais je ne voudrais pas aller plus loin pour l’instant ; je dois dire que les tentatives de la plupart des commentateurs indiens pour expliquer ces nombres par référence à des systèmes philosophiques ou cosmologiques ultérieurs sont généralement très forcées et insatisfaisantes.
Il me faut encore souligner un point qui témoigne de l’ancienneté du Svetâsvatara-upanishad : l’obscurité de plusieurs de ses versets, peut-être due à une altération du texte, et le nombre de lectures diverses, reconnues comme telles par les commentateurs. Certaines d’entre elles ont été mentionnées dans les notes de ma traduction.
Le texte de cette Upanishad a été imprimé par le Dr Roer dans la Bibliotheca Indica, avec le commentaire de Saṅkara. J’ai également consulté le commentaire de Viṅgānātman, élève de Paramahaṅmsa-parivrāgākākārya-srîmag-Gṅnāt … IO 1878. Ceux-ci m’ont été aimablement prêtés par le Dr Rost, le bibliothécaire érudit et libéral de l’India Office.
Cette Upanishad est appelée Pras_ñ_a ou Shat-pras_ñ_a-upanishad, et à la fin d’un chapitre, nous trouvons parfois iti pras_ñ_aprativakanam, c’est-à-dire qu’ainsi se termine la réponse à la question. Elle est attribuée à l’Atharva-veda, et occasionnellement au Pippalâda-sâkhâ, l’un des sâkhâs les plus importants de ce Véda. Pippalâda est mentionné dans l’Upanishad comme le nom du principal enseignant.
Saṅkara, au début de son commentaire, dit : [p. xliii] Mantroktasyârthasya vistarânuvâdidam Brâhmanam ârabhyate, ce qui signifierait « ce Brâhmana commence en répétant plus complètement ce qui a été déclaré dans le Mantra. » Ceci, cependant, ne se réfère pas, je crois, à un Mantra ou à un hymne de l’Atharva-veda-samhitâ, mais au Mundaka-upanishad, qui, tel qu’écrit en vers, est parfois appelé un Mantra, ou Mantropanishad. C’est aussi l’opinion d’Ânandagiri, qui dit : « On pourrait penser que ce n’était qu’une simple répétition (punarukti), si l’essence du Soi, qui a été expliquée par les Mantras, devait être enseignée ici à nouveau par le Brâhmana. » Car il ajoute : « par les Mantras « Brahma devânâm », etc. », et cela est évidemment destiné au début du Mundaka-upanishad, « Brahmâ devânâm ». » Ânandagiri se réfère à nouveau au Mundaka afin de montrer que le Pras_ñ_a n’est pas une simple répétition, et si Saṅkara appelle son début un Brâhmana, cela doit être pris dans le sens plus général de « ce qui n’est pas Mantra [51]. » Mantropanishad est un nom utilisé pour plusieurs Upanishads qui sont écrites en vers, et dont certaines, comme les Îsâ, ont conservé leur place dans les Samhitâs.
Français Dans le cas de cette Upanishad, nous devons d’abord tenter d’établir son titre exact. Le professeur Cowell, dans son édition et sa traduction, l’appelle Maitri ou Maitrâyanîya-upanishad, et déclare qu’elle appartient au Maitrâyanîya-sâkhâ du Yagur-veda noir, et qu’elle formait la partie finale d’un Brâhmana perdu de ce Sâkhâ, précédée par la partie sacrificielle (karma), qui consistait en quatre livres.
Dans ses manuscrits, le titre variait entre Maitry-upanishad et Maitrî-sâkhâ-upanishad. Un manuscrit de Poona l’appelle Maitrâyanîya-sâkhâ-upanishad, et un manuscrit copié pour le baron von Eckstein, Maitrâyanîyopanishad. Moi-même, dans la Liste alphabétique des Upanishads, publiée dans la revue de la [p. xliv] la Société orientale allemande, je l’ai appelé, n° 104, Maitrâyana ou Maitrî-upanishad, c’est-à-dire soit l’Upanishad des Maitrâyanas, soit l’Upanishad de Maitrî, le principal enseignant.
Dans un manuscrit que j’ai reçu du Dr Burnell, le titre de notre Upanishad est Maitrâyanî-brâhmana-upanishad, variant avec Maitrâyanî-brâhmana-upanishad et Srîyagussâkhâyâm Maitrâyanîya-brâhmana-upanishad.
La question suivante est de savoir sous quel nom cette Upanishad est citée par les autorités locales. Vidyâranya, dans son Sarvopanishad-arthânubhûtiprakâsa [52], v. 1, parle du Maitrâyanîyanâmnî yâgushî sâkhâ, et il mentionne Maitra (et non Maitrî) comme l’auteur de ce Sâkhâ. (vv. 55,150).
Dans le Muktikâ-upanishad [53], nous rencontrons le nom de Maitrâyanî comme vingt-quatrième Upanishad, et le nom de Maitreyî comme vingt-neuvième ; et de nouveau, dans la liste des seize Upanishads du Sâma-veda, nous trouvons Maitrâyanî et Maitreyî comme quatrième et cinquième.
Français En regardant toutes ces preuves, je pense que nous devrions arriver à la conclusion que notre Upanishad tire son nom du Sâkhâ des Maitrâyanas, et peut donc être appelée Maitrâyana-upanishad ou Maitrâyanî Upanishad. Maitrâyana-brâhmana-upanishad semble également correct, et Maitrâyani-brâhmana-upanishad, comme Kaushîtaki-brâhmana-upanishad et Vâgasaneyi-samhitopanishad, pourrait être défendu, si Maitrâyanîn était connu comme un autre dérivé de Maitrâyana. Si le nom est formé à partir du professeur Maitrî ou Maitra, le titre de Maitrî-upanishad serait également correct, mais je doute que Maitrî-upanishad admette une quelconque justification grammaticale [54].
Outre ce Maitrâyana-brâhmana-upanishad, je possède un manuscrit de ce qu’on appelle le Maitreyopanishad, également envoyé par feu le Dr Burnell. Il est très court et ne contient que la substance du premier Prapâthaka du Maitrâyana-brâhmana-upanishad. J’en donne [p. xlv] le texte, dans la mesure où il peut être reconstitué à partir du seul manuscrit en ma possession :
Harihom. J’ai donné mon âme à celui qui est digne d’adoration, et j’ai donné mon âme à celui qui est digne d’adoration, et j’ai donné mon âme à celui qui est digne d’adoration. Son tatra paramam tapa [55] âdityam udîkshamâna ûrdhvas tishthaty. Tu es la chose la plus précieuse que j’ai jamais connue. Atha Birihadratho brahmavitpraravaram Munindramsampugya stutvā bahusahpranamam akarot. Ainsi, les plus sages de tous les justes sont ceux qui sont guidés par le divin Bhagavadh, qui sont guidés par la volonté divine et par la sagesse des sages. [56] Au nom de Dieu, je cherche refuge auprès de Toi contre le mal de mes propres désirs, afin que je sois guidé par Toi ; Je n’ai jamais été aussi fier de moi, d’avoir traversé beaucoup de choses avec mon frère Aikshvâkânyân qui a traversé beaucoup de choses avec mon frère Sâkânyân. Sarîrasya sarîre (sic) karanâv abhimrisyamâno râgemâm gâthâmgagâda. 1
Bhagavann, asthikarmasnâyumagâmâmsasuklasonitasreshmâsrudashikâvinmûtrapittakaphasamghâte durgandhe nihsâre 'smi_ñ_ kharîre kim kâmabhogaih. 2
Kâmakrodhalobhamohabhayavishâdersheshtaviyogânishtasamprayogakshutpipâsâgarâmrityurogasokâdyair abhihate 'smi_ñ_ kharîre kim kâmabhogaih. 3
Sarvam kedam kshayishnu pasyâmo yatheme damsamasakâdayas trinavan [57] nasyata yodbhûtapradhvamsinah. 4
Atha kim etair vâ pare 'nye dhamarthâs (sic) kakravartinah Sudyumnabhûridyumnakuvalayâsvayauvanâsvavaddhriyâsvâsvapatih sasabindur hariskandro 'mbarîsho nanukastvayâtir yayâtir anaranyokshasenâdayo marutabharataprabhritayo râgâno mishato bandhuvargasya mahatîm sriyam tyaktvâsmâl lokâd Prière d’Amum Lokam. 5.
C’est pourquoi nous n’avons aucun partenaire dans la volonté de Dieu, aucun partenaire dans la volonté de Dieu, aucun partenaire dans la volonté de Dieu, aucun partenaire dans la volonté de Dieu, aucun partenaire dans la volonté de Dieu. 6
Atha kim etair vânyanâm soshanam mahârnavânâm
[p. xlvi]
sikharinâm prapatanam dhruvasya prakalanam vâtarûnâm nimagganam prithivyâh sthânâpasaranam surânâm. Alors 'ham ity etadvidhe 'smin samsâre kim kâmopabhogair yair evâsritasya sakrid âvartanam drisyata ity uddhartum arhasi tyandodapânabheka ivâham asmin sam Bhagavas tvam gatis tvam no gatir iti. 7
Ayam [58] agnir vaisvânaro yo 'yam anth purushe yenedam annam pakyate yad idam adyate tasyaisha ghosho bhavati yam etat karnâv apidhâya snabhatiibhain ghoshamsrinoti. 8
Yathâ [59] Nirindino Vahinih auto-assistance. 9 [60]
Le sivah est tel que « toute la famille des dieux est unie avec toute la famille [61], le roi des dieux est debout sur le sol [62], le roi des dieux est debout sur le sol [63], le roi des dieux est debout sur le sol [64], le roi des dieux est debout sur le sol, le roi des dieux est debout sur le sol, les grands guerriers [65], les grands guerriers [66], les grands guerriers [67], les grands guerriers [68]], les grands guerriers [69], les grands guerriers du même nom [70] sont les créateurs du même nom et sont les créateurs du même nom.
Il convient donc de distinguer le grand Maitrâyana-brâhmana-upanishad et le plus petit Maitreyopanishad. Le titre de Maitreyî-brâhmana a, bien sûr, une origine totalement différente et désigne simplement le Brâhmana qui raconte l’histoire de Maitreyî [71].
Comme le professeur Cowell, dans la préface de son édition et traduction de la Maitrâyana-brâhmana-upanishad, a évoqué son caractère particulier, je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce sujet. Je suis d’accord avec lui pour penser que cette Upanishad s’est enrichie et contient plusieurs ajouts. Le commentateur sanskrit lui-même déclare que les sixième et septième chapitres sont des Khilas ou des suppléments. Il est possible que la Maitreya-upanishad, telle qu’elle est imprimée ci-dessus, en contienne la structure la plus ancienne. Nous avons ensuite des traces de diverses recensions. Le professeur Cowell (Préface, p. vi) mentionne un manuscrit, copié [p. xlvii] pour le baron Eckstein, apparemment d’après un original télougou, qui ne contient que les cinq premiers chapitres, numérotés quatre. Français Les versets donnés dans VI, 34 (p. 177), commençant par 'atreme slokâ bhavanti, sont placés après IV, 3. Dans mon propre manuscrit, ces versets sont insérés au début du cinquième chapitre [72]. Suit ensuite dans le manuscrit du baron Eckstein comme IV, 5, ce qui est donné dans le texte imprimé comme V, 1, 2 (pp. 69-76). Dans mon propre manuscrit, qui vient également du Sud, l’Upanishad ne va pas au-delà de VI, 8, qui est appelé le sixième chapitre et la fin de l’Upanishad.
Nous avons en fait dans notre Upanishad le premier exemple de ce style indien particulier, si courant dans les fables et les récits ultérieurs, qui se plaît à enfermer une histoire dans une autre. Le cœur de notre Upanishad est en réalité le dialogue entre les Vâlakhilyas et Pragâpati Kratu. C’est ce que le commentateur appelle (voir p. 331, note) un Vyâkhyâna, c’est-à-dire une explication plus complète du Sûtra précédent, qui exprime en quelques mots : « Il est le Soi, ceci est l’immortel, l’intrépide, ceci est Brahman », l’essentiel de toute l’Upanishad.
Ce dialogue, ou du moins la doctrine qu’il était censé illustrer, fut communiqué par Maitrî (ou Maitra) à Sâkâyanya, et par Sâkâyanya au roi Birihadratha Aikshvâka, appelé aussi Marut (II, 1 ; VI, 30). Ce dialogue pourrait sembler se terminer en VI, 29, de même que le dialogue entre Sâkâyanya et Birihadratha ; mais il se poursuit jusqu’à la fin de VI, 30, et est suivi ensuite par un certain nombre de paragraphes qui peuvent probablement être considérés comme des ajouts ultérieurs.
Mais tout en admettant tout cela, je ne peux me résoudre à suivre le professeur Cowell lorsqu’il considère, comme lui, que même la première partie de l’Upanishad date d’une période tardive, tandis que les dernières parties sont qualifiées par lui de relativement modernes, en raison de fréquentes citations Vaishnavas. Ce qui confère à cette Upanishad, selon moi, un caractère exceptionnellement authentique et ancien, c’est la préservation de ce Sandhi particulier qui, grâce aux travaux du Dr von Schroeder, nous savons maintenant qu’il est caractéristique du Maitrâyana-sâkhâ. Dans ce Sâkhâ final, les as et e non accentués sont transformés en â, si le mot suivant commence par une voyelle accentuée, sauf a. Avant l’initiale a, cependant, e reste inchangé, et as devient o, et l’initiale a est parfois élidée, parfois non. Certaines de ces règles, il faut le rappeler, sont contraires à Pânini, et nous pouvons donc conclure sans risque que les textes dans lesquels elles sont observées datent d’une époque antérieure à Pânini. Dans certains manuscrits, comme par exemple dans mon propre manuscrit du Maitrâyana-brâhmana-upanishad, ces règles ne sont pas observées, mais cela rend leur stricte observation dans d’autres manuscrits d’autant plus importante. En outre, bien que le mérite revienne sans aucun doute au Dr von Schroeder d’avoir, le premier, signalé ces particularités phonétiques dans son édition du Maitrâyanî Samhitâ, elles étaient connues comme telles des commentateurs, qui signalent expressément ces sandhis irréguliers comme caractéristiques du Maitrâyanî sâkhâ. Ainsi, nous lisons Maitr. Up. II, 3 (p. 18), que tigmategasâ ûrdhvaretaso, au lieu de tigmategasâ, est evamvidha etak>khâkhâsaṅketapâthas khândasah sarvatra, c’est-à-dire qu’il est tout au long de la lecture védique indicateur de ce Sâkhâ particulier, à savoir le Maitrâyanî.
Une particularité encore plus étrange de notre Sâkhâ est la transformation du t final précédant le s initial en ñ. Cela se produit également dans notre Upanishad. Dans VI, 8, nous lisons svâ_ñ_ sarîrâd ; dans VI, 2, 7, ya_ñ_ sarîrasya. Un tel changement semble phonétiquement si peu naturel que la tradition a dû être très forte pour le perpétuer parmi les Maitrâyanas.
Ce qui est important pour notre propos, c’est que ces particularités phonétiques se retrouvent dans les sept chapitres de notre Upanishad. Ceci ressort de la liste suivante :
I. Finale transformée en â avant la voyelle initiale [73] :
II, 3, tigmategasâ ûrdhvaretaso (Comm. etakkhâkhâsaṅketapâthas khândasah sarvatra).
II, 5, vibodha evam. II, 7, c’est tout.
[p. xlix]
III, 5, etair abhibhûtâ îti. IV, i, je le vois.
VI, 4, pranavâ iti; écho de bhâmyâdayâ.
VI, 6, âditéâ dans; âhavanîyâ dans; bien sûr; ahaṅkârâ dans; c’est ça. VI, 7, bhargâ dans.
VI, 7, sauve-toi. VI, 23, pour vous devoir.
VI, 30, pré iti. VI, 30, vinigate it.
II. Le e final avant les voyelles initiales devient â. Par exemple :
Moi, 4 ans, drisyatâ iti. II, 2, nishpadyatâ iti.
III, 2, âpadyatâ dans. III, 2, pushkarâ dans.
IV, i, je le vois. VI, 10, bhuṅktā iti.
VI, 20, asnutâ iti. VI, 30, ekâ âhur.
Même pragrihya e est changé en â dans—
VI, 23, etâ upâsita, c’est-à-dire ete uktalakshane brahmanî.
Dans VI, 31, au lieu de te etasya, le commentateur semble avoir lu te vâ etasya.
III. Finale comme avant â, u et au devient a, puis contracté. Par exemple :
Moi, 4, vanaspatayodbhûta, au lieu de vanaspataya, udbhûta. (Comm. Sandhiskhandaso vâ, ukâro vâtra lupto drashtavya hâ.)
II, 6, devaushnyam, au lieu de deva aushnyam. (Comm. Sandhis khândasah.)
VI, 24, atamâvishtam, au lieu de atama-âvishtam (Comm. Sandhis khândasah) ; cf. Khând. En haut. VI, 8, 3, asanâyeti (Comm. visarganîyalopah).
IV. Le e final précédant le i devient un a, puis est contracté. Par exemple :
VI, 7, âtmâ ganîteti pour ganîta iti. (Comm. gânite, gânâti.)
VI, 28, avataiva pour avata iva. (Comm. Sandhivriddhî khândase.)
V. Le « au » final avant les voyelles initiales devient « â ». Par exemple :
II, 6, je vais vous le dire.
VI, 22, comme abhidhyâtâ.
Sur abhibhûyamânay iva, voir p. 295, note 2.
V, 2, spirituel aigu (var. lect. spirituel aigu).
[p. l]
VI. Le o final d’atho produit l’élision du a initial bref. Par exemple :
III, 2, atho 'bhibhûatvât. (Comm. Sandhis khândasah.) Lectures diverses, ato 'bhibhûtatvât.
VI, 1, donc antar est expliqué comme sa u.
VII. Autres irrégularités :
VI, 7, âpo pyâyanât, expliqué par âpyâyanât et âpyâyanât. Est-ce possible, après tout ?
VI, 7, âtmano tmâ netâ.
II, 6, donc tmānam abhidhyātvā.
VI, 35, dvidharmondharn pour dvidharmândham. (Comm. khândasa.)
VI, 35, tegasendham, c’est-à-dire tegasâ-iddhan. (Pour expliquer d’autres composés irréguliers, comme dans I, 4, le commentateur a recours à une licence khândasa ou prâmâdika.)
VI, 1, hiranyavasthât pour hiranyâvasthât. Ici, la suppression de a dans avasthât est expliquée par une référence à Bhâguri (vashti Bhâgurir allopam avâpyor upasargayoh). Voir Vopadeva III, 171.
VIII. Vislishtapâtha :
VII, 2, brahmadhîyâlambana. (Comm. vislishtapâthas khândasah.)
VI, 35, apyay aṅkurâ pour apy aṅkurâ. (Comm. yakârah pramâdapathitah.)
Au contraire VI, 35, vlîyânte pour vilîyante.
Si, sur la base des éléments que nous avons examinés jusqu’ici, il semble y avoir de bonnes raisons d’attribuer le Maitrâyana-brâhmana-upanishad à une période ancienne plutôt qu’à une période tardive, peut-être à une période anté-Pânienne, nous serons difficilement persuadés de changer d’avis en raison de prétendues références aux doctrines Vaishnava ou Bauddha que certains érudits ont essayé d’y découvrir.
Quant au culte de Vishnu, comme l’une des nombreuses manifestations de l’Esprit suprême, nous l’avons vu évoqué dans d’autres Upanishads, et nous savons par les Brâhmanes que le nom de Vishnu était lié à plusieurs des premiers sacrifices védiques.
[p. li]
Français Quant aux doctrines Bauddha, y compris le nom même de Nirvânâ (p. xlvi, l. 19), il faut se rappeler, comme je l’ai souvent fait remarquer, qu’il y eut des Bauddhas avant Bouddha. Brihaspati, qui est fréquemment cité dans les écrits philosophiques ultérieurs comme l’auteur d’une philosophie hérétique, niant l’autorité des Védas, est nommément mentionné dans notre Upanishad (VII, 9), mais on nous dit que ce Brihaspati, devenu Sukra, promulgua ses doctrines erronées afin d’égarer les Asuras, et d’assurer ainsi la sécurité d’Indra, c’est-à-dire de l’ancienne foi.
Le fait que le maître du roi Birihadratha dans notre Upanishad soit appelé Sâkâyanya ne peut en aucun cas servir à étayer l’idée selon laquelle, descendant de Sâka [74], il aurait dû être, comme Sâkyamuni, un maître de doctrines bouddhistes. Il est tout le contraire dans notre Upanishad et met en garde ses auditeurs contre des doctrines que nous pourrions identifier à celles du Bouddha. Comme je l’ai souligné à plusieurs reprises, la transgression de la loi des Âsramas est le principal reproche que les brahmanes orthodoxes adressent aux bouddhistes et à leurs prédécesseurs, et c’est ce que condamne la Sâkâyanya. Un brahmane peut devenir sannyâsin, ce qui est très similaire à un bhikshu bouddhiste, s’il a d’abord franchi les trois stades d’étudiant, de chef de famille et de Vânaprastha. Mais devenir bhikshu sans cette discipline préalable était une hérésie aux yeux des brahmanes, et c’est précisément cette hérésie que les Bauddhas prêchaient et pratiquaient. Il est clair que ce relâchement social gagnait du terrain à l’époque où notre Upanishad fut écrite (voir VII, 8). On entend parler de personnes qui portent des robes rouges (comme les bouddhistes) sans y avoir droit ; on entend même parler de livres, différents des Védas, contre lesquels les vrais brahmanes sont mis en garde. Tout cela indique une époque où ce que nous appelons le bouddhisme était dans l’air du temps, disons au VIe siècle avant J.-C., l’époque même à laquelle j’ai toujours attribué l’origine des Upanishads authentiques et classiques. Les Upanishads sont, à mon avis, les germes du bouddhisme, [p. lii] tandis que le bouddhisme est à bien des égards la doctrine des Upanishads poussée jusqu’à ses dernières conséquences et, ce qui est important, employée comme fondement d’un nouveau système social. En doctrine, le but suprême du Vedânta, la connaissance du vrai Soi, n’est rien de plus que le Samyaksambodhi bouddhique ; en pratique, le Sannyâsin est le Bhikshu, le moine, seulement affranchi de la discipline fastidieuse de l’étudiant brahmanique, des devoirs du chef de famille brahmanique et du joug des pénitences inutiles imposées à l’habitant brahmanique de la forêt. La liberté spirituelle du Sannyâsin devient dans le bouddhisme la propriété commune du Saṅgha, la Fraternité, et cette Fraternité est ouverte aussi bien aux jeunes qu’aux vieux, aux Brahmanes qu’aux Sûdras, aux riches qu’aux pauvres, aux sages qu’aux fous. En fait, il n’y a pas de rupture entre l’Inde du Véda et l’Inde du Tripitaka, mais il y a une continuité historique entre les deux, et le lien de connexion entre des extrêmes qui semblent largement séparés doit être recherché dans les Upanishads [75].
F. MAX MÜLLER.
OXFORD, février 1884.
« Car il est dit par le Bhagavat : « Ô Gautama, sur quoi repose la terre ? » « La terre, ô Brâhmana, repose sur la sphère d’eau. » « Ô Gautama, sur quoi repose la sphère d’eau ? » « Elle repose sur l’air. » « Ô Gautama, sur quoi repose l’air ? » « Il repose sur l’éther (âkâsa). » « Ô Gautama, sur quoi repose l’éther ? » « Tu vas trop loin, grand Brâhmana ; tu vas trop loin, grand Brâhmana. L’éther, ô Brâhmana, ne repose pas. Il n’a pas de support. » C’est pourquoi les Vaibhâshikas soutiennent qu’il existe un éther, etc.
ix:1 Voir Deussen, Vedânta, Einleitung, p. 38. Saṅkara fait également parfois référence aux Upanishads Paiṅgi, Agnirahasya, Gâbâla et Narâyanîya. ↩︎
ix:2 Deussen, loc. aller. p. 82. ↩︎
ix:3 Je déclare cela sur l’autorité du professeur Cowell. Voir aussi Fitzedward Hall, Index to the Bibliography of the Indian Philosophical Systems, pp. 116 et 236. ↩︎
x:1 Ils ont été publiés par le Dr Roer dans la Bibliotheca Indica. ↩︎
x:2 La déclaration du Dr Weber selon laquelle Saṅkara a écrit un commentaire sur le Kaushîtaki-upanishad a été corrigée par Deussen, loc. cit. p. 39. ↩︎
x:3 Voir Deussen, loc. cit. p. 39. ↩︎
x:4 Une longue liste d’ouvrages attribués à Saṅkara peut être consultée dans Regnaud, Philosophie de l’Inde, p. 34, principalement tirée de l’Index of Indian Philosophical Systems de Fitzedward Hall. ↩︎
x:5 Voir Vigñâpana de Tarkaratna, p. 3, l. 5. ↩︎
xii:1 L’Inde, que peut-elle nous apprendre ? p. 360. ↩︎
xiv:2 Le Pa_ñ_kadasî (I, 20) distingue entre manas et buddhi, en disant, mano vimarsarûpam syâd buddhih syân niskâyatmikâ, ce qui place la différence entre les deux plutôt dans le degré de certitude, attribuant la délibération à manas, la décision à buddhi. ↩︎
xv:1 Dans le Vedânta-Sara, Sadânanda insiste beaucoup sur le fait que dans ce même chapitre du Khândogya-upanishad, le sujet principal de tout le chapitre est mentionné à la fois au début et à la fin. Tatra prakaranapratipâdyasyarthasya tadâdyantayor upâdânam upakramasamhâram. Yathâ Khândogyashashthaprapâthake prakaranapratipâdyansyadvitîyavastuna ekam evâdvitîyam (VI, 2, 1) ityâdâv aitadâtmyam idam sarvam (VI, 16, 3) ity ante kun pratipâdanam. « Le commencement par et la fin par » impliquent que la matière à déclarer dans une section donnée est déclarée à la fois au début et à la fin de celle-ci : comme, par exemple, dans la sixième section du Khândogya-upanishad, « le Réel, en dehors duquel il n’y a rien d’autre » — qui doit être expliqué dans cette section — est déclaré au début dans les termes « Un seul, sans second », et à la fin dans les termes « Tout ceci consiste en Cela ». ↩︎
xv:2 Vedânta-Sâra, n° 118, tatraivādvitīyāvastuno mānāntarāvishayīkaranam. ↩︎
xv:3 Voir Mund. En haut. I, 1, 6, adresyam agrâhyam. ↩︎
xvi:1 Conférence sur le Vedânta, comprenant le texte du Vedânta-Sâra, Allababad, 1851, p. 69. Vedântasâra, avec le Subodhinî de Nrisimha-Sarasvatî et le Vidvanmanora_ñ_ginî de Râmatîrtha, Calcutta, 1860, p. 89. Nous trouvons ici la bonne lecture, aprâkshah. ↩︎
xvii:1 Âtma va idam eka evagra que tu as. ↩︎
xviii:1 Saṅkara dit (p. 398, l. 5) : ekam evâdvitîyam paramârthata idam buddhikâle 'pi tat sad aikshata. ↩︎
xxi:1 Le MS. 133 est une simple copie du MS. 127. ↩︎
xxi:2 Yagurvede Kathavallîbhâshyam. ↩︎
xxii:1 Le commentateur explique punar-mrityu comme la mort qui suit la mort inévitable présente. ↩︎
xxiii:1 Histoire de la littérature indienne, p. 93, note ; p. 157. ↩︎
xxiii:2 Bien qu’il soit injuste de tenir le professeur Weber responsable de ses remarques sur cette question et d’autres liées aux Upanishads publiées il y a de nombreuses années (Indische Studien, 1853, p. 197), et bien que je n’aie presque jamais pensé nécessaire de les critiquer, certaines de ses remarques ne sont pas sans valeur même maintenant. ↩︎
xxiv:1 See Regnaud, Le Pessimisme Brahmanique, Annales du Musée Guimet, 1880; tom. i, p. 101. ↩︎
xxvii:1 Saṅkara (éd. Roer, p. 141) lui-même parle de deux Vallîs, enseignant le paramâtmag_ñ_âna (le Sikshâ-vallî n’a rien à voir avec cela), et Anquetil a Anandbli = Ânanda-vallî, et Bharkbli = Bhrigu-vallî. ↩︎
xxviii:1 La troisième Vallî se termine par la Bhrigur ity upanishat. ↩︎
xxviii:2 Voir Taittirîyaka-upanishad, éd. Roer, p. 12. ↩︎
xxviii:3 Voir MM, Index alphabétique des Upanishads, p. 144. ↩︎
xxviii:4 L’Anukramanî de l’école Âtreyî (voir Weber, Indische Studien, II, p. 208) du Taittirîyaka donne également le nom de Vârunî au huitième et au neuvième Prapâthaka, tandis qu’il appelle le septième Prapâthaka le Sâmhitî, et le dixième Prapâthaka le Yâg_ñ_ki-upanishad. Cet Anukramanî présuppose cependant un texte différent, comme on peut le voir à la fois par le nombre d’Anuvâkas et par la position assignée au Yâg_ñ_ki entre les Upanishads Sâmhitî et Vârunî. ↩︎
xxviii:5 Voir MM, Index alphabétique des Upanishads. ↩︎
xxxi:1 Vâkaspatyam, p. 1222. ↩︎
xxxi:2 Catal. Bodle. p. 271 a; p. 222 a. ↩︎
xxxi:3 Voir Weber, Ind. Stud. I, pp. 400, 421. ↩︎
xxxii:1 Voir Deussen, Vedanta, p. 24; Véd. Sûtra I, 1, II; Moi, 4, 8; II, 3, 22. ↩︎
xxxii:2 Voir Livres sacrés de l’Orient, vol. i, p. lxvi. ↩︎
xxxii:3 Loc. cit. p. 67. ↩︎
xxxiv:1 Weber, Ind. Stud. I, 422; et Histoire de la littérature indienne, p. 238. ↩︎
xxxiv:2 Les Aphorismes de Sândilya, ou la doctrine hindoue de la foi, traduits par EB Cowell, Calcutta, 1879. ↩︎
xxxvi:1 Prathamam îsvarâtmanâ mâyirûpenâvatishthate brahma; Voir p. 280, l. 5. ↩︎
xxxvi:2 Que le Seigneur nous accorde le royaume. ↩︎
xxxvi:3 Voir p. 279, l. 5. Sârvatman semble être un vocatif, comme paresvara. ↩︎
xxxvi:4 Voir Sarvadarsanasaṅgraha, p. 152. ↩︎
xxxvii:1 Vedântaparibhâshâ, dans le Pandit, vol. iv, p. 496. ↩︎
xxxviii:1 Savisesham Brahma, ou sabalam Brahma. ↩︎
xxxviii:2 Journal de la Royal Asiatic Society, 1878, p. 40. ↩︎
xxxix:1 D’autres couleurs, au lieu de kapila, sont le bleu, le harita, le lohitaksha ; voir IV, 1; 4. ↩︎
xxxix:2 Voir Vamsa-brâhmana, éd. Burnell, p. 10 ; Brihadâranyaka-up. pp. 185, 224. ↩︎
xxxix:3 Voir MM, Inde, p. 372. ↩︎
xl:1 Pour des informations plus complètes sur Pa_ñ_kasikha, Kapila, etc., voir la préface de F. Hall à Sâṅkhya-pravakana-bhâshya, p. 9 seq. ; Weber, Ind. Stud. I, p. 433. ↩︎
xl:2 Weber, Histoire de la littérature indienne, p. 236. ↩︎
xl:3 Cela devrait être Kanakavarnam, et j’espère qu’il ne sera pas identifié avec le nom de Bouddha dans une existence antérieure. ↩︎
xli:1 Voir I, 4; 5; VI, 3 ↩︎
xliii:1 Mantravyatiriktabhâge tu brâhmanasabdah, Rig-veda, Introduction de Sâyana, vol. i, p. 23. ↩︎
xliv:1 Voir Cowell, Maitr : Up. pref. p. iv. ↩︎
xliv:2 Calcutta, 1791 (1869), p. 4; également cité dans le Mahâvâkya-ratnâvalî, p. 2b. ↩︎
xliv:3 Le Dr Burnell, dans son Catalogue de Tanjore, mentionne, p. 35a, un Maitrâyanî-brâhmanopanishad, ce qui peut difficilement être un titre correct, et p. 36b un Maitrâyanîya et un Maitreyĭbrâhmana. ↩︎
xlv:1 On s’attend à âsthâya. ↩︎
xlv:3 Cela semble inutile. ↩︎
xlv:4 Il se peut qu’une lecture plus ancienne soit cachée dans ceci, d’où est née la lecture du Maitrâyana BU trinavanaspatayodbhûtapradhvamsinah, ou yo bhûtapradhvamsinah. ↩︎
xlvi:1 Maitr. Up. II, 6; p. 32. ↩︎
xlvi:3 Yadhâ, m. ↩︎
xlvi:4 Maître. En haut. VI, 34; p. 178. ↩︎
xlvi:5 lipyate. ↩︎
xlvi:6 lipyante. ↩︎
xlvi:7 élément. ↩︎
xlvi:8 élément. ↩︎
xlvi:9 liyante. ↩︎
xlvi:10 liyyate. ↩︎
xlvi:11 lipyate. ↩︎
xlvi:12 liyyate. ↩︎
xlvi:13 liyyate. ↩︎
xlvi:14 tanasanna. ↩︎
xlvi:15 Voir Khând. En haut. p. 623. ↩︎
xlvii:1 Voir p. 303, note 1; p. 305. note 1; p. 312, note 1. ↩︎
xlviii:1 J’ai omis la restriction concernant l’accent des voyelles, car elles sont ignorées dans l’Upanishad. Il convient de noter que ce sandhi particulier apparaît dans l’Upanishad principalement avant iti. ↩︎
li:1 Sâkâyanya signifie un petit-fils ou un descendant ultérieur de Sâka ; voir Ganaratnâvalî (Baroda, 1874), p. 57a. ↩︎
lii:1 Comme il reste de la place sur cette page, je joins un passage de l’Abhidharma-kosha-vyâkhyâ, attribué au Bhagavat, mais qui, en ce qui concerne le style et la pensée, pourrait être tiré d’une Upanishad : Uktam hi Bhagavatâ : Prithivî bho Gautama kutra pratishthitâ? Prithivî Brâhmana abmandale pratishthitâ. Abmandalam bho Gautama kva pratishthitam? Vâyau pratishthitam. Vâyur bho Gautama kva pratishthitah ? Âkâse pratishthitah. Âkâsam bho Gautama kutra pratishthitam ? Atisarasi Mahâbrâhmana, atisarasi Mahâbrâhmana. Âkâsam Brâhmanâpratishthitam, anâlambanam iti vistarah. Tasmâd asty âkâsam iti Vaibhâshikâh. (Voir Brihad-Âr. Up. III, 6, 1. Burnouf, Introduction à l’histoire du Bouddhisme, p. 449.) ↩︎