[ p. 244 ]
1. Le piègeur [^749] qui règne seul par ses pouvoirs, qui règne tous les mondes par ses pouvoirs, qui est un et le même, tandis que les choses surgissent et existent [1], ceux qui savent cela sont immortels.
2. Car il n’existe qu’un seul Rudra, ils n’admettent pas de second, qui gouverne tous les mondes par ses pouvoirs. Il se tient derrière tous les êtres [2], et après avoir créé tous les mondes, lui, le protecteur, les enroule [3] à la fin des temps.
3 [4]. Ce dieu unique, ayant ses yeux, son visage, ses bras et ses pieds en tout lieu, lorsqu’il produit le ciel et la terre, les forge avec ses bras et ses ailes [5]. [ p. 245 ] 4. Lui [6], le créateur et le soutien des dieux, Rudra, le grand voyant, le seigneur de tous, celui qui autrefois donna naissance à Hiranyagarbha, puisse-t-il nous doter de bonnes pensées.
5 [7]. Ô Rudra, toi qui habites les montagnes, regarde-nous avec ta forme la plus bénie qui soit, qui est de bon augure, non terrible, et ne révèle aucun mal !
6 [8]. Ô seigneur des montagnes, fais que la flèche que toi, habitant des montagnes, tu tiens en main soit heureuse. Ne blesse ni homme ni bête !
7. Ceux qui connaissent au-delà de cela le Haut Brahman, le vaste, caché dans les corps de toutes les créatures, et seul enveloppant tout, comme le Seigneur, ceux-là deviennent immortels [9].
8 [10]. Je connais ce grand être (purusha) à l’éclat solaire au-delà des ténèbres [11]. Quiconque le connaît véritablement surmonte la mort ; il n’y a pas d’autre chemin à suivre [12].
9. Tout cet univers est rempli par cette personne (purusha), à qui il n’y a rien de supérieur, de qui il n’y a rien de différent, de qui il n’y a [ p. 246 ] rien de plus petit ou de plus grand, qui se tient seule, fixée comme un arbre dans le ciel [13].
10. Ce qui est au-delà de ce monde est sans forme et sans souffrance. Ceux qui le connaissent deviennent immortels, mais d’autres souffrent véritablement [14].
11. Ce Bhagavat [15] existe dans les visages, les têtes, les cous de tous, il demeure dans la caverne (du cœur) de tous les êtres, il est omniprésent, par conséquent il est l’omniprésent Siva.
12. Cette personne (purusha) est le grand seigneur ; il est le moteur de l’existence [16], il possède ce pouvoir le plus pur d’atteindre tout [17], il est lumière, il est immuable.
13 [18]. La personne (purusha), pas plus grande qu’un pouce, [ p. 247 ] habitant à l’intérieur, habitant toujours dans le cœur de l’homme, est perçue par le cœur, la pensée [19], l’esprit ; ceux qui la connaissent deviennent immortels.
14 [20]. L’homme (purusha) aux mille têtes, aux mille yeux, aux mille pieds, ayant encerclé la terre de tous côtés, s’étend au-delà de dix doigts de largeur.
15. Cette personne seule (purusha) est tout cela, ce qui a été et ce qui sera ; elle est aussi le seigneur de l’immortalité ; elle est tout ce qui pousse par la nourriture [21].
16. Ses [22] mains et ses pieds sont partout, ses yeux et sa tête sont partout, ses oreilles sont partout, il se tient debout englobant tout dans le monde [23].
17. Séparé de tous les sens, mais reflétant les qualités de tous les sens, il est le seigneur et le souverain de tous, il est le grand refuge de tous.
18. L’esprit incarné dans la ville aux neuf portes [24], l’oiseau, vole vers l’extérieur, le souverain du [ p. 248 ] monde entier, de tout ce qui repose et de tout ce qui bouge.
19. Saisissant sans mains, hâtant sans pieds, il voit sans yeux, il entend sans oreilles. Il sait ce qui peut être connu, mais personne ne le connaît ; on l’appelle le Premier, le Grand (purusha).
20 [25]. Le Soi, plus petit que petit, plus grand que grand, est caché au cœur de la créature. L’homme qui a laissé derrière lui toute souffrance voit la majesté, le Seigneur, l’impassible, par la grâce du Créateur (le Seigneur).
21 [26]. Je sais [27] que cet être immuable, ancien, le Soi de toutes choses, est infini et omniprésent. Ils déclarent qu’en lui toute naissance est arrêtée, car les disciples de Brahma le proclament éternel [28].
ya eko gâlavân îsata îsanîbhih
sarvân̐ llokân îsata îsanîbhih.
[paragraphe continue] Wilson, dans son Essai sur les sectes religieuses des hindous, publié en 1828 dans les Recherches asiatiques, XVI, p. 11, a souligné que ce verset et un autre (Svet. Up. II, 2) étaient cités par les Saivas comme autorités védiques pour leur enseignement. Il a fait remarquer que ces citations auraient difficilement été faites, sinon authentiques, et qu’elles figuraient probablement dans les Védas. Dans la nouvelle édition de cet essai par le Dr Rost, 1862, les références auraient dû être ajoutées.
244:1 Cet Adhyâya représente le Soi Supérieur comme la divinité personnifiée, comme le seigneur, îsa, ou Rudra, sous l’empire de son propre pouvoir créateur, prakriti ou mâyâ. ↩︎
244:2 Saṅkara explique gâla, le piège, par mâyâ. Le verset doit être corrigé, selon le commentaire de Saṅkara : ↩︎
244:3 Sambhava, dans le sens de Vergehen, périr, ne repose sur aucune autorité. ↩︎
244:4 Ici encore les MSS. AB lisent ganâs, comme un vocatif. ↩︎
244:5 Je préfère samkukoka à samkukopa, ce qui nous donne le sens que Rudra, après avoir créé toutes choses, rassemble, c’est-à-dire les reprend toutes en lui-même, à la fin des temps. J’ai traduit samsrigya par avoir créé, car Boehtlingk et Roth donnent d’autres exemples de samsrig avec ce sens. Sinon, « les avoir mélangés à nouveau » semblerait plus approprié. A. et B. lisent samkukoka. ↩︎
244:6 C’est un verset très populaire, et il apparaît dans Rig-veda X, 81, 3; Vâg. Samh. XVII, 19; Ath.-veda XIII, 2, 26; Taitt. Samh. IV, 6, 2, 4; Taitt. Âr. X, 1, 3. ↩︎
244:7 Saṅkara prend dhamati dans le sens de samyogayati, c’est-à-dire qu’il joint les hommes avec des bras, les oiseaux avec des ailes. ↩︎
245:1 Voir IV, 12. ↩︎
245:2 Voir Vâg. Samh. XVI, 2; Taitt. Samh. IV, 5, 1, 1. ↩︎
245:3 Voir Vâg. Samh. XVI, 3; Taitt. Samh. IV, 5, 1, 1; Nîlarudropan. p. 274. ↩︎
245:4 La connaissance consiste à savoir soit que Brahman est Îsa, soit qu’Îsa est Brahman. Mais dans les deux cas, le genre des adjectifs est difficile. La Svetâsvatara-upanishad semble utiliser brihanta comme adjectif, au lieu de brihat. Je préférerais traduire : Au-delà de ceci est le Haut Brahman, le vaste. Ceux qui savent qu’Îsa, le Seigneur, caché en toutes choses et embrassant toutes choses pour être ceci (Brahman), deviennent immortels. Voir aussi Muir, Metrical Translations, p. 196, dont j’ai adopté la traduction de ces versets à quelques exceptions près. ↩︎
245:5 Cf. Vâg. Samh. XXX, 18; Taitt. Âr. III, 12, 3, ↩︎
245:6 Cf. Bhagavadgita VIII, 9. ↩︎
245:7 Cf. Svet. Up. VI, 15. ↩︎
246:1 Divi, le ciel, est expliqué par Saṅkara comme dyotanâtmani svamahimni. ↩︎
246:2 La douleur du samsâra, ou transmigration. Voir Brihad. Up. IV, 3, 20 (p. 178). ↩︎
246:3 Je doute que les deux noms Bhagavat et Shiva soient ici conservés, ou que le premier soit rendu par saint, le second par heureux. Le commentateur explique Bhagavat ainsi :
l’héritage de la diversité
G_ñ_ânavairâgyayos kaiva shannâm bhaga itiranâ. ↩︎
246:4 Saṅkara explique le sattvasya par antahkaranasya. ↩︎
246:5 Je prends prâpti, comme d’autres termes figurant dans cette Upanishad, dans son sens technique. Prâpti est l’un des vibhûtis ou aisvaryas, à savoir le pouvoir de toucher quoi que ce soit à volonté, comme toucher la lune du bout du doigt. Voir Yoga-sûtras, éd. Rajendralal Mitra, p. 121. ↩︎
246:6 Cf. Taitt. Âr. X, 71 (Anuv. 38, p. 858). Kath. Up. IV, 12-13 ; ci-dessus, p. 16. ↩︎
247:1 Le texte contient manvîsa, que Saṅkara explique par g_ñ_ânesa. Mais Weber a, à juste titre, je crois, conjecturé que le texte original devait être manîshâ. La difficulté est de comprendre comment un mot aussi courant que manîshâ a pu être transformé en un mot aussi inhabituel que manvîsa. Voir IV, 20. ↩︎
247:2 C’est un verset célèbre du Rig-veda, X, 90, 1 ; répété dans l’Atharva-veda, XIX, 6, 1 ; Vâg. Samh. XXXI, 1 ; Taitt. Âr. III, 12, 1. Saṅkara explique la largeur de dix doigts par infini ; ou, dit-il, cela peut être destiné au cœur, qui est dix doigts au-dessus du nombril. ↩︎
247:3 Sâyana, dans son commentaire sur le Rig-veda et le Taitt. Âr., donne une autre explication, à savoir qu’il est aussi le seigneur de tous les immortels, c’est-à-dire des dieux, parce qu’ils atteignent leur état supérieur au moyen de la nourriture, ou pour l’amour de la nourriture. ↩︎
247:4 Le genre change fréquemment, selon que l’auteur pense soit au Brahman, soit à son incarnation en Îsa, Seigneur. ↩︎
247:5 Saṅkara explique loka par nikâya, le corps. ↩︎
247:6 Cf. Kath. Up. V, 1. ↩︎
248:1 Cf. Taitt. Âr. X, 12 (10), p. 800; Kath. Up. II, 20; ci-dessus, p. 11. La traduction a dû être légèrement modifiée, car les Svetâsvataras, comme Taittirîyas, lisent akratum pour akratuh, et îsam pour âtmanah. ↩︎
248:2 Cf. Taitt. Ar. III, 13, 1; III, 12, 7. ↩︎