[ p. 249 ]
1. Lui, le soleil, sans aucune couleur, qui avec un but déterminé [^778] au moyen de son pouvoir (sakti) produit des couleurs infinies [^779], en qui tout cela se rassemble au commencement et se sépare à la fin — puisse-t-il, le dieu, nous doter de bonnes pensées [1].
2. Cela (le Soi) est en effet Agni (le feu), il est Âditya (le soleil), il est Vâyu (le vent), il est Kandramas (la lune) ; de même est aussi le firmament étoilé [2], il est Brahman (Hiranyagarbha), il est l’eau, il est Pragâpati (Virâg).
3. Tu es femme, tu es homme ; tu es jeune homme, tu es vierge ; toi, comme un vieillard, tu titubes [3] sur ton bâton ; tu es né avec ton visage tourné partout.
4. Tu es l’abeille bleu foncé, tu es le perroquet vert aux yeux rouges, tu es le nuage d’orage, les saisons, les mers. Tu es sans commencement [4], car tu es infini, toi de qui tous les mondes sont nés.
5 [5]. Il y a un être à naître (femelle), rouge, blanc et noir, uniforme, mais produisant une progéniture multiple. Il y a un être à naître (mâle) qui l’aime et couche à ses côtés ; il y en a un autre qui la quitte, tandis qu’elle mange ce qui doit être mangé. [ p. 251 ] 6 [6]. Deux oiseaux, amis inséparables, s’accrochent au même arbre. L’un d’eux mange le fruit sucré, l’autre regarde sans manger.
7. Sur le même arbre, l’homme est assis, affligé, submergé, désemparé par sa propre impuissance (an-îsâ). Mais lorsqu’il voit l’autre seigneur (îsa) satisfait et connaît sa gloire, alors son chagrin passe.
8 [7]. Celui qui ne connaît pas l’être indestructible du Rig-Véda, ce Soi suprême, semblable à l’éther, où résident tous les dieux, à quoi lui sert le Rig-Véda ? Seuls ceux qui le connaissent sont satisfaits.
9. Ce d’où le créateur (mâyin [8]) envoie tout cela — les versets sacrés, les offrandes, les sacrifices, les panacées, le passé, le futur et tout ce que les Védas déclarent — en ce que l’autre est lié par cette mâyâ.
10. Sache donc que la Prakriti (la nature) est Mâyâ (l’art), et le grand Seigneur est le Mâyin (le créateur) ; le monde entier est rempli de ce qui sont ses membres.
11. Si un homme a discerné celui qui, étant un seul, règne sur toute germe (cause), en qui tout cela se rassemble et se sépare à nouveau, qui est le seigneur, le dispensateur de bénédiction, le dieu adorable, alors il passe pour toujours dans cette paix.
12 [9]. Lui, le créateur et le soutien des dieux, Rudra, le grand voyant, le seigneur de tous, qui a vu [10], Hiranyagarbha naître, puisse-t-il nous doter de bonnes pensées.
13. Celui qui est le souverain des dieux, celui en qui tous les mondes [11] reposent, celui qui règne sur tous les êtres à deux et à quatre pieds, à ce dieu [12] sacrifions une oblation.
14. Celui qui a connu celui qui est plus subtil que subtil, au milieu du chaos, créant toutes choses, ayant de multiples formes, enveloppant seul tout [13], l’heureux (Siva), passe dans la paix pour toujours. [ p. 253 ] 15. Il fut aussi dans le temps [14] le gardien de ce monde, le seigneur de tous, caché dans tous les êtres. En lui, les Brahmarshis et les divinités sont unis [15], et celui qui le connaît coupe les chaînes de la mort.
16. Celui qui connaît Siva (le bienheureux) caché dans tous les êtres, comme la pellicule subtile qui s’élève du beurre clarifié [16], enveloppant à elle seule tout, celui qui connaît le dieu, est libéré de toutes les chaînes.
17. Ce dieu, le créateur de toutes choses, le grand Soi [17], habitant toujours dans le cœur de l’homme, est perçu par le cœur, l’âme, l’esprit [18] ; ceux qui le connaissent deviennent immortels.
18. Quand la lumière s’est levée [19], il n’y a plus de jour, plus de nuit, ni existence ni non-existence [20] ; seul Shiva (le bienheureux) est là. C’est là l’éternelle et adorable lumière de Savitri [21], et c’est de là que procède l’ancienne sagesse.
19. Personne ne l’a saisi au-dessus, ni en travers, ni au milieu [22]. Il n’y a aucune image de celui dont le nom est Grande Gloire.
20. Sa forme ne peut être vue, personne ne le perçoit avec les yeux. Ceux [23] qui par le cœur et l’esprit le connaissent ainsi demeurant dans le cœur, deviennent immortels.
21. « Tu n’es pas né », à ces mots, quelqu’un s’approche de toi en tremblant. Ô Rudra, que ton visage gracieux [24] me protège à jamais !
22 [25]. Ô Rudra ! Ne nous fais pas de mal dans notre progéniture et notre descendance, ne nous fais pas de mal dans nos propres vies, ni dans nos vaches, ni dans nos chevaux ! Ne tue pas nos hommes dans ta colère, car, tenant des offrandes, nous t’invoquons toujours.
249:1 Nihitârtha, expliqué par Saṅkara comme grihîtaprayoganah svârthanirapekshah. Cela peut signifier avec un but déterminé, mais si nous lisons agrihîtaprayoganah, cela signifierait le contraire, à savoir, sans aucun objet défini, indépendamment de ses propres objectifs. Cela est possible, et peut-être plus conforme à l’idée de création telle que proposée par ceux pour qui la devâtmasakti est mâyâ. Nihita signifierait alors caché. ↩︎
249:2 La couleur est destinée aux qualités, aux différences, etc. ↩︎
249:3 Ce verset a été traduit très librement. Tel qu’il est, vi kaiti kânte visvam âdau sa devah, il ne s’interprète pas, malgré toutes les tentatives contraires faites par Saṅkara. Ce qui est voulu est yasminn idam sam ka vi kaiti sarvam (IV, 11) ; mais comment une ligne aussi simple a-t-elle pu être transformée en ce que nous lisons maintenant, c’est difficile à dire. ↩︎
249:4 C’est l’explication de Sankara, et probablement celle des écoles de yoga en Inde à son époque. Mais prendre sukram pour dîptiman nakshatrâdi, brahma pour Hiranyagarbha et Pragâpati pour Virâg ne semble suggéré que par ce verset. ↩︎
249:5 Va_ñ_kayasi, une forme exceptionnelle, au lieu de va_ñ_kasi (AB) ↩︎
250:1 Nous voyons partout le changement constant du genre masculin au genre neutre, en s’adressant soit au seigneur, soit à sa véritable essence. ↩︎
250:2 C’est encore l’un des versets célèbres de notre Upanishad, car il a longtemps constitué une pomme de discorde entre les philosophes du Vedânta et du Sâṅkhya. Les Sâṅkhyas admettent deux principes : le Purusha, le sujet absolu, et la Prakriti, généralement traduite par nature. Les philosophes du Vedanta n’admettent rien d’autre qu’un seul sujet absolu et considèrent la nature comme due à un pouvoir inhérent à ce sujet. Les Sâṅkhyas ultérieurs, donc, qui sont aussi désireux que les Vedântins de trouver des passages faisant autorité dans le Veda, confirmant leurs opinions, font appel à ce passage et à d’autres, pour montrer que leur conception de la Prakriti, en tant que pouvoir indépendant, est soutenue par le Veda. Français Toute la question est discutée en détail dans les Vedânta-sûtras I, 4, 8. Nous lisons ici rohita-krishna-suklâm, qui semble préférable à lohita-krishna-varnâm, du moins d’un point de vue Vedânta, car les trois couleurs, rouge, noir et blanc, sont expliquées comme signifiant soit les trois gunas, ragas, sattva et tamas, soit mieux (Khând. Up. VI, 3, 1), les trois éléments, tegas (feu), ap (eau) et anna (terre). A. lit rohitasuklakrishnâm ; B. lohitasuklakrishnâ (sic). On trouve aussi en A. et B. bhuktabhogâm pour bhuktabhogyâm, mais cette dernière interprétation semble techniquement la plus correcte. Il serait tout à fait erroné de croire qu’aga et agâ désignent ici le bouc et la chèvre. Ces mots, au sens de non-né, sont reconnus dès les hymnes du Riag-veda, et ils apparaissent dans notre Upanishad I, 9, où les deux agâ sont mentionnés dans le même sens qu’ici. Mais il y a sans doute un jeu de mots, et le poète a souhaité transmettre le second sens de bouc et de chèvre, non pas comme intention première, mais comme intention secondaire. ↩︎
251:1 Les mêmes versets apparaissent dans le Mundaka Up. III, 1. ↩︎
251:2 Il est difficile de voir comment ce verset intervient ici. Dans le Taitt. Âr. II, 11, 6, il est cité en rapport avec la syllabe Om, l’Akshara, dans laquelle tous les Védas sont compris. Il est utilisé de la même manière dans le Nrisimha-pûrva-tâpanî, IV, 2; V, 2. Dans notre passage, cependant, akshara est référé par Saṅkara au paramâtman, et je l’ai traduit en conséquence. Rikah est expliqué comme un génitif singulier, mais il peut aussi être pris comme un nom. pluriel, et dans ce cas, les versets du Véda et les dieux sont censés résider dans l’Akshara, que nous le prenions pour le Paramâtman ou pour l’Om. Dans ce dernier cas, parame vyoman s’explique par utkrishte et rakshake. ↩︎
251:3 Il est impossible de trouver des termes correspondant à mâyâ et mâyin. Mâyâ signifie fabrication, ou art, mais comme toute fabrication ou création, pour le Soi Suprême, n’est que phénoménale ou simple illusion, mâyâ exprime en même temps le sens d’illusion. De la même manière, mâyin est le créateur, l’artiste, mais aussi le magicien ou le jongleur. Ce que notre verset semble vouloir dire, c’est que de l’akshara, qui correspond à brahman, tout procède, tout ce qui existe ou semble exister, mais que le véritable créateur ou l’auteur de toutes les émanations est Îsa, le Seigneur, qui, en tant que créateur, agit par mâyâ ou devâtmasakti. Il est possible, cependant, que l’autre, anya, soit destiné au purusha individuel. ↩︎
252:1 Voir avant, III, 4. ↩︎
252:2 Saṅkara n’explique pas à nouveau ce verset, bien qu’il diffère de III, 4. Vig_ñ_ânâtman explique pasyata par apasyata, et qualifie l’Âtmanepada d’irrégulier. ↩︎
252:3 B. lit yasmin devâh, pas A. ↩︎
252:4 J’ai lu tasmai au lieu de kasmai, une interprétation différente mentionnée par Vig_ñ_ânâtman. Il était facile de changer tasmai en kasmai, en raison du vers bien connu du Rig-Véda : kasmai devâya havishâ vidhema. Ceux qui lisent kasmai l’expliquent comme un datif de Ka, un nom de Pragâpati, qui au datif devrait être kâya, et non kasmai. Il serait préférable de prendre kasmai comme datif du pronom interrogatif. Voir MM, History of Ancient Sanskrit Literature, p. 433 ; et Vitâna-sutras IV, 22. ↩︎
252:5 Cf. III, 7. ↩︎
253:1 Dans les temps anciens, Saṅkara. ↩︎
253:2 Parce que les Brahmarshis, les saints voyants et les déités trouvent leur véritable essence dans Brahman. ↩︎
253:3 On devrait dire, comme la crème du lait. ↩︎
253:4 Ou les esprits élevés. ↩︎
253:5 Voir III, 13. ↩︎
253:6 Atamas, pas d’obscurité, c’est-à-dire la lumière de la connaissance. ↩︎
253 : 7 Voir sur la difficulté de traduire sat et asat, τὸ ὄν et τὸ μή ὄν, les remarques de la Préface. ↩︎
253:8 Se référant au Gâyatrî, Rig-veda III, 62, 10 ; voir aussi Svet. Up. V, 4. ↩︎
253:9 Voir Muir, Metrical Translations, p. 198; Maitr. Up. VI, 17. ↩︎
253:10 B. lit hridâ manîshâ manasâbhiklipto, yat tad vidur ; A. hridi hridistham manasâya enam evam vidur. ↩︎