Vingtième conférence. Le grand devoir des Nirgranthas | Page de titre | Vingt-deuxième conférence. Rathanemi |
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VINGT ET UNIÈME CONFÉRENCE. SAMUDRAPÂLA.
À Kampâ vivait un Sâvaka, le marchand Pâlita, qui était un disciple du noble et vénérable Mahâvîra. (1)
En tant que Sâvaka, il connaissait bien les doctrines des Nirgranthas. Un jour, il se rendit en bateau à la ville de Pihunda pour affaires. (2)
Un marchand lui confia sa fille alors qu’il faisait des affaires à Pihunda. Lorsqu’elle fut enceinte, il la prit avec lui à son retour. (3)
Or, la femme de Pâlita donna naissance à un enfant en mer ; comme le garçon était né en mer (samudra), il fut nommé Samudrapâla. (4)
Notre marchand, le Srâvaka, se rendit tranquillement à Kampâ, dans sa maison ; dans sa maison le garçon grandit entouré de confort. (5)
Il étudia les soixante-douze arts et acquit la connaissance du monde [^280] ; il était dans l’apogée de
jeune homme, il avait une belle silhouette et une belle apparence. (6) Son père lui procura une belle épouse, Rûpinî, avec laquelle il s’amusait dans son agréable palais, tel un dieu Dôgundaga [1]. (7)
Il était une fois un homme qui vit, depuis la fenêtre de son palais, un condamné à mort, habillé pour être exécuté, en route vers le lieu de l’exécution. (8)
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Agité par ce qu’il vit, Samudrapâla parla ainsi : « Voici le mauvais résultat des mauvaises actions. » (9)
Il devint aussitôt éclairé, le vénérable homme, et il fut extrêmement agité ; il prit congé de ses parents et entra dans l’état de sans-abri. (10)
Abandonnant la grande détresse à laquelle les mondains [2] sont exposés, la grande illusion et tout ce qui cause la peur, il faut adopter la Loi des moines [3], les vœux, les vertus et (l’endurance des) calamités. (11)
Il faut respecter les cinq grands vœux, à savoir : ne pas tuer, dire la vérité, ne pas voler, être chaste, ne posséder aucune propriété ; un homme sage doit suivre la Loi enseignée par les Ginas. (12)
Un moine doit avoir de la compassion pour tous les êtres, doit être d’un caractère indulgent, doit être sobre et chaste, et s’abstenir de tout péché ; il doit vivre en contrôlant ses sens. (13)
De temps en temps [4] il devrait voyager dans un pays, [ p. 110 ] en tenant compte de ses ressources et de ses propres capacités ; comme un lion, il ne devrait être effrayé par aucun bruit ; et quelles que soient les paroles qu’il entend, il ne devrait pas faire de réponse inappropriée. (14)
Il doit se promener dans une indifférence totale et supporter tout, que ce soit agréable ou désagréable ; il ne doit pas approuver tout partout, ni se soucier [5] d’un traitement respectueux ou d’un blâme. (15)
Il y a ici parmi les hommes de nombreuses opinions qu’un moine place sous leur véritable jour ; il surgira de nombreuses calamités dangereuses et épouvantables, causées par des dieux, des hommes ou des animaux, qui sont difficiles à supporter et font sombrer sous elles des hommes facilement découragés ; mais un moine qui entre en contact avec elles n’aura pas peur, comme un éléphant majestueux à la tête de la bataille. (16, 17)
Le froid et la chaleur, les mouches et les moucherons, les sensations désagréables et de nombreuses maladies attaquent le corps ; il doit les supporter sans broncher [6] et ne pas se rappeler les plaisirs dont il jouissait autrefois. (18)
Renonçant à l’amour, à la haine et à l’illusion, un moine qui est toujours prudent et qui est inébranlable même si le mont Mêru ne peut être ébranlé par la tempête, devrait supporter les calamités en se protégeant. (19)
Un grand sage ne doit être ni trop élevé par l’orgueil ni trop humble, il ne doit se soucier ni du respect ni du blâme ; un ascète qui a cessé (d’agir), entrera par sa simplicité sur le chemin du Nirvânâ. (20)
Il n’est ni affligé ni content (de quoi que ce soit) [7], il abandonne ses relations avec les hommes, il cesse (d’agir), est attentif au bien de son âme, il s’efforce d’atteindre le bien le plus élevé (à savoir mukti), et utilise les moyens pour l’atteindre, libre de chagrin, d’égoïsme et de toute sorte de propriété. (21)
Un (moine) miséricordieux doit utiliser des lits éloignés des autres, qui ne sont pas préparés pour lui [8] ni jonchés (de feuilles ou de choses considérées comme possédant la vie) ; il doit supporter les difficultés auxquelles les sages sont habitués. (22)
Le grand sage (Samudrapâla), comprenant la science sacrée et pratiquant complètement la meilleure Loi, brillait comme le soleil dans le ciel, étant possédé de la plus haute connaissance et de la plus haute gloire. (23)
Ayant anéanti son Karman à la fois méritoire [ p. 112 ] et pécheur, étant constant [9] et libre de toutes entraves, Samudrapâla traversa le Déluge semblable à l’océan de l’existence terrestre et obtint l’exemption de la transmigration. (24)
Ainsi je dis.
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108:1 Pour rendre nîtikôvida. ↩︎
109:1 Saggantha = sagrantha, qui est évidemment l’opposé de nirgrantha. Les commentateurs corrigent samgamtha en samgam ka. La lecture originale se trouve dans le manuscrit. BA contient samgamtha, tout comme C. à l’origine, mais il corrige le tha en ka. Selon les commentateurs, nous devrions traduire : abandonner l’attachement au monde qui cause une grande détresse, une grande illusion, le noir (Lêsyâ) et des dangers, il faut, etc. ↩︎
109:2 Paryâya-dharma. Paryâya signifie un état sous lequel une substance se présente. On entend ici l’état de l’âme en pravragyâ, c’est-à-dire srâmanya-paryâya ; comparer les expressions khadmastha-paryâya et kêvali-paryâya. Paryâya-dharma est ici égal à prayragyâ-dharma, la Loi des moines. ↩︎
109:3 Kâlêna kâlam, les commentateurs fournissent le kurvan, et expliquent le passage comme suit : kâlêna, c’est-à-dire dans un paurushî (quatre heures) moins un quart, kâlam, c’est-à-dire ce qui est approprié pour le temps. Le sens serait « faire à chaque fois ce qui est approprié ou prescrit de faire à ce moment-là ». Mais cette explication semble très artificielle ; je pense que l’expression kalêna kâlam est un adverbe du même type que maggham magghêna et beaucoup d’autres. ↩︎
110:1 Samgae. Ce mot peut être samyata à cet endroit ; mais au verset 20, où la même ligne apparaît à nouveau, il ne peut pas être interprété ainsi, car le mot samgae y apparaît deux fois ; une fois il a le sens de samgata, mais dans le passage en discussion il doit être un verbe, et il y est rendu sañgayet = saṅgam kuryât par les commentateurs. ↩︎
110:2 Akukkuô, traduit par akukûga, dérivé de la racine kûg « gazouiller, gémir » ; cela signifierait donc « sans se plaindre ». Mais dans I, 30, nous avons appakukkuê, dérivé de la racine kuk « courber, être tordu », et il est rendu par alpaspandana. Le même sens s’applique dans le cas présent. ↩︎
111:1 C’est le sens communément donné à l’expression fréquente arairaisahe. Une autre interprétation est : samyamâ-samyamavishayê, tâbhyâm na bâdhatê. ↩︎
111:2 Nirôvalêvâi = nirupalipta. Upalêpa peut signifier « saleté », mais l’auteur de l’Avakûri explique qu’upalêpa consiste en une affection abhishvaṅga : Il est presque impossible de rendre de manière satisfaisante une expression aussi vague. ↩︎