Livre I — De la création à la mort d'Isaac | Page de titre | Livre III — De la sortie de l'Egypte à la répulsion de la génération |
CONTENANT L’INTERVALLE DE DEUX CENT VINGT ANS.
Comment Ésaü et Jacob, fils d’Isaac, se partagèrent leur demeure ; et Ésaü posséda l’Idumée et Jacob Canaan.
1. Après la mort d’Isaac, ses fils se partagèrent leurs demeures respectives ; ils ne conservèrent pas ce qu’ils possédaient auparavant. Ésaü quitta Hébron et la laissa à son frère. Il s’établit en Séir et régna sur l’Idumée. Il donna ce nom à ce pays, car il s’appelait Adom ; ce nom lui fut donné en l’occasion suivante : un jour, revenant de la chasse, très affamé (c’était alors qu’il était encore un enfant), il rencontra son frère qui préparait un potage de lentilles pour son dîner, qui était d’une couleur très rouge ; c’est pourquoi il en désira d’autant plus ardemment et le pria de lui en donner à manger. Mais il profita de la faim de son frère et le força à lui céder son droit d’aînesse ; et celui-ci, pressé par la faim, le lui céda sous serment. D’où il vint que, à cause de la rougeur de ce potage, ses contemporains l’appelèrent, par plaisanterie, Adom, car les Hébreux appellent ce qui est rouge Adom ; et c’était le nom donné au pays ; mais les Grecs lui donnèrent une prononciation plus agréable, et le nommèrent Idumée.
2. Il engendra cinq fils : Jaus, Jalomus et Coréus, d’une même femme nommée Alibama ; mais des autres, Aliphaz, né d’Ada, et Raguel, né de Basemmath, furent les fils d’Ésaü. Aliphaz eut cinq fils légitimes : Théman, Omer, Saphus, Gotham et Kanaz ; car Amalek n’était pas légitime, mais né d’une concubine nommée Thamna. Ceux-ci habitaient la partie de l’Idumée appelée Gebalitis, et celle qui vient d’Amalek, Amalekitis ; car l’Idumée était un vaste pays, et elle conserva alors le nom de toute la région, tandis que dans ses différentes parties, elle conserva les noms de ses habitants particuliers.
COMMENT JOSEPH, LE PLUS JEUNE DES FILS DE JACOB, FUT ENVIE PAR SES FRÈRES, ALORS QUE CERTAINS RÊVES AVAIENT PRÉSENTÉ SON BONHEUR FUTUR.
1. Jacob connut un bonheur tel que rarement personne n’en avait connu. Il était plus riche que le reste des habitants de ce pays ; et il était à la fois envié et admiré pour ses fils si vertueux, car ils ne manquaient de rien, mais étaient de grandes âmes, à la fois par leur travail manuel et leur endurance, et aussi par leur intelligence. Et Dieu exerça sur lui une telle providence et un tel souci de son bonheur qu’il lui accorda les plus grandes bénédictions, même dans ce qui semblait être la condition la plus douloureuse ; et qu’il fit de lui la cause du départ de nos ancêtres d’Égypte, lui et sa postérité. Voici la raison : lorsque Jacob eut son fils Joseph né de Rachel, son père l’aimait plus que tous ses autres fils, à la fois pour la beauté de son corps et pour les vertus de son esprit, car il surpassait les autres en prudence. Cette affection de son père excita l’envie et la haine de ses frères ; Il en fut de même des rêves qu’il fit et raconta à son père et à eux, qui prédisaient son bonheur futur, car il est courant chez les humains d’envier leurs proches et leur prospérité. Voici les visions que Joseph eut dans son sommeil :
2. Alors qu’ils étaient au milieu de la moisson, Joseph fut envoyé par son père avec ses frères pour récolter les fruits de la terre. Il eut une vision en songe, bien plus extraordinaire que celles que l’on voit habituellement pendant le sommeil. À son réveil, il la raconta à ses frères afin qu’ils puissent en juger. Il dit avoir vu la nuit dernière sa gerbe de blé immobile à l’endroit où il l’avait déposée, mais leurs gerbes accoururent pour se prosterner devant elle, comme des serviteurs se prosternent devant leurs maîtres. Mais dès qu’ils comprirent la vision prédisant qu’il obtiendrait puissance et grande richesse, et que sa puissance leur serait opposée, ils n’en donnèrent aucune interprétation à Joseph, comme s’ils n’avaient pas compris le songe. Ils prièrent pour que rien de ce qu’ils soupçonnaient ne se réalise ; et ils nourrirent pour lui une haine encore plus grande.
3. Mais Dieu, contrariant leur envie, envoya une seconde vision à Joseph, bien plus merveilleuse que la première. Il lui sembla que le soleil emportait avec lui la lune et le reste des étoiles, descendait sur terre et se prosternait devant lui. Il raconta la vision à son père, ne soupçonnant aucune malveillance de la part de ses frères, qui étaient également présents, et lui demandèrent d’en interpréter le sens. Jacob fut satisfait du songe : considérant la prédiction dans son esprit et en devinant sa signification avec perspicacité et sagesse, il se réjouit des grandes choses qu’il signifiait, car il annonçait le bonheur futur de son fils et que, par la bénédiction de Dieu, le temps viendrait où il serait honoré et jugé digne d’adoration par ses parents et ses frères, devinant que la lune et le soleil étaient comme sa mère et son père ; la première, comme celle qui donne croissance et nourriture à toutes choses ; et ce dernier, celui qui leur a donné la forme et d’autres pouvoirs; et que les étoiles étaient comme ses frères, puisqu’elles étaient au nombre de onze, comme l’étaient les étoiles qui reçoivent leur pouvoir du soleil et de la lune.
4. Jacob jugea ainsi cette vision, et ce fut un jugement judicieux. Mais ces interprétations causèrent un profond chagrin aux frères de Joseph ; ils le considérèrent comme un étranger aux bienfaits annoncés par les songes, et non comme un frère avec qui ils partageraient probablement le même bonheur ; et comme ils avaient été les partenaires d’une même famille, ils devaient connaître le même bonheur. Ils résolurent également de tuer le jeune homme ; et, ayant pleinement confirmé leur intention, dès la récolte des fruits terminée, ils se rendirent à Sichem, une région propice à l’élevage et au pâturage. Là, ils firent paître leurs troupeaux, sans prévenir leur père de leur départ. Ce dernier nourrit alors de sombres soupçons à leur égard, ignorant la situation de ses fils et ne recevant aucun messager des troupeaux susceptible de l’informer de leur véritable état. et, comme il avait une grande crainte à leur sujet, il envoya Joseph vers les troupeaux, pour s’informer de la situation de ses frères et pour lui rapporter comment ils se portaient.
COMMENT JOSEPH FUT AINSI VENDU PAR SES FRÈRES EN Égypte, À CAUSE DE LEUR HAINE ENVERS LUI ; ET COMMENT IL Y DEVENIT CÉLÈBRE ET ILLUSTRE ET EUT SES FRÈRES SOUS SON POUVOIR.
1. Ces frères se réjouirent dès qu’ils virent leur frère venir à eux, non pas comme s’il s’agissait d’un proche parent ou d’un envoyé de leur père, mais comme s’il s’agissait d’un ennemi livré entre leurs mains par la Providence divine. Ils résolurent déjà de le tuer et de ne pas laisser passer l’occasion qui s’offrait à eux. Mais lorsque Ruben, l’aîné d’entre eux, les vit ainsi disposés et qu’ils s’étaient mis d’accord pour exécuter leur projet, il essaya de les retenir, leur montrant l’odieuse entreprise qu’ils menaient et son caractère horrible ; que cette action paraîtrait mauvaise aux yeux de Dieu et impie aux yeux des hommes, même s’ils tuaient un étranger à leur famille ; Mais il était bien plus flagrant et détestable de paraître avoir tué leur propre frère. Par cet acte, le père devait être traité injustement en tuant son fils, et la mère, elle aussi, se sentir perplexe en se lamentant que son fils lui soit enlevé, et ce, d’ailleurs de manière fort peu naturelle. Il les supplia donc de prendre garde à leur conscience et de considérer avec sagesse le mal qui leur arriverait à la mort d’un si bon enfant et de leur plus jeune frère ; qu’ils craignaient aussi Dieu, qui était déjà à la fois spectateur et témoin des desseins qu’ils nourrissaient contre leur frère ; qu’il les aimerait s’ils s’abstenaient de cet acte et se livraient au repentir et à l’amendement ; mais s’ils passaient à l’acte, toutes sortes de châtiments les attendraient de la part de Dieu pour le meurtre de leur frère, puisqu’ils profanaient sa providence, présente partout et qui ne négligeait rien, ni dans les déserts ni dans les villes ; car où que soit un homme, il doit supposer que Dieu est aussi. Il leur dit encore que leur conscience serait leur ennemie s’ils tentaient une entreprise aussi mauvaise, qu’ils ne peuvent éviter, qu’il s’agisse d’une bonne conscience ou de celle qu’ils auront en eux après avoir tué leur frère. Il ajouta à ce qu’il avait dit précédemment : tuer son frère, même s’il leur a fait du tort, n’était pas juste ; il est bon d’oublier les actions de ces amis proches, même dans les cas où ils semblent les avoir offensés ; mais ils allaient tuer Joseph, qui n’avait commis aucun mal envers eux, et dont l’infirmité due à son jeune âge devrait plutôt lui valoir la miséricorde et les inciter à s’unir pour veiller à sa préservation. Que la cause de son meurtre rendait l’acte lui-même bien pire, alors qu’ils étaient déterminés à l’emmener par envie de sa prospérité future, dont ils partageraient naturellement une part égale pendant qu’il en jouissait, puisqu’ils n’étaient pas pour lui des étrangers, mais les plus proches parents, car ils pouvaient compter sur ce que Dieu avait accordé à Joseph comme leur propre bien ; et qu’il était convenable pour eux de croire,que la colère de Dieu serait pour cette raison plus sévère contre eux, s’ils tuaient celui que Dieu jugeait digne de la prospérité qu’ils devaient espérer ; et tandis qu’en l’assassinant, ils rendaient impossible à Dieu de la lui accorder.
2. Ruben dit ces choses et bien d’autres, et les supplia, cherchant ainsi à les détourner du meurtre de leur frère. Mais voyant que son discours ne les avait pas apaisés et qu’ils s’empressaient d’agir, il leur conseilla de mettre fin à leur méchanceté en enlevant Joseph. Car, comme il les avait d’abord exhortés, au moment de se venger, à se laisser dissuader de le faire, et que, la sentence pour le meurtre de leur frère ayant été prononcée, ils ne seraient pas si gravement coupables s’ils se laissaient persuader de suivre son conseil, qui inclurait ce qu’ils désiraient tant, mais qui n’était pas si grave, mais, vu la détresse dans laquelle ils se trouvaient, une peine plus légère. Il les supplia donc de ne pas tuer leur frère de leurs propres mains, mais de le jeter dans la fosse toute proche et de le laisser mourir. Ils gagneraient ainsi beaucoup à ne pas souiller leurs mains de son sang. Les jeunes gens acceptèrent volontiers. Ruben prit donc le jeune homme, l’attacha à une corde et le descendit doucement dans la fosse, car elle était vide. Après cela, il partit chercher des pâturages propres à nourrir ses troupeaux.
3. Judas, fils de Jacob, vit des Arabes, descendants d’Ismaël, apporter des aromates et des produits syriens du pays de Galaad aux Égyptiens. Après le départ de Rubel, il conseilla à ses frères de tirer Joseph de la fosse et de le vendre aux Arabes ; car s’il mourait parmi des étrangers au loin, ils seraient délivrés de cette barbarie. La décision fut prise ; ils tirèrent Joseph de la fosse et le vendirent aux marchands pour vingt livres. Il avait alors dix-sept ans. Rubel, arrivant de nuit à la fosse, résolut de sauver Joseph, sans que ses frères ne le sachent. Comme il ne répondait pas à son appel, il craignit qu’ils ne l’aient tué après son départ ; il s’en plaignit à ses frères ; mais lorsqu’ils lui eurent raconté ce qu’ils avaient fait, Rubel cessa son deuil.
4. Après que les frères de Joseph lui eurent fait cela, ils se demandèrent ce qu’ils devaient faire pour échapper aux soupçons de leur père. Or, ils avaient enlevé à Joseph la tunique qu’il portait lorsqu’il était venu vers eux, au moment où on le descendait dans la fosse. Ils pensèrent donc devoir déchirer cette tunique, la tremper dans du sang de bouc, puis la porter et la montrer à leur père, afin qu’il croie avoir été tué par des bêtes sauvages. Après cela, ils allèrent trouver le vieillard, mais seulement après qu’il eut appris ce qui était arrivé à son fils. Ils dirent alors qu’ils n’avaient pas vu Joseph, ni ne savaient quel malheur lui était arrivé ; mais qu’ils avaient trouvé sa tunique ensanglantée et déchirée, d’où ils soupçonnaient qu’il était tombé parmi les bêtes sauvages et avait péri, si c’était la tunique qu’il portait à son retour de la maison. Jacob avait alors de meilleurs espoirs que son fils ne soit qu’un captif, Mais il abandonna cette idée et supposa que ce manteau était un indice évident de sa mort, car il se souvenait bien que c’était le manteau qu’il portait lorsqu’il l’avait envoyé vers ses frères. Il pleura donc le garçon comme mort, comme s’il n’avait été père que d’un seul enfant, sans trouver de réconfort dans les autres. Il fut également affecté par son malheur avant de rencontrer les frères de Joseph, lorsqu’il conjectura que Joseph avait été tué par des bêtes sauvages. Il s’assit également, vêtu d’un sac et dans une grande affliction, à tel point qu’il ne trouva aucun soulagement lorsque ses fils le réconfortèrent, et que ses douleurs ne s’apaisèrent pas malgré le temps.
CONCERNANT LA CHASTETÉ SIGNALE DE JOSEPH.
1. Or, Potiphar, un Égyptien, chef cuisinier du roi Pharaon, acheta Joseph aux marchands, qui le lui vendirent. Il le tenait en haute estime, lui enseigna les connaissances nécessaires à un homme libre et lui permit de suivre un régime alimentaire meilleur que celui des esclaves. Il lui confia également le soin de sa maison. Il jouit ainsi de ces avantages, sans pour autant abandonner la vertu qu’il possédait auparavant, malgré un tel changement de condition ; il démontra que la sagesse est capable de dominer les passions difficiles de la vie, chez ceux qui la possèdent réellement et ne la font pas seulement paraître, dans un état de prospérité présent.
2. Car lorsque la femme de son maître tomba amoureuse de lui, à cause de sa beauté et de son habileté à gérer ses affaires, et qu’elle supposa que si elle le lui faisait savoir, elle pourrait facilement le persuader de venir coucher avec elle, et qu’il considérerait comme un heureux hasard que sa maîtresse le supplie, concernant son état d’esclavage, et non son caractère moral, qui subsistait après son changement de condition, elle lui fit donc part de ses penchants malicieux et lui parla de coucher avec elle. Cependant, il repoussa ses supplications, ne jugeant pas conforme à la religion de lui céder au point de faire ce qui tendrait à l’affront et au préjudice de celui qui l’avait acheté et lui avait accordé de si grands honneurs. Au contraire, il l’exhorta à dominer cette passion, et lui fit part de l’impossibilité d’obtenir ce qu’elle désirait, qu’il pensait pouvoir satisfaire si elle n’avait aucun espoir de succès. et il dit que, quant à lui, il supporterait n’importe quoi avant d’être persuadé ; car, bien qu’il fût convenable pour un esclave, comme il l’était, de ne rien faire contre sa maîtresse, il pouvait bien être excusé dans un cas où la contradiction ne concernait que ce genre d’ordres. Mais cette opposition de Joseph, alors qu’elle ne s’y attendait pas, rendit son amour pour lui encore plus violent ; et comme elle était cruellement en proie à cette passion perverse, elle résolut d’atteindre son dessein par une seconde tentative.
3. Or, comme une fête publique approchait, où il était de coutume que les femmes assistent à la solennité publique, elle prétendit à son mari qu’elle était malade, cherchant ainsi une occasion de solitude et de loisir pour implorer de nouveau Joseph. Cette occasion obtenue, elle lui adressa des paroles plus aimables qu’auparavant ; elle lui dit qu’il avait été bon pour lui d’avoir cédé à sa première sollicitation et de ne l’avoir pas repoussée, à la fois par le respect qu’il devait à la dignité de celle qui le sollicitait, et par la véhémence de sa passion, qui la forçait, bien qu’elle fût sa maîtresse, à condescendre au-dessous de sa dignité ; mais qu’il pouvait maintenant, en suivant des conseils plus prudents, effacer l’accusation de sa folie passée ; car soit qu’il s’attendait à la répétition des sollicitations qu’elle lui avait faites, et avec plus d’ardeur qu’auparavant, soit qu’elle ait prétendu être malade pour cette raison même, et ait préféré sa conversation à la fête et à sa solennité ; ou s’il s’opposait à ses premiers discours, comme ne croyant pas qu’elle pût être sérieuse ; elle lui donna alors suffisamment de sécurité, en répétant ainsi sa demande, qu’elle n’avait nullement l’intention de l’en imposer par fraude ; et l’assura que s’il se soumettait à ses affections, il pourrait espérer jouir des avantages qu’il avait déjà ; et que s’il lui était soumis, il aurait des avantages encore plus grands ; mais qu’il devait s’attendre à la vengeance et à la haine d’elle, au cas où il rejetterait ses désirs, et préférerait la réputation de chasteté à celle de sa maîtresse ; car il ne gagnerait rien à une telle procédure, parce qu’elle deviendrait alors son accusatrice, et prétendrait faussement à son mari, qu’il avait attenté à sa chasteté ; et que Potiphar écouterait ses paroles plutôt que les siennes, si les siennes étaient aussi conformes à la vérité.
4. Lorsque la femme eut dit cela, et même les larmes aux yeux, ni la pitié ni la peur ne détournèrent Joseph de sa chasteté, ni ne le contraignirent à la complaire. Au contraire, il s’opposa à ses sollicitations, ne céda pas à ses menaces, craignant de faire le mal et préféra subir le châtiment le plus sévère plutôt que de jouir de ses avantages présents, en faisant ce que sa conscience savait lui valoir la mort. Il lui rappela également qu’elle était mariée et qu’elle ne devait cohabiter qu’avec son mari ; et il lui demanda de laisser ces considérations avoir plus de poids sur elle que le court plaisir d’une liaison lubrique, qui la conduirait ensuite au repentir, lui causerait des ennuis, sans pour autant réparer ce qui avait été mal fait. Il lui fit également part de la crainte qu’elle éprouverait d’être découverte, de l’incertitude quant à l’avantage de la dissimulation, et du fait que ce n’est que tant que le crime ne serait pas connu qu’ils trouveraient la paix. Mais qu’elle puisse profiter de la compagnie de son mari sans danger. Il lui dit qu’en sa compagnie, elle pourrait avoir une grande assurance, par pure conscience, devant Dieu et devant les hommes. Bien plus, qu’elle agirait mieux comme sa maîtresse et userait mieux de son autorité sur lui en restant chaste, que lorsqu’ils seraient tous deux honteux de leurs méchancetés ; et qu’il vaut bien mieux vivre ainsi, et en toute connaissance de cause, que de vivre dans l’espoir de dissimuler de mauvaises pratiques.
5. Joseph, par ces paroles et d’autres, essaya de contenir la passion violente de la femme et de ramener ses sentiments à la raison. Mais elle devint de plus en plus incontrôlable et s’emporta sur lui. Désespérée de le persuader, elle porta les mains sur lui et voulut le forcer. Mais dès que Joseph se fut éloigné de sa colère, lui laissant son vêtement (il le lui avait laissé), et sauta hors de sa chambre, elle craignit vivement qu’il ne découvre sa luxure à son mari, et fut profondément troublée par l’affront qu’il lui avait fait. Elle résolut donc de le prévenir et d’accuser faussement Joseph auprès de Potiphar, se vengeant ainsi de son orgueil et de son mépris. Elle pensa que c’était une sage décision, et digne d’une femme, de l’empêcher ainsi de l’accuser. Elle resta donc assise, triste et confuse, se présentant de manière si hypocrite et si colérique, que la tristesse, qui était en réalité due au fait qu’elle avait été déçue par sa luxure, pouvait paraître due à la tentative d’atteinte à sa chasteté ; De sorte que, lorsque son mari rentra à la maison, troublé par sa vue, et lui demanda la cause de son trouble, elle se mit à accuser Joseph. « Ô mari, dit-elle, ne vive pas un jour de plus si tu ne punis pas le méchant esclave qui a voulu souiller ton lit ; qui ne s’est pas soucié de qui il était en entrant chez nous, afin de se comporter avec modestie ; ni des faveurs qu’il avait reçues de ta générosité (car il doit être un homme ingrat, en vérité, à moins qu’il ne se conduise en tout d’une manière qui nous soit agréable). Cet homme, dis-je, a ourdi le projet secret d’abuser de ta femme, et ce au moment d’une fête, observant ton absence. Il est donc clair maintenant que sa modestie, comme elle semblait l’être auparavant, n’était due qu’à la retenue qu’il subissait par crainte de toi, mais qu’il n’était pas réellement de bonne nature. Cela est dû au fait qu’il a été élevé aux honneurs. Au-delà de ce qu’il méritait et de ce qu’il espérait, il conclut que celui qui était jugé digne d’être chargé de tes biens et du gouvernement de ta famille, et qui était préféré à tes serviteurs les plus âgés, pouvait aussi être autorisé à toucher à ta femme. » Ainsi, lorsqu’elle eut terminé son discours, elle lui montra son vêtement, comme s’il le lui avait laissé alors qu’il tentait de la forcer. Mais Potiphar, ne pouvant douter de ce que les larmes de sa femme révélaient, de ce qu’elle disait et de ce qu’il voyait lui-même, et séduit par son amour pour sa femme, ne se mit pas à examiner la vérité. Mais tenant pour acquis que sa femme était une femme pudique, et condamnant Joseph comme un homme méchant, il le jeta dans la prison des malfaiteurs ; et il avait une plus haute opinion de sa femme, et lui rendit témoignage qu’elle était une femme d’une pudeur et d’une chasteté convenables.
CE QUI EST ARRIVÉ À JOSEPH EN PRISON.
1. Joseph, remettant toutes ses affaires à Dieu, ne prit pas la peine de se défendre ni de raconter les circonstances exactes du fait. Il supporta silencieusement les liens et la détresse dans lesquels il se trouvait, convaincu que Dieu, qui connaissait la cause de son affliction et la vérité des faits, serait plus puissant que ceux qui lui infligeaient les châtiments. Il reçut rapidement la preuve de sa providence. Le gardien de la prison, remarquant son attention et sa fidélité dans les affaires qu’il lui avait confiées, ainsi que la dignité de son visage, desserra ses liens, rendant ainsi sa lourde calamité plus légère et plus supportable. Il lui permit également de bénéficier d’une alimentation meilleure que celle des autres prisonniers. Or, comme ses compagnons de captivité, une fois leurs durs travaux terminés, se mirent à converser entre eux, comme il est d’usage chez ceux qui souffrent autant, et à s’interroger mutuellement sur les raisons de leur condamnation à la prison, parmi eux, l’échanson du roi, un homme qu’il avait respecté, fut mis en prison, à cause de la colère du roi. Cet homme était sous les mêmes liens que Joseph et se familiarisa avec lui. Remarquant que Joseph avait une meilleure compréhension que les autres, il lui raconta un rêve qu’il avait eu et lui demanda d’en interpréter le sens, se plaignant qu’outre les afflictions que le roi lui infligeait, Dieu lui ajoutait des tourments à cause de ses rêves.
2. Il raconta donc qu’il avait vu dans son sommeil trois grappes de raisins suspendues à trois sarments d’une vigne, déjà grosses et mûres pour la cueillette ; qu’il les avait pressées dans une coupe que le roi tenait à la main ; et, après avoir filtré le vin, il le donna à boire au roi, qui le reçut avec un visage agréable. Voilà, dit-il, ce qu’il avait vu ; et il pria Joseph, s’il avait quelque intelligence en ces matières, de lui dire ce que cette vision prédisait. Celui-ci lui dit de prendre courage et d’attendre d’être délivré de ses liens dans trois jours, car le roi désirait son service et était sur le point de le lui rendre. Il lui fit savoir que Dieu accorde aux hommes le fruit de la vigne pour leur bien ; ce vin, versé sur lui, est le gage de fidélité et de confiance mutuelle entre les hommes ; il met fin à leurs querelles, éloigne la passion et le chagrin de l’esprit de ceux qui en consomment et les rend joyeux. Tu dis avoir pressé ce vin de trois grappes de raisin de tes mains, et que le roi l’a reçu. Sache donc que cette vision est pour ton bien et prédit une délivrance de ta détresse présente dans le même délai que celui des sarments dont tu as cueilli les raisins dans ton sommeil. Cependant, souviens-toi de la prospérité que je t’ai prédite, lorsque tu l’auras constatée par expérience ; et, lorsque tu seras au pouvoir, ne nous néglige pas dans cette prison, où tu nous laisseras une fois arrivé au lieu que nous avons prédit ; car nous ne sommes en prison pour aucun crime ; mais, en raison de notre vertu et de notre sobriété, nous sommes condamnés à subir le châtiment des malfaiteurs, et parce que nous ne voulons pas nuire à celui qui nous a ainsi affligés, fût-ce par plaisir. L’échanson, comme il se doit, se réjouit d’entendre une telle interprétation de son rêve et attendit l’accomplissement de ce qui lui avait été ainsi montré.
3. Or, il y avait un autre serviteur du roi, qui avait été chef des boulangers, et qui était maintenant en prison avec l’échanson. Lui aussi avait bon espoir, compte tenu de l’interprétation que Joseph avait donnée à la vision de l’autre, car il avait lui aussi eu un songe ; il demanda donc à Joseph de lui révéler la signification des visions qu’il avait eues la nuit précédente. Voici ce qui suit : « Il me semblait, dit-il, que je portais trois paniers sur ma tête ; deux étaient remplis de pains, et le troisième de friandises et d’autres mets, comme on les prépare pour les rois ; mais les oiseaux s’étaient envolés et les avaient tous dévorés, sans tenir compte de ma tentative de les chasser. » Il s’attendait à une prédiction semblable à celle de l’échanson. Mais Joseph, considérant et raisonnant sur le songe, lui dit qu’il serait volontiers son interprète de bons événements, et non de ceux que son songe lui annonçait ; Mais il lui dit qu’il ne lui restait que trois jours à vivre, car les trois paniers signifiaient que le troisième jour, il serait crucifié et dévoré par les oiseaux, incapable de se défendre. Or, ces deux rêves comportaient les mêmes événements que Joseph avait prédits, et ce pour les deux parties ; car le troisième jour mentionné plus haut, lors de la célébration de son anniversaire, le roi crucifia le chef des panetiers, mais libéra l’échanson de ses liens et le rétablit dans son ancien ministère.
4. Dieu libéra Joseph de sa captivité, après deux ans de captivité, sans recevoir l’aide de l’échanson, qui ne se souvenait plus de ce qu’il lui avait dit auparavant. Dieu imagina ce moyen de le délivrer. Le soir même, le roi Pharaon avait eu deux visions dans son sommeil, et après elles, leur interprétation lui en avait été donnée. Il avait oublié la dernière, mais il avait conservé les songes. Troublé par ce qu’il avait vu, car tout cela lui semblait mélancolique, il convoqua le lendemain les hommes les plus sages d’entre les Égyptiens, désirant apprendre d’eux l’interprétation de ses songes. Mais comme ils hésitaient à leur sujet, le roi en fut d’autant plus troublé. C’est alors que le souvenir de Joseph et de son habileté à interpréter les songes revint à l’esprit de l’échanson du roi, lorsqu’il vit la confusion dans laquelle se trouvait Pharaon, Il vint donc lui parler de Joseph, de la vision qu’il avait eue en prison et de la façon dont les événements s’étaient déroulés comme il l’avait dit. Il lui parla aussi de la crucifixion du chef des panetiers le même jour, et de ce qui lui était arrivé selon l’interprétation de Joseph. Joseph lui-même avait été mis en prison par Potiphar, son chef cuisinier, comme esclave ; mais, dit-il, il était l’un des plus nobles de la race des Hébreux ; et il ajouta que son père vivait dans une grande splendeur. « Si donc tu le fais venir et ne le méprises pas à cause de ses malheurs, tu sauras ce que signifient tes rêves. » Le roi ordonna donc qu’on lui amenât Joseph ; et ceux qui reçurent l’ordre vinrent et l’amenèrent avec eux, ayant pris soin de son habit, afin qu’il soit décent, comme le roi le leur avait ordonné.
5. Mais le roi le prit par la main ; « Ô jeune homme », dit-il, « car mon serviteur témoigne que tu es actuellement la personne la plus compétente et la plus habile que je puisse consulter. Accorde-moi les mêmes faveurs que tu as accordées à mon serviteur, et dis-moi quels sont les événements que prédisent les visions de mes rêves. Je te prie de ne rien taire par crainte, ni de me flatter par des paroles mensongères ou par ce qui pourrait me plaire, même si la vérité est de nature mélancolique. Car il me sembla qu’en marchant le long de la rivière, je voyais sept vaches grasses et très grosses, allant de la rivière aux marais ; et d’autres vaches du même nombre, semblables à elles, les rencontraient en sortant des marais, extrêmement maigres et laides, qui mangeaient les vaches grasses et les grosses, et pourtant n’étaient pas meilleures qu’avant, et non moins misérablement affamées. Après avoir eu cette vision, je me suis réveillé de mon sommeil ; et, étant désemparé, réfléchissant à ce que pouvait être cette apparition, je Je me rendormis et je vis un autre rêve, bien plus merveilleux que le précédent, qui m’effraya et me troubla encore davantage : « Je vis sept épis de blé poussant sur une seule racine, la tête portée par le poids des grains et courbée par les fruits qui étaient maintenant mûrs et aptes à être récoltés ; et près d’eux je vis sept autres épis, maigres et faibles, faute de pluie, qui se mirent à manger et à consumer ceux qui étaient aptes à être récoltés, et me mirent dans un grand étonnement. »
6. À quoi Joseph répondit : « Ce rêve, ô roi, dit-il, bien que vu sous deux formes, signifie un seul et même événement. Car lorsque tu as vu les vaches grasses, qui sont des animaux faits pour la charrue et le travail, dévorées par les vaches plus mauvaises, et les épis de blé dévorés par les plus petits, ils prédisent une famine et une pénurie des fruits de la terre pendant le même nombre d’années, et égale à celles de l’Égypte dans un état heureux ; et cela à tel point que l’abondance de ces années sera dépensée en un même nombre d’années de disette, et que la pénurie des provisions nécessaires sera très difficile à corriger ; comme signe de cela, les vaches de mauvaise qualité, après avoir dévoré les meilleures, ne purent être rassasiées. Mais Dieu prédit ce qui doit arriver aux hommes, non pour les affliger, mais pour que, lorsqu’ils le savent d’avance, ils puissent, par prudence, rendre l’expérience réelle de ce qui est prédit plus tolérable. Si donc tu disposes avec soin de « Grâce aux récoltes abondantes qui viendront dans les années précédentes, tu feras en sorte que la calamité future ne soit pas ressentie par les Égyptiens. »
7. Le roi s’étonna alors de la discrétion et de la sagesse de Joseph et lui demanda comment il pourrait distribuer les récoltes abondantes des années fastes, de manière à rendre les récoltes médiocres plus supportables. Joseph ajouta alors son conseil : épargner les bonnes récoltes et ne pas permettre aux Égyptiens de les dépenser avec luxe, mais réserver ce qu’ils auraient dépensé au-delà de leurs besoins pour les périodes de disette. Il l’exhorta également à prendre le blé des cultivateurs et à ne leur donner que ce qui suffirait à leur subsistance. Aussi, Pharaon, surpris par Joseph, non seulement pour son interprétation du rêve, mais aussi pour le conseil qu’il lui avait donné, le chargea de distribuer le blé, avec pouvoir d’agir selon ce qu’il pensait être bénéfique pour le peuple d’Égypte et pour le roi, convaincu que celui qui aurait découvert cette méthode serait le meilleur gardien. Mais Joseph, ayant ce pouvoir que lui avait donné le roi, avec la permission de faire usage de son sceau et de porter la pourpre, parcourut dans son char tout le pays d’Égypte, et prit le blé des cultivateurs, [1] attribuant à chacun autant qu’il en fallait pour la semence et pour la nourriture, mais sans découvrir à personne la raison pour laquelle il faisait cela.
COMMENT JOSEPH, DEVANT CÉLÈBRE EN ÉGYPTE, A TENU SES FRÈRES SOUMIS.
1. Joseph avait alors atteint l’âge de trente ans et jouissait de grands honneurs de la part du roi, qui l’appelait Psothom Phanech, en raison de sa prodigieuse sagesse ; ce nom désigne celui qui révèle les secrets. Il épousa également une femme de très haute qualité : la fille de Pétéphrès, [2] l’un des prêtres d’Héliopolis ; elle était vierge et s’appelait Asnath. D’elle, il eut des enfants avant que la disette ne survienne : Manassé, l’aîné, ce qui signifie oublieux, car son bonheur présent lui faisait oublier ses anciens malheurs ; et Éphraïm, le cadet, ce qui signifie rétabli, car il retrouva la liberté de ses ancêtres. Or, après que l’Égypte eut passé sept ans dans le bonheur, selon l’interprétation des rêves de Joseph, la famine s’abattit sur eux la huitième année. et parce que ce malheur les frappa sans qu’ils en eussent eu conscience auparavant, [3] ils en furent tous cruellement affligés et accoururent aux portes du roi. Celui-ci appela Joseph, qui leur vendit le blé, étant devenu, de l’aveu même, le sauveur de toute la multitude des Égyptiens. Il n’ouvrit pas ce marché de blé uniquement aux habitants de ce pays, mais les étrangers eurent aussi la liberté d’en acheter, Joseph voulant que tous les hommes, qui sont naturellement apparentés les uns aux autres, soient aidés par ceux qui vivaient dans le bonheur.
2. Jacob, apprenant l’arrivée imminente d’étrangers, envoya tous ses fils en Égypte acheter du blé. Le pays de Canaan était gravement touché par la famine, et cette grande misère touchait tout le continent. Il ne garda que Benjamin, né de Rachel et de la même mère que Joseph. Ces fils de Jacob arrivèrent alors en Égypte et s’adressèrent à Joseph pour acheter du blé. Rien de tel ne se faisait sans son approbation, car même alors, l’honneur rendu au roi lui-même était avantageux pour ceux qui le rendaient, lorsqu’ils prenaient soin d’honorer Joseph aussi. Bien qu’il connût bien ses frères, ils ne s’en souciaient guère ; car il n’était qu’un jeune homme lorsqu’il les quitta, et il avait atteint un âge si avancé que les traits de son visage avaient changé, et il n’était plus reconnu d’eux. De plus, la grandeur de sa dignité ne leur permettait même pas de soupçonner qu’il s’agissait de lui. Il essaya alors de connaître leurs sentiments à l’égard d’affaires de la plus haute importance. Il refusa de leur vendre du blé, et dit qu’ils étaient venus comme espions pour les affaires du roi. Ils venaient de plusieurs pays, s’étaient associés et prétendaient être de la même famille, car il était impossible qu’un simple particulier puisse élever autant de fils, et d’une si grande beauté, une telle éducation pour tant d’enfants n’étant pas facile à obtenir pour les rois eux-mêmes. Il fit cela afin de découvrir ce qui concernait son père, ce qui lui était arrivé après son départ, et désirait savoir ce qu’était devenu Benjamin, son frère. Il craignait qu’ils n’aient tenté contre lui la même entreprise criminelle qu’ils lui avaient infligée, et qu’ils ne l’aient enlevé.
3. Or, ces frères étaient dans l’effroi et la terreur, et pensaient qu’un très grand danger pesait sur eux ; Sans aucune inquiétude pour leur frère Joseph, et tenant bon face aux accusations portées contre eux, ils prirent leur défense par l’intermédiaire de Reubel, l’aîné d’entre eux, qui devint alors leur porte-parole : « Nous ne venons pas ici, dit-il, avec un dessein injuste, ni pour nuire aux affaires du roi ; nous désirons seulement être préservés, pensant que votre humanité pourrait nous servir de refuge face aux misères qui accablent notre pays. Nous avons entendu dire que vous proposiez de vendre du blé, non seulement à vos compatriotes, mais aussi à des étrangers, et que vous décidiez de l’autoriser afin de préserver tous ceux qui en ont besoin. Mais que nous soyons frères et du même sang, les traits particuliers de nos visages, et ceux qui ne diffèrent guère les uns des autres, le montrent clairement. Notre père s’appelait Jacob, un Hébreu, qui avait douze fils de quatre femmes parmi nous ; douze d’entre nous, de notre vivant, formaient une famille heureuse ; mais lorsqu’un de nos frères, dont Notre situation s’est dégradée, car notre père n’a pu s’empêcher de le pleurer longuement. Nous sommes dans l’affliction, à la fois par la calamité de la mort de notre frère et par l’état misérable de notre père âgé. Nous sommes donc venus acheter du blé, ayant confié la garde de notre père et la subsistance de notre famille à Benjamin, notre plus jeune frère. Si tu envoies quelqu’un chez nous, tu pourras savoir si nous sommes coupables du moindre mensonge dans nos propos.
4. Et c’est ainsi que Ruben s’efforça de persuader Joseph d’avoir une meilleure opinion d’eux. Mais lorsqu’il apprit d’eux que Jacob était vivant et que son frère n’avait pas été tué par eux, il les mit en prison pour le moment, voulant examiner leurs affaires plus en détail quand il serait à son temps. Mais le troisième jour, il les fit sortir et leur dit : « Puisque vous affirmez constamment que vous n’êtes pas venus pour nuire aux affaires du roi, que vous êtes frères et fils du père que vous avez nommé, vous me convaincrez de la vérité de ce que vous dites, si vous laissez avec moi quelqu’un de votre compagnie, qui ne souffrira aucun mal ici ; et si, après avoir apporté du blé à votre père, vous revenez vers moi et ramenez avec vous votre frère, que vous dites avoir laissé là, car cela sera pour moi une assurance de la vérité de ce que vous m’avez dit. » Là-dessus, ils furent dans une plus grande tristesse qu’auparavant ; Ils pleuraient et se lamentaient sans cesse les uns sur les autres sur le malheur de Joseph. Ils disaient : « Ils sont tombés dans cette misère comme une punition infligée par Dieu à cause des mauvaises intentions qu’ils avaient ourdies contre lui. » Et Ruben les reprocha ouvertement pour leur repentir tardif, qui n’avait servi à rien à Joseph. Il les exhorta vivement à supporter avec patience tout ce qu’ils souffraient, car c’était un châtiment infligé par Dieu à cause de lui. Ils parlaient ainsi entre eux, sans s’imaginer que Joseph comprît leur langage. Une tristesse générale les saisit aux paroles de Ruben, et un repentir pour ce qu’ils avaient fait ; et ils condamnèrent le mal qu’ils avaient commis, pour lequel ils estimaient avoir été justement punis par Dieu. Voyant qu’ils étaient dans cette détresse, Joseph en fut si affecté qu’il fondit en larmes, et, ne voulant pas qu’ils s’occupent de lui, il se retira. Peu après, il revint vers eux, prit Siméon [4] comme gage pour le retour de ses frères, et leur ordonna de prendre le blé qu’ils avaient acheté et de s’en aller. Il ordonna aussi à son intendant de mettre secrètement dans leurs sacs l’argent qu’ils avaient apporté pour l’achat du blé, et de les renvoyer avec. Ils firent ce qui leur était ordonné.
5. Lorsque les fils de Jacob arrivèrent au pays de Canaan, ils racontèrent à leur père ce qui leur était arrivé en Égypte, et comment ils avaient été pris pour des espions du roi. Ils racontèrent comment ils se disaient frères et avaient laissé leur onzième frère auprès de leur père, mais ils n’avaient pas été crus. Ils avaient également laissé Siméon au gouverneur jusqu’à ce que Benjamin s’y rendît et fût un témoin de la vérité de leurs paroles. Ils prièrent leur père de ne rien craindre et d’envoyer le jeune homme avec eux. Mais Jacob ne se montra pas satisfait de ce que ses fils avaient fait ; il prit la détention de Siméon avec horreur, et il jugea insensé d’abandonner aussi Benjamin. Il ne céda pas non plus à la persuasion de Ruben, bien qu’il le supplia et autorisa le grand-père à tuer ses propres fils en guise de représailles, au cas où Benjamin serait blessé pendant le voyage. Ils étaient donc dans l’angoisse et ne savaient que faire. Un autre accident les troubla encore davantage : l’argent caché dans leurs sacs de blé. Cependant, comme le blé qu’ils avaient apporté leur manquait, que la famine les affligeait encore et que la nécessité les y contraignait, Jacob ne se résolut pas à envoyer Benjamin avec ses frères, bien qu’il ne fût pas possible de retourner en Égypte sans qu’ils n’apportent ce qu’ils avaient promis. Or, la misère s’aggravant de jour en jour, et ses fils le suppliant, il n’avait d’autre choix que de prendre sa décision. Et Judas, qui était d’un caractère audacieux en d’autres occasions, lui dit très librement ce qu’il pensait : « Qu’il ne lui convenait pas d’avoir peur à cause de son fils, ni de soupçonner le pire, comme il le faisait ; car rien ne pouvait être fait à son fils sans la volonté de Dieu, ce qui devait aussi certainement arriver, même s’il était chez lui avec lui ; qu’il ne devait pas les condamner à une destruction aussi manifeste, ni les priver de l’abondance de nourriture qu’ils auraient pu obtenir de Pharaon, par sa crainte déraisonnable pour son fils Benjamin, mais qu’il devait prendre soin de la préservation de Syméon, de peur qu’en essayant d’entraver le voyage de Benjamin, Syméon ne périsse. Il l’exhorta à se confier en Dieu pour lui ; et dit qu’il lui ramènerait son fils sain et sauf, ou qu’il perdrait la vie avec la sienne. » De sorte que Jacob fut finalement persuadé, et leur livra Benjamin, le prix du blé doublé ; Il envoya aussi à Joseph des présents des fruits du pays de Canaan, du baume et de la colophane, ainsi que de la térébenthine et du miel. [5] Leur père versa beaucoup de larmes au départ de ses fils, ainsi qu’à leur propre départ. Il craignait de les retrouver sains et saufs après leur voyage ; et leur souci était de retrouver leur père en bonne santé, sans le moindre chagrin. Ces lamentations durèrent toute une journée ; le vieillard, épuisé de chagrin, resta en arrière. Ils poursuivirent leur route pour l’Égypte, s’efforçant d’atténuer leur chagrin face à leurs malheurs présents.avec l’espoir d’un meilleur succès par la suite.
6. Dès leur arrivée en Égypte, ils furent conduits auprès de Joseph. Mais là, une grande crainte les assaillait, craignant d’être accusés du prix du blé, comme s’ils avaient escroqué Joseph. Ils firent alors de longues excuses à l’intendant de Joseph, lui racontant qu’à leur retour, ils avaient trouvé l’argent dans leurs sacs et qu’ils l’avaient apporté avec eux. Il répondit qu’il ne comprenait pas ce qu’ils voulaient dire ; ainsi, ils furent délivrés de cette crainte. Après avoir délié Siméon et l’avoir revêtu d’un bel habit, il le laissa rejoindre ses frères. Joseph revint alors de son service auprès du roi. Ils lui offrirent leurs présents ; et, lorsqu’il leur posa des questions sur leur père, ils répondirent qu’ils le trouvaient en bonne santé. Lui aussi, découvrant que Benjamin était vivant, demanda s’il s’agissait de leur jeune frère ; car il l’avait vu. Sur quoi ils répondirent que oui. Il répondit que le Dieu de tous était son protecteur. Mais, son affection pour lui le faisant verser des larmes, il se retira, désirant que ses frères ne le voient pas dans cette situation. Joseph les invita alors à souper, et ils furent placés dans le même ordre qu’à la table de leur père. Bien que Joseph les traitât tous avec bonté, il envoya à Benjamin un repas double de celui des autres convives.
7. Après le souper, lorsqu’ils se furent préparés à dormir, Joseph ordonna à son intendant de leur donner leurs mesures de blé et d’en cacher le prix dans leurs sacs. Il leur demanda également de mettre dans le sac de Benjamin la coupe d’or dans laquelle il aimait boire. Il fit cela pour mettre ses frères à l’épreuve : ils se demandaient s’ils soutiendraient Benjamin lorsqu’il serait accusé d’avoir volé la coupe et paraîtrait en danger ; ou s’ils le quitteraient et, se fiant à leur innocence, iraient sans lui vers leur père. Le serviteur ayant exécuté ce qui lui avait été ordonné, les fils de Jacob, ignorant tout de tout cela, partirent et emmenèrent Syméon avec eux. Ils eurent un double sujet de joie : de l’avoir retrouvé et de ramener Benjamin à leur père, comme ils l’avaient promis. Mais bientôt une troupe de cavaliers les encercla et amena avec eux le serviteur de Joseph, qui avait mis la coupe dans le sac de Benjamin. L’attaque inattendue des cavaliers les troubla et leur demanda pourquoi ils s’adressaient ainsi à des hommes que leur seigneur avait jugés dignes d’un accueil honorable et hospitalier peu auparavant. Ils répondirent en les traitant de méchants misérables, qui avaient oublié le traitement si hospitalier et si bienveillant que Joseph leur avait réservé, et n’hésitaient pas à lui nuire et à s’emparer de la coupe dans laquelle il leur avait bu si amicalement, sans se soucier de leur amitié avec Joseph, ni du danger qu’ils courraient s’ils étaient pris, en comparaison du gain injuste. Sur ce, il les menaça de châtiment ; car, bien qu’ils aient échappé à la connaissance de celui qui n’était qu’un serviteur, ils n’avaient pas échappé à la connaissance de Dieu, et n’étaient pas repartis avec ce qu’ils avaient volé. Après tout, il leur demanda pourquoi nous les attaquions, comme s’ils n’en savaient rien. Il leur répondit qu’ils le sauraient immédiatement par leur châtiment. Le serviteur leur dit ces paroles, et d’autres du même genre, en guise de reproche. Mais, ignorant tout de ce qui les concernait, ils en rirent et s’étonnèrent des injures qu’il leur proférait. Il osait accuser ceux qui n’avaient même pas retenu le prix du blé trouvé dans leurs sacs, mais l’avaient rapporté, bien que personne d’autre ne fût au courant. Ils étaient loin de vouloir faire du mal à Joseph de leur plein gré. Pourtant, pensant qu’une perquisition les justifierait mieux que leur propre déni, ils lui ordonnèrent de les fouiller et, si l’un d’eux était coupable de vol, de les punir tous. N’ayant aucune conscience d’un quelconque crime, ils parlaient avec assurance et, pensaient-ils, sans danger pour eux-mêmes.Les serviteurs demandèrent une perquisition, mais ils dirent que le châtiment ne concernerait que celui qui serait reconnu coupable du vol. Ils firent donc la perquisition ; et, après avoir fouillé tous les autres, ils arrivèrent en dernier à Benjamin, sachant que c’était dans son sac qu’ils avaient caché la coupe, n’ayant fouillé les autres que pour faire semblant d’être exacts. Les autres, craignant pour eux-mêmes, ne se préoccupaient plus que de Benjamin, étaient néanmoins persuadés qu’il serait également déclaré innocent. Ils reprochèrent à ceux qui les suivaient de les avoir gênés, alors qu’entre-temps ils auraient pu faire un bon bout de chemin. Mais dès qu’ils eurent fouillé le sac de Benjamin, ils trouvèrent la coupe et la lui prirent ; et tout se changea en deuil et en lamentations. Ils déchirèrent leurs vêtements et pleurèrent à cause du châtiment que leur frère allait subir pour son vol, et à cause de l’illusion qu’ils avaient insinuée à leur père en promettant de lui ramener Benjamin sain et sauf. Ce qui ajouta à leur misère, c’est que ce triste accident arriva malheureusement au moment où ils croyaient être tirés d’affaire ; mais ils avouèrent que ce malheur de leur frère, ainsi que la douleur de leur père pour lui, étaient de leur faute, puisque c’étaient eux qui avaient forcé leur père à l’envoyer avec eux, alors qu’il y était opposé.
8. Les cavaliers prirent donc Benjamin et le conduisirent à Joseph, suivi de ses frères. Joseph, le voyant en détention et eux en habit de deuil, leur dit : « Comment, misérables, avez-vous eu une si étrange idée de ma bonté envers vous et de la providence divine, au point d’agir ainsi avec impudence envers votre bienfaiteur, qui vous avait si bien accueillis ? » Sur quoi, ils se livrèrent au châtiment pour sauver Benjamin ; et se rappelèrent la mauvaise entreprise qu’ils avaient commise envers Joseph. Ils le déclarèrent aussi plus heureux qu’eux, s’il était mort, d’être délivré des misères de cette vie ; et s’il était vivant, qu’il jouissait du plaisir de voir la vengeance de Dieu s’abattre sur eux. Ils dirent de plus qu’ils étaient la plaie de leur père, puisqu’ils allaient maintenant ajouter à sa première affliction pour Joseph, cette autre affliction pour Benjamin. Ruben aussi les punit avec véhémence en cette occasion. Mais Joseph les congédia, affirmant qu’ils n’avaient commis aucun délit et qu’il se contenterait du châtiment du jeune homme. Il ajouta qu’il ne convenait pas de le laisser partir libre, à cause de ceux qui n’avaient commis aucun délit, ni de les punir avec celui qui avait volé. Lorsqu’il leur promit de partir en toute sécurité, les autres furent profondément consternés et ne purent rien dire en cette triste occasion. Judas, qui avait persuadé leur père de le renvoyer, et qui était par ailleurs un homme très courageux et très actif, résolut de se risquer pour la sauvegarde de son frère. « Il est vrai, ô gouverneur, dit-il, que nous avons été très méchants envers toi, et que nous méritons donc d’être punis. Nous pouvons tous être punis, même si le vol n’a pas été commis par tous, mais seulement par l’un d’entre nous, le plus jeune aussi. Il nous reste cependant un peu d’espoir, qui autrement serait désespéré à cause de lui, et cela grâce à ta bonté, qui nous promet une délivrance du danger présent. Et maintenant, je te prie de ne pas regarder à nous, ni à ce grand crime dont nous avons été coupables, mais à ta propre excellente nature, et de prendre conseil de ta propre vertu, au lieu de cette colère que tu as contre nous ; passion que ceux qui sont autrement de caractère inférieur s’abandonnent, comme ils le font à leur force, et cela non seulement dans les grandes, mais aussi dans les plus petites occasions. Surmonte cette passion, seigneur, et ne te laisse pas subjuguer par elle, et ne la laisse pas tuer ceux qui ne présument pas de leur propre sécurité. mais nous désirons l’accepter de ta part ; car ce n’est pas la première fois que tu nous l’accordes, mais auparavant, lorsque nous sommes venus acheter du blé, tu nous as fourni une grande abondance de nourriture, et tu nous as donné la permission d’en rapporter à notre famille suffisamment pour les préserver de la famine.Il n’y a pas de différence entre ne pas négliger ceux qui périssent faute de biens nécessaires et ne pas punir ceux qui semblent coupables et qui ont eu le malheur de perdre le bénéfice de ce glorieux bienfait qu’ils ont reçu de toi. Ce sera un exemple de faveur égale, quoique accordée d’une manière différente ; car tu sauveras ainsi ceux que tu as nourris de l’autre ; et tu préserveras ainsi, par ta générosité, les âmes que tu n’as pas laissées souffrir de la famine. C’est en effet une chose à la fois merveilleuse et grande que de nous soutenir par le blé et de nous accorder ce pardon qui, maintenant que nous sommes dans la détresse, nous permet de continuer à vivre. Et je suis prêt à supposer que Dieu est disposé à t’offrir cette occasion de montrer ta disposition vertueuse, en nous amenant dans cette calamité, afin qu’il puisse apparaître que tu peux pardonner les blessures qui te sont faites, et que tu puisses être estimé bon envers les autres, en plus de ceux qui, pour d’autres raisons, ont besoin de ton aide ; car c’est en effet une bonne chose de faire du bien à ceux qui sont dans la détresse par manque de nourriture, mais une chose encore plus glorieuse de sauver ceux qui méritent d’être punis, quand c’est à cause d’offenses odieuses contre toi-même ; car si c’est une chose digne d’éloges de pardonner à ceux qui ont été coupables de petites offenses, qui tendent à la perte d’une personne, et que cela soit louable chez celui qui ferme les yeux sur de telles offenses, contenir la passion d’un homme quant aux crimes qui sont capitaux pour le coupable, c’est être comme la nature la plus excellente de Dieu lui-même. Quant à moi, si nous n’avions pas eu un père qui, à la mort de Joseph, avait découvert combien il est toujours affligé par la perte de ses fils, je n’aurais pas parlé de sauver nos vies. Je veux dire, je ne te l’aurais pas dit, si ce n’était que ce serait une excellente réputation pour toi de préserver même ceux qui n’auraient personne pour les pleurer à leur mort. Nous aurions consenti à souffrir tout ce que tu voudrais. Mais maintenant (car nous ne demandons pas grâce pour nous-mêmes, bien que si nous mourons, ce sera jeune et avant d’avoir joui de la vie), aie égard à notre père et aie pitié de sa vieillesse, pour laquelle nous te supplions. Nous te prions de nous accorder ces vies que notre méchanceté a rendues odieuses à ton châtiment ; et cela pour lui, qui n’est pas lui-même méchant, et qui n’est pas notre père, ne nous rend pas méchants. C’est un homme de bien, et il n’est pas digne de subir de telles épreuves de patience ; et maintenant que nous sommes absents, il est accablé par le souci de nous. Mais s’il apprend notre mort et sa cause, il mourra prématurément ; et la manière honteuse de notre ruine hâtera sa fin et le tuera immédiatement ; bien plus, elle le mènera à une mort misérable, tandis qu’il s’empressera de quitter le monde.et se mettre dans un état d’insensibilité, avant que la triste histoire de notre fin ne se répande dans le reste du monde. Considère ces choses de cette manière, bien que notre méchanceté te provoque maintenant avec un juste désir de punir cette méchanceté, et pardonne-la par égard pour notre père ; et que ta compassion pour lui pèse plus lourd pour toi que notre méchanceté. Considère la vieillesse de notre père, qui, si nous périssons, sera bien seul de son vivant, et mourra bientôt lui aussi. Accorde ce bienfait au nom de pères, car par là tu honoreras celui qui t’a engendré, et tu te l’accorderas aussi, toi qui bénéficies déjà de cette dénomination ; tu seras alors, par cette dénomination, préservé de Dieu, le Père de tous, - en montrant un pieux respect envers lequel, dans le cas de notre père, tu paraîtras honorer celui qui est appelé du même nom ; Je veux dire, si tu veux avoir pitié de notre père, à ce propos, combien il serait malheureux s’il était privé de ses fils ! C’est donc à toi de nous accorder ce que Dieu nous a donné, quand tu peux le lui reprendre, et ainsi de lui ressembler entièrement en charité ; car il est bon d’user de ce pouvoir, qui peut donner ou reprendre, avec miséricorde ; et quand tu peux détruire, d’oublier que tu as jamais eu ce pouvoir, et de te considérer comme le seul pouvoir qui te soit accordé pour la préservation ; et plus on étend ce pouvoir, plus on gagne en réputation. Or, en pardonnant à notre frère ce qu’il a malheureusement commis, tu nous préserveras tous ; car nous ne pouvons envisager de vivre s’il est mis à mort, puisque nous n’osons nous montrer vivants à notre père sans notre frère, mais ici, nous devons partager la même catastrophe de sa vie. Et jusqu’ici, ô gouverneur, nous te prions, si tu condamnes notre frère à mort, de nous punir avec lui, comme complices de son crime. Car nous ne jugerons pas raisonnable de nous réserver le suicide par chagrin pour la mort de notre frère, mais de mourir comme autant coupables que lui de ce crime. Je te laisse seulement cette considération, et je n’en dirai pas plus : notre frère a commis cette faute alors qu’il était jeune, et n’avait pas encore une sagesse confirmée dans sa conduite ; et il est naturel qu’on pardonne à de si jeunes personnes. Je termine ici, sans ajouter ce que j’ai à dire : si tu nous condamnes, cette omission peut être considérée comme nous ayant blessés et t’ayant permis de prendre le parti le plus sévère. Mais si tu nous libères, que ce soit à ta propre bonté, dont tu es intérieurement conscient, que tu nous libères de la condamnation ; Et cela, non pas en nous préservant à peine, mais en nous accordant une faveur qui nous fera paraître plus justes que nous ne le sommes en réalité, et en te présentant plus de motifs pour notre délivrance que nous ne pouvons en produire nous-mêmes. Si donc tu décides de le tuer, je désire que tu me tues à sa place.Français et renvoie-le à son père ; ou si tu veux le garder avec toi comme esclave, je suis plus apte à travailler pour ton avantage dans cette capacité, et, comme tu le vois, je suis mieux préparé à l’une ou l’autre de ces souffrances. [6] Alors Judas, très disposé à subir n’importe quoi pour la délivrance de son frère, se jeta aux pieds de Joseph et s’efforça avec ardeur d’apaiser et de pacifier sa colère. Tous ses frères aussi tombèrent devant lui, pleurant et se livrant à la destruction pour la préservation de la vie de Benjamin.
10. Mais Joseph, accablé par ses affections et incapable de jouer plus longtemps le rôle d’un homme en colère, ordonna à tous ceux qui étaient présents de partir, afin de se faire connaître de ses frères lorsqu’ils seraient seuls ; et lorsque les autres furent sortis, il se fit connaître de ses frères ; et dit : « Je vous félicite pour votre vertu et votre bonté envers notre frère. Je vous trouve meilleurs que ce que j’aurais pu espérer de ce que vous avez imaginé à mon sujet. En effet, j’ai fait tout cela pour éprouver votre amour pour votre frère ; je crois donc que vous n’étiez pas méchant par nature dans ce que vous avez fait à mon égard, mais que tout est arrivé selon la volonté de Dieu, qui nous a ainsi procuré la jouissance de nos biens et, s’il continue à être dans de bonnes dispositions, de ce que nous espérons plus tard. Puisque donc je sais que notre père est sain et sauf, au-delà de toute espérance, et que je vous vois si bien disposé envers votre frère, je ne me souviendrai plus de la culpabilité que vous semblez avoir eue envers moi, mais cesserai de vous haïr pour votre méchanceté ; et je vous remercie plutôt d’avoir concouru aux intentions de Dieu pour amener les choses à leur état actuel. Je voudrais aussi que vous oubliiez cela, puisque votre imprudence a abouti à une si heureuse conclusion, plutôt que de vous inquiéter et de rougir de vos offenses. » Que vos mauvaises intentions, lorsque vous m’avez condamné, et les remords amers qui pourraient s’ensuivre, ne vous causent donc pas de chagrin aujourd’hui, car elles ont été déçues. Allez donc, réjouissez-vous de ce qui est arrivé par la Divine Providence, et informez-en votre père, de peur qu’il ne se consume de soucis pour vous et ne me prive de la part la plus agréable de mon bonheur ; je veux dire, de peur qu’il ne meure avant d’être devant moi et de jouir des biens que nous avons maintenant. Amenez donc avec vous notre père, vos femmes, vos enfants et toute votre famille, et installez-vous ici ; car il ne convient pas que les personnes qui me sont les plus chères vivent loin de moi, maintenant que mes affaires sont si prospères, surtout qu’elles doivent encore subir cinq années de famine. Après avoir dit cela, Joseph embrassa ses frères, qui étaient en larmes et tristes. Mais la générosité de leur frère ne semblait leur laisser aucune place à la crainte, car ils craignaient d’être punis pour leurs délibérations et leurs actes contre lui. Ils étaient alors en fête. Le roi, dès qu’il apprit que les frères de Joseph étaient venus le trouver, en fut très heureux, comme si cela avait fait partie de sa propre fortune. Il leur donna des chariots remplis de blé, d’or et d’argent, pour les remettre à son père. Lorsqu’ils eurent reçu une partie de leur frère, une partie pour les porter à leur père, et une autre partie en dons gratuits pour chacun d’eux, Benjamin en ayant plus que les autres, ils partirent.
LE DÉPLACEMENT DU PÈRE DE JOSEPH AVEC TOUTE SA FAMILLE, VERS LUI, À CAUSE DE LA FAMINE.
1. Dès que Jacob apprit, par le retour de ses fils, dans quel état était Joseph, qu’il avait non seulement échappé à la mort, dont il vivait pourtant tout le temps dans le deuil, mais qu’il vivait dans la splendeur et le bonheur, et qu’il gouvernait l’Égypte, conjointement avec le roi, et avait confié à ses soins presque toutes ses affaires, il ne pensa pas que tout ce qu’on lui disait fût incroyable, considérant la grandeur des œuvres de Dieu, et sa bonté envers lui, bien que cette bonté ait, depuis quelque temps, été interrompue ; alors il se mit immédiatement et avec zèle en route vers lui.
2. Lorsqu’il arriva au puits du Serment (Beersheba), il offrit un sacrifice à Dieu ; et craignant que le bonheur qu’il y avait en Égypte ne tente sa postérité d’en tomber amoureuse, de s’y établir, et de ne plus penser à se déplacer dans le pays de Canaan, et à le posséder, comme Dieu le leur avait promis ; comme craignant aussi que, si cette descente en Égypte était faite sans la volonté de Dieu, sa famille ne fût détruite là ; par crainte, en outre, de quitter cette vie avant d’être venu à la vue de Joseph, il s’endormit, retournant ces doutes dans son esprit.
3. Mais Dieu lui apparut, et l’appela deux fois par son nom. Et lorsqu’il demanda qui il était, Dieu dit : « Non, certainement ! Il n’est pas juste que toi, Jacob, tu ignores ce Dieu qui a toujours été un protecteur et un secours pour tes ancêtres, et après eux pour toi-même. Car lorsque ton père voulait te priver de la domination, je te l’ai donnée. Et par ma bonté, lorsque tu fus envoyé seul en Mésopotamie, tu obtins de bonnes épouses et tu revins avec de nombreux enfants et de grandes richesses. Toute ta famille a également été préservée par ma providence ; et c’est moi qui ai conduit Joseph, ton fils, que tu as laissé pour perdu, à la jouissance d’une grande prospérité. Je l’ai également établi seigneur d’Égypte, de sorte qu’il ne diffère guère d’un roi. C’est pourquoi je viens maintenant te guider dans ce voyage ; et je te prédis que tu mourras dans les bras de Joseph ; et je t’informe que ta postérité connaîtra de nombreux siècles d’autorité et de gloire, et que Je les établirai dans le pays que je leur ai promis.
4. Jacob, encouragé par ce rêve, partit plus gaiement pour l’Égypte avec ses fils et tous ceux qui leur appartenaient. Ils étaient alors soixante-dix. J’ai d’abord pensé qu’il valait mieux ne pas mentionner les noms de cette famille, notamment à cause de leur prononciation difficile [par les Grecs] ; mais, dans l’ensemble, je pense nécessaire de les mentionner, afin de réfuter ceux qui croient que nous ne sommes pas originaires de Mésopotamie, mais d’Égypte. Jacob eut douze fils ; parmi eux, Joseph était déjà venu en Égypte. Nous allons donc noter les noms des enfants et des petits-enfants de Jacob. Ruben eut quatre fils : Anoch, Phallu, Assaron, Charmi. Siméon en eut six : Jamuel, Jamin, Avod, Jakin, Soar, Saül. Lévi eut trois fils : Guersom, Caath, Merari. Judas eut trois fils : Sala, Pharès, Zérah ; et de Pharès deux petits-enfants, Esrom et Amar. Issacar eut quatre fils : Thola, Phua, Jasob et Samaron. Zabulon eut trois fils : Sarad, Hélon et Jalel. Tel est le nombre de descendants de Léa, avec qui partit sa fille Dina. Ils sont trente-trois. Rachel eut deux fils, dont Joseph, Manassé et Éphraïm. L’autre, Benjamin, eut dix fils : Bolau, Bacchar, Asabel, Guéras, Naaman, Jés, Ros, Momphis, Opphis et Arad. Ces quatorze, ajoutés aux trente-trois précédemment énumérés , donnent le nombre de quarante-sept. Et telle fut la descendance légitime de Jacob. Il eut en outre de Bilha, la servante de Rachel, Dan et Nephtliali ; ce dernier eut quatre fils qui le suivirent : Jésel, Guni, Issari et Sellim. Dan eut un fils unique, Usi. Si l’on ajoute ces noms à ceux mentionnés précédemment, le nombre total est de cinquante-quatre. Gad et Aser étaient fils de Zilpha, servante de Léa. Gad avait avec eux sept enfants : Saphonia, Augis, Sunis, Azabon, Aerin, Érocd et Ariel. Aser avait une fille, Sara, et six fils, nommés Jomné, Isus, Isouï, Baris, Abar et Melchiel. Si l’on ajoute ces seize fils aux cinquante-quatre, le nombre total est de 70. Jacob n’étant pas inclus dans ce nombre.
5. Joseph, apprenant l’arrivée de son père (car Judas, son frère, l’avait précédé et l’avait prévenu de son arrivée), partit à sa rencontre et ils se retrouvèrent à Hérôpolis. Jacob faillit s’évanouir devant cette joie si grande et inattendue. Joseph le ranima, ne pouvant se contenir de la même émotion, malgré le plaisir qu’il éprouvait. Il n’était cependant pas aussi submergé par sa colère que son père. Après cela, il ordonna à Jacob de poursuivre sa route lentement. Lui-même prit cinq de ses frères et se hâta d’aller annoncer au roi l’arrivée de Jacob et de sa famille, ce qui lui causa une grande joie. Il demanda également à Joseph de lui dire quel genre de vie ses frères aimaient mener, afin de leur permettre de les suivre. Ils lui répondirent qu’ils étaient de bons bergers et qu’ils n’avaient pour habitude que celle-ci. Il prit donc des dispositions pour qu’ils ne soient pas séparés, mais qu’ils vivent au même endroit et prennent soin de leur père. comme il a également prévu par là qu’ils pourraient être acceptables aux Égyptiens, en ne faisant rien qui leur serait commun avec les Égyptiens ; car il est interdit aux Égyptiens de se mêler de l’alimentation des moutons. [7]
6. Jacob arriva auprès du roi, le salua et souhaita la prospérité à son gouvernement. Pharaon lui demanda son âge. Il répondit qu’il avait cent trente ans. Il admira Jacob pour sa longévité. Il ajouta qu’il n’avait pas encore vécu aussi longtemps que ses ancêtres et lui permit de vivre avec ses enfants à Héliopolis, car c’est dans cette ville que les bergers du roi avaient leurs pâturages.
7. Cependant, la famine s’intensifia parmi les Égyptiens, et ce jugement sévère les accabla davantage. Le fleuve ne déborda pas, car il ne reprit pas sa hauteur initiale, et Dieu n’envoya pas de pluie sur eux. [8] Ils ne prirent pas la moindre précaution, tant ils ignoraient ce qu’il fallait faire. Joseph leur vendit du blé pour leur argent. Mais lorsque leur argent leur manqua, ils achetèrent du blé avec leur bétail et leurs esclaves ; et si l’un d’eux possédait un peu de terre, il le cédait pour se procurer de la nourriture, ce qui permit au roi de devenir propriétaire de tous leurs biens. Ils furent transférés, les uns d’un endroit à l’autre, afin que la possession de leur pays fût assurée au roi, à l’exception des terres des prêtres, car leur pays restait leur propriété. Cette terrible famine asservit leurs esprits et leurs corps, et les contraignit finalement à se procurer suffisamment de nourriture par des moyens aussi déshonorants. Mais lorsque cette misère cessa, que le fleuve déborda et que la terre produisit ses fruits en abondance, Joseph se rendit dans chaque ville, rassembla les habitants et leur rendit intégralement les terres que, de leur plein gré, le roi aurait pu posséder seul et en jouir seul. Il les exhorta également à les considérer comme leur propre propriété, à se consacrer à leur agriculture avec joie et à payer au roi un cinquième des fruits des terres que le roi, une fois siennes, leur avait restituées. Ces hommes se réjouirent de devenir propriétaires de leurs terres de façon inattendue et observèrent scrupuleusement ce qui leur était ordonné. Joseph acquit ainsi une plus grande autorité parmi les Égyptiens et un plus grand amour pour le roi. Cette loi, exigeant qu’ils paient un cinquième de leurs fruits en guise de tribut, perdura jusqu’à leurs rois ultérieurs.
DE LA MORT DE JACOB ET JOSEPH.
1. Jacob, qui avait vécu dix-sept ans en Égypte, tomba malade et mourut en présence de ses fils. Il ne leur avait pas encore annoncé prophétiquement comment chacun d’eux habiterait le pays de Canaan. Cela se produisit bien des années plus tard. Il s’étendit également sur les louanges de Joseph [9], expliquant qu’il ne s’était pas souvenu des méfaits de ses frères à leur détriment ; bien au contraire, il avait été bon envers eux, leur accordant des bienfaits si rares à ses propres bienfaiteurs. Il ordonna alors à ses propres fils d’admettre parmi eux les fils de Joseph, Éphraïm et Manassé, et de partager le pays de Canaan avec eux ; nous en parlerons plus loin. Cependant, il demanda qu’il soit enterré à Hébron. Il mourut donc, après avoir vécu cent cinquante ans, dont trois seulement de moins, sans avoir été inférieur à aucun de ses ancêtres en piété envers Dieu, et ayant reçu une récompense digne de ceux qui étaient aussi bons que ceux-ci. Joseph, avec la permission du roi, transporta le corps de son père à Hébron et l’y enterra à grands frais. Ses frères, d’abord réticents à revenir avec lui, craignant qu’après la mort de leur père, il ne les punisse de leurs agissements secrets à son égard, lui qui avait fait tant de bien à leur égard. Mais il les persuada de ne craindre aucun mal et de ne nourrir aucun soupçon à son égard. Il les emmena donc avec lui, leur donna de grands biens et ne cessa de s’occuper d’eux avec sollicitude.
2. Joseph mourut également à l’âge de cent dix ans. Homme d’une vertu admirable, il conduisait toutes ses affaires selon les règles de la raison et usait de son autorité avec modération, ce qui fut la cause de sa grande félicité parmi les Égyptiens, même lorsqu’il venait d’un autre pays, et ce dans des circonstances aussi difficiles que celles que nous avons déjà décrites. Ses frères moururent enfin, après avoir vécu heureux en Égypte. La postérité et les fils de ces hommes, après quelque temps, emportèrent leurs corps et les enterrèrent à Hébron. Quant aux ossements de Joseph, ils les emportèrent au pays de Canaan après la sortie des Hébreux d’Égypte, car Joseph le leur avait fait promettre sous serment. Ce qu’il advint de chacun de ces hommes, et par quels efforts ils prirent possession du pays de Canaan, nous le verrons plus loin, lorsque j’aurai expliqué pour quelle raison ils quittèrent l’Égypte.
CONCERNANT LES AFFLICTIONS QUI ONT FRAPPÉ LES HÉBREUX EN ÉGYPTE, PENDANT QUATRE CENTS ANS. [10]
1. Or, il arriva que les Égyptiens devinrent délicats et paresseux dans le travail, et s’adonnèrent à d’autres plaisirs, notamment à l’amour du gain. Ils devinrent aussi très hostiles envers les Hébreux, touchés par l’envie de leur prospérité. Car, voyant la nation des Israélites prospérer et s’élever déjà par l’abondance des richesses acquises par leur vertu et leur amour naturel du travail, ils pensèrent que cet accroissement était à leur détriment. Ayant, avec le temps, oublié les bienfaits qu’ils avaient reçus de Joseph, en particulier la couronne étant passée à une autre famille, ils devinrent très injurieux envers les Israélites et inventèrent de nombreuses manières de les affliger. Français car ils leur enjoignirent de creuser un grand nombre de canaux pour le fleuve, et de construire des murs pour leurs villes et des remparts, afin de retenir le fleuve et d’empêcher ses eaux de stagner lorsqu’elles couleraient sur ses propres rives ; ils les chargèrent également de construire des pyramides, [11] et par tout cela les épuisèrent ; et les forcèrent à apprendre toutes sortes d’arts mécaniques, et à s’habituer à un dur labeur. Et ils passèrent quatre cents ans sous ces afflictions ; car ils se disputaient pour savoir qui obtiendrait la maîtrise, les Égyptiens voulant détruire les Israélites par ces travaux, et les Israélites voulant tenir jusqu’à la fin sous eux.
2. Tandis que les Hébreux se trouvaient dans cette situation, une occasion se présenta aux Égyptiens, qui les rendit plus soucieux de l’extinction de notre nation. Un de ces scribes sacrés, [12] très sagaces pour prédire avec précision les événements futurs, dit au roi qu’à cette époque naîtrait un enfant parmi les Israélites. S’il était élevé, il abattrait la domination égyptienne et relèverait les Israélites ; qu’il surpasserait tous les hommes en vertu et obtiendrait une gloire dont on se souviendrait à travers les siècles. Cette chose fut si redoutée par le roi, que, selon son opinion, il ordonna de jeter dans le fleuve tout enfant mâle né parmi les Israélites et de le détruire ; qu’en outre, les sages-femmes égyptiennes [13] surveilleraient les travaux des femmes hébraïques et observeraient ce qui naîtrait, car c’étaient ces femmes qui étaient chargées de leur servir de sages-femmes. et, en raison de leur lien de parenté avec le roi, ils ne transgresseraient pas ses ordres. Il ordonna également que si des parents lui désobéissaient et s’aventuraient à sauver leurs enfants mâles en vie, [14] eux et leurs familles seraient détruits. Ce fut une affliction vraiment grave pour ceux qui la subirent, non seulement parce qu’ils étaient privés de leurs fils, et bien qu’ils soient eux-mêmes parents, ils étaient obligés de se soumettre à la destruction de leurs propres enfants, mais parce que cela était censé tendre à l’extirpation de leur nation, tandis qu’avec la destruction de leurs enfants et leur propre dissolution progressive, la calamité deviendrait très dure et inconsolable pour eux. Et tel était le mauvais état dans lequel ils se trouvaient. Mais personne ne peut être trop dur pour le dessein de Dieu, bien qu’il ait conçu mille et une ruses à cette fin ; car cet enfant, que le scribe sacré avait prédit, fut élevé et caché aux observateurs désignés par le roi ; et celui qui l’avait prédit ne s’est pas trompé sur les conséquences de sa préservation, qui se sont produites de la manière suivante : -
3. Un homme nommé Amram, de la noblesse des Hébreux, craignait pour toute sa nation, craignant qu’elle ne périsse faute de jeunes hommes à élever. Il en était très inquiet, sa femme étant enceinte, et il ne savait que faire. Il pria alors Dieu et le supplia d’avoir compassion de ces hommes qui n’avaient en rien transgressé les lois de son culte, de les délivrer des souffrances qu’ils enduraient alors, et de réduire à néant les espoirs de leurs ennemis de détruire leur nation. Dieu eut pitié de lui et fut touché par sa supplication. Il se tint auprès de lui pendant son sommeil et l’exhorta à ne pas désespérer de ses faveurs futures. Il ajouta qu’il n’oubliait pas leur piété envers lui et qu’il les récompenserait toujours pour cela, comme il avait autrefois accordé sa faveur à leurs ancêtres, les faisant passer d’un petit nombre à une si grande multitude. Il lui rappela que lorsqu’Abraham était venu seul de Mésopotamie en Canaan, il avait été rendu heureux, non seulement à d’autres égards, mais que, lorsque sa femme fut d’abord stérile, elle fut ensuite rendue capable par lui de concevoir et de lui donner des fils. Qu’il laissa à Ismaël et à sa postérité le pays d’Arabie ; ainsi qu’à ses fils de Ketura, Troglodytis ; et à Isaac, Canaan. Que grâce à mon aide, dit-il, il accomplit de grands exploits militaires, dont, à moins que vous ne soyez vous-mêmes impies, vous devez encore vous souvenir. Quant à Jacob, il devint bien connu des étrangers aussi, par la grande prospérité dans laquelle il vécut, et il laissa à ses fils, qui arrivèrent en Égypte avec pas plus de soixante-dix âmes, tandis que vous en êtes maintenant à plus de six cent mille. Sache donc que je pourvoirai à votre bien à tous, en commun, et particulièrement à toi-même, à ce qui te rendra célèbre ; Car cet enfant, par crainte de sa naissance, dont les Égyptiens ont voué les enfants d’Israël à la destruction, sera ton enfant, et il sera caché à ceux qui veillent sur lui pour le détruire. Et, après avoir été élevé de manière surprenante, il délivrera la nation hébraïque de la détresse qu’elle subit de la part des Égyptiens. Sa mémoire sera célèbre pour toute la durée du monde, et cela non seulement parmi les Hébreux, mais aussi parmi les étrangers. Tout cela sera l’effet de ma faveur envers toi et ta postérité. Il aura aussi un frère tel qu’il obtiendra lui-même mon sacerdoce, et sa postérité le conservera après lui jusqu’à la fin du monde.
4. Lorsque la vision l’eut informé de ces choses, Amram se réveilla et les raconta à Jokébed, sa femme. La crainte grandit alors en eux à cause de la prédiction du rêve d’Amram ; car ils étaient inquiets, non seulement pour l’enfant, mais aussi à cause du grand bonheur qui l’attendait. Cependant, l’accouchement de la mère était tel qu’il confirmait ce que Dieu avait prédit ; car ceux qui la surveillaient l’ignoraient, à cause de la douceur de ses douleurs et parce que les affres de l’accouchement ne la frappèrent pas avec violence. Ils nourrirent alors l’enfant à la maison, en privé, pendant trois mois. Mais après ce temps, Amram, craignant d’être découvert et, en tombant sous le déplaisir du roi, que lui et son enfant ne périssent, rendant ainsi vaine la promesse de Dieu, décida de confier la sécurité et les soins de l’enfant à Dieu plutôt que de compter sur sa propre dissimulation, ce qu’il considérait comme une chose incertaine, et par laquelle l’enfant, ainsi nourri en secret, et lui-même seraient en danger imminent ; mais il croyait que Dieu assurerait d’une manière certaine la sécurité de l’enfant, afin de garantir la vérité de ses propres prédictions. Lorsqu’ils eurent ainsi décidé, ils construisirent une arche de joncs, à la manière d’un berceau, et d’une taille suffisante pour qu’un enfant puisse y être couché sans être trop à l’étroit ; ils l’enduisirent ensuite de vase, ce qui empêcherait naturellement l’eau de pénétrer entre les joncs, et y mirent l’enfant, et le laissant flotter sur la rivière, ils laissèrent sa préservation à Dieu ; Le fleuve accueillit l’enfant et l’emporta. Mais Myriam, la sœur de l’enfant, passa sur la rive opposée, comme sa mère le lui avait demandé, pour voir où l’arche serait transportée. Dieu démontra alors que la sagesse humaine n’est rien, mais que l’Être suprême est capable de tout ce qu’il veut. Ceux qui, pour leur propre sécurité, condamnent les autres à la destruction et déploient de grands efforts pour y parvenir échouent. D’autres, au contraire, sont étonnamment préservés et obtiennent une situation prospère presque au cœur même de leurs calamités ; je veux dire ceux dont les dangers naissent de la volonté divine. Et, en effet, une telle providence s’exerça dans le cas de cet enfant, témoignant de la puissance divine.
5. Thermuthis était la fille du roi. Elle se promenait au bord du fleuve ; voyant un berceau emporté par le courant, elle envoya des gens sachant nager et leur demanda de le lui apporter. Lorsque ceux qui étaient chargés de cette mission arrivèrent à elle avec le berceau, et qu’elle vit le petit enfant, elle en fut profondément amoureuse, à cause de sa taille et de sa beauté ; car Dieu avait pris un tel soin à la formation de Moïse qu’il le fit juger digne d’être élevé et nourri par tous ceux qui, par crainte de sa naissance, avaient pris les résolutions les plus funestes pour la destruction du reste de la nation hébraïque. Thermuthis leur demanda de lui amener une femme qui pourrait allaiter l’enfant ; mais l’enfant refusa d’accepter son sein, s’en détourna et fit de même avec de nombreuses autres femmes. Or, Miriam était là lorsque cela arriva, non pas pour paraître être là exprès, mais simplement pour voir l’enfant. Elle dit : « C’est en vain, ô reine, que tu fais venir ces femmes pour nourrir l’enfant, qui ne lui sont en aucun cas apparentées ; mais si tu fais venir une des Hébreuses, peut-être pourra-t-il accueillir le sein d’une de ses compatriotes. » Comme elle semblait bien parler, Thermuthis lui ordonna de se procurer une telle femme et d’amener une de ces Hébreuses qui allaitaient. Ayant obtenu cette autorisation, elle revint et ramena la mère, que personne ne connaissait là-bas. L’enfant accepta alors le sein avec joie et sembla s’y attacher ; ainsi, sur le désir de la reine, l’allaitement de l’enfant fut entièrement confié à sa mère.
6. C’est alors que Thermuthis lui imposa le nom de Souris, en référence à ce qui s’était passé lorsqu’il avait été jeté dans le fleuve ; car les Égyptiens appellent l’eau Mo, et ceux qui en sont sauvés Us. Ainsi, en associant ces deux mots, ils lui imposèrent ce nom. Et il était, de l’aveu général, selon la prédiction de Dieu, tant par sa grandeur d’esprit que par son mépris des difficultés, le meilleur de tous les Hébreux, car Abraham était son ancêtre de la septième génération. Moïse était en effet fils d’Amram, fils de Caath, dont le père Lévi était fils de Jacob, fils d’Isaac, fils d’Abraham. Or, l’intelligence de Moïse devint supérieure à son âge, bien au-delà ; et, lorsqu’il fut instruit, il découvrit une plus grande vivacité d’esprit que d’habitude à son âge, et ses actions à cette époque laissaient présager une plus grande vivacité d’esprit, lorsqu’il atteindrait l’âge adulte. Dieu lui donna aussi cette taille, alors qu’il n’avait que trois ans, ce qui était merveilleux. Quant à sa beauté, personne n’était aussi impoli que… Lorsqu’ils virent Moïse, ils ne furent pas très surpris par la beauté de son visage ; bien au contraire, il arrivait fréquemment que ceux qui le rencontraient tandis qu’il était porté en chemin étaient obligés de se retourner en voyant l’enfant ; ils quittaient leur poste et restaient un long moment immobiles pour le regarder ; car la beauté de l’enfant était si remarquable et naturelle pour lui à bien des égards, qu’elle retenait les spectateurs et les faisait s’attarder plus longtemps à le regarder.
7. Thermuthis, voyant qu’il était un enfant si remarquable, l’adopta pour fils, n’ayant pas d’enfant à elle. Un jour, ayant amené Moïse à son père, elle le lui montra et dit qu’elle comptait en faire son successeur, si Dieu le voulait, elle n’aurait pas d’enfant légitime. Elle lui dit : « J’ai élevé un enfant de forme divine [15] et d’un esprit généreux ; et comme je l’ai reçu des bienfaits du fleuve, en , j’ai jugé bon de l’adopter, mon fils et l’héritier de ton royaume. » Après avoir dit cela, elle remit l’enfant entre les mains de son père. Il le prit et le serra contre sa poitrine ; et, à cause de sa fille, il lui mit agréablement son diadème sur la tête ; mais Moïse le jeta à terre, et, d’un air puéril, l’entoura et lui marcha sur les pieds, ce qui semblait annoncer de mauvais présages pour le royaume d’Égypte. Mais lorsque le scribe sacré vit cela (c’était lui qui avait prédit que sa naissance affaiblirait la domination de ce royaume), il tenta violemment de le tuer ; et s’écriant d’une voix effrayante, il dit : « Ô roi ! Cet enfant est celui dont Dieu a prédit que si nous le tuons, nous ne courrons aucun danger ; il témoigne lui-même de la même prédiction, en foulant aux pieds ton gouvernement et ton diadème. Éloigne-le donc, et délivre les Égyptiens de la crainte qu’ils éprouvent à son égard ; et prive les Hébreux de l’espoir qu’ils ont d’être encouragés par lui. » Mais Thermuthis l’en empêcha et enleva l’enfant. Le roi ne se hâta pas de le tuer, Dieu lui-même, dont la providence protégeait Moïse, le poussant à l’épargner. Il fut donc élevé avec grand soin. Les Hébreux comptaient donc sur lui et avaient bon espoir que de grandes choses seraient accomplies par lui ; Mais les Égyptiens se méfiaient des conséquences d’une telle éducation. Pourtant, comme si Moïse avait été tué, aucun de ses parents ou de ses adoptants n’avait d’oracle de son côté pour prétendre à la couronne d’Égypte, et susceptible de leur être plus utile, ils s’abstinrent de le tuer.
COMMENT MOÏSE FAIT LA GUERRE AUX ÉTHIOPIENS,
1. Moïse, né, élevé de la manière décrite ci-dessus et parvenu à l’âge de maturité, manifesta sa vertu aux Égyptiens et leur montra qu’il était né pour les abattre et relever les Israélites. Voici l’occasion qu’il saisit : les Éthiopiens, voisins immédiats des Égyptiens, firent une incursion dans leur pays, s’en emparèrent et emportèrent les biens des Égyptiens. Ceux-ci, furieux, les combattirent et vengèrent les affronts qu’ils leur avaient infligés. Mais, vaincus au combat, certains furent tués, et les autres s’enfuirent honteusement, et par ce moyen se sauvèrent. Les Éthiopiens les poursuivirent alors, et, pensant que ce serait une marque de lâcheté de ne pas soumettre toute l’Égypte, ils s’attaquèrent au reste avec plus de véhémence. Après avoir goûté aux douceurs du pays, ils ne cessèrent plus de poursuivre la guerre. Comme les habitants les plus proches n’avaient pas le courage de les combattre, ils avancèrent jusqu’à Memphis et la mer elle-même, sans qu’aucune des villes ne puisse leur résister. Les Égyptiens, sous cette triste oppression, se tournèrent vers leurs oracles et leurs prophéties. Dieu leur ayant conseillé de se servir de Moïse l’Hébreu et de prendre son aide, le roi ordonna à sa fille de le lui présenter, afin qu’il fût le général [16] de leur armée. Après lui avoir fait jurer de ne lui faire aucun mal, elle le livra au roi, pensant que son aide leur serait d’un grand avantage. Elle fit également des reproches au prêtre, qui, après avoir averti les Égyptiens de le tuer, n’avait plus honte d’avouer son manque d’aide.
2. Moïse, persuadé par Thermuthis et par le roi lui-même, entreprit donc joyeusement l’affaire. Les scribes sacrés des deux nations se réjouirent : ceux des Égyptiens, de vaincre immédiatement leurs ennemis grâce à sa valeur, et de voir Moïse tué par la même opération ; ceux des Hébreux, d’échapper aux Égyptiens, car Moïse devait être leur général. Mais Moïse prévint les ennemis, prit et mena son armée avant que ceux-ci ne soient informés de son attaque ; car il ne marcha pas par le fleuve, mais par terre, où il fit une démonstration remarquable de sa sagacité. car lorsque le terrain était difficile à traverser, à cause de la multitude de serpents (qu’il produit en grand nombre, et, en effet, est singulier dans certaines de ces productions, que d’autres pays n’élèvent pas, et pourtant tels qu’ils sont pires que d’autres en puissance et en méchanceté, et d’une férocité de vue inhabituelle, dont certains montent du sol invisibles, et volent aussi dans les airs, et tombent ainsi sur les hommes à l’improviste, et leur font du mal), Moïse inventa un stratagème merveilleux pour préserver l’armée en sécurité et sans dommage ; car il fit des paniers, semblables à des arches, de carex, et les remplit de bouquetins, [17] et les emporta avec eux ; cet animal est le plus grand ennemi imaginable des serpents, car ils s’enfuient d’eux quand ils s’en approchent ; et pendant qu’ils volent, ils sont attrapés et dévorés par eux, comme si cela était fait par les cerfs ; Mais les ibes sont des créatures apprivoisées, et seuls les serpents en sont ennemis. Je n’en dirai pas plus à leur sujet pour le moment, car les Grecs eux-mêmes connaissent bien cette espèce d’oiseau. Aussitôt arrivé dans le pays d’origine de ces serpents, Moïse lâcha les ibes, repoussa les serpents et s’en servit comme auxiliaires avant l’arrivée de l’armée. Après avoir poursuivi son voyage, il tomba sur les Éthiopiens avant qu’ils ne l’attendent ; engageant le combat avec eux, il les battit et les priva de leurs espoirs de succès contre les Égyptiens. Il continua à détruire leurs villes et fit un grand massacre parmi les Éthiopiens. Après avoir goûté à ce succès prospère, grâce à Moïse, l’armée égyptienne ne relâcha pas son zèle, si bien que les Éthiopiens risquèrent d’être réduits en esclavage et de subir toutes sortes de destructions. Ils se retirèrent enfin à Saba, cité royale d’Éthiopie, que Cambyse baptisa plus tard Méro, du nom de sa sœur. Le siège de la ville était extrêmement difficile, car elle était entourée par le Nil, et les autres fleuves, l’Astapus et l’Astaboras, rendaient le passage très difficile. La ville, située dans un lieu retiré, était habitée à la manière d’une île, entourée de solides remparts.et ayant les rivières pour les protéger de leurs ennemis, et ayant de grands remparts entre la muraille et les rivières, à tel point que, lorsque les eaux viennent avec la plus grande violence, elle ne peut jamais être submergée; ces remparts rendent presque impossible, même pour ceux qui ont traversé les rivières, de prendre la ville. Cependant, alors que Moïse était inquiet de l’inactivité de l’armée, (car les ennemis n’osaient pas venir au combat), cet accident se produisit: - Tharbis était la fille du roi des Éthiopiens: elle vit par hasard Moïse alors qu’il menait l’armée près des murs, et combattait avec un grand courage; et admirant la subtilité de ses entreprises, et croyant qu’il était l’auteur du succès des Égyptiens, alors qu’ils avaient auparavant désespéré de recouvrer leur liberté, et qu’il était la cause du grand danger dans lequel se trouvaient les Éthiopiens, alors qu’ils s’étaient vantés de leurs grands exploits, elle tomba profondément amoureuse de lui; Devant l’emprise de cette passion, elle lui envoya la plus fidèle de ses servantes pour s’entretenir avec lui de leur mariage. Il accepta alors l’offre, à condition qu’elle obtienne la restitution de la ville ; il lui donna l’assurance du serment de la prendre pour épouse et qu’une fois la ville prise, il ne romprait pas son serment. L’accord fut à peine conclu qu’il prit effet immédiatement ; et, après avoir exterminé les Éthiopiens, Moïse rendit grâces à Dieu, consomma son mariage et ramena les Égyptiens dans leur pays.
COMMENT MOÏSE S’EST FUI D’ÉGYPTE À MÉDIANE.
1. Or, après avoir été préservés par Moïse, les Égyptiens le haïrent et s’empressèrent de fomenter leurs desseins contre lui. Ils le soupçonnaient de profiter de son succès pour provoquer une sédition et introduire des innovations en Égypte. Ils dirent au roi qu’il méritait d’être tué. Le roi nourrissait lui-même quelques projets dans le même sens, tant par envie de sa glorieuse expédition à la tête de son armée que par crainte d’être humilié par lui et incité par les scribes sacrés. Il était prêt à entreprendre de tuer Moïse. Mais, ayant appris à l’avance les complots ourdis contre lui, il s’en alla secrètement. Les routes publiques étant surveillées, il prit la fuite à travers les déserts, là où ses ennemis ne pouvaient soupçonner son passage. Bien que dépourvu de nourriture, il continua sa route, méprisant courageusement cette difficulté. et lorsqu’il arriva à la ville de Madian, qui était située sur la mer Rouge, et qui portait le nom d’un des fils d’Abraham par Ketura, il s’assit sur un certain puits et s’y reposa après son pénible voyage et l’affliction dans laquelle il avait été. Ce n’était pas loin de la ville, et l’heure du jour était midi, où il avait une occasion qui lui était offerte par la coutume du pays de faire ce qui recommandait sa vertu et lui offrait l’occasion d’améliorer sa situation.
2. Comme ce pays manquait d’eau, les bergers s’emparaient des puits avant l’arrivée des autres, de peur que leurs troupeaux ne manquent d’eau et que d’autres ne la consomment avant eux. Sept sœurs vierges, filles de Raguel, prêtre et homme considéré comme digne d’un grand honneur par les habitants du pays, vinrent donc à ce puits. Ces vierges, qui gardaient les troupeaux de leur père, travail habituel et familier aux femmes du pays des Troglodytes, vinrent les premières et puisèrent de l’eau du puits en quantité suffisante pour leurs troupeaux, dans des auges aménagées à cet effet. Mais lorsque les bergers survinrent et chassèrent les jeunes filles afin qu’elles puissent s’approprier l’eau, Moïse, pensant que ce serait un terrible reproche pour lui s’il négligeait les jeunes femmes injustement opprimées et laissait la violence des hommes l’emporter sur le droit des jeunes filles, il chassa les hommes qui voulaient plus que leur part et accorda une aide appropriée aux femmes. Celles-ci, après avoir reçu un tel bienfait de sa part, allèrent trouver leur père et lui racontèrent comment elles avaient été offensées par les bergers et aidées par un étranger, et le supplièrent de ne pas laisser cette action généreuse être vaine et de ne pas rester sans récompense. Le père comprit alors bien de ses filles qu’elles étaient si désireuses de récompenser leur bienfaiteur ; et il leur ordonna d’amener Moïse en sa présence, afin qu’il soit récompensé comme il le méritait. Et lorsque Moïse arriva, il lui raconta le témoignage que ses filles lui avaient rendu, qu’il les avait aidées ; et que, comme il l’admirait pour sa vertu, il disait que Moïse avait accordé son aide à des personnes non insensibles aux bienfaits, mais qui étaient à la fois capables et désireuses de leur rendre la pareille, et même de dépasser sa générosité. Il en fit donc son fils, lui donna une de ses filles en mariage et le nomma gardien et surintendant de son bétail ; car autrefois, toute la richesse des barbares résidait dans ce bétail.
CONCERNANT LE BUISSON ARDENT ET LA BÂTONNET DE MOÏSE.
1. Moïse, ayant obtenu la faveur de Jéthro, car c’était l’un des noms de Raguel, resta là et fit paître son troupeau. Quelque temps après, s’établissant sur la montagne appelée Sinaï, il y mena ses troupeaux pour les paître. Or, c’est la plus haute de toutes les montagnes des environs, et la meilleure pour le pâturage, l’herbe y étant abondante ; et on n’y avait pas encore pâturé, car on pensait que Dieu y habitait, les bergers n’osant pas y monter. Et c’est là qu’un prodige merveilleux arriva à Moïse : un feu se nourrit d’un buisson d’épines, mais les feuilles vertes et les fleurs restèrent intactes, et le feu ne consuma pas les branches fruitières, bien que la flamme fût grande et violente. Moïse fut effrayé par ce spectacle étrange, comme il le fut pour lui-même ; Mais il fut encore plus étonné lorsque le feu fit entendre sa voix, l’appela par son nom et lui adressa des paroles qui lui montraient combien il avait osé pénétrer dans un lieu où personne n’était jamais allé auparavant, car ce lieu était divin. Il lui conseilla de s’éloigner du feu et de se contenter de ce qu’il avait vu. Bien qu’il fût lui-même un homme de bien et le fils de grands hommes, il ne devait pas s’aventurer plus loin. Il lui prédit qu’il aurait gloire et honneur parmi les hommes, par la bénédiction de Dieu sur lui. Il lui ordonna également de partir de là avec confiance pour l’Égypte, afin qu’il soit le commandant et le conducteur du corps des Hébreux, et qu’il puisse délivrer son peuple des maux qu’il y avait subis : « Car », dit Dieu, « ils habiteront ce pays heureux qu’a habité votre ancêtre Abraham, et ils jouiront de tous les biens. » Mais il leur enjoignit néanmoins, lorsqu’il aurait fait sortir les Hébreux du pays d’Égypte, de venir dans ce lieu et d’y offrir des sacrifices d’actions de grâces. Tels étaient les oracles divins qui furent délivrés du feu.
2. Mais Moïse fut étonné de ce qu’il vit, et plus encore de ce qu’il entendit ; et il dit : « Je pense que ce serait un cas de folie trop grand, ô Seigneur, pour quelqu’un qui a pour toi cette estime, de se méfier de ta puissance, puisque moi-même je l’adore, et je sais qu’elle a été manifestée à mes ancêtres. Mais je ne sais toujours pas comment moi, qui suis un homme privé et sans talent, je pourrais persuader mes propres compatriotes de quitter le pays qu’ils habitent maintenant et de me suivre dans un pays où je les mène ; ou, s’ils se laissent persuader, comment puis-je forcer Pharaon à les laisser partir, puisqu’ils augmentent leurs propres richesses et leur prospérité par les travaux et les œuvres qu’ils leur imposent ? »
3. Mais Dieu le persuada d’être courageux en toute occasion, et lui promit d’être avec lui et de l’assister dans ses paroles, lorsqu’il aurait à persuader les hommes, et dans ses actes, lorsqu’il aurait à accomplir des prodiges. Il lui ordonna aussi de prouver la véracité de ses paroles en jetant sa verge à terre. Lorsqu’il eut fini, elle rampa, se transforma en serpent, s’enroula dans ses plis et dressa la tête, prête à se venger de ceux qui l’attaqueraient ; après quoi elle redevint une verge comme auparavant. Après cela, Dieu ordonna à Moïse de mettre sa main droite dans son sein. Il obéit, et lorsqu’il la retira, elle était blanche, couleur de craie, mais elle reprit ensuite sa couleur habituelle. Lui aussi, sur l’ordre de Dieu, prit de l’eau qui était près de lui et la versa sur le sol, et vit que la couleur était celle du sang. Devant l’étonnement de Moïse devant ces signes, Dieu l’exhorta à prendre courage et à être assuré qu’il lui serait d’un grand secours. Il lui ordonna d’utiliser ces signes afin de convaincre tous les hommes que « tu es envoyé par moi et que tu agis selon mes commandements. C’est pourquoi je t’ordonne de ne plus tarder, mais de te hâter vers l’Égypte, de voyager nuit et jour, et de ne pas prolonger le temps, ce qui prolongerait l’esclavage des Hébreux et leurs souffrances. »
4. Moïse, ayant vu et entendu ces prodiges qui l’assuraient de la véracité des promesses de Dieu, n’eut plus aucun motif de douter. Il le supplia de lui accorder ce pouvoir lorsqu’il serait en Égypte ; et le pria de lui accorder la connaissance de son propre nom ; et, puisqu’il l’avait entendu et vu, de lui révéler aussi son nom, afin qu’il puisse l’invoquer sous ce nom lorsqu’il offrirait un sacrifice. Alors Dieu lui révéla son saint nom, qui n’avait jamais été révélé aux hommes auparavant ; il ne m’est pas permis d’en dire davantage. [18] Or, ces signes accompagnaient Moïse, non seulement alors, mais toujours lorsqu’il priait pour eux. De tous ces signes, il attribuait le plus grand assentiment au feu dans le buisson ; et, croyant que Dieu lui serait un soutien bienveillant, il espérait pouvoir délivrer sa propre nation et attirer des calamités sur les Égyptiens.
COMMENT MOÏSE ET AARON RETOURNÈRENT EN ÉGYPTE VERS PHARAON.
1. Moïse, ayant appris la mort du Pharaon sous le règne duquel il s’était enfui, demanda à Raguel la permission de se rendre en Égypte pour le bien de son peuple. Il prit avec lui Séphora, la fille de Raguel, qu’il avait épousée, et les enfants qu’il avait eus d’elle, Guersom et Éléazar, et se hâta de se rendre en Égypte. Le premier de ces noms, Guersom, en hébreu, signifie qu’il était dans un pays étranger ; et Éléazar, que, grâce au Dieu de ses pères, il avait échappé aux Égyptiens. Comme ils approchaient de la frontière, Aaron, son frère, vint à sa rencontre, sur l’ordre de Dieu, et il lui raconta ce qui lui était arrivé sur la montagne, ainsi que les ordres que Dieu lui avait donnés. Comme ils avançaient, les principaux Hébreux, ayant appris leur arrivée, vinrent à leur rencontre. Moïse leur raconta les signes qu’il avait vus, et il leur dit : et tandis qu’ils ne pouvaient les croire, il les leur fit voir. Ils prirent donc courage à ces spectacles surprenants et inattendus, et espérèrent bien de leur entière délivrance, croyant maintenant que Dieu prenait soin de leur conservation.
2. Moïse constata que les Hébreux obéiraient à ses ordres, comme ils le promettaient, et qu’ils étaient épris de liberté. Il alla trouver le roi, qui venait tout juste d’être investi du pouvoir, et lui raconta tout ce qu’il avait fait pour le bien des Égyptiens, alors qu’ils étaient méprisés par les Éthiopiens et que leur pays était ravagé par eux. Il lui raconta comment il avait commandé leurs armées et travaillé pour eux, comme s’ils avaient été les siens. Il lui raconta les dangers qu’il avait courus pendant cette expédition, sans recevoir la juste récompense qu’il méritait. Il lui raconta aussi clairement ce qui lui était arrivé au mont Sinaï, ce que Dieu lui avait dit, et les signes qu’il avait accomplis pour l’assurer de l’autorité des commandements qu’il lui avait donnés. Il l’exhorta également à ne pas douter de ce qu’il lui disait, ni à s’opposer à la volonté de Dieu.
3. Le roi, se moquant de Moïse, lui fit voir avec insistance les signes qui avaient été accomplis au mont Sinaï. Cependant, le roi, très irrité, le traita d’homme mauvais, lui qui s’était autrefois enfui de son esclavage en Égypte et qui revenait maintenant avec des ruses trompeuses, des prodiges et des arts magiques pour l’étonner. Après avoir dit cela, il ordonna aux prêtres de lui faire voir les mêmes merveilles, sachant que les Égyptiens étaient habiles dans ce genre de science, et qu’il n’était pas le seul à les connaître et à les prétendre divines. Il lui dit aussi que, lorsqu’il lui présenterait de telles merveilles, il ne serait cru que par les ignorants. Les prêtres jetèrent leurs verges, qui devinrent des serpents. Mais Moïse ne se laissa pas intimider, et dit : « Ô roi, je ne méprise pas la sagesse des Égyptiens, mais je dis que ce que j’accomplis est bien supérieur à ce qu’ils font par magie et ruses, car la puissance divine surpasse la puissance humaine. Mais je démontrerai que ce que j’accomplis n’est pas fait par ruse, ni par contrefaçon de ce qui n’est pas réellement vrai, mais qu’il apparaît par la providence et la puissance de Dieu. » Et après avoir dit cela, il jeta sa verge à terre et lui ordonna de se transformer en serpent. Le serpent lui obéit, fit le tour du monde et dévora les verges des Égyptiens, qui semblaient être des dragons, jusqu’à les avoir toutes consumées. Puis il reprit sa forme, et Moïse le reprit en main.
4. Cependant, le roi ne fut pas plus ému une fois l’affaire terminée. Très irrité, il déclara que sa ruse et sa perspicacité contre les Égyptiens ne lui serviraient à rien. Il ordonna à celui qui était le chef des Hébreux de ne pas les relâcher dans leurs travaux, mais de les contraindre à une oppression plus grande qu’auparavant. Bien qu’il leur ait permis auparavant d’utiliser de la paille pour fabriquer leurs briques, il ne le leur permit plus, mais les obligea à travailler dur à la fabrication des briques le jour et à ramasser de la paille la nuit. Leur travail étant ainsi doublé, ils rejetèrent la faute sur Moïse, car leur travail et leur misère s’étaient aggravés à cause de lui. Mais Moïse ne laissa pas son courage s’affaiblir sous les menaces du roi, et ne relâcha pas son zèle face aux plaintes des Hébreux ; au contraire, il se soutint, s’opposa résolument à eux deux et déploya toute sa diligence pour obtenir la liberté de ses compatriotes. Il alla donc trouver le roi et le persuada de laisser les Hébreux se rendre au mont Sinaï pour y sacrifier à Dieu, comme Dieu le leur avait ordonné. Il le persuada également de ne pas contrecarrer les desseins de Dieu, mais d’estimer sa faveur au-dessus de tout et de les laisser partir, de peur de faire obstacle, avant même de s’en apercevoir, à l’exécution des commandements divins et de s’exposer ainsi aux châtiments que subirait probablement quiconque contreviendrait aux commandements divins. En effet, les plus grandes afflictions naissent de tout objet pour ceux qui provoquent la colère divine. Car de tels êtres n’ont ni la terre ni l’air pour amis ; les enfants des entrailles ne sont pas non plus conformes à la nature, mais tout leur est hostile et contraire. Il ajouta que les Égyptiens devaient en faire la triste expérience ; et qu’en outre, le peuple hébreu quitterait son pays sans son consentement.
CONCERNANT LES DIX PLAIES QUI S’ARRÊTAIENT SUR LES ÉGYPTIENS.
1. Mais lorsque le roi méprisa les paroles de Moïse et n’y prêta aucune attention, de graves fléaux s’abattirent sur les Égyptiens. Je vais les décrire chacun d’eux, d’une part parce qu’aucun autre peuple n’a jamais été frappé par de tels fléaux, comme les Égyptiens le subirent alors, et d’autre part parce que je voudrais démontrer que Moïse n’a failli à aucune de ses prédictions. Il est également dans l’intérêt de l’humanité qu’elle apprenne cet avertissement : ne rien faire qui puisse déplaire à Dieu, de peur qu’il ne s’irrite et ne venge ses iniquités sur eux. Car le fleuve d’Égypte coulait d’une eau sanglante, sur l’ordre de Dieu, au point qu’il était impossible de la boire, et ils n’avaient pas d’autre source d’eau. Non seulement l’eau avait la couleur du sang, mais elle infligeait à ceux qui osaient la boire de grandes souffrances et d’amers tourments. Tel était le fleuve pour les Égyptiens ; mais il était doux et propre à la boisson pour les Hébreux, et ne différait en rien de ce qu’il était naturellement. Comme le roi ne savait que faire dans ces circonstances surprenantes, et qu’il craignait pour les Égyptiens, il autorisa les Hébreux à s’en aller ; mais lorsque la peste eut cessé, il changea encore d’avis et ne voulut pas les laisser partir.
2. Mais Dieu, voyant son ingratitude et son insensibilité, envoyant une nouvelle plaie sur les Égyptiens, envoya une multitude innombrable de grenouilles qui dévoraient les fruits de la terre. Le fleuve en était rempli, à tel point que ceux qui puisaient l’eau la souillaient à cause du sang de ces animaux, mourant et périssant dans l’eau. Le pays était rempli d’une boue immonde, à leur naissance comme à leur mort. Elles souillaient aussi les ustensiles dont elles se servaient dans leurs maisons, et se retrouvaient parmi leurs aliments et leurs boissons, et se répandaient en grand nombre sur leurs lits. Il y avait aussi une odeur ingrate, et une puanteur s’élevait d’elles, à leur naissance comme à leur mort. Alors que les Égyptiens étaient accablés par ces misères, le roi ordonna à Moïse de prendre les Hébreux avec lui et de s’en aller. Sur ce, toute la multitude des grenouilles disparut. Et la terre et le fleuve revinrent à leur état initial. Mais dès que Pharaon vit le pays délivré de ce fléau, il en oublia la cause et retint les Hébreux. Comme s’il avait l’intention de juger d’autres jugements de ce genre, il refusa encore de laisser partir Moïse et son peuple, leur accordant cette liberté plutôt par crainte que par considération. [19]
3. Dieu punit donc sa fausseté d’une autre plaie, ajoutée à la précédente. Car une quantité innombrable de poux surgit du corps des Égyptiens, et malgré leur méchanceté, ils périrent misérablement, incapables de détruire cette vermine ni par des bains ni par des onguents. Devant ce terrible jugement, le roi d’Égypte fut désemparé, craignant la destruction de son peuple et considérant la manière dont cette mort était également répréhensible. Il fut donc contraint de se remettre de sa mauvaise humeur et de retrouver un esprit plus sain, car il autorisa les Hébreux à partir. Mais lorsque la plaie cessa, il jugea opportun d’exiger qu’ils laissent derrière eux leurs enfants et leurs femmes, gages de leur retour. Français par quoi il provoqua Dieu à être plus véhémentement en colère contre lui, comme s’il pensait abuser de sa providence, et comme si c’était seulement Moïse, et non Dieu, qui punissait les Égyptiens à cause des Hébreux : car il remplit ce pays de diverses sortes de créatures pestilentielles, avec leurs diverses propriétés, telles qu’en effet, elles n’étaient jamais venues à la vue des hommes auparavant, par l’intermédiaire desquelles les hommes périrent eux-mêmes, et la terre fut dépourvue de cultivateurs pour sa culture ; mais si quelque chose échappait à la destruction d’eux, elle était tuée par une maladie que les hommes subissaient également.
4. Mais comme Pharaon, même alors, ne céda pas à la volonté de Dieu, mais, tout en autorisant les maris à prendre leurs femmes avec eux, insista pour que les enfants soient laissés derrière, Dieu résolut aussitôt de punir sa méchanceté par plusieurs sortes de calamités, pires que celles qui les avaient pourtant si généralement affligés. Leurs corps étaient couverts d’ulcères terribles, se déployant d’écorchures, alors qu’ils étaient déjà consumés intérieurement ; et une grande partie des Égyptiens périrent de cette manière. Mais comme le roi ne fut pas ramené à la raison par ce fléau, de la grêle tomba du ciel ; et c’était une grêle telle que le climat d’Égypte n’en avait jamais connu auparavant, et elle ne ressemblait pas à celle qui tombe sous d’autres climats en hiver, [20] mais était plus forte que celle qui tombe au milieu du printemps sur ceux qui habitent les régions du nord et du nord-ouest. Cette grêle brisa leurs branches chargées de fruits. Après cela, une tribu de sauterelles consuma les semences qui n’avaient pas été endommagées par la grêle ; de sorte que pour les Égyptiens, tout espoir de futurs fruits de la terre était entièrement perdu.
5. On pourrait croire que les calamités mentionnées ci-dessus auraient suffi à un homme simplement insensé, sans méchanceté, pour le rendre sage et conscient de ses intérêts. Mais Pharaon, moins poussé par sa folie que par sa méchanceté, même après avoir compris la cause de ses malheurs, continua de contester avec Dieu et abandonna volontairement la cause de la vertu. Il ordonna donc à Moïse d’emmener les Hébreux avec leurs femmes et leurs enfants, en leur laissant leur bétail, car leur propre bétail avait été détruit. Mais lorsque Moïse déclara que ce qu’il désirait était injuste, puisqu’ils étaient obligés d’offrir à Dieu des sacrifices de ce bétail, et que le temps se prolongea pour cette raison, une obscurité épaisse, sans la moindre lumière, se répandit sur les Égyptiens. Leur vue étant obstruée et leur respiration entravée par l’épaisseur de l’air, ils moururent misérablement, terrorisés à l’idée d’être engloutis par le nuage noir. De plus, lorsque les ténèbres, après trois jours et autant de nuits, se furent dissipées, et que Pharaon ne se repentait toujours pas et ne laissait pas partir les Hébreux, Moïse s’approcha de lui et lui dit : « Jusqu’à quand désobéiras-tu à l’ordre de Dieu ? Car il t’ordonne de laisser partir les Hébreux ; et il n’y a pas d’autre moyen d’être délivré des calamités qui t’attendent, si tu ne le fais pas. » Mais le roi, irrité par ces paroles, menaça de lui couper la tête s’il venait encore le troubler à ce sujet. Moïse lui dit alors de ne plus lui en parler, car lui-même, avec les principaux Égyptiens, voudrait chasser les Hébreux. Après ces paroles, Moïse fit ce qu’il voulait.
6. Dieu ayant annoncé qu’il forcerait les Égyptiens à laisser partir les Hébreux par une seule plaie, il ordonna à Moïse de dire au peuple de préparer un sacrifice, de se préparer le dixième jour du mois de Xanthique, pour le quatorzième (mois appelé Pharmuth par les Égyptiens, Nisan par les Hébreux, mais que les Macédoniens appellent Xanthique), et de transporter les Hébreux avec tout ce qu’ils possédaient. Après avoir préparé les Hébreux pour leur départ, et après avoir réparti le peuple en tribus, il les tint ensemble au même endroit. Le quatorzième jour, lorsque tous furent prêts à partir, ils offrirent le sacrifice et purifièrent leurs maisons avec le sang, en utilisant des bouquets d’hysope à cet effet ; et après avoir soupé, ils brûlèrent le reste de la chair, comme s’ils étaient sur le point de partir. C’est pourquoi nous offrons encore aujourd’hui ce sacrifice de la même manière, et que nous appelons cette fête Pâques, ce qui signifie la fête de la Pâque. Car ce jour-là, Dieu nous a ignorés et a envoyé la peste sur les Égyptiens. La destruction des premiers-nés s’abattit sur les Égyptiens cette nuit-là, de sorte que beaucoup d’Égyptiens qui habitaient près du palais du roi persuadèrent Pharaon de laisser partir les Hébreux. Il appela donc Moïse et leur ordonna de partir, comme s’il pensait que si les Hébreux sortaient du pays, l’Égypte serait délivrée de ses misères. Ils honorèrent aussi les Hébreux de présents ; [21] les uns pour les inciter à partir rapidement, les autres en raison de leur voisinage et de l’amitié qu’ils avaient pour eux.
COMMENT LES HÉBREUX SOUS LA CONDUITE DE MOÏSE ONT QUITTÉ L’ÉGYPTE.
1. Les Hébreux sortirent donc d’Égypte, tandis que les Égyptiens pleuraient et se repentaient de les avoir traités si durement. - Or, ils firent leur voyage par Létopolis, un lieu alors désert, mais où Babylone fut fondée plus tard, lorsque Cambyse ravagea l’Égypte. Mais comme ils partaient en hâte, le troisième jour ils arrivèrent à un lieu appelé Béelzephon, sur la mer Rouge. Et comme ils n’avaient pas de nourriture du pays, parce que c’était un désert, ils mangèrent des pains pétris de farine, seulement réchauffés par une douce chaleur ; et cette nourriture ils l’utilisèrent pendant trente jours ; car ce qu’ils avaient apporté avec eux d’Égypte ne leur suffirait plus longtemps ; et cela seulement pendant qu’ils la distribuaient à chacun, pour n’en utiliser que la quantité qui pouvait servir au besoin, et non à la satiété. C’est pourquoi, en souvenir de la misère où nous étions alors, nous célébrons une fête de huit jours, appelée la fête des pains sans levain. Or, toute la multitude de ceux qui étaient sortis, y compris les femmes et les enfants, n’était pas facile à dénombrer ; mais ceux qui étaient en âge de combattre étaient six cent mille.
2. Ils quittèrent l’Égypte au mois de Xanthicus, le quinzième jour du mois lunaire, quatre cent trente ans après l’arrivée de notre ancêtre Abraham en Canaan, mais deux cent quinze ans seulement après le départ de Jacob pour l’Égypte. [22] C’était la quatre-vingtième année de l’âge de Moïse, et trois autres de celui d’Aaron. Ils emportèrent aussi les os de Joseph avec eux, comme il l’avait ordonné à ses fils.
3. Mais les Égyptiens se repentirent bientôt de la disparition des Hébreux ; et le roi, vivement préoccupé par le fait que cette disparition ait été obtenue par les arts magiques de Moïse, résolurent de les poursuivre. Ils prirent donc leurs armes et autres équipements militaires et les poursuivirent afin de les ramener s’ils les rattrapaient. Ils n’auraient plus aucun prétexte pour prier Dieu contre eux, puisqu’ils avaient déjà été autorisés à partir. Pensant les vaincre facilement, car ils n’avaient pas d’armure et seraient fatigués par la route, ils se hâtèrent de les poursuivre et demandèrent à tous ceux qu’ils rencontraient leur chemin. Or, ce pays était difficile à parcourir, non seulement par des armées, mais aussi par des individus isolés. Moïse conduisit les Hébreux par ce chemin, afin que, si les Égyptiens se repentaient et désiraient les poursuivre, ils subissent le châtiment de leur méchanceté et de la rupture des promesses qu’ils leur avaient faites. Il les conduisit sur ce chemin à cause des Philistins, qui les haïssaient depuis longtemps, afin qu’ils ne s’aperçoivent pas de leur départ, car leur pays est voisin de l’Égypte. C’est pourquoi Moïse ne les conduisit pas par la route qui menait au pays des Philistins, mais il désirait les faire traverser le désert afin qu’après un long voyage et de nombreuses tribulations, ils puissent entrer en Canaan. Une autre raison en était que Dieu lui avait ordonné de conduire le peuple au mont Sinaï, pour y offrir des sacrifices. Lorsque les Égyptiens eurent rattrapé les Hébreux, ils se préparèrent à les combattre et, grâce à leur multitude, les repoussèrent dans un passage étroit. Ils étaient poursuivis par six cents chars, cinquante mille cavaliers et deux cent mille fantassins, tous armés. Ils s’emparèrent aussi des passages par lesquels ils imaginaient que les Hébreux pourraient fuir, les enfermant [23] entre des précipices inaccessibles et la mer ; car il y avait [de chaque côté] une [crête de] montagnes qui se terminaient à la mer, qui étaient infranchissables en raison de leur rugosité, et obstruaient leur fuite ; c’est pourquoi ils pressèrent les Hébreux là avec leur armée, où [les crêtes des] montagnes étaient fermées par la mer ; quelle armée ils placèrent aux crêtes des montagnes, afin de les priver de tout passage dans la plaine.
4. Les Hébreux, étant ainsi comme assiégés, ne purent tenir le coup, faute de vivres et ne voyant aucun moyen de s’échapper. S’ils avaient songé à combattre, ils n’avaient pas d’armes ; ils s’attendaient à une destruction universelle, à moins de se livrer aux Égyptiens. Ils rejetèrent donc la faute sur Moïse et oublièrent tous les signes accomplis par Dieu pour leur libération. Leur incrédulité les poussa à jeter des pierres sur le prophète, tandis qu’il les encourageait et leur promettait la délivrance ; et ils résolurent de se livrer aux Égyptiens. Ce fut la tristesse et les lamentations parmi les femmes et les enfants, qui n’avaient que la destruction devant les yeux, tandis qu’ils étaient environnés par les montagnes, la mer et leurs ennemis, et ne voyaient aucun moyen de fuir.
5. Mais Moïse, bien que la multitude le regardât avec acharnement, ne renonça pas pour autant à s’occuper d’eux, mais méprisa tous les dangers, par confiance en Dieu, qui, comme il leur avait accordé les différentes mesures déjà prises pour recouvrer leur liberté, qu’il leur avait prédites, ne permettrait pas maintenant qu’ils soient soumis par leurs ennemis, qu’ils soient réduits en esclavage ou tués par eux ; Et, debout au milieu d’eux, il dit : « Il n’est pas juste de notre part de nous méfier même des hommes, alors qu’ils ont jusqu’ici bien géré nos affaires, comme si elles ne seraient plus les mêmes par la suite ; mais ce n’est que folie, en ce moment, de désespérer de la providence de Dieu, par la puissance de qui tout ce qu’il a promis s’est accompli, alors que vous ne vous y attendiez pas : je veux dire tout ce que j’ai entrepris pour la délivrance et l’évasion de l’esclavage. Bien plus, lorsque nous sommes dans la plus grande détresse, comme vous le voyez, nous devrions plutôt espérer que Dieu nous secourra, lui par l’opération duquel nous sommes maintenant dans cet endroit étroit, afin qu’il nous sorte de difficultés autrement insurmontables et dont ni vous ni vos ennemis ne vous attendez à être délivrés, et qu’il puisse immédiatement démontrer sa propre puissance et sa providence sur nous. Dieu n’accorde pas son aide dans les petites difficultés à ceux qu’il favorise, mais dans les cas où personne ne voit comment l’espoir en l’homme peut améliorer leur situation. Comptez donc sur un Protecteur capable de réaliser les petites choses. « Grand, et pour montrer que cette puissante force contre vous n’est rien d’autre que de la faiblesse, et ne soyez pas effrayés par l’armée égyptienne, et ne désespérez pas d’être préservés, car la mer devant et les montagnes derrière ne vous offrent aucune possibilité de fuir, car même ces montagnes, si Dieu le veut, peuvent devenir une plaine pour vous, et la mer devenir une terre sèche. »
COMMENT LA MER FUT DIVISEE POUR LES HÉBREUX, LORSQU’ILS FURENT POURSUIVIS PAR LES ÉGYPTIENS, LEUR DONNANT AINSI L’OCCASION DE S’ÉCHAPPER.
1. Après avoir dit cela, Moïse les conduisit vers la mer, sous les yeux des Égyptiens, qui les voyaient. Or, ceux-ci, accablés par la fatigue de leur poursuite, jugeèrent bon de remettre le combat au lendemain. Mais, arrivé au bord de la mer, Moïse prit sa verge, implora Dieu et le pria d’être leur secours et leur assistant. et dit : « Tu n’ignores pas, ô Seigneur, qu’il est au-delà des forces et des artifices humains d’éviter les difficultés que nous traversons actuellement ; mais ce doit être entièrement ton œuvre de procurer la délivrance à cette armée, qui a quitté l’Égypte à ta demande. Nous désespérons de toute autre aide ou artifice, et nous ne recourons qu’à l’espoir que nous avons en toi ; et s’il existe un moyen qui puisse nous garantir une échappatoire par ta providence, nous nous tournons vers toi. Et qu’il vienne vite, et qu’il nous manifeste ta puissance ; et toi, redonne courage et espoir de délivrance à ce peuple profondément plongé dans un état d’esprit désolant. Nous sommes dans un lieu sans défense, mais c’est néanmoins un lieu que tu possèdes ; la mer est toujours à toi, les montagnes qui nous encerclent sont aussi à toi ; de sorte que ces montagnes s’ouvriront si tu le leur ordonnes, et la mer aussi, si tu le lui ordonnes, deviendra terre ferme. Non, nous pourrions nous échapper par une fuite dans les airs, si tu le décidais. cette voie du salut.
2. Moïse, s’adressant ainsi à Dieu, frappa la mer de sa verge, qui se fendit sous le coup. Ramenant les eaux, il laissa la terre sèche, servant de chemin et de refuge aux Hébreux. Voyant cette apparition de Dieu, la mer quitter son lieu et laisser la terre ferme, Moïse y entra le premier, et invita les Hébreux à le suivre sur ce chemin divin, se réjouissant du danger que couraient leurs ennemis qui les suivaient. Il remercia Dieu pour cette délivrance si surprenante qui lui était venue.
3. Or, tandis que ces Hébreux ne s’attardaient pas, mais continuaient leur route avec empressement, guidés par la présence de Dieu, les Égyptiens crurent d’abord qu’ils étaient distraits et se précipitaient vers une ruine manifeste. Mais, voyant qu’ils parcouraient une longue route sans aucun mal, et qu’aucun obstacle ni difficulté ne les entourait, ils se hâtèrent de les poursuivre, espérant que la mer serait calme pour eux aussi. Ils mirent leur cheval en avant et descendirent eux-mêmes dans la mer. Or, pendant que ceux-ci revêtaient leurs armes et y passaient leur temps, les précédèrent, leur échappèrent et atteignirent les premiers la terre ferme sans aucun mal. Les autres, encouragés, les poursuivirent avec plus de courage, espérant qu’il ne leur arriverait aucun mal non plus. Mais les Égyptiens ne savaient pas qu’ils s’engageaient sur une route faite pour les Hébreux, et non pour d’autres ; que cette route était faite pour la délivrance de ceux qui étaient en danger, et non pour ceux qui étaient déterminés à l’utiliser pour la destruction des autres. Dès que toute l’armée égyptienne fut à l’intérieur, la mer se rua vers son lieu d’origine et descendit avec un torrent soulevé par des tempêtes, [24] et encercla les Égyptiens. Des averses de pluie tombèrent du ciel, ainsi que des tonnerres et des éclairs terribles, accompagnés d’éclairs de feu. La foudre les lança aussi. Rien de ce que Dieu avait coutume d’envoyer aux hommes pour manifester sa colère ne se produisit alors, car une nuit sombre et lugubre les oppressa. Et ainsi tous ces hommes périrent, de sorte qu’il ne resta plus un seul homme pour annoncer ce malheur aux autres Égyptiens.
4. Mais les Hébreux ne purent contenir leur joie devant leur merveilleuse délivrance et la destruction de leurs ennemis. Ils se croyaient désormais pleinement délivrés, après la destruction de ceux qui les auraient réduits en esclavage, et lorsqu’ils découvrirent qu’ils avaient Dieu pour protecteur. Ayant échappé au danger, et voyant leurs ennemis punis d’une manière jamais vue auparavant, ils passèrent toute la nuit à chanter des hymnes et à se réjouir. [25] Moïse composa également un cantique à Dieu, contenant ses louanges et ses actions de grâces pour sa bonté, en vers hexamétriques. [26]
5. Pour ma part, j’ai relaté chaque partie de cette histoire telle que je l’ai trouvée dans les livres sacrés ; et que personne ne s’étonne de l’étrangeté du récit si une voie fut découverte aux hommes d’autrefois, libérés de la méchanceté des temps modernes, que ce soit par la volonté de Dieu ou de son propre chef ; tandis que, pour ceux qui accompagnaient Alexandre, roi de Macédoine, qui vivait encore il y a relativement peu de temps, la mer Pamphylienne se retirait et leur offrait un passage [27], n’avait pas d’autre issue ; je veux dire, lorsque la volonté de Dieu fut de détruire la monarchie des Perses : et cela est reconnu par tous ceux qui ont écrit sur les actions d’Alexandre. Mais quant à ces événements, chacun en jugera comme il lui plaît.
6. Le lendemain, Moïse rassembla les armes des Égyptiens, apportées au camp des Hébreux par le courant de la mer et la force des vents qui y résistaient. Il supposa que cela était aussi dû à la Providence divine, afin qu’ils ne soient pas privés d’armes. Après avoir ordonné aux Hébreux de s’en équiper, il les conduisit au mont Sinaï, afin d’offrir des sacrifices à Dieu et de faire des offrandes pour le salut de la multitude, comme il lui avait été ordonné de le faire auparavant.
Livre I — De la création à la mort d'Isaac | Page de titre | Livre III — De la sortie de l'Egypte à la répulsion de la génération |
2.3a C’est-à-dire, je l’ai acheté pour Pharaon à un prix très bas. ↩︎
2.4a Ce Potiphar, ou, comme Josèphe, Pétephres, qui était alors prêtre d’On, ou d’Héliopolis, porte le même nom chez Josèphe, et peut-être aussi chez Moïse, que celui qui était auparavant appelé chef cuisinier ou capitaine de la garde, et à qui Joseph fut vendu. Voir Genèse 37:36 ; 39:1, avec 41:50. Il est également affirmé qu’il s’agit d’une seule et même personne dans le Testament de Joseph, sect. 18, car il y est dit qu’il a épousé la fille de son maître et de sa maîtresse. Cette notion n’est pas propre à ce Testament, mais, comme le confesse le Dr Bernard (note sur Antiq. B. II. ch. 4. sect. 1), elle est commune à Josèphe, aux interprètes de la Septante et à d’autres Juifs érudits de l’ancien temps. ↩︎
2.5a Cette ignorance totale des Égyptiens de ces années de famine avant leur arrivée, racontées auparavant, ainsi qu’ici, ch. 5. sect. 7, par Josèphe, me semble presque incroyable. Elle ne figure dans aucun autre exemplaire que je connaisse. ↩︎
2.6a La raison pour laquelle Syméon a pu être choisi parmi les autres pour être le prisonnier de Joseph est claire dans le Testament de Syméon, à savoir qu’il était l’un des frères les plus acharnés de Joseph contre lui, sect. 2 ; ce qui apparaît également en partie dans le Testament de Zabulon, sect. 3. ↩︎
2.8a Du précieux baume de Judée et de la térébenthine, voir la note sur Antiq. B. VIII. ch. 6. sect. 6. ↩︎
2.10a Dans tout ce discours de Judas, nous pouvons observer que Josèphe supposait encore que la mort était la punition du vol en Égypte, au temps de Joseph, bien qu’il n’en ait jamais été ainsi parmi les Juifs, selon la loi de Moïse. ↩︎
2.12a Josèphe pensait que les Égyptiens détestaient ou méprisaient l’emploi d’un berger à l’époque de Joseph ; alors que l’évêque Cumberland a montré qu’ils détestaient plutôt les bergers poéchniciens ou cananéens qui avaient longtemps asservi les Égyptiens d’autrefois. Voir son Sanchoniatho, p. 361, 362. ↩︎
2.13a Reland pose ici la question : comment Josèphe a-t-il pu se plaindre de l’absence de pluie en Égypte pendant cette famine, alors que les anciens affirment qu’il n’y pleut jamais naturellement ? Sa réponse est que, lorsque les anciens nient qu’il pleuve en Égypte, ils ne font référence qu’à la Haute-Égypte située au-dessus du Delta, appelée Égypte au sens strict ; mais que dans le Delta [et par conséquent dans la Basse-Égypte qui lui est adjacente], il pleuvait autrefois, et pleut encore parfois. Voir la note sur Antiq. B. III. ch. 1. sect. 6. ↩︎
2.15a Quant à cet éloge de Joseph, comme préparatoire à l’adoption par Jacob d’Ephraïm et de Manassé dans sa propre famille, et pour être admis comme deux tribus, que Josèphe mentionne ici, toutes nos copies de la Genèse l’omettent, ch. 48. ; et nous ne savons pas d’où il l’a pris, ou s’il ne s’agit pas seulement de son propre embellissement. ↩︎
2.16a Quant à l’affliction de la postérité d’Abraham pendant 400 ans, voir Antiq. BI ch. 10. sect. 3; et quant aux villes qu’ils ont construites en Égypte, sous le pharaon Sésostris. et de la noyade du pharaon Sésostris dans la mer Rouge, voir Essai sur l’Ancien Testament, Append. p. 132-162. ↩︎
2.17a Sur la construction des pyramides d’Égypte par les Israélites, voir Perizonius Orig. Aegyptiac, ch. 21. Il n’est pas impossible qu’ils aient construit une ou plusieurs des petites pyramides ; mais les plus grandes semblent beaucoup plus tardives. Seulement, si elles sont toutes construites en pierre, cela ne concorde pas aussi bien avec les travaux des Israélites, qui auraient été en briques et non en pierre, comme l’observe M. Sandys dans ses Voyages. p. 127, 128. ↩︎
2.18a Le Dr Bernard nous informe ici qu’au lieu de ce seul prêtre ou prophète des Égyptiens, dont Josèphe ne mentionne pas le nom, le Targum de Jonathan cite les deux célèbres antagonistes de Moïse, Jannès et Jambrès. Il n’est pas non plus improbable que ce soit l’un d’eux qui ait prédit tant de malheurs aux Égyptiens et tant de bonheur aux Israélites, grâce à l’éducation de Moïse. ↩︎
2.19a Josèphe est clair que ces sages-femmes étaient égyptiennes, et non israélites, comme dans nos autres copies : ce qui est très probable, étant donné qu’il n’est pas facile de supposer que Pharaon pouvait faire confiance aux sages-femmes israélites pour exécuter un ordre aussi barbare contre leur propre nation. (Consultez donc et corrigez en conséquence nos copies ordinaires, Exode 1:15, 22. Et, en effet, Josèphe semble avoir eu des copies beaucoup plus complètes du Pentateuque, ou d’autres documents authentiques maintenant perdus, sur la naissance et les actions de Moïse, que ce que nous offrent nos Bibles hébraïque, samaritaine ou grecque, ce qui lui a permis d’être si large et si précis à son sujet. ↩︎
2.20a De ce grand-père de Sésostris, Ramestes le Grand, qui tua les enfants israélites, et de l’inscription sur son obélisque, contenant, à mon avis, l’un des plus anciens documents de l’humanité, voir Essai sur l’ancien test. Append. p. 139, 145, 147, 217-220. ↩︎
2.21a Ce que Josèphe dit ici de la beauté de Moïse, qu’il était de forme divine, ressemble beaucoup à ce que dit saint Étienne de la même beauté ; que Moïse était beau aux yeux de Actes 7:20. ↩︎
2.22a Cette histoire de Moïse, comme général des Égyptiens contre les Éthiopiens, est entièrement omise dans nos Bibles ; mais elle est ainsi écrite par Irénée, d’après Josèphe, et cela peu après son âge : — « Josèphe dit que, lorsque Moïse fut nourri au palais, il fut nommé général de l’armée contre les Éthiopiens, et les vainquit, lorsqu’il épousa la fille de ce roi ; parce que, par affection pour lui, elle lui livra la ville. » Voir les Fragments d’Irénée. ap. édit. Grab. p. 472. Saint Étienne ne faisait peut-être pas non plus référence à autre chose lorsqu’il dit de Moïse, avant qu’il ne soit envoyé par Dieu aux Israélites, qu’il était non seulement instruit dans toute la sagesse des Égyptiens, mais qu’il était aussi puissant en paroles et en actes, Actes 7:22. ↩︎
2.23a Pline parle de ces oiseaux appelés ibes ; et dit : « Les Égyptiens les invoquaient contre les serpents », Hist. Nat. BX ch. 28. Strabon parle de cette île Méroé, et de ces fleuves Astapos et Astaboras, B. XVI. p. 771, 786 ; et B XVII. p. 82]. ↩︎
2.24a Cette crainte superstitieuse de découvrir le nom à quatre lettres, que nous avons récemment utilisé à tort pour prononcer Jéhovah, mais qui semble avoir été prononcé à l’origine Jahoh, ou Jao, n’a jamais été, je pense, entendue avant ce passage de Josèphe ; et cette superstition, consistant à ne pas prononcer ce nom, a perduré parmi les Juifs rabbiniques jusqu’à ce jour (bien que l’on ignore si les Samaritains et les Caraïtes l’ont observée si tôt). Josèphe n’osait pas non plus consigner les mots mêmes des dix commandements, comme nous le verrons plus loin, Antiq. B. III. ch. 5. sect. 4, silence superstitieux qui, je pense, n’a pas encore été maintenu, même par les rabbins. Il ne fait aucun doute, cependant, que ces deux dissimulations prudentes ont été enseignées à Josèphe par les pharisiens, un groupe d’hommes à la fois très méchants et très superstitieux. ↩︎
2.25a De cet endurcissement judiciaire des cœurs et de l’aveuglement des yeux des méchants, ou de leur engouement, comme juste punition pour leurs autres péchés volontaires, pour leur propre destruction, voir la note sur Antiq. B. VII. ch. 9. sect. 6. ↩︎
2.26a Quant à cette grêle d’hiver ou de printemps près de l’Égypte et de la Judée, voir le même texte sur le tonnerre et les éclairs dans la note sur Antiq. B. VI. ch. 5. sect. 6. ↩︎
2.27a Ces grands présents faits aux Israélites, des vases et des ustensiles d’or, et des vêtements, étaient, comme Josèphe les appelle à juste titre, des dons qui leur étaient réellement donnés; et non prêtés, comme notre anglais les rend faussement. C’étaient des dépouilles exigées, et non d’eux (Genèse 15:14; Exode 3:22; 11:2; Psaume 105:37), comme la même version rend faussement le mot hébreu Exode 12:35, 36. Dieu avait ordonné aux Juifs d’exiger ces choses comme salaire et récompense, pendant leur long et amer esclavage en Égypte, comme expiation pour la vie des Égyptiens, et comme condition du départ des Juifs, et de la délivrance des Égyptiens de ces terribles jugements, qui, s’ils n’avaient pas cessé maintenant, ils seraient bientôt tous morts, comme ils le confessent eux-mêmes, ch. 12. 33. Il n’y avait aucun sens à emprunter ou à prêter, lorsque les Israélites quittèrent définitivement le pays. ↩︎
2.28a Pourquoi notre copie massorète abrège-t-elle sans fondement le récit d’Exode 12:40, en attribuant 430 ans à la seule pérégrination des Israélites en Égypte, alors qu’il est clair, même par cette chronologie massorète ailleurs, ainsi que par le texte lui-même, dans le Samaritain, la Septante et Josèphe, qu’ils n’ont séjourné en Égypte que la moitié de ce temps, — et que, par conséquent, l’autre moitié de leur pérégrination s’est déroulée au pays de Canaan, avant leur arrivée en Égypte, — est difficile à dire. Voir Essai sur l’Ancien Testament, p. 62, 63. ↩︎
2.29a Reprenons l’essentiel de l’excellente note de Reland, qui illustre parfaitement Josèphe et les Écritures dans cette histoire, comme suit : « [Un voyageur, dit Reland, dont le nom était] Eneman, à son retour d’Égypte, m’a raconté qu’il avait emprunté le même chemin depuis l’Égypte jusqu’au mont Sinaï, qu’il supposait avoir emprunté autrefois par les Israélites ; et qu’il avait trouvé plusieurs régions montagneuses qui descendaient vers la mer Rouge. Il pensait que les Israélites étaient allés jusqu’au désert d’Étham (Exode 13:20), lorsqu’ils reçurent l’ordre de Dieu de revenir (Exode 14:2) et d’établir leur camp entre Migdol et la mer ; et que, lorsqu’ils ne pouvaient fuir que par la mer, ils étaient enfermés de chaque côté par des montagnes. Il pensait également que nous pourrions comprendre de cette manière comment on pouvait dire que les Israélites étaient à Étham avant de traverser la mer, et pourtant qu’ils y étaient arrivés après. Il avait également traversé la mer. Il m’a également raconté comment il avait traversé une rivière en bateau près de la ville de Suez, qui, selon lui, devait être l’Héropolie des anciens, puisque cette ville ne pouvait être située nulle part ailleurs dans les environs.
Français Quant au célèbre passage produit ici par le Dr Bernard, d’après Hérodote, comme le plus ancien témoignage païen des Israélites venant de la mer Rouge en Palestine, l’évêque Cumberland a montré qu’il appartient aux anciens bergers cananéens ou phéniciens, et à leur retraite hors d’Égypte en Canaan ou en Phénicie, bien avant l’époque de Moïse. Sanchoniatho, p. 374, etc. ↩︎
2.30a De ces tempêtes de vent, de tonnerre et d’éclairs, lors de cette noyade de l’armée de Pharaon, presque absentes de nos exemplaires de l’Exode, mais pleinement présentes dans celui de David, Psaume 77:16-18, et dans celui de Josèphe ici, voir Essai sur l’Ancien Testament. Append. p. 15,1, 155. ↩︎
2.31a Ce que certains ont objecté ici au passage des Israélites sur la mer Rouge, en une seule nuit, d’après les cartes courantes, à savoir que cette mer étant large d’environ trente milles, une si grande armée n’aurait pu la traverser en si peu de temps, est une grave erreur. M. Thévenot, témoin oculaire authentique, nous informe que cette mer, sur un trajet d’environ cinq jours, n’est traversée que de huit ou neuf milles, et à un endroit seulement de quatre ou cinq milles, selon la carte de De Lisle, établie d’après les meilleurs voyageurs eux-mêmes, et non copiée d’autres. Ce qui a été objecté en outre au passage des Israélites, et à la noyade des Égyptiens, étant également miraculeux, à savoir que Moïse ait pu faire traverser les Israélites à marée basse sans aucun miracle, alors que les Égyptiens, connaissant moins bien la marée que lui, auraient pu se noyer au retour de la marée, est une histoire vraiment étrange ! Que Moïse, qui n’avait jamais vécu ici, connaisse mieux que les Égyptiens eux-mêmes des environs la quantité et la durée des flux et reflux de la mer Rouge ! Pourtant, Artapan, un ancien historien païen, nous apprend que c’est ce que prétendaient les Memphisites, plus ignorants et vivant à une grande distance, bien qu’il reconnaisse que les Héliopolitains, plus savants et beaucoup plus proches, tenaient pour miraculeux la destruction des Égyptiens et la délivrance des Israélites. De Castro, un mathématicien qui a étudié cette mer avec une grande précision, nous apprend qu’il n’y a pas de flux ni de reflux importants dans cette partie de la mer Rouge, ce qui corrobore cette hypothèse ; bien plus, qu’à marée haute, on y trouve à peine plus de la moitié de la taille d’un homme. Voir Essai sur l’Ancien Test. Annexe. p. 239, 240. Ces évasions et subterfuges, ainsi que d’autres du même genre, de nos sceptiques et incroyants modernes sont si vains et sans fondement, et des enquêtes approfondies et des preuves authentiques réfutent et réfutent certainement ces évasions et subterfuges en toutes occasions. ↩︎
2.32a Ce que signifie précisément ce vers hexamètre, dans lequel est ici censé être écrit le chant triomphal de Moïse, notre ignorance actuelle de l’ancien mètre ou mesure hébraïque ne nous permet pas de le déterminer. Il ne me paraît pas non plus certain que Josèphe lui-même en ait eu une notion précise, bien qu’il parle de plusieurs sortes de ce mètre ou mesure, ici et ailleurs. Antiq. B. IV. ch. 8. sect. 44 ; et B. VII. ch. 12. sect. 3. ↩︎
2.33a Prenons ici les passages originaux des quatre auteurs anciens qui nous sont parvenus, concernant ce passage d’Alexandre le Grand sur la mer Pamphylie : je veux dire, de Callisthène, Strabon, Arrien et Appien. Quant à Callisthène, qui accompagna Alexandre dans cette expédition, Eustathe, dans ses Notes sur la troisième Iliade d’Homère (comme le Dr Bernard nous l’apprend ici), dit : « Ce Callisthène a écrit comment la mer Pamphylie non seulement ouvrit un passage à Alexandre, mais, en se levant, lui rendit hommage comme à son roi. » Strabon est le suivant (Geog. B. XIV. p. 666) : « Or, près de Phaselis, se trouve cet étroit passage, au bord de la mer, par lequel son armée… Il y a une montagne appelée Climax, jouxtant la mer de Pamphylie, laissant un étroit passage sur le rivage qui, par temps calme, est nu, de sorte qu’il est praticable par les voyageurs ; mais lorsque la mer déborde, il est en grande partie recouvert par les vagues. Or, la montée par les montagnes étant circulaire et escarpée, par temps calme, on emprunte la route qui longe la côte. Mais Alexandre tomba en hiver et, s’en remettant principalement à la fortune, il marcha avant que les vagues ne se retirent ; et il arriva qu’il passa une journée entière à le traverser, et fut sous l’eau jusqu’au nombril. » Le récit d’Arrien est le suivant (BI p. 72, 73) : Alexandre quitta Phaselis et envoya une partie de son armée par les montagnes jusqu’à Pergé ; les Thraces lui indiquèrent la route. C’était un chemin difficile, mais court. Il conduisit lui-même ceux qui l’accompagnaient au bord de la mer. Cette route est impraticable sauf par vent du nord ; mais si le vent du sud prévaut, il est impossible de passer par la côte. Or, à cette époque, après de forts vents du sud, un vent du nord souffla, non sans la divine Providence (comme lui et ceux qui l’accompagnaient le supposèrent), et lui offrit un passage facile et rapide. Appien, lorsqu’il compare César et Alexandre (De Bel. Civil. B. II. p. 522), dit : « Ils comptaient tous deux sur leur audace et leur fortune, autant que sur leur habileté guerrière. À titre d’exemple, Alexandre traversa un pays sans eau, en pleine chaleur estivale, pour se rendre auprès de l’oracle de Jupiter Hammon, et traversa rapidement le golfe de Pamphylie, lorsque, par la divine Providence, la mer fut coupée ; la Providence retenant ainsi la mer pour lui, comme elle lui avait envoyé de la pluie lors de sa traversée du désert. »
N. B. — Puisque, du temps de Josèphe, comme il nous l’assure, les nombreux historiens d’Alexandre ont donné le récit qu’il rapporte ici, quant au recul providentiel des eaux de la mer Pamphylie, alors qu’il partait avec son armée détruire la monarchie perse, ce que confirment pleinement les auteurs précités, c’est sans fondement que Josèphe est ici blâmé par certains auteurs récents pour avoir cité ces auteurs anciens en l’occurrence ; et les réflexions de Plutarque, ou de tout autre auteur postérieur à Josèphe, ne peuvent en aucun cas être invoquées pour le contredire. Josèphe s’est fondé sur tous les témoignages dont il disposait alors, et ces témoignages étaient des plus authentiques. De sorte que, quoi que les modernes puissent penser de la chose elle-même, il n’y a pas le moindre motif de critiquer Josèphe ; il aurait été bien plus fautif s’il avait omis ces citations. ↩︎