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La CHEVALERIE est une fleur aussi indigène au sol japonais que son emblème, la fleur de cerisier ; elle n’est pas non plus un spécimen desséché d’une vertu antique conservé dans l’herbier de notre histoire. Elle demeure parmi nous un objet vivant de puissance et de beauté ; et si elle ne prend aucune forme tangible, elle n’en parfume pas moins l’atmosphère morale et nous fait prendre conscience que nous sommes toujours sous son puissant charme. Les conditions sociales qui l’ont fait naître et nourrie ont depuis longtemps disparu ; mais, tout comme ces étoiles lointaines, autrefois disparues, continuent de nous éclairer, la lumière de la chevalerie, enfant du féodalisme, illumine encore notre moralité, survivant à son institution mère. C’est un plaisir pour moi de réfléchir à ce sujet dans le langage de Burke, qui prononça le célèbre et touchant éloge funèbre sur le cercueil négligé de son prototype européen.
Français Il fait valoir un regrettable manque d’information concernant l’Extrême-Orient, alors qu’un érudit comme le Dr George Miller n’a pas hésité à affirmer que la chevalerie, ou toute autre institution similaire, n’a jamais existé ni parmi les nations de l’Antiquité ni parmi les Orientaux modernes. [1] Une telle ignorance, cependant, est amplement excusable, car la troisième édition de l’ouvrage du bon docteur parut l’année même où le commodore Perry frappait aux portes de notre exclusivisme. Plus d’une décennie plus tard, à l’époque où notre féodalisme était dans ses derniers soubresauts, Carl Marx, écrivant son Capital, attirait l’attention de ses lecteurs sur l’avantage particulier d’étudier les institutions sociales et politiques [ p. 3 ] du féodalisme, telles qu’on ne les voyait alors sous une forme vivante qu’au Japon. J’aimerais également orienter l’étudiant occidental en histoire et en éthique vers l’étude de la chevalerie dans le Japon d’aujourd’hui.
Aussi séduisante que soit une analyse historique comparative entre le féodalisme et la chevalerie européens et japonais, le but de cet article n’est pas de l’approfondir. Mon objectif est plutôt de relater, premièrement, l’origine et les sources de notre chevalerie ; deuxièmement, son caractère et son enseignement ; troisièmement, son influence auprès des masses ; et quatrièmement, la continuité et la permanence de son influence. Parmi ces différents points, le premier sera bref et superficiel, sous peine d’entraîner mes lecteurs dans les méandres de notre histoire nationale ; le second sera développé plus longuement, car il est susceptible d’intéresser les étudiants en éthique internationale et en éthologie comparée à nos modes de pensée et d’action ; et les autres seront traités comme des corollaires.
Le mot japonais que j’ai approximativement [ p. 4 ] traduit par Chevalerie est, dans l’original, plus expressif que l’Équitation. Bu-shi-do signifie littéralement Voies Militaires-Chevalières – les voies que les nobles combattants doivent observer dans leur vie quotidienne comme dans leur vocation ; en un mot, les « Préceptes de la Chevalerie », la noblesse oblige de la classe guerrière. Ayant ainsi donné sa signification littérale, je peux désormais utiliser le mot dans l’original. L’utilisation du terme original est également recommandée pour cette raison : un enseignement si circonscrit et unique, engendrant une tournure d’esprit et un caractère si particuliers, si locaux, doit porter l’insigne de sa singularité sur son visage ; ainsi, certains mots ont un timbre national si expressif des caractéristiques raciales que le meilleur des traducteurs ne peut leur rendre que peu justice, pour ne pas dire une injustice et un grief positifs. Qui peut améliorer par une traduction ce que signifie l’allemand « Gemŭth », ou qui ne sent pas la différence entre deux mots verbalement aussi étroitement liés que l’anglais gentleman et le français gentilhomme ?
Le Bushido est donc le code de principes moraux [ p. 5 ] que les chevaliers étaient tenus ou chargés d’observer. Ce n’est pas un code écrit ; au mieux, il se compose de quelques maximes transmises de bouche en oreille ou provenant de la plume d’un guerrier ou d’un savant célèbre. Le plus souvent, c’est un code non prononcé et non écrit, possédant d’autant plus la puissante sanction d’un acte véritable et d’une loi écrite sur les tablettes charnelles du cœur. Il n’a pas été fondé sur la création d’un cerveau, aussi compétent soit-il, ni sur la vie d’un seul personnage, aussi célèbre soit-il. C’est le fruit de décennies et de siècles de carrière militaire. Il occupe peut-être la même place dans l’histoire de l’éthique que la Constitution anglaise dans l’histoire politique ; pourtant, il n’a rien à voir avec la Magna Charta ou l’Habeas Corpus Act. Il est vrai que, dès le début du XVIIe siècle, des Statuts militaires (Buké Hatto) furent promulgués ; mais leurs treize courts articles portaient principalement sur les mariages, les châteaux, les ligues, etc., et les règlements didactiques n’étaient qu’effleurés. [ p. 6 ] Nous ne pouvons donc pas indiquer un moment ni un lieu précis et dire : « Voici sa source. » Ce n’est que lorsqu’il prend conscience à l’époque féodale que son origine, par rapport au temps, peut être identifiée au féodalisme. Mais le féodalisme lui-même est tissé de nombreux fils, et le Bushido partage sa nature complexe. De même qu’en Angleterre, on peut dire que les institutions politiques du féodalisme datent de la conquête normande, de même on peut dire qu’au Japon, son essor fut simultané à l’ascension de Yoritomo, à la fin du XIIe siècle. Cependant, de même qu’en Angleterre, nous trouvons les éléments sociaux du féodalisme bien avant Guillaume le Conquérant, de même, au Japon, les germes du féodalisme existaient bien avant la période que j’ai mentionnée.
De même, au Japon comme en Europe, lorsque le féodalisme fut officiellement inauguré, la classe professionnelle des guerriers prit naturellement le dessus. On les appelait samouraïs, ce qui signifie littéralement, comme le vieil anglais cniht (knecht, chevalier), gardes ou serviteurs – [ p. 7 ] ressemblant par leur caractère aux soldats, dont César mentionnait l’existence en Aquitaine, ou aux comitati, qui, selon Tacite, suivaient les chefs germaniques de son temps ; ou, pour prendre un parallèle encore plus tardif, aux milites medii dont on entend parler dans l’histoire de l’Europe médiévale. Un mot sinico-japonais, Bu-ké ou Bu-shi (chevaliers combattants), fut également adopté dans l’usage courant. C’était une classe privilégiée, et il devait s’agir à l’origine d’une race rude qui avait fait du combat sa vocation. Cette classe se recruta naturellement, au cours d’une longue période de guerre constante, parmi les plus virils et les plus aventureux. Pendant tout ce temps, le processus d’élimination se poursuivait, les timides et les faibles étant triés, et seule « une race rude, entièrement masculine, dotée d’une force brutale », pour reprendre l’expression d’Emerson, survécut pour former des familles et intégrer les rangs des samouraïs. Venant à professer de grands honneurs et de grands privilèges, et par conséquent de grandes responsabilités, ils ressentirent bientôt le besoin d’une norme de comportement commune, d’autant plus qu’ils étaient toujours sur un pied de guerre [ p. 8 ] et appartenaient à des clans différents. De même que les médecins limitent la concurrence entre eux par courtoisie professionnelle, de même que les avocats siègent aux tribunaux d’honneur en cas de violation de l’étiquette ; de même les guerriers doivent disposer d’un recours pour obtenir le jugement définitif de leurs délits.
Fair-play au combat ! Quels germes fertiles de moralité se cachent dans ce sens primitif de la sauvagerie et de l’enfance ! N’est-ce pas la racine de toute vertu militaire et civique ? Nous sourions (comme si nous l’avions dépassé !) au désir enfantin du petit Britannique, Tom Brown, de « laisser derrière lui le nom d’un homme qui n’a jamais brutalisé un petit garçon ni tourné le dos à un grand ». Et pourtant, qui ignore que ce désir est la pierre angulaire sur laquelle peuvent s’élever des structures morales de grande envergure ? Ne puis-je pas aller jusqu’à dire que la plus douce et la plus pacifique des religions souscrit à cette aspiration ? Le désir de Tom est le fondement sur lequel repose en grande partie la grandeur de l’Angleterre, et il ne nous faudra pas longtemps pour découvrir que le Bushido [ p. 9 ] ne se trouve pas sur un piédestal inférieur. Si le combat en lui-même, qu’il soit offensif ou défensif, est, comme le témoignent à juste titre les Quakers, brutal et injuste, nous pouvons néanmoins affirmer avec Lessing : « Nous savons de quels défauts naît notre vertu. » [2] « Sournois » et « lâches » sont des épithètes du pire opprobre pour les natures saines et simples. L’enfance commence la vie avec ces notions, et la chevalerie aussi ; mais, à mesure que la vie s’élargit et que ses relations se diversifient, la foi primitive recherche la sanction d’une autorité supérieure et de sources plus rationnelles pour sa propre justification, sa satisfaction et son développement. Si les systèmes militaires avaient fonctionné seuls, sans soutien moral supérieur, combien l’idéal de la chevalerie aurait-il été loin d’être chevaleresque ! En Europe, le christianisme, interprété avec des concessions qui conviennent à la chevalerie, lui a néanmoins insufflé des données spirituelles. « Religion, guerre et gloire étaient les trois âmes d’un parfait chevalier chrétien », dit Lamartine. Au Japon, il existe plusieurs sources de Bushido.
2:1 Histoire philosophiquement illustrée (3e éd., 1853). vol. ii., p. 2. ↩︎
9:1 Ruskin était l’un des hommes les plus doux et les plus pacifiques qui aient jamais vécu. Pourtant, il croyait à la guerre avec toute la ferveur d’un adorateur d’une vie ardue. « Quand je vous dis », dit-il dans la Couronne d’olivier sauvage, « que la guerre est le fondement de tous les arts, je veux dire aussi qu’elle est le fondement de toutes les vertus et facultés humaines. Il m’est très étrange et très effrayant de découvrir cela, mais j’ai vu que c’était un fait tout à fait indéniable… J’ai découvert, en bref, que toutes les grandes nations ont appris la vérité de leurs paroles et la force de leurs pensées dans la guerre ; qu’elles ont été nourries par la guerre et épuisées par la paix ; instruites par la guerre et trompées par la paix ; formées par la guerre et trahies par la paix ; en un mot, qu’elles sont nées dans la guerre et ont expiré dans la paix. » ↩︎