[ p. 167 ]
En tant que représentation de cette qualité générale de l’expérience morale qui demeure presque insensible aux modifications sociales de quelque nature que ce soit, les proverbes d’un peuple doivent toujours présenter un intérêt psychologique particulier pour les penseurs. La littérature orale et écrite japonaise est si riche en ce genre de folklore qu’un gros livre serait nécessaire pour l’illustrer. Un seul essai ne suffirait pas à rendre justice à l’ensemble du sujet. Mais pour certaines catégories de proverbes et de locutions proverbiales, on peut faire quelque chose en quelques pages seulement ; et les proverbes liés au bouddhisme, par allusion ou par dérivation, constituent une catégorie qui me semble particulièrement digne d’étude. C’est pourquoi, avec l’aide d’un ami japonais, j’ai sélectionné et traduit la série d’exemples suivante, en choisissant les plus simples et les plus familiers lorsque le choix était possible, et en classant les originaux par ordre alphabétique pour faciliter la consultation. Bien entendu, cette sélection est imparfaitement représentative ; mais cela servira à illustrer certains effets de l’enseignement bouddhiste sur la pensée et le discours populaires.
Tout mal commis s’attache au corps.[1]
2.—Atama a demandé de la même manière que le cafard l’a demandé.
Mieux vaut se raser le cœur que se raser la tête.[2]
3.—Au wa wakaré no hajimé.
La rencontre n’est que le début de la séparation.[3]
[1. La conséquence de tout acte ou de toute pensée mauvaise ne cessera jamais, tant que le karma perdure, d’agir sur l’existence de la personne qui en est coupable.
3. Le regret et le désir sont également vains dans ce monde d’impermanence ; car toute joie est le début d’une expérience qui doit nécessairement comporter sa douleur. Ce proverbe fait directement référence au texte du sutra, Shôja hitsumetsu é-sha-jori : « Tout ce qui vit doit mourir ; et tous ceux qui se rencontrent se sépareront. » [p. 169]. Banji wa yumé.
Toutes choses[1] ne sont que des rêves.
5.—Bonbu est également un sujet brûlant.
Même un homme ordinaire, en acquérant des connaissances, devient un Bouddha.[2]
6.—Bonnô kunô.
Toute luxure est chagrin.[3]
7.—Je n’ai pas d’amour, je n’ai pas de désir.
Il faut sortir pour entendre la doctrine bouddhiste ou le bruit de la pluie sur un toit de paille.[4]
8.—Busshô et Yori okoru.
De la relation au karma naît même la nature divine elle-même.[5]
[1. Littéralement, « dix mille choses ».
2. Les seules différences réelles de condition sont les différences dans la connaissance de la vérité la plus élevée.
3. Tout désir sensuel apporte invariablement de la tristesse.
4. Il y a ici une allusion à la condition du shukké (prêtre) : littéralement, « celui qui a quitté sa maison ». Le proverbe suggère que les vérités supérieures du bouddhisme ne peuvent être acquises par ceux qui continuent à vivre dans le monde des folies et des désirs.
5. Il existe un bon comme un mauvais karma. Le bonheur dont nous jouissons n’est pas moins une conséquence des actes et des pensées de nos vies antérieures que n’importe quel malheur qui nous frappe {note de bas de page p. 170}. Chaque bonne pensée et chaque bon acte contribuent à l’évolution de la nature de bouddha en chacun de nous. Un autre proverbe [n° 10], En naki shujô wa doshi gatashi, illustre davantage le sens de celui-ci.] [ p. 170 ]. Enkô ga tsuki wo toran to suru ga gotoshi.
Comme des singes essayant d’attraper le reflet de la lune sur l’eau.[1]
10.—Le sergent était si fort qu’il fut vaincu.
Sauver des gens n’ayant aucune relation karmique serait en effet difficile ![2]
11.—Fuji est un samouraï, pas un guerrier.
Le prêtre qui prêche une doctrine immonde renaîtra comme un champignon.
2. L’absence de relation karmique signifierait une absence totale de mérite ainsi que de démérite.] [ p. 171 ]2.—Gaki mo ninzu.
Même les gaki (prêtas) peuvent faire une foule.[1]
13.—Les enfants sont au milieu de la nuit.
Aux yeux du gaki, l’eau est invisible.[2]
14.—Goshô wa Daiji.
La vie future est la chose la plus importante.[3]
Comme beaucoup d’aveugles se sentant comme un grand éléphant.[4]
[1. Littéralement : « Même les gaki forment une multitude (ou « population »). » Ce dicton populaire est employé de diverses manières. Son sens courant est que, quelle que soit la pauvreté ou la misère des individus qui composent une multitude, ils représentent collectivement une force respectable. Par plaisanterie, ce dicton est parfois utilisé pour désigner une foule de personnes misérables ou fatiguées, parfois une assemblée de jeunes gens faibles désireux de faire une démonstration, parfois une troupe de soldats à l’air misérable. Dans les classes populaires, il n’est pas rare d’appeler « gaki » une personne difforme ou cupide.
2 Certains auteurs affirment que les prêtas qui souffrent particulièrement de la soif, par suite de fautes commises dans des vies antérieures, sont incapables de voir l’eau. Ce proverbe est employé pour parler des personnes trop stupides ou vicieuses pour percevoir une vérité morale.
3. Les gens ordinaires utilisent souvent l’expression curieuse « gosho-daiji » comme équivalent de « extrêmement important ».
4. Se dit de ceux qui critiquent par ignorance les doctrines du bouddhisme (note de bas de page p. 172). — Ce proverbe fait allusion à une célèbre fable des Avadânas, à propos d’un groupe d’aveugles qui tentèrent de déterminer la forme d’un éléphant en le palpant. L’un, en palpant la patte, déclara que l’éléphant ressemblait à un arbre ; un autre, en palpant seulement la trompe, déclara que l’éléphant ressemblait à un serpent ; un troisième, en palpant seulement le flanc, déclara que l’éléphant ressemblait à un mur ; un quatrième, en saisissant la queue, dit que l’éléphant ressemblait à une corde, etc.] [ p. 172 ]6. — Gwai-men nyo-Bosatsu ; nai shin nyo-Yasha._
Extérieurement, c’est un Bodhisattva ; au plus profond de son cœur, c’est un démon.[1]
17.—La fleur ne revient jamais.
La fleur retourne à sa racine.[2]
18.—Je me suis saoulé au soleil.
Même si l’écho répond à la voix.[3]
19.—Hito est un homme de grand talent.
La tâche du prêtre est de sauver l’humanité.
[1. Yasha (sanskrit Yaksha), un démon dévoreur d’hommes.
2. Ce proverbe est le plus souvent utilisé en référence à la mort, signifiant que toutes les formes retournent au néant d’où elles proviennent. Mais il peut aussi être utilisé en relation avec la loi de cause à effet.
3. Se référant à la doctrine de la relation de cause à effet. La beauté philosophique de la comparaison ne sera appréciée que si l’on garde à l’esprit que même le ton de l’écho répète le ton de la voix.] [ p. 173 ]0.—Hi wa kiyurédomo tô-shin wa hiyédzu.
Même si la flamme est éteinte, la mèche reste.[1]
21.—Hotoké pour bateaux à moteur.
Même le Bouddha n’était à l’origine qu’un homme ordinaire.
22.—Je suis celui qui est dans l’obscurité.
Même pour devenir un Bouddha, il faut d’abord devenir un novice.
Même le visage d’un Bouddha, seulement trois fois.[2]
24.—Hotoke Tanondé Jigoku est yukku.
En priant Bouddha, on va en enfer.[3]
2 5.—Hotokei tsukutté tamashii irédzu.
Faire un Bouddha sans y mettre l’âme.[4]
[1. Bien que les passions puissent être temporairement surmontées, leurs sources demeurent. Un proverbe de même sens est : Bonnô no inu oëdomo sarazu : « Bien que chassé, le Chien de la Luxure ne peut être empêché de revenir. »
2. Il s’agit d’une forme populaire abrégée du proverbe plus long, Hotoké no kao mo sando nazuréba, hara wo tatsu :_ « Caressez même le visage d’un Bouddha trois fois, et sa colère s’enflammera. »
3. Le dicton populaire, Oni no Nembutsu, « — la prière du diable », a une signification similaire.
4. C’est-à-dire, faire une image du Bouddha sans lui donner d’âme. Ce proverbe est utilisé en référence à la conduite de ceux qui entreprennent un travail et en laissent l’essentiel inachevé. Il contient une allusion à la curieuse cérémonie appelée Kai-gen, ou « Ouverture des Yeux ». Ce Kai-gen est une sorte de consécration, en vertu de laquelle une image nouvellement créée est censée être animée par la présence réelle de la divinité représentée.] [ p. 174 ]6. — Ichi-ju no kagé, ichi-ga no nagaré, tashô no en.
Même l’expérience d’une seule ombre ou d’un seul écoulement d’eau est faite par les relations karmiques d’une vie antérieure.
2 7.—Ichi-mo shû-mo wo hiku.
Un aveugle conduit de nombreux aveugles.[2]
28.—Ma chère.
Un enfant du karma.[3]
[1. Même un événement aussi insignifiant que celui de se reposer avec une autre personne à l’ombre d’un arbre, ou de boire à la même source avec une autre personne, est causé par les relations karmiques d’une existence antérieure.
2. Tiré de l’ouvrage bouddhiste Dai-chi-dô-ron. — Le lecteur trouvera un proverbe similaire dans les « Suttas bouddhistes » (Livres sacrés de l’Orient) de Rhys-David, p. 173, — ainsi qu’une parabole très curieuse, citée dans une note de bas de page, qu’un commentateur indien donne en explication.
3. Un dicton courant dans les classes populaires pour désigner un enfant malheureux ou infirme. Ici, le mot ingwa est surtout utilisé dans un sens rétributif. Il désigne généralement un mauvais karma ; kwabô étant le terme utilisé pour parler du karma méritoire {note de bas de page p. 175} et de ses conséquences. Alors qu’un enfant malheureux est qualifié d’« enfant d’ingwa_ », une personne très chanceuse est appelée un « kwabô-mono_ », c’est-à-dire un exemple de kwabô.] [ p. 175 ]9. — Ingwa wa, kuruma no wa.
La relation de cause à effet est comme une roue.[1]
30.—L’auberge est détruite.
La relation au karma est profonde.[2]
31.—Inochi n’est jamais seul.
La vie est une flamme de lampe devant le vent.[3]
Même un ver d’un pouce de long a une âme d’un demi-pouce de long.[4]
2. Un dicton très communément utilisé pour parler de l’attachement des amants ou des résultats malheureux de toute relation étroite entre deux personnes.
3. Ou « comme la flamme d’une lampe exposée au vent ». Une expression fréquente dans la littérature bouddhiste est « le vent de la mort ».
4. Littéralement, « a une âme de cinq bu », cinq bu équivalant à la moitié du pouce japonais. Le bouddhisme interdit toute appropriation de la vie et classe comme êtres vivants (Ujô) toutes les formes dotées de sensibilité. Cependant, le proverbe, comme l’implique l’utilisation du mot « âme » (tamashii), reflète une croyance populaire plutôt qu’une philosophie bouddhiste. Il signifie que toute vie, aussi petite ou insignifiante soit-elle, mérite la miséricorde.] [ p. 176 ]3. — Iwashi[1] no atama mo shinjin kara.\
Même la tête d’un iwashi, en vertu de la foi, [aura le pouvoir de sauver ou de guérir].
Le fruit de ses propres actes [dans un état d’existence antérieur].
35. Jigoku est chaud.
Comme rencontrer un Bouddha en enfer.[3]
2. Peu d’expressions bouddhistes populaires sont aussi courantes que celle-ci. Jigô désigne ses propres actes ou pensées ; jitoku, attirer sur soi-même, presque toujours dans le sens de malheur, lorsque le mot est employé au sens bouddhiste. « Eh bien, il s’agit de Jigô-jitoku », dira-t-on en voyant un homme emmené en prison ; ce qui signifie : « Il subit les conséquences de ses propres fautes. »
L’enfer et le paradis sont dans le cœur des hommes.[1]
37.—Les Jigoku sont résumés.
L’enfer lui-même est un lieu d’habitation.[2]
38.—Quelqu’un meurt même.
Même en enfer, les vieilles connaissances sont les bienvenues.
39.—J’ai perdu mes cheveux entre les mains du Chef.
Même si l’ombre suit la forme.[3]
40.—Kané wa Amida yori hikaru.
L’argent brille encore plus fort qu’Amida.[4]
[1. Un proverbe en parfait accord avec le bouddhisme supérieur.
3. Se référant à la doctrine de la cause à effet. Comparer avec le verset 2 du Dhammapada.
[ p. 178 ]
[ p. 179 ]
[ p. 180 ]1.—Karu-toki et Jizô-gao ; nasu-toki et Emma-gao.
Le temps d’emprunt, le visage de Jizô ; le temps de remboursement, le visage d’Emma.[1]
42.—Gokuraku Kitte, avec Jigoku.
On en entend seulement parler, c’est le Paradis ; on le voit, c’est l’Enfer.[2]
Les bonnes actions ne passent pas la porte : les mauvaises actions voyagent par mille ri.
Ne lâchez jamais les rênes du poulain sauvage du cœur.
4 5.—Kokoro no oni ga mi wo seméru.
Le corps n’est torturé que par le démon du cœur.[3]
2. La rumeur n’est jamais digne de confiance.
3. Ou « esprit ». C’est-à-dire que nous ne souffrons que des conséquences de nos propres fautes. — Le démon-tortionnaire dans l’enfer bouddhiste dit à sa victime : — « Ne me blâme pas ! Je ne suis que la création de tes propres actes et pensées : tu m’as créé pour cela ! » — Comparer avec le n° 36.] [ p. 181 ]6. — Kokoro no shi to wa naré ; kokoro wo shi to sezaré.
Soyez le maître de votre cœur : ne laissez pas votre cœur devenir votre maître.
47.—C’est ici.
Ce monde n’est qu’un lieu de repos.[1]
Incrusté de glace ; peint sur l’eau.[2]
49.—
Korokoro à
Pas de yamada
Hototogisu,
Chichi n’est pas né
Haha, je suis désolé.
L’oiseau qui crie korokoro dans la rizière de montagne, je sais qu’il s’agit d’un hototogisu ; pourtant il se peut
[1. « Ce monde n’est qu’une auberge de voyageurs », serait une traduction presque tout aussi correcte. Yado signifie littéralement un logement, un abri, une auberge ; et le mot est souvent appliqué à ces maisons de repos du côté wa où les voyageurs japonais s’arrêtent au cours d’un voyage. Kari signifie temporaire, transitoire, fugace, comme dans le dicton bouddhiste courant, Kono yo kari no yo : _Ce monde est un monde fugace. _Même le Ciel et l’Enfer ne représentent pour le bouddhiste que des lieux d’étape sur le chemin du Nirvâna.
2. Se réfère à la vanité de l’effort égoïste pour une fin purement temporaire.] [ p. 182 ]aurait pu être mon père ; c’était peut-être ma mère.[1]
50.—Le sort du peuple est désormais terminé.
Un enfant est un collier pour les Trois États de l’Existence.[2]
51.—La maison est un lieu de culte.
La bouche est la porte d’entrée de tous les malheurs.[3]
[1. Ce vers-proverbe est cité dans l’ouvrage bouddhique Wôjô Yôshû, avec le commentaire suivant : — « Qui sait si l’animal dans le champ, ou l’oiseau dans la forêt de la montagne, n’a pas été soit son père, soit sa mère dans un état d’existence antérieur ? » — Le hototogisu est une sorte de coucou.
2. Autrement dit, l’amour des parents pour leur enfant peut entraver leur progrès spirituel, non seulement en ce monde, mais dans tous leurs états futurs, tout comme un kubikasé, ou cangue japonaise, entrave les mouvements de la personne sur laquelle il est placé. L’affection parentale, étant le plus fort des attachements terrestres, est particulièrement susceptible d’inciter ceux qu’elle asservit à commettre des actes répréhensibles dans l’espoir de faire du bien à leur progéniture. Le terme Sangai désigne ici les trois mondes du Désir, de la Forme et de l’Informe, tous les états d’existence inférieurs au Nirvâna. Mais ce mot est parfois utilisé pour désigner le Passé, le Présent et le Futur.
3. Autrement dit, la principale cause de troubles est la parole inconsidérée. Le mot Kado désigne toujours l’entrée principale d’une résidence.] [ p. 183 ]2. — Kwahô wa, nété maté.
Si vous souhaitez avoir de la chance, dormez et attendez.[1]
53.—Le cinq pieds de haut.
Rien ne poussera si la graine n’est pas semée.[2]
Si vous attendez, le temps ambroisial viendra.[3]
55.—Il n’y a aucun moyen d’atteindre Meidô.
Il n’y a pas de roi sur la route de la mort.[4]
56.—Le Seigneur est avec toi.
L’aveugle n’a pas peur du serpent.[5]
[1. Kwahô, terme purement bouddhiste désignant la chance résultant de bonnes actions dans une vie antérieure, en est venu à désigner dans le langage courant toute forme de chance. Ce proverbe est souvent utilisé dans un sens proche de celui du dicton anglais : « Une marmite surveillée ne bout jamais. » Dans un sens strictement bouddhiste, cela signifierait : « Ne soyez pas trop avide de la récompense de vos bonnes actions. »
2. N’espérez pas récolter sans avoir semé. Sans effort sérieux, aucun mérite ne peut être acquis.
3. Kanrô, la douce rosée du Ciel, ou amrita. Toutes les bonnes choses arrivent à celui qui sait attendre.
4 Littéralement, « sur la route de Meidô ». Le Meidô est l’Hadès japonais, le monde souterrain obscur vers lequel tous les morts doivent voyager.
5 L’ignorant et le vicieux, ne comprenant pas la loi de cause à effet, ne craignent pas les résultats certains de leur folie.] [ p. 184 ]7.—Mitsuréba, kakuru.
Après avoir grandi, il décroît.[1]
Le vendeur devant la porte du temple répète le sûtra qu’il n’a jamais appris.[2]
59.—Le roi du monde est en danger.
Le Vent de l’Impermanence ne choisit pas de temps.[3]
[1. À peine la lune est-elle pleine qu’elle commence à décroître. Ainsi, l’apogée de la prospérité marque aussi le début du déclin de la fortune.
2. Kozô signifie « acolyte » aussi bien que « commerçant », « garçon de courses » ou « apprenti » ; mais dans ce cas, il s’agit d’un garçon employé dans une boutique située près ou devant la porte d’un temple bouddhiste. En écoutant constamment le sûtra psalmodié dans le temple, le garçon apprend à le répéter. Un proverbe de sens similaire est : Kangaku-In no suzumé wa, Môgyû wo sayézuru : « Les moineaux de Kangaku-In [ancien lieu d’apprentissage] chantent le Môgyû », un texte chinois autrefois enseigné aux jeunes étudiants. L’enseignement de l’un ou l’autre proverbe est parfaitement exprimé par un troisième : Narau yori wa naréro : « Plutôt que d’étudier [un art], habituez-vous à lui », c’est-à-dire « restez constamment en contact avec lui ». L’observation et la pratique valent encore mieux que l’étude.
3. La mort et le changement ne se conforment pas aux attentes humaines.] [ p. 185 ]0.—Neko mo Busshô ari.
Même chez un chat, la nature de Bouddha existe.[1]
61.—La lune brille.
L’intervalle de sommeil est le Paradis.[2]
62.—Le deuxième patron est également une pierre d’achoppement.
Chacun des vingt-cinq Bodhisattvas a son propre devoir particulier à accomplir.
63.—Avec le milieu, quiconque.
[D’abord] voyez la personne, [ensuite] prêchez la doctrine.[3]
64.—Le Grand Passage du Ninja.
Il n’est pas facile de naître parmi les hommes et d’avoir la chance d’entendre la doctrine du bouddhisme.
[1. Malgré la légende selon laquelle seuls le chat et le mamushi (une vipère venimeuse) n’ont pas pleuré la mort du Bouddha.
2. Ce n’est que pendant le sommeil que nous pouvons parfois cesser de connaître la tristesse et la douleur de ce monde. (Comparer avec le n° 83.)
4 Le bouddhisme populaire enseigne que naître dans le monde des hommes, et particulièrement parmi un peuple pratiquant le bouddhisme, est un immense privilège. Aussi misérable que soit l’existence humaine, c’est au moins un état où l’on peut acquérir une certaine connaissance de la vérité divine ; alors que les êtres vivant dans des conditions de vie inférieures sont relativement incapables de progrès spirituel.] [ p. 186 ]5. — Oni mo jiu-hachi._
Même un diable [est joli] à dix-huit ans.[1]
Même un diable, lorsque vous vous habituez à sa vue, peut s’avérer une connaissance agréable.
67.—Aujourd’hui est le jour.
Une massue de fer pour un démon.[2]
[1. Il existe de nombreux dictons et proverbes curieux sur l’oni, ou diable bouddhiste, tels que Oni no mé ni mo namida, « des larmes même dans les yeux du diable » ; Oni no kakuran, « le choléra du diable » (prononcé à propos de la maladie inattendue d’une personne très forte et en bonne santé), etc., etc. La classe de démons appelée Oni appartient proprement aux enfers bouddhistes, où ils agissent comme tortionnaires et geôliers. Il ne faut pas les confondre avec les Ma, Yasha, Kijin et autres classes d’esprits maléfiques. Dans l’art bouddhique, ils sont représentés comme des êtres d’une force énorme, à tête de taureau ou de cheval. Les démons à tête de taureau sont appelés Go-zu ; les Mé-zu à tête de cheval.
2. Ce qui signifie que les grands pouvoirs ne devraient être accordés qu’aux forts.] [ p. 187 ]8.—Oni no nyôbo ni hijin.
Un diable prend une gobeline pour épouse.[1]
69.—Je ne peux même pas tenir la chandelle face à une femme.
Avec un seul cheveu de femme, on peut attacher même un grand éléphant.
70.—Le Sangai d’Onna dans le Nashi.
Les femmes n’ont pas de foyer propre dans les Trois États de l’Existence.
71.—C’est la chose la plus importante.
Le karma des parents est répercuté sur l’enfant.[2]
72.—Je ne peux plus le supporter.
La fleur tombée ne revient jamais sur la branche.[3]
[1. Ce qui signifie qu’un homme méchant épouse généralement une femme méchante.
2. Se dit des parents d’enfants infirmes ou difformes. Mais l’idée populaire exprimée ici n’est pas entièrement en accord avec les enseignements du bouddhisme supérieur.
3. Ce qui a été fait ne peut jamais être défait : le passé ne peut être rappelé. — Ce proverbe est une abréviation du texte bouddhiste plus long : Rakkwa éda ni kaerazu ; ha-kyô futatabi terasazu : « La fleur tombée ne retourne jamais à la branche ; le miroir brisé ne se reflète plus jamais : »] [ p. 188 ]3. — Raku wa ku no tané ; ku wa raku no tané.
Le plaisir est la graine de la douleur ; la douleur est la graine du plaisir.
74.—Rokudô vient, je ne sais pas.
Les Six Routes sont juste devant vos yeux.[1]
75.—Sangai mu-an.
Il n’y a pas de repos dans les Trois États d’Existence.
76.—_Il n’y a pas de vénération dans la ville ;—Il n’y a pas de gloire dans la ville.
Il n’y a pas de clôture pour les Trois États de l’Existence ; il n’y a pas de voisinage pour les Six Routes.[2]
[1. C’est-à-dire que votre vie future dépend de votre conduite dans cette vie ; et vous êtes donc libre de choisir vous-même le lieu de votre prochaine naissance.
2. Dans les Trois États (Sangai), ou univers, du Désir, de la Forme et de l’Informe ; et dans les Six Mondes, ou conditions d’être, — Jigokudô_ (Enfer), Gakidô_ (Pretas), Chikushôdô_ (Vie Animale), Shuradô_ (Monde du Combat et du Massacre), Ningendô_ (Humanité), Tenjôdô_ (Esprits Célestes) — toute existence est incluse. Au-delà, il n’y a que le Nirvâna. « Il n’y a pas de barrière », « pas de voisinage », c’est-à-dire pas de limite au-delà de laquelle s’échapper, pas de voie médiane entre deux de ces états. Nous renaîtrons dans {note de bas de page p. 189} l’un d’entre eux selon notre karma. — Comparer avec le n° 74.] [ p. 189 ]7.—Sangé ni wa sannen no tsumi mo hôrobu.
Une seule confession efface les péchés de trois ans.
78.—Les enfants sont jeunes.
Même lorsque trois personnes se réunissent, il y a un monde de douleur.[1]
79—San et Yoreba, Monjû n’appelle pas.
Là où trois personnes se réunissent, se trouve la sagesse de Monjû.[2]
80.—Shaka est sekkyô.
Prêche à Sâkyamuni.
81.—Shami kara chorô.
Pour devenir abbé, il faut commencer comme novice.
[1. Kugai (littéralement : « monde amer ») est un terme souvent utilisé pour décrire la vie d’une prostituée.
Ce n’est qu’en étant mort qu’on entre dans la vie.[1]
83.—Shiranu est chaud ; minu est Gokuraku.
Ne pas savoir, c’est être un Bouddha ; ne pas voir, c’est le Paradis.
84.—Il n’y a pas d’enfant dans le temple.
Il n’y a pas de miracle dans la vraie doctrine.[2]
85.—Shô-chié ou Bodai non détruit.
Un peu de sagesse est une pierre d’achoppement sur le chemin de la bouddhéité.[3]
[1. Je n’entends jamais ce proverbe singulier sans me rappeler une phrase du célèbre essai de Huxley, Sur les bases physiques de la vie :_ « Le protoplasme vivant non seulement finit par mourir et se dissout en ses constituants minéraux et sans vie, mais il est toujours en train de mourir et, aussi étrange que puisse paraître le paradoxe, ne pourrait pas vivre s’il ne mourait pas. »
2. Rien ne peut arriver si ce n’est en vertu d’une loi éternelle et irrévocable.
3. Bodai est le même mot que le sanscrit Bodhi, signifiant l’illumination suprême, la connaissance qui mène à la bouddhéité ; mais il est souvent utilisé par les bouddhistes japonais dans le sens de félicité divine, ou de l’état de bouddha lui-même.] [ p. 191 ]6. — Shôshi no kukai hetori nashi.
Il n’y a pas de rivage à la mer amère de la naissance et de la mort.[1]
87.—Vendu non furi-awasé I tashô non en.
Même le simple fait de se toucher les manches en passant est causé par une relation dans une vie antérieure.
88.—Ils sont zen ; shaku aussi.
Un pouce de vertu, un pied de démon.[2]
89.—La piqûre n’est pas une malédiction.
Toute joie est source de tristesse.
90.—Aujourd’hui, j’ai beaucoup de nourriture.
Ainsi les insectes de l’été volent vers la flamme.[3]
91.—La sage-femme de Tsuchimoto.
Le jeu d’eau du Bouddha d’argile.[4]
[1. Ou, « la mer de douleur de la vie et de la mort ».
2. Ma (sanscrit, Mârakâyikas) est le nom donné à une classe particulière d’esprits qui incitent les hommes au mal. Mais dans le folklore japonais, les Ma jouent un rôle très similaire à celui des lutins et des fées dans la superstition populaire occidentale.
3. Dit spécialement en référence au résultat de l’indulgence sensuelle.
4. Autrement dit, « Aussi dangereux que pour un Bouddha d’argile de jouer avec de l’eau. » Les enfants s’amusent souvent à fabriquer de petites images bouddhiques en boue, qui se dissolvent et deviennent informes, bien sûr, si on les place dans l’eau.] [ p. 192 ]2.—Tsuki ni murakumo, hana ni kazé.
Des nuages à la lune, du vent aux fleurs.[1]
93.—Tsuyu no Inochi.
La vie humaine est comme la rosée du matin.
94.—Il y a un enfant.
La joie et la tristesse n’existent que dans l’esprit.
95.—L’eau n’est pas claire.
Les aubergines ne poussent pas sur les melons.
96.—Vous êtes un jeune homme.
Même un mensonge peut servir de stratagème.[2]
97.—J’ai un tatouage sexy.
Mes ancêtres familiaux étaient tous d’excellents Bouddhas.[3]
[1. La beauté de la lune est obscurcie par des masses de nuages ; les arbres à peine éclosent-ils que leurs fleurs sont dispersées par le vent. Toute beauté est éphémère.
2. C’est-à-dire un pieux procédé pour effectuer la conversion. Un tel procédé est justifié notamment par la célèbre parabole du troisième chapitre du Saddharma Pundarîka.
8 Ce qui signifie que l’on vénère surtout les hotoké — les esprits des morts considérés comme des bouddhas — dans son propre sanctuaire familial. Il existe un jeu de mots ironique sur le mot hotoké, qui peut désigner soit simplement une personne décédée, soit un bouddha. L’esprit de ce proverbe pourrait peut-être être mieux expliqué par un autre : Nigéta sakana ni {note de bas de page p. 193} chisai wa nai ; shinda kodomo ni warui ko wa nai — « Le poisson qui s’est échappé n’était jamais petit ; l’enfant qui est mort n’était jamais mauvais. »] [ p. 193 ]8. — Yuki no haté wa, Neban.
La fin de la neige est le Nirvâna.[1]
99.—Tout est bon; tout est bon.
La bonté [ou la vertu] est la récompense du bien ; le mal est la récompense du mal.[2]
100.—Zensé no yahusoku-goto.
Promis [ou, destiné] d’une naissance antérieure.[3]
2. Un proverbe pas aussi banal qu’il pourrait paraître à première vue ; car il se réfère particulièrement à la croyance bouddhiste selon laquelle chaque bonté qui nous est témoignée dans cette vie est un retour de bonté faite à d’autres dans une vie antérieure, et que chaque tort qui nous est infligé est le reflet d’une injustice que nous avons commise dans une vie antérieure.
3. Un dicton très courant, souvent prononcé pour évoquer le malheur d’une séparation, un malheur soudain, une mort subite, etc. (note de bas de page p. 194). On l’utilise notamment en relation avec le shinjû, ou suicide amoureux. On pense généralement qu’un tel suicide est le résultat d’une cruauté commise dans un état antérieur, ou la conséquence d’avoir rompu, dans une vie antérieure, la promesse mutuelle de devenir mari et femme.