Le gourou passa par Kiratpur, puis se rendit à Nirmoh. À Nirmoh, il remit à Gulab Rai et Sham Singh une lettre adressée au raja de Sirmaur, demandant qu’il leur accorde un village où s’installer. De Nirmoh, le gourou et son groupe se dirigèrent vers Ropar. Lorsque les troupes alliées attaquèrent l’arrière-garde d’Ajit Singh, Ude Singh demanda et obtint la permission de le relever. L’ennemi encercla et tua l’intrépide Ude Singh, héros de nombreuses batailles acharnées, le plus brave des guerriers du gourou, persuadé qu’il était le gourou lui-même.
Le gourou s’assit au bord d’un ruisseau [ p. 186 ] appelé Sarsa pour attendre l’issue du conflit. Ajit Singh tardant à venir, le gourou envoya Jiwan Singh le chercher. Jiwan Singh fut tué dans l’effort. Avant d’arriver à Ropar, le gourou rencontra * sa mère et ses deux plus jeunes enfants et les exhorta à poursuivre rapidement leur voyage. Un sikh résidant à Dihli rencontra également le gourou en chemin et lui demanda s’il pouvait lui rendre service. Le gourou proposa d’emmener sa famille à Dihli. Le sikh expliqua qu’il avait un parent à Ropar qui hébergerait la famille du gourou pour le moment. La mère du gourou rencontra un brahmane, originaire de Kheri, près de Sarhind, et cuisinier licencié du gourou. Ce dernier lui proposa de recevoir son groupe. Elle décida alors d’emmener ses petits-fils avec elle et d’accepter son abri et sa protection. Ses belles-filles passèrent la nuit à Ropar et partirent le lendemain pour Dihli sous la protection du fidèle Sikh.
Les forces alliées continuèrent de harceler la retraite du gourou. Il laissa quelques-uns de ses hommes à Ropar pour les arrêter et se dirigea lui-même vers Chamkaur avec trente-cinq Sikhs d’élite. En chemin, à Baru Majara, il reçut l’information qu’un nouveau contingent de l’armée impériale était sur le point de le capturer. Sans se laisser décourager, il poursuivit sa route vers Chamkaur. Arrivé près de cette ville, il se réfugia dans un jardin et fut rejoint par cinq des Sikhs qu’il avait laissés à Ropar. Tous les autres avaient été massacrés.
Le gourou envoya demander à un agriculteur jat un lieu de repos. Les Jat tentèrent de le dissuader par des excuses, mais le gourou le plaça en état d’arrestation. Il prit alors possession de la maison du Jat et la transforma en un petit fort où il trouva refuge avec ses hommes. Les forces alliées ne trouvèrent aucune trace de lui et furent très affligées par sa disparition. Mais les troupes en marche depuis Dihli découvrirent la résidence [ p. 187 ] du gourou et s’y rendirent. Les forces unies concentrèrent alors leur attaque sur le gourou et furent rejointes par ses anciens ennemis, les Ranghars et les Gujars.
Le gourou s’adressa alors à ses hommes : « Vous n’avez pas écouté mon conseil de rester à Anandpur. En partant, vous n’avez pas prévu que ce temps de péril arriverait un jour. Vous avez fait confiance aux serments des musulmans sur l’Ouran et aux hommes des montagnes sur leurs dieux et leurs vaches, et voici le résultat. Il n’y a plus aucune possibilité d’employer les moyens traditionnels pour faire face aux ennemis. Nous ne pouvons que nous défendre. Des centaines de milliers d’hommes nous combattent. Ne mourez pas comme des chacals, mais combattez courageusement comme vous l’avez fait jusqu’à présent, et vengez la tromperie pratiquée par ces grands pécheurs. Plus vous lutterez, plus grande sera votre récompense. Si vous tombez au combat, vous me rencontrerez en martyrs au paradis. Si vous triomphez, vous obtiendrez la souveraineté, et dans les deux cas, votre sort sera envié par les mortels. »
Après s’être ainsi adressé à ses Sikhs, le Guru désigna huit hommes pour garder chacun des quatre murs de son fort improvisé. Kotha Singh et Madan Singh gardaient la porte, lui-même et ses deux fils, Daya Singh et Sant Singh, le dernier étage. Alim Singh et Man Singh furent nommés sentinelles. Ainsi se composait le nombre de quarante hommes qui accompagnaient le Guru. Cinq Sikhs partirent affronter l’ennemi. Après avoir combattu avec une grande bravoure, ils furent tués. Puis Khazan Singh, Dan Singh et Dhyan Singh partirent et, après avoir tué plusieurs ennemis, périrent eux-mêmes. Le courageux Muhakam Singh, suivant l’exemple de ses compagnons, s’avança et tomba transpercé de dizaines de balles.
Tandis que le gourou louait la bravoure de Muhakam Singh et réclamait son émancipation, Himmat Singh, l’un des premiers sikhs baptisés, demanda la permission d’aller repousser [ p. 188 ] l’ennemi. Lorsqu’il fut tué, le deuxième groupe de cinq sikhs baptisés par le gourou partit et vendit chèrement sa vie. Ishar Singh et Deva Singh furent les suivants à affronter les musulmans. Tant qu’ils étaient en vie et combattaient, l’ennemi les croyait dotés de pouvoirs surnaturels.
Daya Singh et d’autres prièrent le Guru de s’échapper par tous les moyens et de les laisser affronter l’ennemi. Si le Guru était sauvé, la religion resterait. Six autres guerriers du Guru, Muhar Singh, Kirat Singh, Anand Singh, Lal Singh, Kesar Singh et Amolak Singh, demandèrent la permission d’aller se mesurer aux Turcs. Les six braves guerriers furent tous tués. Nahar Khan, l’un des officiers impériaux récemment arrivés, tenta d’escalader le petit fort, mais fut abattu par le Guru. Ghairat Khan, un autre officier de la nouvelle armée, s’avança ensuite et fut également tué par le Guru. Après cela, aucun des officiers musulmans n’eut le courage de tenter l’ascension fatale. Ils élaborèrent cependant un plan pour foncer sur le Guru et s’emparer de lui. Leur tentative échoua lamentablement, car le Guru les abattit en nombre et tint en échec l’armée musulmane nombreuse.
Le fils du gourou, Ajit Singh, demanda alors la permission d’aller combattre seul contre l’ennemi. Il déclara qu’il était le sikh et le fils du gourou, et qu’il lui incombait de combattre même dans des circonstances désespérées. Le gourou approuva cette proposition. Ajit Singh emmena avec lui cinq héros : Alim Singh, Jawahir Singh, Dhyan Singh, Sukha Singh et Bir Singh. Ajit Singh accomplit des prodiges de bravoure, et les musulmans tombèrent devant lui comme des buissons emportés par le vent. Ses compagnons combattirent tous avec courage et acharnement. Zabardast Khan, vice-roi de Lahore, fut profondément affligé de voir tant de ses hommes tués et appela son armée à détruire immédiatement la poignée de sikhs qui semaient tant de ravages dans les rangs impériaux. Lorsque le [ p. 189 ] Les épées des Sikhs furent brisées et leurs flèches épuisées, ils percèrent l’ennemi avec leurs lances. Ajit Singh brisa sa lance sur un musulman. L’ennemi lança alors une nouvelle attaque et le blessa mortellement,* malgré son impuissance. Il réalisa cependant qu’il avait agi comme il convenait à sa race. Il tomba et dormit paisiblement sur son lit sanglant. Le gourou, à sa mort, dit : « Ô Dieu, c’est Toi qui l’as envoyé, et il est mort en combattant pour sa foi. La confiance que Tu lui as accordée T’a été rendue. » Les cinq Sikhs qui l’accompagnaient furent également tués.
Zorawar Singh, le deuxième fils du gourou, constatant le sort de son frère, ne put se retenir et demanda à son père la permission d’aller combattre comme Ajit Singh l’avait fait pour venger sa mort. Le jeune homme emmena cinq autres sikhs avec lui et sema le chaos parmi l’ennemi. Le chroniqueur rapporte que Zorawar Singh se fraya un chemin à travers l’armée musulmane tel un crocodile dans un ruisseau. L’ennemi tomba comme la pluie au mois de Sawan et de Bhadon, jusqu’à ce que Zorawar Singh et ses cinq compagnons soient vaincus par le nombre.
Les Sikhs restants, voyant tout espoir perdu, conseillèrent de nouveau au Guru de s’enfuir. Il accepta, fit asseoir près de lui Daya Singh, Dharm Singh, Man Singh, Sangat Singh et Sant Singh, seuls survivants de l’armée, et leur confia la charge de Guru. Il dit : « Je serai toujours parmi les cinq Sikhs. Partout où cinq Sikhs parmi les miens se rassembleront, ils seront les prêtres de tous les prêtres. Partout où se trouve un pécheur, cinq Sikhs pourront lui donner le baptême et l’absolution. Grande est la gloire de cinq Sikhs, et quoi qu’ils fassent ne sera pas vain. Ceux qui donnent nourriture et vêtements à cinq Sikhs obtiendront d’eux la satisfaction de leurs désirs. » Disant cela, le Guru les contourna trois fois, déposa son panache et son cimier devant eux, leur offrit les bras et s’écria : « Sri Wahguru ji ka Khalsa ! Sri Waghuru ji [ p. 190 ] ki fatah!’ Sant Singh et Sangat Singh proposèrent de rester au fort tandis que Daya Singh, Dharm Singh et Man Singh décidèrent d’accompagner le gourou. Le gourou donna son panache à Sant Singh, le revêtit de son armure et le fit asseoir dans la chambre haute qu’il s’apprêtait à quitter. Le gourou et ses trois compagnons s’échappèrent pendant la nuit. Il leur dit que, si par hasard ils se séparaient de lui, ils devaient se diriger vers une certaine étoile qu’il indiquait.
Alors que le gourou s’échappait, il ordonna à ses hommes de tenir bon. Il leur dit qu’il allait réveiller l’ennemi afin qu’ils ne puissent pas dire qu’il s’était enfui. Les sentinelles turques furent immédiatement sur le qui-vive. Il décocha deux flèches sur eux. Les flèches atteignirent d’abord des torches qu’ils tenaient à la main, puis les transpercèrent. Dans l’obscurité qui suivit l’extinction des lampes, le gourou et ses compagnons s’échappèrent, mais ne voyageèrent pas ensemble. Il poursuivit son chemin pieds nus et, fatigué, s’assit pour se reposer au bord d’un lac dans la forêt de Machhiwara, entre Ropar et Ludhiana.
Sant Singh et Sangat Singh, restés dans le petit fort, infligèrent de lourdes pertes à l’ennemi. Les musulmans réussirent cependant à escalader le bâtiment et crurent enfin capturer le gourou dont Sant Singh portait la plume et la flèche. Khwaja Mardud ordonna que Sant Singh et Sangat Singh soient décapités et que leurs têtes soient envoyées pour régaler l’empereur. Les musulmans furent très déçus d’apprendre par la suite que Sant Singh n’était pas le gourou et que celui-ci s’était échappé. Ils envoyèrent des hommes aux domiciles connus de tous les faqirs du pays pour le rechercher, mais en vain.
Après cela, les armées se dispersèrent. Zabardast Khan, blessé lors de la récente bataille, se retira dans sa vice-royauté de Lahore, Wazir Khan partit [ p. 191 ] pour Sarhind, et Khwaja Mardud partit avec le reste de son armée pour renforcer l’empereur qui était toujours en campagne dans le sud de l’Inde.
Les trois Sikhs du Guru suivirent l’étoile qu’il leur avait indiquée et se retrouvèrent tous les quatre à l’endroit aujourd’hui appelé Bir Guru, dans la forêt de Machhiwara. Ses Sikhs le trouvèrent endormi, une cruche d’eau en guise d’oreiller. Ils le réveillèrent et lui annoncèrent que l’armée musulmane les attaquerait probablement à l’aube. Le Guru déclara qu’il ne pouvait pas se sauver, ses pieds étant couverts d’ampoules. Il indiqua aux Sikhs qu’ils pouvaient se réfugier dans un jardin voisin. Man Singh prit le Guru sur son dos et s’y rendit. Le Guru y trouva un Sikh nommé Gulaba, qui le traita, lui et ses fidèles serviteurs, avec gentillesse et hospitalité.
Gulaba hébergea le gourou dans un étage supérieur qu’il venait de construire. Le gourou demanda de la viande le lendemain, et on lui fournit un bouc qu’il tua d’un coup de feu. Gulaba craignit que des brahmanes et des saiyids voisins aient entendu le coup de feu. En effet, un brahmane l’entendit et soupçonna la présence du gourou dans le village. Il regarda et aperçut le gourou au dernier étage de la maison de Gulaba. Il s’avéra cependant que le brahmane était amical. Il avait déjà rendu visite au gourou à Anandpur et avait apprécié son hospitalité. En retour, il déposa sur une assiette des friandises et un fil sacrificiel hindou, qu’il envoya en offrande au gourou. L’offrande du fil sacrificiel était un indice subtil pour le gourou que le brahmane souhaitait le ramener à l’ancienne religion de l’Inde. Le gourou rendit les friandises et le fil avec un présent de cinq muhars d’or de sa part. Gulaba consulta son frère quant à la manière de se débarrasser du gourou. Ils craignaient pour leur sécurité si sa présence parmi eux venait à être révélée.
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Deux musulmans, Ghani Khan et Nabi Khan, qui avaient déjà connu et visité le gourou, arrivèrent alors chez Gulaba. Apprenant que les troupes impériales parcouraient le pays à sa recherche, ils décidèrent d’aller lui offrir leurs humbles services. Le gourou les pria de rester auprès de lui, et ils acceptèrent volontiers.
Gulaba et sa famille passèrent une nuit angoissée. Au petit matin, il se présenta au gourou avec un présent de cinq muhars d’or, qu’il présentait comme offrande d’adieu. Il lui fit part du danger qu’il avait couru en recevant son invité et le supplia d’avoir pitié de lui et d’organiser son départ.
Il arriva que, pendant que le gourou se trouvait chez Gulaba, une femme sikh vint lui rendre visite. Elle l’avait déjà vu et avait juré de filer et tisser du tissu pour lui, qu’elle conserverait jusqu’à son arrivée dans son village. Le gourou fit teindre le tissu en bleu, puis confectionner une robe et un drap, imitant la tenue d’un pèlerin musulman. Il quitta ensuite le village de Gulaba. Il était porté sur une litière que Ghani Khan et Nabi Khan soulevaient à l’avant, Man Singh et Dharm Singh à l’arrière, tandis que Daya Singh agitait un chauri au-dessus de lui. Ils informèrent tous ceux qui s’enquéraient qu’ils escortaient Uch ka Pir. L’expression Uch ka Pir désignait soit le grand prêtre au sens religieux général, soit le prêtre d’Uch, une célèbre cité musulmane du sud du Pendjab. À leur arrivée à Lal, dans l’État de Patiala, le gourou et ses porteurs tombèrent par hasard sur un détachement de l’armée impériale qui le recherchait. Le général soupçonna que le pèlerin n’était autre que le gourou et décida de le mettre à l’épreuve par son alimentation. Un somptueux dîner fut préparé pour le groupe. Le gourou dit à ses sikhs qu’ils pouvaient manger ce que les cuisiniers musulmans avaient préparé, ce qu’ils firent après avoir touché la nourriture [ p. 193 ] avec leurs épées. Un Saiyid ami de Nurpur, près de Machhiwara, alors officier du détachement, déclara que le gourou était en réalité Uch ka Pir. Sur ce, le général ordonna sa libération immédiate.