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Toutes les choses dans la nature agissent en silence. Elles naissent et ne possèdent rien. Elles remplissent leur fonction sans rien revendiquer.
Lorsque le mérite est acquis, ne le prenez pas pour vous-même ; car si vous ne le prenez pas pour vous-même, il ne vous sera jamais enlevé.
Suivez avec diligence la Voie dans votre propre cœur, mais ne la montrez pas au monde.
Restez en arrière, et vous serez devant; restez dehors, et vous serez retenus.
La bonté ne s’efforce pas, et c’est pourquoi elle n’est pas réprimandée.
Celui qui s’humilie sera préservé. Celui qui s’incline sera redressé. Celui qui est vide sera rempli. Celui qui est épuisé sera renouvelé. Celui qui a peu réussira. Celui qui a beaucoup s’égarera.
C’est pourquoi le Sage embrasse l’Unité et est un modèle pour tous sous le Ciel. Il est exempt de toute démonstration de soi, c’est pourquoi il rayonne ; exempt d’affirmation de soi, c’est pourquoi il se distingue ; exempt de toute glorification de soi, c’est pourquoi il a du mérite ; exempt d’exaltation de soi, c’est pourquoi il s’élève au-dessus de tous. Dans la mesure où il ne lutte pas, personne au monde ne peut lutter avec lui.
Celui qui, conscient d’être fort, se contente d’être faible, sera le modèle de l’humanité. Étant le modèle de l’humanité, la vertu ne l’abandonnera jamais. Il redeviendra un petit enfant.
Celui qui, conscient de sa propre lumière, se contente d’être obscur, sera le modèle du monde entier. Étant le modèle du monde entier, sa Vertu ne faillira jamais. Il revient à l’Absolu.
Celui qui, conscient de son mérite, se contente de subir l’opprobre, sera le centre d’attention de l’humanité. Devenu le centre d’attention de l’humanité, sa vertu est alors pleine. Il retrouve la simplicité parfaite.
Celui qui est grand doit faire de l’humilité sa base. Celui qui est élevé doit faire de l’humilité son fondement. Ainsi, princes et rois, en parlant d’eux-mêmes, utilisent les termes « solitaire », « sans amis », « de peu d’importance ». N’est-ce pas faire de l’humilité leur base ?
C’est ainsi que « certaines choses augmentent en diminuant, d’autres diminuent en augmentant ». Ce que d’autres ont enseigné, je l’enseigne aussi ; en vérité, j’en ferai la racine de mon enseignement.
Ce qui fait la grandeur d’un royaume, c’est qu’il est comparable à un fleuve qui coule, point central vers lequel convergent tous les petits cours d’eau sous le Ciel ; ou encore à la femme, partout dans le monde, qui, par sa quiétude, triomphe toujours de l’homme. Et la quiétude est une forme d’humilité.
C’est pourquoi, si un grand royaume s’humilie devant un petit royaume, il fera de ce petit son prix. Et si un petit royaume s’humilie devant un grand royaume, il triomphera de ce grand royaume. Ainsi, l’un s’humilie pour réussir, l’autre réussit parce qu’il est humble. Si le grand royaume n’a d’autre désir que de rassembler les hommes et de les nourrir, le petit royaume n’aura d’autre désir que de se mettre au service de l’autre. Mais pour que tous deux puissent satisfaire leurs désirs, le grand doit apprendre l’humilité.
Si les rivières et les mers peuvent dominer des centaines de torrents, c’est parce qu’elles savent les dominer. C’est pourquoi elles peuvent régner sur tous les torrents.
C’est pourquoi le Sage, voulant être au-dessus du peuple, doit, par ses paroles, se placer au-dessous d’eux ; voulant être devant le peuple, il doit se placer derrière lui. Ainsi, bien qu’il soit au-dessus d’eux, le peuple ne ressent pas son poids ; bien qu’il soit devant eux, ils ne le ressentent pas comme une offense. C’est pourquoi toute l’humanité se plaît à l’exalter, et ne se lasse pas de lui.
Le Sage n’attend aucune reconnaissance pour ce qu’il fait ; il acquiert du mérite mais ne le prend pas pour lui-même ; il ne souhaite pas afficher sa valeur.
J’ai trois choses précieuses, auxquelles je tiens fermement et que je chéris. La première est la douceur ; la deuxième est la frugalité ; la troisième est l’humilité, qui m’empêche de me mettre en avant des autres. Soyez doux, et vous pourrez être audacieux ; soyez économe, et vous pourrez être généreux ; évitez de vous mettre en avant des autres, et vous pourrez devenir un leader parmi les hommes.
Mais aujourd’hui, les hommes rejettent la douceur et se tournent vers l’audace ; ils méprisent la frugalité et ne conservent que l’extravagance ; ils rejettent l’humilité et ne cherchent qu’à être les premiers. C’est pourquoi ils périront certainement.
La douceur apporte la victoire à celui qui attaque, et la sécurité à celui qui défend. Ceux que le Ciel veut sauver, il les encercle de douceur.
Les meilleurs soldats ne sont pas guerriers ; les meilleurs combattants ne s’emportent pas. Les plus grands conquérants sont ceux qui vainquent leurs ennemis sans combat. Les plus grands dirigeants sont ceux qui cèdent la place aux autres. C’est ce qu’on appelle la vertu de ne pas lutter, la capacité de diriger l’humanité ; c’est être le compagnon du Ciel. C’était le but suprême des anciens.