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Les rédacteurs de cette série sont convaincus que l’Église chrétienne dans son ensemble est confrontée à une crise majeure, quoique largement silencieuse, et à une opportunité sans précédent. Ils partagent la même vision quant à la manière de répondre à cette crise et à cette opportunité. Le temps est révolu où l’« apologétique » pouvait avoir une grande valeur. Il faut plus qu’une simple défense de propositions déjà acceptées par l’autorité, voire une révolte contre elles. On peut prédire que le nombre de personnes se contentant de fonder leur religion sur l’autorité de la Bible ou de l’Église diminue régulièrement, et qu’il continuera de diminuer avec l’efficacité croissante de l’éducation populaire. Nous ne répondrons donc pas à ce besoin, si nous l’avons correctement diagnostiqué, par des dissertations, aussi savantes soient-elles, sur l’interprétation de la Bible ou l’histoire de la doctrine chrétienne. Il ne nous faut rien de moins qu’un effort sincère, courageux et éclairé pour repenser, à la lumière des connaissances modernes, les affirmations fondamentales de notre christianisme commun. Tel est l’objectif de chaque auteur de cette série.
Une autre concordance caractérise, nous l’espérons, les ouvrages qui seront publiés dans cette collection. Les auteurs [ p. viii ] partagent une même vision, non seulement du problème posé, mais aussi du point de départ de la reconstruction. Ils souhaitent mettre l’accent sur la valeur et la validité de l’expérience religieuse et développer leur théologie à partir de la conscience religieuse. Ce faisant, ils se disent en harmonie avec la pensée moderne. Les réalisations majeures des XIXe et XXe siècles reposent sur la méthode de l’observation et de l’expérimentation, sur l’expérience, et non sur un raisonnement abstrait a priori. Nous soutenons que l’expérience morale et spirituelle de l’humanité a le droit d’être considérée comme comprise.
On pourrait citer de nombreux penseurs éminents pour étayer l’affirmation selon laquelle les philosophes sont désormais plus disposés qu’auparavant à considérer l’expérience religieuse comme l’une de leurs données les plus significatives. L’un d’eux a déclaré : « Rien n’est plus réel que ce qui se présente dans la religion. Comparer de tels faits à ce qui nous est donné dans l’existence extérieure serait se jouer du sujet. Qui exige une réalité plus solide que celle de la conscience religieuse, cherche il ne sait quoi. »[1] Cette appréciation de l’expérience religieuse ne vient pas seulement de penseurs idéalistes. Un philosophe qui écrit du point de vue des mathématiques et des sciences naturelles a exprimé la même pensée dans un langage encore plus percutant. « Le fait de la vision religieuse, et son histoire d’expansion constante, est notre seul motif d’optimisme. Hormis cela, la vie humaine est un éclair de joies occasionnelles illuminant une masse de [ p. ix ] souffrance et de misère, une bagatelle d’expériences passagères. » [2]
La conviction que l’expérience religieuse doit servir de point de départ à la reconstruction théologique n’implique évidemment pas que nous soyons dispensés du travail de réflexion. Au contraire, elle doit servir de stimulant à la réflexion. Aucune expérience ne peut être prise au pied de la lettre ; elle doit être critiquée et interprétée. De même que les sciences naturelles ne pourraient exister sans l’expérience et la réflexion sur l’expérience, de même la théologie ne peut exister sans la conscience religieuse et la réflexion sur celle-ci. Nous ne déplorons pas non plus que l’« expérience » ne soit autre chose que l’expérience globale de l’humanité, dans la mesure où elle a partagé la conscience chrétienne. Comme l’a si bien dit Mazzini : « La tradition et la conscience sont les deux ailes données à l’âme humaine pour atteindre la vérité. »
L’objectif des auteurs et des éditeurs de cette collection a été de produire des études sur les principaux aspects du christianisme, à la fois intelligibles et intéressantes pour le grand public, tout en attirant l’attention du spécialiste. Après tout, en matière de religion, nous traitons d’un sujet ouvert à tous, et le plan des ouvrages n’exige pas qu’ils approfondissent des questions d’érudition minutieuse. Nous avons eu l’ambition de produire des ouvrages qui trouveront une place utile dans les bibliothèques des ecclésiastiques et des ministres du culte, et tout autant dans celles des laïcs avisés. Peut-être avons-nous contribué à combler le fossé qui sépare trop souvent la chaire des bancs de l’église.
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Naturellement, le plan de notre série nous a conduits à laisser la plus grande liberté aux auteurs des livres pour développer leurs propres idées, et notre rôle s’est limité strictement à une invitation à contribuer et à des suggestions concernant le mode de présentation. Nous espérons que cette série apportera une contribution utile au grand débat sur la religion qui se déroule secrètement dans l’esprit de notre époque, et nous prions humblement pour que leurs efforts et les nôtres soient bénis par l’Esprit de Vérité pour l’édification de l’Église universelle du Christ.